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Sur cette page :
(8 février 2013) |
CHAMPSAUR, Félicien, L'Orgie Latine
(édition établie et présentée
par Hugues Béesau et Karine Cnudde), Lyon,
Le Vampire Actif éd. (click) |
(15 novembre 2012) |
FOURCART, Florent, Le Péplum
Italien - Grandeur et décadence d'une antiquité
populaire, Paris, IMHO éd. (click) |
(15 novembre 2012) |
AZIZA, Claude & ROUSSET, Cathy, Rome
par ses historiens - La véritable histoire
de Rome racontée par les historiens grecs et
latins (textes choisis et présentés
par...), Les Belles-Lettres éd. (click) |
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LES RECENSIONS : CLICK |
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15 novembre
2012
AZIZA, Claude & ROUSSET, Cathy, Rome
par ses historiens - La véritable histoire de Rome racontée
par les historiens grecs et latins (textes
choisis et présentés par Claude Aziza et Cathy
Rousset), Les Belles-Lettres éd., coll. «Romans,
Essais, Poésie, Documents», 376 p.
Il y eut les «Contes et légendes» de
chez Nathan, nostalgique souvenir d'un temps où le latin
fleurissait sur toutes les lèvres. Il y eut - il y a
toujours - de savantes études, souvent intéressantes
mais parfois trop austères et d'une lecture aride. Manquait
une Histoire de Rome qui puisse se lire comme une sorte
de roman à l'antique. Une fresque épique et baroque,
dramatique parfois, pathétique souvent, mille ans et
des poussières du destin de Rome. Redonner à tous
les publics le plaisir de lire et le désir de s'instruire,
faire de l'histoire romaine une sorte de centon brodé
par ceux-là mêmes qui la firent, en furent les
témoins directs ou indirects et la racontèrent,
c'est le but de ce livre qui commence avec Romulus et un fratricide
et se termine par un autre Romulus et une mort annoncée.
Hannibal, Spartacus, César, Cléopâtre, Caligula,
Agrippine, Néron, Trajan, Hadrien, Marc-Aurèle,
Constantin, combattants farouches, empereurs sages ou fous,
femmes de caractère et/ou de cur: des noms qui
chantent dans toutes les mémoires la vie et la mort d'une
Cité immortelle.
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Tels des fantômes tirés de l'Hadès où,
sur les rives du Styx coassent les crapauds de la mort, voici,
défilant devant nous, les protagonistes d'une nouvelle
nekya : Romulus le fondateur, Coriolan le héros
sans patrie et Camille, le dictateur-laboureur; puis ce beau
parleur de Cicéron, le grand Jules César, le puissant
Antoine... le lecteur continue ainsi jusqu'à Commode
l'empereur-gladiateur, le très surfait Constantin, le
pathétique Julien. «Quant à moi, il
[Constance II) ne me relâcha qu'à grand-peine,
après m'avoir traîné ça et là,
pendant sept mois entiers, sous bonne garde.» Sans
oublier, bien sûr et en passant, Cléopâtre,
Claude, Messaline et Néron. Et même Hannibal le
Carthaginois ! Vient enfin, en épilogue, tiré
du magnifique poème De reditu (Sur son retour)
du dernier païen, le préfet Rutilius Namantianus
qui vient de voir la Ville Eternelle tomber sous les coups du
barbare Alaric : «Aussi loin que le monde vivable s'étend
vers les pôles, aussi loin la terre s'est ouverte à
ta valeur». La valeur de Rome, bien sûr. Et
d'ajouter : «Tu as formé pour des nations différentes
une même patrie; aux peuples sans loi tu as rendu service
en régnant sur eux après les avoir conquis. Et
en offrant aux vaincus le partage de tes propres droits, tu
as fait une cité de ce qui était jadis l'univers»
(De Reditu, 47-66). Un demi-millénaire
après L'Enéide de Virgile («Il
t'appartient, ô Romain, de dompter les superbes et de
protéger les faibles») la boucle est bouclée
D'Ammien Marcellin à Zosime, un lexique des auteurs cités
complète fort agréablement l'ouvrage. |
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15 novembre
2012
FOURCART, Florent, Le Péplum Italien
- Grandeur et décadence d'une antiquité populaire,
IMHO éd., coll. «Cinéma», 240 p.
