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Exposition Jean-Léon
Gérôme
(1824-1904).
L'histoire en spectacle
(Musée d'Orsay : 19 octobre 2010 - 23 janvier
2011) |
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«Je crois que je mérite
d'être un peu tranquille,
j'ai eu quarante-cinq visites et sur quarante-cinq,
il y en a eu quarante-deux qui ont parlé
du tableau de Gérôme !»
PROUST, A l'ombre des jeunes filles en fleurs
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Le Musée d'Orsay (Paris)
présente l'un des peintres les plus célèbres
de son temps, Jean-Léon Gérôme. Cette exposition
qui a déjà été présentée
à Los Angeles est la première rétrospective
en France autour de l'artiste depuis sa disparition en 1904 (un
superbe catalogue a été édité à
cette occasion, en coédition avec Skira).
Metteur en scène de l'histoire, il a su faire redécouvrir,
entre autres, l'Antiquité à ses contemporains par
des compositions originales donnant l'illusion du vrai. Ses tableaux
et sculptures ont largement contribué à inspirer
les cinéastes du début du XXe s. jusqu'à
nos jours, mais aussi des dessinateurs de BD. Il fut en son temps
l'objet de polémiques ou de commentaires acerbes : «Ici
le sujet est tout, la peinture n'est rien : la reproduction vaut
mieux que l'uvre» (Zola). Grand contempteur des
Impressionnistes qu'il considérait comme la honte de la
France, Gérôme disparut en 1904, en peintre académique
honni de la critique - au moment même où la peinture
s'affranchissait des codes qu'il avait officiellement défendus
avec opiniâtreté. De son vivant, il avait été
l'un des peintres les plus célèbres, l'un des plus
admirés et collectionnés. Le courant dont il avait
été la figure de proue ne devait pas lui survivre
: aujourd'hui encore, il demeure l'un des artistes les plus mal
vus, l'un des moins «critiqué» aussi.
C'est de Amérique, vers laquelle nombre de tableaux majeurs
convergèrent dès les années 1870, que survint
à la fin des années 1960 la «réhabilitation»
de cette uvre d'une richesse complexe. Sans les travaux
pionniers de Gerald Ackerman (1),
Gérôme n'aurait pas repris sa place légitime
dans l'art de la deuxième moitié du XIXe s., alors
que sa reconnaissance au pays natal tarde toujours. C'est du reste
avec toutes sortes de précautions muséographiques
et oratoires que le Musée d'Orsay présente l'exposition,
se défendant de vouloir réhabiliter ces toiles accrochées
à des murs repeints en vert notaire, bleu Iznik ou rouge
pompéien comme pour mieux en faire ressortir le côté
kitsch.
Longtemps considéré comme le tenant emblématique
d'un académisme stérile, Gérôme est
aujourd'hui compris comme l'un des grands créateurs/producteurs
d'images du XIXe s., «Un de ceux, aussi, qui ont su réinventer
la peinture d'histoire en se débarrassant des codes classiques
et en imposant un certain réalisme» (Stéphane
Guégan).
Quand on examine son uvre, l'évidence somme toute
banale que la peinture pompier - ainsi nommée à
cause de ses personnages casqués - aura le cinéma
historico-mythologique pour aboutissement logique, prend tout
son sens. Gérôme mettait en scène des péplums
: sa manière de s'insérer dans le mouvement/dans
le temps, sa large utilisation de l'espace le prouvent (2).
Comme un cinéaste, Gérôme hyperdocumenté
- et ayant, par ailleurs, fait de nombreux séjours en Orient
- n'hésite pas à reprendre une mosaïque d'Istamboul
pour l'insérer dans une scène cairote. Comme un
cinéaste - ou comme un auteur de romans historiques - il
intègre des sentiments contemporains comme dans Phryné
devant l'Aréopage (1861), où il oppose la diaphane
nudité de l'hétaïre, la faiblesse de son intimité
dévoilée, à la goguenarde convoitise de ses
juges tout de rouge drapés. Certains se sont étonnés
de ce que cette prostituée professionnelle ait eu ce sursaut
de «pudeur petit-bourgeoise» lorsque Hypéride
la dénude. Leurs compétences remises en cause, comment
donc réagiraient face à leurs juges ceux qui font
profession d'être critiques d'art - si ce n'est avec un
semblable haut-le-corps ? Après tout Phryné, avait
donné son corps en modèle à plusieurs statues
d'Aphrodite, dont une «Vénus pudique» (Pline)
! On a aussi objecté à cette toile que le vêtement
féminin antique étant un complexe assemblage de
plusieurs tuniques, rubans et agrafes, il ne pouvait s'ôter
d'un seul mouvement... dramatique. Répondons-leur que tout
l'art de Burne Hogarth - le meilleur dessinateur de Tarzan - résidait
justement dans sa capacité de contenir deux mouvements
différents en une seule vignette.
Enfin, observons que l'uvre de Gérôme propose
deux sections thématiques bien spécifiques quoique
s'interpénétrant souvent : l'Antiquité gréco-romaine
et l'Orientalisme. Gageons que ses harems fantasmatiques, avec
leurs odalisques voluptueusement nues, n'étaient pas totalement
absents de l'esprit des (sages) fantaisies orientales que dans
les années '40-'50, autour de Maria Montez et des sémillants
Tony Curtis et John Derek produira Universal.
