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[ Les Héros du samedi soir ]

11. Conan le Barbare

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11.3. Les Barbares à l'écran

Principalement connus de nous à travers les écrits de leur ennemis romains, les "Barbares" - terme commode qui désigne aussi bien les Germains que les Celtes, les Sarmates ou les Huns - n'ont pas peu contribué à l'édification de notre monde moderne. Hormis une bonne demi-douzaine de films adaptant les Nibelungen et un peu plus consacrés aux Vikings, les Barbares n'avaient guère, à ce jour, inspiré une tentative cinématographique d'envergure.

Précisons encore que, de même que le cycle celtique de la Table Ronde, celui, germanique, des Nibelungen doit être situé historiquement au Ve s. de n.E. Les textes ayant été fixés après le XIIe s., il est constant de les voir filmés dans des châteaux, des costumes et des armures du XIVe s. Mutatis mutandis, l'idée était tentante (et c'est ce à quoi, sans doute, se sont appliqués la plupart des romanciers anglo-saxons d'heroic fantasy, dont R.E. Howard (13)) de remonter aux origines des "Barbares"... en ces lieux mythiques d'Eurasie d'où sortiront les Indo-Européens - les Aryens, le grand mot est lâché - et les Touraniens qui, du second millénaire avant n.E. avec les Celtes, au XIIe s. après avec les Mongols, déferleront par vagues successives jusqu'aux rivages de notre mer originelle, la Méditerranée, la Mare Nostrum - l'autre pôle de notre civilisation occidentale, son pôle femelle, son pôle négatif si tant de fois célébré dans les péplums d'Hollywood et de Cinecittà.

Une uchronie "aryenne"
Le monde hyborien (id. est hyperboréen) est assez transparent. Une carte (14) en a été tracée par les exégètes, qui gomment fort significativement la Méditerranée : l'Europe, l'Asie et l'Afrique y sont soudées en un immense continent originel. Mais les Pictes sont bien à la hauteur des îles Britanniques; la Cimmérie, le Vanaheim, l'Asgard et l'Hyperborée en Scandinavie-Finlande-Prusse; Ophir aux confins des côtes espagnoles. Et Kush est en Afrique; la Stygie est l'Egypte, le long de son fleuve des Morts; Vendhya l'Inde et Khithaï (le Cathay médiéval) la Chine.
Et l'Aquilonia, qui tire son nom d'Aquilon, le vent du Nord, est Rome (15) guerroyant contre les Pictes (pré-Celtes insoumis). Aussi n'est-elle pas par hasard située en Bretagne continentale, ultime refuge aux Ve-VIIe s. de la résistance romano-bretonne contre les envahisseurs saxons.

Sous dix climats allant des neiges nordiques à la jungle africaine et des îles des flibustiers aux steppes d'Asie et aux déserts d'Arabie, Conan le Celte (16) est le héros du même scénario sans cesse renouvelé : tantôt mercenaire ami, tantôt chef de bande ennemi, il est l'étranger venu d'ailleurs, confronté aux vieilles civilisations du sud - raffinées, décadentes et cruelles, où survivent d'immondes divinités lovecraftiennes - et qu'assiègent des hordes nomades, affamées et émerveillées, avides et craintives, mais prêtes à tailler à coups d'épée dans tout ce qui dépasse leur entendement : les Barbares.
Conan est l'adorateur de Crom, le grand dieu sombre qui, du haut de sa montagne, siège sur le Valhalla des guerriers germaniques - et de Mitra, le vieux dieu indo-iranien des contrats, plus tard adopté par les légions romaines. Passionné d'Histoire R.E. Howard (17) pouvait donc mélanger les genres et les époques, déguiser des reines gothiques en bayadères ou montrer un Celte jurant par les dieux du Valhalla.
Ne sommes nous-pas aux origines du monde, avant la Grande Séparation, avant l'avènement des "Fils d'Aryas", dans une civilisation qui n'est qu'une pure vue de l'esprit des linguistes et qui, aux dires des historiens, n'aurait jamais existé (18) ?