De 1945 à 1965, plus de 180 péplums réalisés
en Italie remplissent les salles de spectateurs toujours plus
avides de sensations fortes. Parmi toutes ces aventures historiques
ou mythologiques, beaucoup d'uvres mineures, souvent très
kitsch, mais aussi des trésors de mise en scène
et des esthétiques baroques signées Sergio Leone,
Mario Bava ou Riccardo Freda. Si Le Colosse de Rhodes, Hercule
à la conquête de l'Atlantide, ou Théodora,
impératrice de Byzance n'ont pas obtenu la même
renommée que leurs cousins hollywoodiens, cet âge
d'or du péplum n'en reste pas moins un des moments les
plus intéressants de la cinématographie populaire
italienne d'après-guerre et porte en son sein les ferments
du western spaghetti naissant. Spécialiste de l'histoire
du cinéma, Florent Fourcart opère une véritable
synthèse permettant de saisir le phénomène
qu'a été le péplum italien et en reprend
les grandes thématiques, explorant les liens qu'elles
tissent avec le contexte socio-historique de l'époque
afin de déterminer les lignes de force du genre et d'éclairer
le sujet sous un jour nouveau.
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Le bouquin de Florent Fourcart dégage des angles d'approche
intéressants : le péplum italien est-il un genre
à part entière, ou simplement un sous-genre qui
inclut le parodique et le spectaculaire, et/ou l'horrifique,
l'érotique, etc. ? Tout en abscisses et ordonnées,
en somme.
De ce cinéma de divertissement, Jean A. Gili constatait
à propos des films de Riccardo Freda : «Trop
proche de la sciure des origines, trop marqué par le
divertissement réservé aux ilotes de la cité,
il [le péplum] a longtemps fait figure de sous-produit
d'une industrie culturelle qui avait besoin de son apport économique
mais qui affichait des objectifs intellectuels plus élevés.»
Car le péplum, en son Second Age d'Or (1957-1965) a largement
contribué à renflouer les caisses des producteurs,
leur permettant de promouvoir des uvres plus ambitieuses.
Méprisé des critiques italiens, c'est en France
que le cinéma historico-mythologique a trouvé
ses meilleurs thuriféraires. Le rôle de Positif
ou de Bertrand Tavernier - qui fut assistant de Caiano sur le
«Letienne» Maciste et les Cent Gladiateurs
(mais ajoutons parmi d'autres futures pointures, Yves Boisset
[1])
- est indéniable. Ajoutons que Godard lui rendit un hommage
indirect en situant Le Mépris, d'après
Moravia, dans le contexte du tournage d'une version imaginaire
de l'Odyssée avec... Michel Piccoli (le consul
Publicola dans Les Vierges de Rome), qui dans le film
est le scénariste à succès d'un «Maciste
contre Hercule» (2),
son épouse Brigitte Bardot (Poppée dans Les
Week-Ends de Néron, de Steno, Andraste dans Hélène
de Troie de Wise) et dans le rôle de l'insupportable
producteur yankee, Jack Palance (Attila dans Le signe du
païen de Sirk, Alboïn dans Le glaive du conquérant
ou Rewak dans Rewak le Rebelle, etc.). Dans celui du
réalisateur : le grand Fritz Lang himself, celui
des Nibelungen. Jean-Luc Godard rendait ainsi au cinéma
épique un hommage indirect mais assumé !
L'auteur - Titulaire d'un «Master de Valorisation
du Patrimoine cinématographique», Florent Fourcart
est spécialiste de l'histoire du cinéma et, en
particulier, du péplum, auquel il a consacré de
nombreux articles à l'occasion de collaborations avec
les revues Positif et CinémAction. En 2011,
il signe d'ailleurs la notice consacrée au genre dans
le Dictionnaire mondial du Cinéma paru aux éditions
Larousse. Il a également travaillé dans l'exploitation
cinématographique et a participé à la conception
de plusieurs documentaires dont Mémoires du Cinéma
français de Hubert Niogret (2008) et Darius Milhaud
et sa musique de Cécile Clairval-Milhaud (2010).
Le Péplum de Florent Fourcart
présenté à l'exposition «Péplum»
aux Musées de Lyon-Fourvière et Saint-Romain-en-Gal
à côté de la réédition
de L'Orgie Latine de F. Champsaur (voir ci-après) |
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8 février
2013
Félicien CHAMPSAUR, L'Orgie Latine
(édition établie et présentée par
Hugues Béesau et Karine Cnudde), Lyon, Le Vampire Actif
éd., coll. «Les Rituels pourpres», 482 p.
«Karysta la Tanagréenne, tu danseras trois fois...
à tous et à toutes plairont tes mimes... Mais
le nuage engloutit ton étoile; comme fait un griffon
d'un oiselet... Tu danseras trois fois encore, et tu mourras...
Ainsi parle le Destin par ma bouche.» La prophétie
de Géo, celle qui lit l'avenir dans les cartes, se réalisera-t-elle
? Sépéos l'Égyptien saura-t-il l'empêcher
? Le gladiateur Manechus, surnommé le Roi du Glaive depuis
sa victoire sur le nègre numide Golias, parviendra-t-il
à rester le maître des munera ? Filiola,
la douce servante de l'auberge des gladiateurs, adepte de la
foi nouvelle, sera-t-elle jetée aux lions ? Tous ces
héros échapperont-ils aux destins tragiques que
leur réserve Messaline, l'impératrice scandaleuse,
ivre de jouissance et de triomphe ?