On le voit, tout oriente vers le mouvement cinématographique
le support de Gérôme, statique par définition
et pourtant constamment en mouvement. L'intérêt de
l'artiste pour la photographie - puisque c'est sur une abondante
documentation photographique qu'il créait ses uvres
- suggère qu'il aurait aimé le cinéma s'il
n'était décédé (1904) alors que le
Septième Art n'en était alors qu'à ses premiers
balbutiements. Il n'est pas indifférent en noter, en tout
cas, que parmi ses collectionneurs actuels figurent des noms de
gens de cinéma aussi prestigieux que Sean Connery ou Jack
Nicholson...
Pour ceux qui explorent la gladiature en archéologie
expérimentale, Jean-Léon Gérôme est
notoirement celui qui a popularisé les clichés du
pouce baissé et du poisson surmontant le casque du mirmillon
(Pollice Verso), également celui du «Ceux
qui vont mourir te saluent» (Ave Cæsar).
Du Quo Vadis de Guazzoni (1912) à Gladiator
(2001), il a marqué le péplum de manière
indélébile. Pollice verso est sans doute
la toile «pompier» la plus célèbre de
toute l'histoire de l'Humanité. C'est elle que les producteurs
de DreamWorks mirent sous le nez de Ridley Scott, pour le convaincre
de tourner Gladiator ! Ce tableau a été reproduit
dans tous les bouquins. Et quand nous avions onze ans, il figurait
aussi dans notre manuel de latin. Quoique sachant fort bien que
les Romains ne connaissaient pas la photographie, nous nous demandions
alors, dans ce cas, comment on avait pu obtenir une telle photo...
La «Patrouille du Temps» ?
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1.
Aue Caesar !
Gérôme, Ave Cæsar
(1859), repris comme un tableau vivant dans Quo Vadis
(1912) de Guazzoni |
Aue Cæsar ! L'épisode est dans Suétone,
confirmé par Tacite et concerne un épisode bien
spécifique : la naumachie inaugurant l'assèchement
du lac Fucin (SUÉT., Claude, XXI; TAC., An.,
XII, 56). Dix-neuf mille condamnés à mort répartis
en deux flottes de douze trirèmes ou quadrirèmes
chacune, les «Rhodiens» et les «Siciliens»,
s'affrontèrent sine missio, tenus en joue par les
catapultes des prétoriens. Déstockage de prisonniers
de guerre ? En tout cas sûrement pas des gladiateurs, bien
qu'on ait voulu les prendre pour tels parce que l'anecdote venait
à la suite d'une autre où il était réellement
question de gladiateurs.
Ces condamnés à la noxii ad gladium, de toute
évidence, ne pouvaient être des gladiateurs s'affrontant
en duel par paires et sous la surveillance d'un arbitre veillant
au respect des règles d'une escrime codifiée. En
outre, ceux-ci étant au Ier s. de n.E. des athlètes
de haut niveau coûtant fort cher, ils mourraient rarement
(on parle d'un seul tué pour cent combats).
Il est clair que les participants à cette naumachie étaient
tout le contraire de gladiateurs : c'étaient de la chair
de boucherie, des condamnés destinés à mourir
et dont la seule préoccupation était de rester en
vie le plus longtemps possible, de reculer de quelques instants
encore l'échéance de leur mort, peut-être
dans l'espoir d'une problématique échappatoire (ce
qui semble bien avoir été le cas pour les derniers
à tenir encore debout, selon Tacite).
2. Pollice uerso
Pollice
verso (1872) et son interprétation
cinématographique (Quo vadis ?, 1912).
Un gladiateur bedonnant, le corps couturé de cicatrices,
presse de son pied la carotide d'un jeune rétiaire
terrassé, dont le doigt tendu implore grâce.
A côté de la loge impériale, les vestales,
baissant le pouce (pollice verso), réclament
la mort du maladroit. Avec une précision hyperréaliste,
l'artiste a précisé les traits de lumière
filtrant par les ouvertures des velaria, ces larges
panneaux de toile tendus au-dessus des spectateurs pour
les protéger des ardeurs du soleil |
C'est Juvénal qui, le premier, parla de uerso pollice
(et non de pollice uerso), en évoquant certain douteux
entrepreneur de jeux, qui munera nunc edunt et, uerso pollice
uulgus cum iubet, occidunt populariter, «quand le peuple
l'ordonne en renversant le pouce, ils vous tuent des gens, pour
se faire bien venir de lui» (trad. P. Labriolle & Fr.
Villeneuve) (JUV., Sat., III. 36-37). Près de quatre
siècles plus tard, le chrétien Prudence, dans son
Contre Symmaque, voulant stigmatiser la fausse vertu des
Vestales païennes, les décrit condamnant à
mort le gladiateur vaincu : pectusque iacentis uirgo modesta
iubet conuerso pollice rumpi, «et la poitrine de celui
qui est à terre, l'honnête vierge, en retournant
le pouce, ordonne de la briser» (PRUD., C. Sym.,
II, 1098-99). L'anecdote ne manque pas de piquant, car en règle
à Rome, lorsque marchant au supplice un condamné
à mort croisait une Vestale, il était aussitôt
gracié, ainsi que nous l'apprend Plutarque dans sa Vie
de Numa Pompilius (PLUT., Numa, XVIII) ! Chrétien
convaincu et militant, Prudence n'aurait «pu assister
à ce genre de spectacle, interdit à ses coreligionnaires.