11.3.1. John Milius

Lorsque "j'ai commencé à penser à "Conan" il y a plusieurs années - déclarera le réalisateur de Conan le Barbare, John Milius -, ce qui m'intéressait, c'était de faire un film sur l'époque païenne. Conan se déroule pendant la préhistoire, et cela me permettait de prendre toutes sortes de libertés, de répertorier les traits les plus divers qui me fascinent dans les cultures primitives, et de les amalgamer au gré de ma fantaisie. En ce sens, Conan le Barbare est davantage une "fantaisie historique" qu'un film d'aventures".

Est-il encore besoin de présenter John Milius, ce chantre du cinéma reaganien ? Fascinant personnage que ce metteur en scène admirateur de John Ford, Nietzsche et Genghis Khan, qui dit-on mit en scène Conan le Barbare coiffé, sur le plateau, du célèbre béret vert des Forces Spéciales américaines - l'armée privée de la C.I.A. - précédemment illustrées à l'écran par le film homonyme de John Wayne (The Green Berets, 1968). "John Milius est un grand spécialiste des armes et des chevaux - peut-on lire à son sujet sous la plume de Doug Headline (19). La vie de l'Ouest ancien le fascine. Il regrette les temps difficiles mais plus justes où l'homme ne pouvait compter que sur lui-même pour sauver son indépendance, son honneur, et sa vie. Un individualiste farouche, plein de foi en la force de l'homme lorsqu'il se décide à prendre les choses en main. Le dernier cow-boy ?" Interrogé sur ses goûts politiques, il répondra préférer "L'anarchie (20). Je suis contre toute forme de gouvernement (...) contre les socialistes (...) contre la droite (...). Je suis d'accord avec R.E. Howard qui préférait la barbarie (21). (...) Mon film traite de l'aventure d'un homme seul, un individu dans un monde barbare et impitoyable. Ce thème de l'homme indépendant, je l'avais déjà traité dans Le lion et le vent (22), où Sean Connery luttait seul contre les Etats-Unis et ses Marines" (23). Ce qui ne l'empêchera pas, à la veille de la perestroïka, de commettre une Aube Rouge (Red Dawn, 1985 (24)) racontant l'invasion des Etats-Unis par les Russo-Cubains, qui fit bien rire la critique à sa sortie. C'est vrai que le film arrivait au mauvais moment.

berets verts

Avant Conan, il y eut pour faire le ménage : John Wayne !

11.3.2. Mad Max au Viêt-Nam

 
Crom, je ne t'ai jamais prié de toute ma vie - je n'ai jamais su le faire. Personne, pas même toi, ne se souviendra si nous étions des hommes bons ou mauvais; pourquoi nous nous sommes battus, et pourquoi nous sommes morts. Non, ce qui compte, c'est que deux hommes se sont dressés contre beaucoup d'autres.
Voilà ce qui est important.
Tu aimes la vaillance, Crom ! Alors réponds à ma prière : accorde-moi la vengeance !
Et si tu ne veux pas m'entendre, que les démons t'emportent !
Conan le Barbare, de John Milius
 
     
 
En 1967, la guerre du Viêt-Nam était devenue un épisode de Star Trek. (...) Un déluge de défoliants dégringolait du ciel. (...) Des princes médiévaux collaboraient avec des marxistes. Des tribus qui étaient encore au stade de l'âge de la pierre maniaient les armes les plus récentes. Et d'étranges détecteurs issus de l'ère spatiale tombaient du ciel. Il y avait longtemps que le Laos ne faisait plus partie du monde réel. (...) Mais il faut dire qu'au Laos, seules s'appliquaient les lois de la science-fiction.
Nam (25)
 

