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Septembre 2003

Obituaire : Gordon Mitchell

"Achille est mort !"
C'était... il y a un demi-siècle (ou presque). "Achille est mort !", proclamait un héraut à la face de l'armée des Achéens. A l'énoncé de ces trois simples mots, un frisson m'avait parcouru l'échine. Comme j'aurais voulu le venger de son lâche assassin ! J'avais dix ans, et l'on projetait Hélène de Troie de Robert Wise, avec le superbe Stanley Baker dans le rôle du roi des Myrmidons, et Jacques Sernas en son vainqueur, Pâris. Il y eut cependant un autre très grand interprète cinématographique d'Achille : Gordon Mitchell.

"Chante ô Muse la colère d'Achille, fils de Pélée, si funeste aux Achéens..." Ainsi commençait le poème d'Homère. Ainsi également démarrait le film de Marino Girolami, L'Ira di Achille/La colère d'Achille (1962). Jamais nous n'oublierons cet Achille poussant son cri de guerre : "Phthiaaâ !" avant de tailler en pièce les Troyens.
Un faciès taillé à la hache, qui rappelait le Tarzan de Hogarth, Gordon Mitchell - Charles "Chuck" Allen Pendelton pour l'état civil - fut l'une des plus éminentes figures du cinéma-bis. Héros ou antagoniste de quantité de péplums, il fut Maciste dans Maciste contre le Cyclope, le barbare Brenno dans Brenno contre Rome/Brenno le Tyran, Obro le Géant de Métropolis, fable écologique avant la lettre... avant d'incarner quantité de desperados dans le western transalpin et d'autres personnages insolites du série B, voir de série Z comme le "trashissime" She d'Avi Nesher, improbable remake d'un roman de Rider Haggard maintes fois adapté à l'écran.

Gordon Mitchell avait commencé comme figurant dans Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille, il était apparu dans le Fellini-Satyricon et avait été le partenaire de Liz Taylor dans Reflets dans un œil d'or (mais comme disait l'autre, s'ils étaient descendus dans le même hôtel, ils n'avaient pas dormi dans le même lit pour autant !). Et, en un temps où on ne le voyait plus apparaître que dans des nanars ultra-fauchés (Emmanuelle, Queen of Sados), il sut agréablement se moquer de lui-même dans Trois filles dans le vent de Jean-Marie Pallardy, où on le voyait ses bobines sous le bras démarcher ses péplums et ses westerns à l'entrée de salles parisiennes reconverties dans le X. "Ah ! le cinéma n'est plus comme avant", disait-il en substance à son partenaire, Georges Géret, tandis que le montage insérait allégrement des extraits de ses films d'aventures antiques ou westerniennes

Gordon Mitchell vient de décéder dans son sommeil vendredi 26 septembre 2003, dans sa maison de Marina del Rey (près de Venice, Californie). Il était né un 27 juillet 1923 à Denver (Colorado). Alors oui, Achille est mort "pour du vrai". Etait-ce pensable ? Le bon géant n'est plus... Pour beaucoup de cinéphages, un ami s'en est allé.

maciste vs cyclope

Le charme suranné des photos coloriées à la main
Gordon Mitchell incarne Maciste dans "Maciste
contre le Cyclope" (A. Leonviolà, 1961)

A propos de Gordon Mitchell on se référerera à :

JOMY, Alain, Interview de Mickey Hargitay et Gordon Mitchell dans "West all'Italiano", in Image & son, n° 218, juin-juillet 1968;
ÉLOY, Michel, AKNIN, Laurent et BALBO, Lucas, "Gordon Mitchell, la Guest Star favorite du cinéma-bis" (et sa filmographie), in Nostalgia, n° 6, avril 1985, pp. 36-53, n° 7, février 1986, pp. 17-41.
[Une filmo déjà ancienne, hélas];
PIAZZA, Carlo (interview), BILLIOTET, Olivier & CHARLES, Pierre (filmographie), "Un Américain à Cinecittà : Gordon Mitchell", in Ciné-Zine-Zone, n° 40, février 1990, pp. 5-56;
Spaghetti Cinema [fanzine, Hollywood, Bill Connolly éd.], n° 39, mars 1990, n° 40, juillet 1990;
GARNIER, Philippe, "Hercule : K.O.", Libération, lundi 22 septembre 2003.
[Notice nécrologique sympa, mais bourrée d'erreurs et d'à-peu-près].

Sur Internet :
Une biographie (en anglais) : http://www.briansdriveintheater.com/gordonmitchell.html
Une interview (Nanarland) : http://www.nanarland.com/interviews/gordonmitchell/gordon.htm
Une filmo (IMDb) : http://french.imdb.com/name/nm0593369/
Un fan-site : http://www.gordonmitchell.net

Peut-être atteindrons-nous les Iles Heureuses
Et verrons-nous ce grand Achille que nous connaissions
TENNYSON
gordon mitchell