Il cherche [tout comme nous] à s'en faire une idée
d'après les sources littéraire», notait
Michel Dubuisson, suspectant Prudence de s'être inspiré
de Juvénal. Les Vestales étaient les parangons de
toutes les vertus romaines, certes, mais dans le passé
le fâcheux exemple que quelques unes d'entre elles avait
notoirement écorné leur réputation (3)
: Prudence pouvait broder là-dessus pour discréditer
l'ancienne religion. Quoiqu'il en soit, Gérôme tenait-là
le sujet de sa seconde toile «gladiatorienne», Pollice
verso. Et, relayé par toutes les «Vies quotidiennes
à Rome» - Carcopino, Paoli, etc. -, le cinéma
et la BD, le cliché aura la vie dure. (A noter que Prudence
n'écrivit pas pollice uerso, ni uerso pollice,
mais conuerso pollice, ce qui emble indiquer que pour lui
déjà, le sens à attribuer à uerso
ne paraissait pas très clair.)
Martial nous parle d'un certain Hermogène spécialisé
dans le chapardage des mouchoirs, à l'amphithéâtre
ou ailleurs. Cretatam prætor cum uellet mittere mappam,
«Le préteur [voulait, en vain,] lancer une serviette
(mappa) blanchie à la craie» [pour gracier
le gladiateur Myrinus, blessé] (trad. H.J. Izaac) (MART.,
Epigr., XII, 28, 7-9).
De quelle manière le peuple romain marquait-il sa faveur
ou sa défaveur pour le gladiateur vaincu ? Le pouce baissé
pour la mort, levé pour la grâce ? Pouce dressé
(non attesté, du reste), en opposition avec celui de la
mort, baissé : il nous paraît assez improbable que
l'éditeur des jeux, d'où il se tenait, ait pu voir
ce que le peuple faisait de ses doigts. En revanche, il pouvait
très bien apercevoir les mouchoirs agités en signe
de grâce, soulignés par un Mitte ! («Renvoyez-le
!») repris en chur - ou un Jugula ! («Egorgez-le
!») quitte, dans les gradins, à le souligner d'un
geste, bien connu, du pouce dirigé vers la poitrine ou
plus probablement vers la gorge.
Il n'est pas invraisemblable non plus que le geste du premere
pollicem (PLINE, H.N., XXVIII, 25), c'est-à-dire
le pouce rentré dans le poing serré, comme un glaive
rentré dans son fourreau (vagina), ait pu, de l'endroit
privilégié où se tenait l'éditeur
ou le magistrat, confirmer la grâce pour le vaincu. Mais
nous laisserons aux latinistes le soin d'en débattre grammaticalement.
3. Le maître de la peinture
d'histoire hyperréaliste
Pollice verso nous montre un «mirmillon» terrassant
un rétiaire. Nous reviendrons plus loin sur la problématique
panoplie du gladiateur vainqueur. N'oublions pas que Gérôme
peignait en 1872 et que pour cette scène d'amphithéâtre,
dans un louable souci d'authenticité il a utilisé
des photographies de casques et d'armes retrouvés à
Pompéi pendant les fouilles de 1766-1768. Depuis lors,
sous la plume des historiens, on a pu lire tout et son contraire
à propos des gladiateurs et de leurs différentes
armaturæ (dans le roman qui éblouit notre
enfance, Spartacus, le Fléau de Rome de Michel Duino,
le mirmillon manie la lance - regrettable confusion avec l'hoplomaque).
Mais ce n'est que depuis une bonne dizaine d'années que
l'on voit des spécialistes des arts martiaux confronter
leur expertise avec celle des archéologues, et - sur la
base d'un corpus de 1.600 représentations figurées
- sérieusement étudier la gladiature, la confrontant
aux textes et aux inscriptions. Et que l'on s'est aperçu
que les pièces d'équipement n'étaient pas
distribuées au hasard, ou selon l'humeur des combattants.
D'après Dominique de Font-Réaulx (Musée
du Louvre), commissaire de l'Exposition Gérôme, jamais
aucun peintre n'avait au préalable cherché à
reconstituer les jeux du cirque. Jean-Léon Gérôme
fut donc prophète en l'espèce, et traita du sujet
à quatre reprises (cinq si l'on rajoute une petite toile
sur les courses de chars dans le cirque (La course de chars,
1876 [4]))
: deux mettent en scène les gladiateurs (Ave
Cæsar, 1859; Pollice verso,
1872); deux autres le supplice des chrétiens (Dernières
prières des martyrs chrétiens, 1883; Les
lions dans le cirque, 1902). En outre il exécuta
un superbe bronze Les gladiateurs (1874)
reprenant les principaux personnages de Pollice Verso,
médaille d'honneur du salon en 1878, complété
en 1905 par une sculpture - uvre de son gendre Aimé
Morot - représentant l'artiste lui-même «sculptant
les gladiateurs», aujourd'hui orgueil du Musée d'Orsay.

Le gobelet de Chrysippus (Lyon, -30) semble
démontrer qu'à l'origine le rétiaire
pouvait être entièrement cuirassé et
casqué (d'après E. TEYSSIER, La Mort en
face) |
Pour satisfaire à la comptine du rétiaire selon
Festus (5)
: Quid me fugis, Galle ? Non te peto, piscem peto, «Pourquoi
fuis-tu Gaulois, je n'en veux qu'à ton poisson»,
le mirmillon (issu du gallus) aurait porté sur son
casque un cimier en forme de poisson, justifiant ainsi son nom
de murmillo - du grec murmoros, «morme»
(6).