Le corps enduit de peintures de guerre s'apparentant plutôt au camouflage militaire, Conan le Barbare combattait les adeptes baba-cool pacifistes de Thulsa Doom voués à être dévorés par le Moloch du communisme totalitaire - condamnant à travers eux les adeptes du flower power des "Sixties". A sa suite, Rambo I-II-III-Stallone, Braddock-Chuck Norris (Missing in Action I-II) et Charles Bronston le Justicier de la jungle urbaine seront les nouveaux héros musclés de cette Amérique qui, sa défaite bue, redresse la tête et exorcise le Viêt-Nam à travers Voyage au bout de l'Enfer (The Deer Hunter, Michael Cimino, 1978), Retour vers l'Enfer (26) (The Uncommon Valour, Ted Kotcheff, 1983) et leurs séquelles cinématographiques...

conan camouflage
apocalypse now
livre berets verts

Son béret vert, John Milius le portait en fait depuis le tournage par Francis Ford Coppola de Apocalypse Now, dont il était le scénariste. Une digression s'impose à propos de Apocalypse Now et de notre réalisateur "barbare". Les Golden Sixties, Hercule, Maciste et les héros huilés sont loins. Il y a eu mai 68 et le désenchantement de la "sale guerre" du Viêt-Nam, traduit dans le cinéma qui nous intéresse par l'apparition des salopards crasseux et dépenaillés du western-spaghetti (1964) qui va influencer le cinéma américain lui-même (les westerns hyper-violents de Sam Peckinpah) (27)

Période de décantation, les Seventies seront l'ère des anti-héros à la Dustin Hoffman.
Mais dès 1977, avec le space opera de Georges Lucas, La guerre des Etoiles, le cinéma redécouvre le triomphalisme et le manichéisme. Ainsi les Eighties sont-elles mûres pour l'heroic fantasy qui conjugue l'héritage du péplum, du western-spaghetti et du film de kung-fu. Spécialistes des arts martiaux, les nouveaux héros seront, les biscotos en plus (28), des "mercenaires, voleurs et assassins", tels que définis dans le pedigree howardien.

Apocalypse Now
On connaît la trame du film de F.F. Coppola, tiré du scénario de John Milius (un des premiers qu'il ait écrit). Un capitaine des bérets verts, Willard, est chargé par la C.I.A. de retrouver son collègue, le colonel Kurtz commandant un maquis secret au Cambodge. Il semble que Kurtz ait sombré dans la démence paranoïaque. Il a exécuté des agents doubles vietnamiens sans rendre compte aux autorités militaires, et celles-ci ne sauraient tolérer un tel franc-tireur incontrôlable. En fait, Willard a pour mission d'éliminer Kurtz.
Après avoir assisté, sur fond de musique wagnérienne, à la destruction gratuite (29) d'un village par la cavalerie héliportée du colonel Kilgore, Willard remonte donc en bateau un affluent du Mékong, le Nung. Kurtz et ses bérets verts - difficiles à reconnaître sous leurs peintures de guerre - qui semblent être retournés à la barbarie originelle, règne en véritable roi sur une tribu de coupeurs de têtes au fond de la jungle des Hauts-Plateaux...

Pour Serge Daney (30), l'itinéraire de Willard se lit en termes psychanalytiques : "filmer l'irreprésentable phallus" (le crâne chauve de Brando-Kurtz) (p. 47), "la remontée vers les nœuds de la filiation, des fils vers les pères, Œdipe vers Laïos" (p. 46), "la mise à jour du lien homosexuel en tant qu'il est à la base de toute société, de toute fraternité, donc de toute guerre" (p. 47). Pourtant S. Daney voit juste lorsqu'il rappelle :

"Si découverte il y a, au terme de la remontée du fleuve, c'est qu'on ne tue pas le père, parce qu'il voulait mourir depuis toujours et qu'il attendait son meurtrier avec impatience" (p. 47).
(C'est nous qui soulignons.)