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Superbe roman, superbe péplum que cette Orgie Latine
de Félicien Champsaur (1858-1934) dédié
aux frasques de l'impératrice Messaline dans un Rome
toute de volupté et de mort, qui trois ans auparavant
avaient déjà tenté la plume d'un certain
Alfred Jarry (1900). Polémique et provocateur, Champsaur
magnifie le corps, la nudité et les plaisirs des sens,
chargeant impitoyablement la malodorante vertu chrétienne
et son mépris de la chair.
Observons toutefois que les chrétiens ne furent point
martyrisés dans le cirque sous Claude (emp. 41-54), en
dépit du passage de Suétone selon lequel cet empereur
expulsa les Juifs de Rome à cause de l'agitation provoquée
par un certain Chrestos (SUÉT., Claude, XXV, 11)
(3).
On fait traditionnellement débuter les persécutions
vers la fin du règne de Néron (emp. 54-68), son
successeur; encore que ces fameuses institutum Neronianum
- dont a parlé Tertullien (TERT., Ad nationes,
I, 7. 7-9) mais qui n'apparaissent nulle part dans le droit
romain - soient plus que douteuses. Fils de gendarme, mais résolument
peu conventionnel, Champsaur se signala par ses créations
littéraires originales et incisives. Rappellons seulement
son hardi et irrévérencieux Crucifié
(1930) où il exposait que la mise au tombeau du Christ,
puis sa résurrection, n'étaient qu'une habile
mystification de charlatan.
Dans mon exemplaire de l'édition originale Fasquelle
de 1903, le précédent propriétaire de l'ouvrage
avait collé un entrefilet extrait du Journal,
3 mai 1904 :
«L'Orgie Latine, le beau roman de Félicien
Champsaur va passer en Cour d'assises, à Liège;
mais cette poursuite grotesque de Messaline n'arrête pas
l'immense succès de cette uvre superbement évocatrice,
arrivée déjà au 40e mille. La richesse
matérielle de ce livre, de ses illustrations, de son
papier, de son tirage en couleur justifieraient cette vogue
si - par surcroît - L'Orgie Latine du génial
écrivain Félicien Champsaur n'était un
chef-d'uvre.»
Détonant roman de Félicien Champsaur L'Orgie
latine, jamais republié depuis le début du
XXe s., est une épopée lyrique dans la Rome de
l'empereur Claude et de son épouse Messaline, celle que
l'on surnomme Luxuria, et un formidable roman au parfum de scandale,
version intense et sensuelle des chefs-d'uvre que sont
Quo Vadis ?, Ben-Hur ou Les Derniers Jours de Pompéi.
Hugues Béesau et Karine Cnudde, qui ont établi
cette première réédition aux Éditions
du Vampire Actif, contextualisent l'uvre parmi les romans
du XIXe s., dans le sillage de la redécouverte de l'Antiquité
depuis la Renaissance et même avant. «Toutes les
éditions comportent une riche iconographie réalisée
par Auguste Leroux - précisent-ils dans leur longue Préface
-, mais seule l'originale, en sus des dessins dans le texte,
présente des illustrations en couleurs, qui ne sont pas
reprises dans toutes les republications et sont absentes de
celle de 1927.»
On regrettera certes l'absence de ces fameux hors-texte de Leroux,
mais il faut signaler que quatre signets collector ont été
imprimés, l'un d'entre eux étant systématiquement
offert lors de l'achat d'un exemplaire de l'ouvrage. Les collectionneurs
peuvent acquérir ces marque-pages indépendamment
du bouquin en cliquant le site
de l'éditeur.
Illustrations d'Auguste Leroux tirées
de l'édition originale 1903 Fasquelle
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NOTES :
(1) Yves Boisset fut assistant de
Sergio Leone sur Le Colosse de Rhodes, ainsi que de Freda
sur plusieurs films d'espionnage (les Coplan). - Retour
texte
(2) Le monde est bien fait : Mario
Mattoli a effectivement réalisé un poussif Maciste
contro Ercole nella Valle del Guai (Les Deux Corniauds contre
Hercule), avec les comiques Franco et Ciccio. Godard en
eut-il connaissance ? - Retour texte
(3) Et encore moins sous Caligula
(emp. 37-41), le prédécesseur de Claude, comme
le soutient le film La Tunique (Henry Koster, 1953) et
sa séquelle Les Gladiateurs (Delmer Daves, 1954),
d'après le roman de Lloyd C. Douglas (1945) qui, lui,
était loin d'être un chef-d'uvre en dépit
de son succès qui lui valut d'être rapidement porté
à l'écran. - Retour texte
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