Or sur la toile de Gérôme le poisson au-dessus de
la visière du casque du vainqueur (bedonnant sur la toile,
mais beaucoup plus athlétique dans la sculpture) est un
élément surajouté par rapport aux casques
retrouvés à Pompéi dont l'artiste s'est inspiré.
En fait, des motifs marins (ancres, dauphins), figurent gravés
aussi bien sur les casques des gladiateurs-épéistes
que sur le galerus du rétiaire. De toute évidence,
cet élément surajouté par Gérôme
aurait défavorisé l'antagoniste du rétiaire,
en offrant prise aux mailles de son filet (l'évolution
se faisant vers le secutor, disposant d'un armement admirablement
profilé justement pour éviter de se prendre dans
les rets). De fait, on ne parle pas du retiarius avant
le règne d'Auguste, et le gobelet de Chrysippus (Lyon,
-30) semble démontrer qu'à l'origine le rétiaire
pouvait être entièrement cuirassé et casqué
- le contraire de ce qu'il sera plus tard.
A gauche : le groupe sculpté par Léon
Gérôme, complété par la statue
de l'artiste exécutée par son gendre Aimé
Morot : Gérôme exécutant Les gladiateurs
(1878-1905) (Musée d'Orsay). A droite : le gladiateur
de Pollice verso (détail), une représentation
pionnière... |
|
Gérôme, qui ne pouvait
être que dans l'ignorance de ces [récents] travaux
sur la gladiature, nous a donc représenté un
gladiateur hybride. A priori et abstraction faite du
détail du poisson, le vainqueur de Pollice verso
aurait pu être un thrace puisqu'il est parmatus
et équipé de deux ocreæ.
Cependant, outre le fait que l'iconographie ne nous montre
jamais le thrace opposé au rétiaire (plus de
détails sur le thrace ici : CLICK)
: |
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ses jambières
(ocreæ) [ici la droite est plus courte que la gauche]
ne remontent point à mi-cuisses, ainsi qu'elles devraient
l'être chez les thraces (et les hoplomaques qui en sont
dérivés).
Les ocreæ remontant jusqu'aux genoux sont normalement
attribuées au provocator, dont le bouclier est
d'une hauteur moyenne - à mi-chemin entre le scutum
des mirmillons/samnites/secutores et la parma des thraces/hoplomaques.
A noter qu'entre son pagne (subligar, subligaculum)
et ses hautes ocreæ, les cuisses du thrace sont
généralement cuirassées de fasciæ
(bandes de cuir durci), |
— |
n'insistons pas sur le pagne du
gladiateur qui ici, sur les flancs, semble couvert d'écailles
métalliques, détail inventé par l'artiste, |
— |
son petit bouclier (parma)
est rond au lieu d'être carré. Le bouclier des
thraces, en effet, est carré et cintré (celui
des hoplomaques est rond, ou plus exactement hémisphérique)
(7), |
— |
son casque est certes bien
du modèle «fermé» découvert
à Pompéi. Mais le casque du thrace devrait normalement
être surmonté d'une crête en forme de griffon, |
— |
sur le bras droit, il porte un
manchon de protection, la manica, commune à
tous les gladiateurs (sauf le rétiaire qui la porte
sur le bras gauche, surmontée du galerus qui
protège sa tête dépourvue de casque), |
— |
enfin son épée
est une sorte de gladius, de trop grande taille pour
l'époque que nous suggère le décor du
Colisée (?), c'est-à-dire la seconde moitié
du Ier s de n.E. En fait, un thrace aurait dû être
armé d'une sica, un poignard courbe... |
A noter que l'on peut admirer
au Musée de Vesoul une épreuve en plâtre
patiné noir du «mirmillon» (1879 ?)...
armé d'une sica de thrace (8)
! Cette statuette, offerte par l'artiste au Musée de
Vesoul en 1879, a dû servir d'étude pour le groupe
des Gladiateurs (1874-1878). |
Insistons bien sur le fait que Gérôme a usé
de la documentation disponible de son temps, et qu'il faisait
ici uvre de précurseur. Cent quarante ans plus tard,
l'archéologie expérimentale pourra - à juste
titre - en montrer du doigt les défauts, mais il se pourrait
bien que sans Gérôme personne ne se serait jamais
scientifiquement intéressé à la gladiature
!
Deux ans à peine après l'exposition de la toile
du Maître de Vesoul, le garibaldien Rafaello Giovagnoli,
dans le premier chapitre de son roman Spartacus (1874 [trad.
fr. Albin Michel, 1919]), décrit un duel rétiaire-mirmillon
qui de toute évidence doit tout à la toile de Gérôme
: on y trouve même les Vestales abaissant
le pouce ! Un mythe était né, qui aura la vie dure.
(A noter que Giovagnoli, par exemple, affrontait
dans l'arène des secutori et des lacqueatori
(sic) «armés du trident et du lasso», ce
qui est aberrant [9].)