Au juste, ce n'est pas en termes de psychanalyse ou de politique qu'il conviendrait de décoder Apocalypse Now. Bien sûr, il y a la condamnation de la guerre du Viêt-Nam dans toute son absurdité - telle l'attaque du village par des hélicoptères wagnériens, la drogue, etc. (31) - mais il y a une autre lecture possible, dont la clef nous est donnée explicitement par le film lui-même. C'est la dimension ethnologique, concrètement définie par l'exemplaire du Golden Bough [Le Rameau d'or] de J.G. Frazer, posé bien en évidence sur un coin du bureau de Kurtz, que la caméra vient balayer. Et soudain, tout bascule - oublié le divan du "psy", le meurtre du père et l'homosexualité sous-jacente du compagnonnage militaire - nous sortons du mélodrame politique pour plonger dans le drame par excellence qu'est le mythe. Non plus celui du père, mais de son archétype, le roi sacré dont Frazer a élaboré la mythologie dans son monumental Rameau d'or (1890-1915) (32), à partir du culte romain de Diane Aricie, dans le bois de Némi, près du lac Fucin. Son grand prêtre était un proscrit, un esclave en fuite, que quiconque pouvait tuer pour prendre sa place après avoir cueilli un rameau de l'arbre que le vaincu était censé garder. Cette coutume était la survivance d'une antique royauté sacrée ancrée dans la virilité du roi, rejaillissant sur celle de son peuple. Tant qu'il était fort, il régnait. Mais à la moindre défaillance ou en cas de disette, épidémie, désastre guerrier, il était mis à mort par un plus jeune que lui, et les lambeaux de sa chair étaient répandus dans les champs à féconder (33). Plus tard on lui trouvera des substituts, d'abord humains, ensuite animaux (34); de nombreux mythes grecs se souvenaient de héros, de rois ou de dieux (Absyrtos, Penthée, Actéon, Orphée, Dionysos) ainsi mis en pièces au terme de bacchanales effrénées. Il est significatif que Willard "exécute" Kurtz cependant qu'en montage alterné, l'on voit ses sujets procéder au sacrifice d'un buffle.

 

[Un Moï, en 1931,] un de ces êtres à ce point inaccessibles que mon imagination ne leur avait même pas donné de forme (...). Un homme nu, sale et fier, parlant fort une langue inconnue (...) son étroit cache-sexe de couleur indéfinie ne pouvait passer à nos yeux pour un vêtement : tous les gens que nous voyions étaient en général couverts de la tête aux pieds de costumes militaires ou vietnamiens.

Georges Condominas (35).

Les "sauvages" des Hauts-Plateaux
Oubliés donc le Viêt-Nam-"prétexte" et la lecture "psy" de Apocalypse Now. Ceux que Serge Daney nomme faute de mieux un "peuple de l'abîme" - l'expression aurait enchanté E.R. Burroughs, si elle ne lui avait été empruntée - prennent maintenant consistance et retrouvent le nom qui leur avait été jusqu'ici refusé. Ces sont des Moï (36) - ce peuple des Hauts-Plateaux qui vit nu, ces anciens habitants de l'Indochine [Proto-Indochinois] qui, chassés des plaines côtières par les envahisseurs vietnamiens - qu'ils détestent, et c'est réciproque - tiennent sous leur coupe des territoires inaccessibles. Pacifiés après leur grande révolte de 1934-1935, ils fourniront aux Français d'abord, puis aux Américains leurs auxiliaires les plus sûrs et les plus fidèles contre le Viêt-Minh puis le Viêt-Cong. Vers le début des années '70, ayant entamé leur processus de désengagement, les Américains rappelèrent les bérets verts qui encadraient leurs maquis anti-communistes - abandonnant les Moïs aux coups des Nord et Sud-Vietnamiens tacitement d'accord pour perpétrer contre eux un véritable ethnocide (37).

Voilà le peuple du colonel Kurtz - le "peuple de l'abîme". Coupent-ils les têtes à la manière des Dayaks de Bornéo, auxquels ils sont d'ailleurs apparentés ? Nous avouons l'ignorer - c'est peut-être un fantasme de J. Milius, sait-on jamais (38) ? Si vous pensiez avoir fait le tour de l'horreur avec cette guerre du Viêt-Nam, relisez Paul Bonnecarrère (Par le sang versé) et comment, au début de la première guerre d'Indochine, une patrouille mixte de légionnaires et de Moïs (des Kha laotiens) anéantit un groupe de jeunes Viêt-minhs. Les Kha prélevèrent le foie sur leurs cadavres, et à l'étape les partagèrent fraternellement avec les légionnaires.