Ne nous appesantissons pas sur
Spartacus, le gladiateur le plus célèbre de
l'Histoire. Disons simplement qu'il en existe deux traitements
: |
1) |
Le premier, romanesque, semble
avoir été initié par le tragédien
français Bernard-Joseph Saurin qui
composa en 1760 un Spartacus où le héros
tombait amoureux d'une noble romaine etc. Rafaello
Giovagnoli en a repris l'idée, et à sa suite
le cinéma italien [qui ne cite pas délibérément
sa source] dont Giovanni Enrico Vidali (1913) [qui emprunte
aussi à Saurin le personnage traître de Noricus]
et Riccardo Freda
(1952)...
Giovagnoli était un nationaliste qui identifiait avec
les Autrichiens les Romains oppresseurs du peuple italien.
A noter que son Spartacus était un proche de Catilina
avant son heure, et jouissait de la sympathie du démocrate
Jules César - il faut préserver la gloire de
l'héritage romain ! |
2) |
Le second traitement est marxiste.
Après Voltaire («Il faut avouer que de toutes
les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être
la seule juste» [d'après Edgard Quinet, 1853]),
il est initié par certains révolutionnaires
de 1789, évoqué par Lamartine (Toussaint-Louverture,
1850) et Urbain Gohier (Spartacus, 1905), continué
par Rosa Luxembourg et les communistes allemands, prolongé
par Arthur Koestler (1938) et Howard Fast (1950), pour aboutir
au film de Kirk Douglas/Stanley Kubrick (1960) et son remake
TV de Robert Dornhelm (2004), qui tous deux se réclament
de Fast; le projet United Artist d'adapter Koestler à
l'écran ayant avorté (1959). |
3) |
Pour être complet, il en
existe aussi une récupération homosexuelle,
mais on n'a pas encore fait de film là dessus. Tout
au plus une brève allusion dans la série Spartacus
: Blood and Sand. Aussi dans le Spartacus de
Kubrick : «Préfères-tu les huîtres
ou les escargots, Antoninus ?», demande Crassus
à son esclave. |
4. ... et la série
chrétienne

Dernières prières
des martyrs chrétiens,
1883 |

Les lions dans le cirque, 1902 |
Aucun rapport avec la gladiature, sauf le contexte du cirque
romain. Les supplices auxquels ont été livrés
les chrétiens persécutés relevant de l'exécution
publique de criminels - ou considérés comme tels
- condamnés à mort. |
----------oOo---------- |
Notule à propos du Spartacus de Bernard-Joseph
Saurin (1760)
Dans la
pièce de Bernard-Joseph Saurin, Spartacus chantre du
pacifisme bêlant s'opposait à la Rome conquérante
et inique de son temps (mais nullement à la Rome patriote
du temps des Scipions). Spartacus est un prince germain (ce détail
sera reproché à l'auteur), fils du roi des Suèves
Arioviste et d'Ermanagarde. Certes, il s'étonne du droit
que se sont arrogés les Romains de ravager et conquérir
les pays voisins, dont le sien, mais néanmoins semble davantage
résolu à venger le meurtre de sa mère (10)
(dont il tient responsable Crassus, lequel bien entendu est innocent
- n'étant pas présent ce jour là) qu'à
venger les opprimés. Il est suivi par Noricus qui, lui,
veut venger son fils tué par les Romains.
Mais tout en admirant Spartacus, le gladiateur gaulois Noricus
- naguère prince des Insubriens - jalouse secrètement
son chef, et finit par le trahir en se ralliant aux Romains lors
de la bataille finale. En fait, le médiocre Noricus reproche
à Spartacus de ne pas davantage se lier à la cause
des rebelles en procédant à un sacrifice humain
: l'immolation d'Emilie, fille de Crassus, dont le gladiateur
thrace est tombé amoureux lors de la prise de Tarente,
quand ses amis révoltés s'apprêtaient à
la violer et à l'assassiner. La situation n'est pas sans
faire songer à celle d'Achille refusant de se rendre complice
d'un sacrifice humain, celui d'Iphigénie, dans Iphigénie
en Aulide d'Euripide.
Autre situation invraisemblable : le consul Romain Crassus est
prêt à négocier l'amnistie des rebelles contre
la restitution d'Emilie - la fille bâtarde qu'il n'a jamais
connue. Et celle-ci prétend que, son père étant
absent, il n'est pas responsable de la mort de la mère
de Spartacus. Mais comment le sait-elle ? Par fièreté,
Emilie et Spartacus préféreront la mort au compromis
!
Notule à propos du Spartacus de Rafaello Giovagnoli
(1874)
Le roman démarre le quatrième jour avant les ides
de novembre de l'année 675 ab Urbe condita, sous
le consulat de Publius Servilius Isauricus et d'Appius Claudius.
Autrement dit le 10 novembre 79 av. n.E., Sylla ayant quelques
mois auparavant abdiqué de la dictature pour se retirer
dans sa villa de Cûmes, et l'on reconnaît sans peine
dans les précités consuls P. Servilius Vatia Isauricus
et Ap. Claudius Pulcher des Fastes consulaires. L'auteur a une
connaissance fort précise de l'histoire romaine, mais l'on
peut déplorer que son traducteur J. Bienstock se soit contenté
de plus ou moins franciser les noms italiens, au lieu de restituer
le latin - ce qui nous vaut, par exemple des Crissus (Crixus),
Ocnomao (nomaus), Caius Verre (C. Verres),
Tite Lucrèce Carre (Titus Lucretius Carus, notre Lucrèce
du De Rerum Natura) ou Publius Stazius Apronianus
(pour P. Statius Apronianus) - agaçant, mais pas insurmontable
!
Le chapitre Ier, donc, met en place quelques
personnages historiques comme Lucrèce, Catilina, Sylla
ou Valeria Messala. Dans un amphithéâtre (à
Rome, il n'en n'existait pas encore à l'époque),
il s'achève sur un duel de gladiateurs mirmillon-rétiaire
qui doit beaucoup à la toile de Gérôme, jusqu'aux
Vestales. «Parmi ceux qui, le pouce baissé, votaient
la mort, se trouvaient les pures et chastes vestales, qui sans
doute, voulaient se donner l'innocent plaisir de voir l'agonie
du malheureux vaincu.» A noter que dans le roman, le
rétiaire, à ce moment, arrache son glaive des mains
du mirmillon et se le plonge dans le cur tout en maudissant
les spectateurs romains. Cette conclusion du chapitre Ier recèle
toute l'ambiguïté de la gladiature à une époque
charnière de son histoire : le code d'honneur du gladiateur
versus la malédiction de sa condition d'esclave.
Au chapitre II, l'herculéen Spartacus est à son
tour engagé et triomphe de tous ses ennemis. Nous apprenons
que Spartacus, un notable en son pays, la Thrace, a d'abord combattu
les Romains; que fait prisonnier par eux il a été
enrôlé dans la guerre contre Mithridate. Parvenu
au grade de décurion, il se vit décerner la couronne
civique. Ayant déserté au cours d'une nouvelle guerre
de Rome contre les Thraces [les historiens romains situent ici
son passé de brigand, mais Giovagnoli - qui a choisi son
camp - n'en souffle mot], il fut repris et vendu comme gladiateur
à un laniste nommé Accianus. Amoureux de Valeria
Messala - qui a flashé sur le Thrace - à
qui il offre de l'épouser, Sylla ne peut lui refuser d'accorder
la liberté au vainqueur, quoique déserteur.
Nous sommes, nous l'avons dit, fin 79 : l'année suivante
l'ex dictateur décédera. Giovagnoli a ainsi six
années à meubler avant la révolte de 73.
Spartacus retrouve sa sur Mirza, prostituée sous
le nom de Rhodopeia. Mais deux femmes vont se disputer son amour
: l'épouse de Sylla, Valeria (chez qui il a réussi
à placer sa sur) et la courtisane grecque Eutibide
laquelle, jalouse de se voir préférer une rivale,
va tenter de le détruire...
Devenu libre, Spartacus se voit confier la direction du ludus
de Sylla, à Cûmes, d'où il tisse la toile
d'une insurrection générale des opprimés.
Mais Spartacus a également été approché
par l'agitateur Catilina en vue de soutenir une révolte
de jeune patriciens désuvrés et frustrés
de ne pas être traités selon leurs droits de naissance.
De fait, rien n'est plus opposé que les vues de Catilina
et celles de Spartacus (pour prendre corps, la révolte
de Catilina attendra beaucoup plus tard, décembre 63, mais
c'était intéressant de confronter les deux révoltes
[11],
les deux concepts...).
A la fin du roman, Valeria parcourrera le champ de bataille
à la recherche du corps de Spartacus agonisant.
Ne perdons pas de vue que ce roman a été écrit
par un «garibaldien» et que, de même que les
Polonais H. Sienkiewicz à travers Quo Vadis et la
Rome néronienne et B. Prus à travers Le Pharaon
et l'Egypte d'Herihor - c'est la Russie orthodoxe, persécutrice
de catholiques uniates polonais qui est visée. Ici l'occupation
autrichienne.
Notule à propos du Spartacus de Riccardo Freda (1952)
Freda avait beau se défendre de faire des films «engagés»,
seulement des films d'aventures et d'action, il n'en rappelle
pas moins qu'étant enfant, à Alexandrie, son père
aidait secrètement les Egyptiens désireux de secouer
le joug britannique. Dans les films d'aventures, le héros
se doit de systématiquement combattre les tyrans, dont
la cruauté est toujours un peu forcée, sinon de
circonstances. Mais nous savons que la réalité est
rarement aussi simple. Le metteur en scène de Spartacus
a beau prétendre n'avoir pas voulu soutenir une thèse,
l'image qu'il entendait donner des Romains esclavagistes etc.
était foncièrement négative, et le fonctionnaire
de la cinématographie italienne chargé de lui accorder
des crédits ne s'y trompa point. Le scénario de
Maria Bory (12)
fut démantelé, au point que le film n'aura plus
grand chose à voir avec l'idée originale, déclarera
Freda.
Qu'un esclave tue son maître, et c'est toute la maisonnée
servile qui est crucifiée. C'était aussi simple
que cela. Et ce ne fut qu'après la répression de
l'assassinat du préfet de Rome Pedius, sous Néron,
que les Romains réexamineront leur loi (400 esclaves des
deux sexes et de tout âge, mis en croix). L'idée
que des Romains pussent fermer les yeux sur une révolte
d'esclaves et l'assassinat de leurs maîtres, des citoyens
romains - est tout simplement impensable. Le scénario de
Bory emprunte largement à Saurin et à Giovagnoli.
Et sans doute davantage à Saurin qu'à Giovagnoli.
Bien entendu, la manière dont le héros s'éprend
de la fille de Crassus, Sabine (Sabine était la suivante
d'Emilie chez Saurin : confusion ?) est laissée à
l'appréciation des auteurs; il n'empêche que ce détail
est une véritable hérésie en totale opposition
avec le bon sens. Les textes, en tout cas, nous disent seulement
que Spartacus avait une de ses compatriotes pour compagne, non
une liaison avec un citoyenne romaine, fille de consul ou autre.