Les derniers païens
"Mon premier contact avec Apocalypse Now - raconte F.F. Coppola (39) - remonte aux environs de 1969 (40) lorsque j'ai entendu John Milius relater quelques anecdotes au sujet de faits se passant au Viêt-Nam (...). John Milius voulait en tirer un film sur le Viêt-Nam et je suggérai de le baser sur Le cœur des ténèbres, utiliser la métaphore du bateau et axer toute l'aventure sur le mystérieux colonel Kurtz."
Dans le roman de Joseph Conrad (1906), Kurtz est un trafiquant d'ivoire qui règne en dieu vivant sur une région inaccessible; il avait voulu évangéliser l'Afrique, mais c'était le paganisme qui avait triomphé de cette épreuve de force. La transposition de l'Afrique de Stanley dans la guerre du Viêt-Nam était aisée : les maquis secrets de la C.I.A. et de ses Forces Spéciales au Cambodge offraient le contexte rêvé. Plus tard, Jean Lartéguy écrira d'eux :

Il est dangereux de vivre trop longtemps au contact des primitifs, comme avec les Moïs des Hauts-Plateaux, quand on a conservé, c'était le cas [du colonel Edwards D.] Sotter, une âme d'enfant.
Les contraintes que nous impose la civilisation nous ont rendus fragiles tandis que les montagnards, dans leur simplicité, gardent intacte leur force originelle. Les missionnaires finissent par devenir fétichistes, les ethnologues croient aux bons sauvages et les soldats comme Sotter et ses bérets verts se barbouillent de peintures de guerre et apprennent à tirer à l'arbalète"
(41)

Ne peut-on pas juxtaposer avec les dernières lignes de Conan le Guerrier :

"La barbarie est l'état naturel de l'espèce humaine, (...) La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte d'une fantaisie de la Vie. Et la barbarie finit toujours par triompher." (42)

Si Francis Ford Coppola a donné à Milius la trame de Apocalypse Now (43), ce dernier par contre en assume bien les idées et le contenu : la guerre du Viêt-Nam et ses aberrations certes - mais aussi la fascination ethnologique (Frazer) pour le paganisme et ses mythes. Plus tard, Milius déclarera à propos de Conan le Barbare : "J'espère avoir donné dans ce film un reflet authentique de la morale païenne. Quand j'étais jeune, j'étais fasciné par le monde païen, et j'ai consacré une grande partie de mes loisirs à l'étudier, à tenter de le comprendre. Il me semble que nous pourrions y trouver des notions intéressantes, car je doute que nous ayons beaucoup gagné au christianisme" (44).

L'attaque du village par les hélicoptères munis de hauts-parleurs qui tonitruent La chevauchée des Walkyries de Wagner - fait de guerre plausible - c'est déjà le paganisme germanique de J. Milius, admirateur de R.E. Howard. (Il est significatif de noter que, devenu producteur, Milius nommera sa société "Valkyrie" (45).) Le fait que le colonel Kilgore (sic) - de la cavalerie héliportée des Etats-Unis - ait pour seul objectif stratégique... la conquête d'une place propice au surf en est comme une signature : Milius est lui-même un grand amateur de ce sport (46), aussi engagera-t-il un champion de surf, Gerry Lopez, pour tenir le rôle de Subotaï (47) dans Conan le Barbare; tout comme les chapeaux "cow boys" et le clairon saluant le départ des hélicos en sonnant la charge du 7th of Cavalry - allusion à John Ford dont Milius a vu tous les films 20 ou 30 fois. Le film tout entier tient dans cette juxtaposition - présente dans l'œuvre d'Howard - des mondes germanique et asiatique : "Notre monde hyborien est culto-allemand; la Cimmérie est la Finlande ou la Pologne... [et Ron Cobb, le décorateur, a travaillé dans une perspective] mongol/byzantin ou nordique/oriental si vous préférez" (48). 