Spartacus est donc amoureux d'une Emilie, fille du consul Crassus
(Saurin, 1760), ou d'une Valeria Messala, veuve de Sylla (R. Giovagnoli,
1874; Urbain Gohier, 1905 [théâtre, s'inspire du
précédent]).
A l'écran, donc, Spartacus s'éprendra de la fille
de Crassus, qui s'appelle toujours Emilie [ou Elena ?] (Vidali,
1913) ou devient Sabine (Freda, 1952). A noter une cousine de
Crassus, Licinia, dans Spartacus
: Blood and Sand - mais Spartacus n'en tombe pas amoureux
: loi cinématographique de l'alternance ! Par ailleurs,
dans le film de Freda, le personnage du gladiateur-traître
Noricus a été conservé, mais sous un autre
nom, Ocnomaos (a également été conservé
le personnage giovagnolien d'Artorige).
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L'Exposition
et le Colloque au Musée d'Orsay
A) 12 novembre 2010 : La nuit du Péplum
A l'occasion de l'exposition Jean-Léon Gérôme.
L'histoire en spectacle, le Musée d'Orsay a invité
les 18-25 ans à une soirée exceptionnelle, le 12
novembre de 18h30' à 23h30'.
Cette soirée proposée dans un cadre très
privilégié, en dehors des heures d'ouverture du
musée, permettra de flâner en toute liberté
dans l'exposition, ou de la découvrir avec un commissaire,
de découvrir un film ou encore de rencontrer et de dialoguer
avec différents spécialistes du Péplum :
historiens, critiques de cinéma (Claude Aziza, Michel Eloy,
Laurent Aknin), mais aussi créateurs de BD (les auteurs
de Murena, Philippe Delaby et Jean Dufaux [dont le huitième
opus consacré à l'Incendie de Rome sort le même
jour]). Projection des films Spartacus (Riccardo Freda,
1953) (CLIC & CLIC
) et La Caduta di Troia (Enrico Guazzoni, 1911).
B) Jeudi 9 et vendredi 10 décembre
2010 : Colloque «Regarder Gérôme»
Avec notamment : Pifferari, paysannes, les français
à Rome dans les années 1840, Olivier Bonfait
(université d'Aix-en-Provence); Visions de l'Empire
romain sous le Second Empire, Laurent Haumesser (musée
du Louvre); Gérôme et les Orients littéraires,
Christine Peltre (université de Strasbourg); Louis XIV
à Versailles au XIXe s. : enjeux iconographiques, Alexandre
Maral (château de Versailles); Gérôme dans
le décor. Objets d'art, intérieurs et décors
à l'épreuve de la peinture, Olivier Gabet (Agence
France Muséums); Reproductibilité et irreproductibilité,
Ségolène Le Men (université de Paris X-Nanterre);
Gérôme et Osman Hamdi Bey. Rapports et influences,
Edhem Eldem (université Bogaziçi, Istanbul, Turquie);
De l'atelier à la collection d'armes et de costumes
: le peintre antiquaire, Françoise Tétart-Vittu
(musée Galliéra); Gérôme versus
Impressionnisme, Sylvie Patry (musée d'Orsay); Gérôme
et ses collègues futurs photographes dans l'atelier de
Delaroche. L'invention de la photographie de genre, Sylvie
Aubenas (Bibliothèque nationale de France); Portrait
de l'astucieux M. Gérôme en Pygmalion, Bernard
Vouilloux (université Michel de Montaigne-Bordeaux III);
Le péplum : l'héritage cinématographique
de Gérôme, Eric Teyssier (université de
Nîmes). |
|
Bibliographie
succincte |
- Aleksa CELEBONOVIC, Peinture kitsch ou réalisme
bourgeois. L'art pompier dans le monde, Seghers, 1977, 198
p.
- Vern SWANSON, Alma-Tadema. Un peintre victorien, une évocation
de l'antiquité, Chêne, 1977, 144 p.
- James HARDING, Les peintres pompiers. La peinture académique
en France de 1830 à 1880 (Londres, Academy Editions,
1980), Flammarion, 1980, 134 p.
- [Catalogue] J.L. Gérôme (1824-1904), peintre,
sculpteur et graveur - ses uvres conservées dans
les collections françaises publiques et privées,
Ville de Vesoul, 1981, 190 p.
- Christopher WOOD, Olympian Dreamers. Victorian Classical
Painters (1860-1914), Londres, Constable, 1983, 271 p.
- Cécile RITZENTHALER, L'école des Beaux-Arts
au XIXe siècle. Les Pompiers (préf. Maurice
RHEIMS, de l'Académie française), Paris, Editions
Mayer, 1987, 338 p.
- Sophie MONNERET, L'Orient des peintres, Nathan, 1989,
256 p.
- [Catalogue] Joseph Noël Sylvestre. Peintre pompier
biterrois (1847-1926), Musée des Beaux-Arts de Béziers
(15 octobre-31 décembre 2005), Béziers, 2005,
71 p.
- [Catalogue] Jean-Léon Gérôme (1824-1904).