Suite...

 


 

NOTES :

(13) J.R.R. TOLKIEN et son Seigneur des Anneaux restant toutefois l'exemple le plus réussi de la rigueur dans la fiction (porté à l'écran par Ralph Bakshi, EU - 1978 [animation] et Peter Jackson, EU - 2000-2003). - Retour texte

(14) Réalisée d'après les notes et esquisses de R.E. Howard par P. Schuyler Miller, John D. Clark, David Kyle et L. Sprague de Camp, cette carte est reproduite e.a. dans les volumes des deux séries "Conan" - Edition Spéciale (1972), puis Titres SF (1981) - chez Lattès. - Retour texte

(15) Dans la saga de Conan, la désinence en -us des noms aquiloniens en témoigne. - Retour texte

(16) Les Cimmériens ou Cimbres historiques devant, semble-t-il, être identifiés aux Kymris. "Conan", du reste, est un nom celtique - il signifie le Premier. Du Xe au XIIe s. il sera porté par quatre ducs de Bretagne. - Retour texte

(17) Il n'empêche que sa vision des Pictes en lutte contre Rome, reposant essentiellement sur la rêverie devant une carte de l'Empire romain où, au delà du Mur d'Hadrien, figuraient les mots "Pictes" et "Insoumis" est purement fantasmatique - cf. l'Introduction de François TRUCHAUD, "Bran, Cororuc, Cormac... et les Picts", Bran Mak Morn, NéO, n° 60, 1982. - Retour texte

(18) Sur le cheminement du mythe aryen cf. Léon POLIAKOV, Le mythe aryen (1971), Complexe, 1987; sur l'origine atlante de la race germanique, d'Olav Rudbeck à Jurgen Spannuth - sans omettre Zschaetzch et Lewis Spence - et son exploitation nationaliste : cf. : "Entretien avec P. Vidal-Naquet : Le mythe de l'Atlantide", in L'Histoire, n° 111, mai 1988, pp. 56-63; et Pierre VIDAL-NAQUET, "L'Atlantide et les Nations", in Lettre internationale, n° 19, hiver 1988-1989, pp. 4-8. - Retour texte

(19) Métal Hurlant, n° 74bis, avril 1982, p. 87. - Retour texte

(20) Cf. son Dillinger (1973). - Retour texte

(21) Métal Hurlant, op. cit., pp. 88-90. - Retour texte

(22) La politique de la canonnière au Maroc, en 1904, sous Théodore Roosevelt. - Retour texte

(23) Métal Hurlant, op. cit., p. 86. - Retour texte

(24) Starfix, n° 22, janvier 1985, pp. 46-49. - Retour texte

(25) Nam. L'histoire vécue de la guerre du Viêt-Nam. 1965 -1975, Bruxelles-Lausanne, éd. Atlas, 1988, I, pp. 236-237. - Retour texte

(26) Coécrit et coproduit par John Milius - cf. Starfix, n° 15, mai 1984, pp. 40-42. - Retour texte