L'histoire en spectacle, Musée d'Orsay-Skira Flammarion,
2010, 371 p.
|
NOTES :
(1) G.M. ACKERMANN, La vie et l'uvre
de Jean-Léon Gérôme (Paris, 1986), Courbevoie,
ACR Edition, coll. «Les Orientalistes», 2000. -
Retour texte
(2) Les toiles traitant de la crucifixion
du Christ montrent celui-ci soit en croix, soit en décrochage
de ladite croix/en mise au tombeau. Seul Gérôme
se contente de seulement montrer l'ombre des trois croix projetées
sur le sol, et les légionnaires romains qui s'éloignent,
leur travail terminé (Consumatum est, 1867). Même
mécanisme scénographique pour L'Exécution
du Maréchal Ney (1868) ou La mort de César
(1859). «Gérôme a toujours su faire parler
l'espace de ses tableaux arrangé en plateaux de théâtre.
Son premier acteur, c'est le vide autour duquel se placent les
protagonistes de la scène», note Stéphane
Guégan à propos de l'assassinat de Jules César
(Cf. St. GUÉGAN, «Gérôme :
L'Histoire en spectacle», L'Histoire, n¡ 358, novembre
2010, pp. 8-13). - Retour texte
(3) En 1.100 ans, une vingtaine de
Vestales furent condamnées à mort pour manquement
à leur vux de chasteté (la faute de la vestale
était assimilée à l'inceste), dont treize
qui furent enterrées vives. Ainsi en 273 Sextilia, convaincue
d'adultère, entra vivante dans la tombe; de même
en 114-113, Æmilia, Marcia et Licinia. En 73, Catilina
fut accusé d'avoir eu une coupable relation avec la vestale
Fabia, mais ils furent finalement tous deux acquittés.
L'empereur Néron aurait violé la vestale Rabiria,
mais l'épisode semble douteux. Sous Domitien, Varonilla,
les surs Oculata et même la Grande Vestale Cornelia
furent elles aussi exécutées.
Comme toutes les institutions païennes, leur collège
fut fermé par le chrétien Théodose en 389
: mais quatre ans auparavant, Prudence avait eu l'occasion de
distiller ses propos diffamatoires... - Retour
texte
(4) Huile, 16 X 32 cm. - Retour
texte
(5) FESTUS, De la signification
des mots, XVI, «rétiaire». - Retour
texte
(6) Le morme ou dorade rayée
(Pagellus mormyrus, nob., ou Sparus mormyrus,
L.) est un poisson fouisseur hantant notamment le littoral de
Rome et l'embouchure du Tibre où il est très apprécié
pour l'excellence de sa chair. Pas étonnant que le rétiaire
veuille pêcher ce poisson, avec sa dorsale épineuse
qui n'est pas sans rappeler le haut cimier de bronze du casque
de ce gladiateur (qui est aussi une arme de percussion). Dans
leurs ouvrages sur la pêche, Oppien et Ovide ont signalé
ses rayures qui donnent à sa robe une nuance changeante
ou flamboyante (OP., Hal., I, 100; OV., Hal.,
111). Selon Cuvier, la dorade rayée peut mesurer jusqu'à
40 cm de long et peser au maximum 2 kg (CUVIER, Histoire
naturelle des poissons, 1830, t. VI, p. 148).
A noter qu'il existe une autre étymologie qui rattacherait
le gr. murmoros au lat. murena, la murène
tapie dans son trou, en position défensive comme le mirmillon
retranché derrière son large scutum, en
attendant de pouvoir lancer une contre-attaque foudroyante.
Ou encore à murus, «mur», qui correspond
parfaitement à sa tactique. - Retour
texte
(7) C'est parce que leur bouclier
est petit que les parmati (thrace, hoplomaque) possèdent
de hautes protections des jambes. Les porteurs de grands boucliers
(scutati) ne revêtent pas de jambières sur
leurs jambes, ou seulement une courte sur le tibia gauche :
celle qui s'avance sous le bouclier. - Retour
texte
(8) Cf. cat. Musée Vesoul,
op. cit., 1981, n¡ 180, p. 145. - Retour
texte
(9) Le rétiaire au trident
n'apparaîtra que sous Auguste, mais Giovagnoli semble
le confondre avec le laqueator dont il serait une variante
(le lasso remplaçant le filet). Evolution du mirmillon,
le secutor n'apparaît que dans la seconde moitié
du Ier s. de n.E. où il s'impose comme adversaire du
retiarius. L'anachronisme est de taille, le rétiaire
n'apparaissant que quarante ans et le secutor plus d'un
siècle après Spartacus - mais au XIXe s. tout
le monde l'ignorait !
(En fait le laqueator au lasso et le pægnarius
au bâton et fouet sont des «gladiateurs» d'opérette,
qui s'affrontent dans des combats pour rire ou participent aux
bestiaires.) - Retour texte
(10) En fait Ermanagarde, que les
Romains voulaient mettre à mort, s'est suicidée
pour les priver de cette satisfaction. Les mobiles et circonstances
de sa mort ne sont pas très clairs. - Retour
texte
(11) Deux révoltes antithétiques
qui ne sont pas sans faire songer aux révolutionnaires
de 1789 volant au secours de la révolution belge : une
révolution bourgeoise contre l'absolutisme d'un «despote»
(Louis XVI) / une révolution conservatrice contre un
«monarque éclairé» (Joseph II). -
Retour texte
(12) Ou, selon d'autres sources :
Maria Bori, Marie Bori voir même Mario Bori ! - Retour
texte
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