(27) Le premier film réalisé par un Américain (en Italie) sur la guerre du Viêt-Nam et ses désenchantements est Les machines du diable (en Belgique : Cinq crapules, cinq héros) (The Loosers, Jack Starrett - IT, 1971). Une bande de voyoux motocyclistes et drogués sont recrutés par la C.I.A. pour récupérer un agent prisonnier des Communistes (en fait, il est passé à l'ennemi et la C.I.A. ne désire le récupérer que pour l'exécuter). Et voici nos Hell's Angels en action, chevauchant des bolides trafiqués, équipés de mitrailleuses et de lance-roquettes ! Ce nanar très premier degré débouchait fort curieusement sur un propos pessimiste.
Jack Starrett, notait J. Tulard (Dict. des réalisateurs, R. Laffont, coll. Bouquins), était passé "de la comédie homosexuelle (des gigolos, pour se faire réformer, se font passer pour pédérastes - Gay Deceivers, 1969) au black movie policier (Slaughter, 1972, Cleopatra Jones, 1973). Mais sa plus grande réussite demeure(ra) La course contre l'enfer (Race with de Devil, 1975), impressionnant film d'horreur sur les sectes américaines". Assez curieusement, on retrouvera un Jack Starrett dans le rôle de Galt, dans Rambo I (coïncidence homonymique, ou s'agit-il du réalisateur des Loosers ?).
Un mot encore sur William Smith, interprète de Link, le chef du commando-motocycliste dans The Loosers : ce spécialiste du bike movie - Run, Angel, Run (La haine des salopards, du même J. Starrett) et Angels die Hard (de Richard Compton) - et des rôles de tueur sadique était l'antagoniste de Clint Eastwood dans Ca va cogner. Ancien culturiste, on avait pu le voir capitaine de la garde dans Atlantis, Terre engloutie (G. Pal, 1961); dans Conan le Barbare, il incarnait le forgeron père de Conan. - Retour texte

(28) Après une première tentative de bilan dès mars 1986 (Hélène MERRICK, "Hollywood Biceps - L'épopée du muscle", Starfix, n° 34, mars 1986, pp. 56-57), on trouvera un panorama de ce nouveau cinéma musclé dans les articles suivants : 1) Cyrille GIRAUD, "Ciné-Muscle", Impact, n° 24, décembre 1989, pp. 6-15 [en dépit de son ton rigolo (on délaie la sauce comme on peut), fait remarquablement bien le tour de la question pour les années '80, mais échoue lamentablement lorsqu'il s'essaie à l'archéologie du genre - les Fifties-Sixties. Les pp. 7-8 ne sont qu'un fatras d'erreurs ou de coquilles (Mickey Hartigay pour Hargitay, Mario (sic) Ciani pour Sergio...). Charlton Heston-Ben Hur ne saurait avoir ouvert la voie au muscle opera puisque Ben Hur ne sortit qu'en 1959 alors que Steve Reeves faisait un tabac depuis 1957 (Les travaux d'Hercule)]; 2) Marc TOULLEC, "Catégorie : Poids Lourds" (dossier), Impact, n° 32, avril 1991, pp. 26-37. - Retour texte

(29) Hum... pas si gratuite que cela. Le film indique clairement que le village, véritable hérisson fiché au milieu des communications US, était bourré de Vietcongs armés jusqu'aux dents. Malheureusement, le choix de cet objectif stratégique - parmi d'autres - était dicté par sa plage et ses superbes rouleaux idéaux pour la pratique du surf ! Et c'est cette motivation ludique que le film de Coppola avait choisi de mettre en relief. - Retour texte

(30) Les cahiers du cinéma, n° 304, octobre 1979, pp. 45-48. - Retour texte

(31) "L'Amérique [réduite à ses] gadgets en délire, à [ses] technologies hédonistes si incroyablement déplacées sur la scène vietnamienne" - Pascal BONITZER, Les cahiers du cinéma, op. cit., p. 48. - Retour texte

(32) Réédité chez Robert Laffont en 1981-1984, dans la fameuse collection "Bouquins" : 1. Le roi magicien dans la société primitive - Tabou et les périls de l'âme; 2. Le dieu qui meurt - Adonis - Atys et Osiris; 3. Esprits des blés et des bois - Le bouc émissaire; 4. Balder le Magnifique. - Retour texte

(33) Pier Paolo Pasolini a mis en scène ce rite dans Médée (1970). - Retour texte

(34) Notre fête du Carnaval (qui autrefois coïncidait avec l'année nouvelle) trouve son origine dans le remplacement du roi annuel (interrègne).
A Babylone, au nouvel an - ou Akitu - un esclave était sustitué au roi pour la durée de la journée, jouissait à satiété de ses privilèges, des femmes de son harem, etc. - puis, le soir, était sacrifié en tant que le roi. - Retour texte

(35) Georges CONDOMINAS, L'exotique est quotidien, Plon, coll. Terre humaine, 1965, rééd. 1982, p. 10.
L'ethnologue était âgé de dix ans, au moment de cette rencontre. - Retour texte

(36) Les termes Moï - mot vietnamien qui veut dire "Sauvages" - ou Phnong (au Laos, on les nomme aussi les Kha, "Esclaves"), ne désignent pas, en fait, un peuple particulier, mais un ensemble de tribus appartenant à deux groupes ethniques distincts :
- les Austroasiatiques (la famille môn-khmère), d'origine continentale, comprenant e.a., au Viêt-Nam, les Bahnars au nord, les Köho et les Mnong au sud, et au Laos, les Kha;
- les Austronésiens (la famille malayo-polynésienne), d'origine insulaire, comprenant principalement les Chams, les Rhadès et les Joraï.
P.K. Benedict rapproche linguistiquement les Austronésiens des Thaïs.
"Rappelant de loin le potlach" (Condominas), le sacrifice du buffle au sabre et à la lance, lequel est ensuite dépecé, est le grand moment de la vie cultuelle des Moïs (cf. description de ce sacrifice dans G. CONDOMINAS, op. cit., p. 164 sqq.). - Retour texte

(37) Il semble qu'actuellement la politique de "vietnamisation" des Hauts-Plateaux se poursuive, mais par des méthodes plus douces. - Retour texte

(38) "Les jeunes gens [moïs] qui désiraient se marier devaient avoir trempé leur lance dans du sang humain. (...) Les "expéditions de sang" des Katu au sud-ouest de Hué (...) rappellent sur bien des points les fameuses "chasses aux têtes" des Nagas de l'Assam ou des Dayaks de Bornéo" - G. CONDOMINAS, op. cit., p. 112. - Retour texte

(39) Positif, n° 220-221, juillet-août 1979, p. 13. - Retour texte

(40) Le film ne verra le jour que dix ans plus tard, en 1979. - Retour texte

(41) Jean LARTÉGUY, Le roi noir, Paris, éd. de Fallois, 1991, p. 38. - Retour texte

(42) R.E. HOWARD, "Au delà de la Rivière Noire", in Conan le Guerrier, VI, Lattès, coll. Titres SF, n° 40, p. 308. - Retour texte

(43) A l'exception toutefois du dénouement, qui est de Coppola; il existe du reste deux ou trois "finales" différentes du film, tournée par Coppola, avant que celui-ci ne fasse un choix définitif (Positif, n° 220-221, p. 15).
En 1978, John Milius se fait dégager du plateau de Apocalypse Now, dont il cosignait le script. Coppola ne raye pas son nom du générique, mais avoue avoir été peu emballé par les fins proposées par son coscénariste. Quelles étaient-elles ? Nous ne le saurons jamais. Toujours est-il qu'un beau matin philippin de 1978, Milius se tirait en traitant Coppola de "fasciste" (sic) - N. BOUKRIEF, Starfix, n° 22, janvier 1985, p. 47. (A manier avec précaution : Coppola, justement, lorsque sortira son film, affirmera que le scénario de Milius ne comportait pas de fin, et qu'il dut en improviser une/plusieurs en cours de tournage.) - Retour texte

(44) Pressbook Conan le Barbare. - Retour texte

(45) Starfix, n° 22. - Retour texte

(46) Métal Hurlant, n° 74bis, p. 86. - Retour texte

(47) Gerry Lopez, Hawaiien de mère japonaise, rappellera dans une interview la passion de Milius pour l'histoire des Mongols et son admiration pour Genghis Khan, dont Subotaï (personnage non howardien, ajouté par Milius) était l'un des plus brillants généraux. - Retour texte

(48) Interview de J. Milius, Métal Hurlant, n° 74bis, p. 88. - Retour texte