site peplums

logo peplums

Gladiateurs
(Tilman Remme - GB, 2003)

[docu-fiction tv]

gladiateurs - tilman remme

Un péplum d'un genre nouveau - un docu-péplum BBC entièrement interprété par des acteurs - retrace la vie d'un champion de Titus, héros d'un duel resté fameux grâce à une épigramme de Martial. Pour une fois, des propos intelligents sur la gladiature, à contre-courant de certaines idées reçues...

Lorgnant parfois vers Spartacus de Kubrick (les mines en Libye), le scénario imagine la carrière de Verus - dont les exploits ne nous sont connus, essentiellement, que par les douze vers latins de l'épigramme XXIX du Liber spectaculis de Martial : "Priscus prolongeait sans fin le combat; Verus faisait de même, et leur valeur depuis de longs moments maintenait la balance égale entre eux : l'assistance réclama bien des fois un double congé. Mais César voulut obéir à la loi qu'il avait établie lui-même : lutter, bouclier déposé, jusqu'à ce que l'un des combattants levât le doigt. Il fit ce qu'il avait le droit de faire : à maintes reprises il fit porter aux deux adversaires des plats et des dons d'argent : pareils dans le combat, ils tombèrent pareillement. A l'un et à l'autre César (1) fit alors remettre le glaive de bois et la palme de la victoire : tel fut le prix de leur valeur et de leur adresse. Ce fait ne s'est produit sous aucun autre prince que toi, César : deux combattants et deux vainqueurs !" (trad. H.J. Izaac).

Conçu comme une fiction (les acteurs échangent leurs répliques en latin - commentant les images, la voix off du poète Martial alterne avec celle de Verus qui se remémore), ce documentaire remet les pendules à l'heure en matière d'idées reçues par le grand public. Ces "athlètes de haut niveau" risquent, certes, leur vie ou tout au moins leur intégrité physique, mais le massacre n'est pas le but, seulement la soumission de l'adversaire. L'éditeur des jeux doit rembourser au laniste la valeur - élevée - du matériau détérioré (les tués, les estropiés, mais aussi ceux qui sont libérés), ce qui ne va pas toujours sans lui provoquer un petit pincement au cœur... et aux cordons de sa bourse ! Car le coût la mise à mort s'ajoutait à celui de la location (2); Georges Ville (3), parle d'un auctoramentum de 100.000 sesterces que Tibère avait dû verser à des champions, des rudiarii pour obtenir qu'ils combattissent au cours du munus qu'il organisa pour célébrer son accession au trône. Il en va de l'activité du lanista - le trafiquant de chair humaine, si souvent assimilé au leno (proxénète) - comme de l'amour des courtisanes, et l'on peut aussi qualifier de "meurtre tarifé" la mise à mort du gladiateur.

La reconstitution du Colisée est superbe, et semble s'être inspirée, sinon avoir bénéficié de la technologie du Gladiator de Ridley Scott (4). Le visage fermé, Frank Shannon s'efforce de jouer dans la ligne de Russell Crowe. Un bémol toutefois en ce qui concerne les panoplies des gladiateurs. Verus combat à visage découvert (certains casques de la république étaient ainsi conçus), mais son cassis est plutôt celui d'un légionnaire à large couvre-nuque. La demi-cuirasse qui lui couvre le haut du torse est d'usage peu courant, sinon insolite. Enfin, la longueur des épées nous paraît davantage référer aux premiers temps de la gladiature (à l'époque des armaturæ "ethniques" comme les samnites et les gaulois), plutôt qu'aux armes en usage dans l'amphithéâtre au Ier s. de n.E.

Nous avouons nous être posé le question de savoir à quelle arme pouvait bien appartenir Verus, dans le film. Selon toute probabilité, c'est un thrace (quoique le fait d'appartenir à cette nation ne le fisse point obligatoirement tomber dans cette catégorie). Comme les thraces, Verus avec sa rondache est un parmularii - encore que les thraces soient généralement représentés avec un bouclier carré. Mais des thraces légers sont souvent figurés de la sorte, jambes nues et visage découvert (même si l'on songe plus volontiers au thrace lourd, avec sa paire de jambières et son casque à visière fermée surmonté d'un griffon). Toutefois, son glaive droit ne laisse pas d'étonner : ne fait-il pas davantage référence au samnite ? Or la plus sûre caractéristique du thrace est, justement, sa sica, son fameux poignard à lame recourbée ou faisant angle obtus... Nobody is perfect !

LIEN INTERNET : Interview de John Leonti, superviseur des effets visuels : www.vocanson.com

gladiateurs

Verus (à gauche) et Priscus (à droite) :
des armaturae incertaines… (photo BBC)

 

gladiateurs - tilman remme

Dans le Colisée... les painting mattes et l'infographie : suppléeront au reste (photo BBC).

 

Gladiateurs
Grande-Bretagne, 2003
Colosseum - Rome's Arena of Death
Colosseum - Rome's Arena of Death [GB]

Prod. : BBC - Discovery Channel - RTL (participation de France 2) / Coul. / Documentaire TV / env. 50'

Fiche technique
Réal. : Tilman Remme; Images : Peter Greenhalgh (chef opérateur) (Cadreur : Stephen Murray - Assist. cadr. : Jay Odera); Prod. exéc. : Andrea Cornwell; Dir. prod. : Mark Walden-Mills; Conseillère scénario : Chris Oulds; Assist. prod. : Rosie Schellenberg; 1er assist. réal. : Edward Brett; Mont. image : Malcolm Daniel; Prod. dél. : Laurence Rees, Jonathan Stamp; Cascades créées par : Andreas Petrides; Cascades : Stuart Clark, Ray Nicholas, Buster Reeves; Conseiller historique : Prof. Keith Hopkins; Clapman : Richard Ackland; Machiniste : Keith Mead; Electricien : Gary Chaisty; Technicien vidéo : Sam Crew; Ing. son : John A. Parry; Preneur son : Steve Wright; Costume : Jeremy Turner; Assist. cost. : Jane Stuart Brown; Habilleur : Stephen Paciello; Costumes : E. Rancati s.r.l.;
Conception maquillages et coiffures : Anne Spiers; Maq. : Christine Whitney; Coiffures : Paul Mooney; Décorateur : Maurice Cain; Dir. art. : Michael Fleischer & Karl Probert; Accessoires : Clive Pickard. - Equipe tunisienne : Elyes Zrelli, Senda Anane, Khaled Joulak, Lofti Ben Yaha, Nadia Anane, Radhia Haddad, Zeineb Ayachi; Régisseur d'extérieurs : Moez Kamoun, Philippa Day; Scripte : Rosemary Carr; Documentaliste : Lucy Grig, Nadege Vidal. - Effects spéciaux : The Moving Picture Company; Dir. techn. : John Leonti; Equipe des eff. spéc. : Chris Thunig, Stephanie Dargent, Klaudija Cermak, Lorraine Cooper, Damien Fangou; Concepteur ambiance sonore : Asher Edwards; Réal. eff. spéc. : Nicola Kingham. - Etalonnage : Aidan Farrell; Monteur son : Karl Mainzer; Mixeur : Cliff Jones; Directrice financière : Anna Mishcon; Coord. de prod. : Serena Davies, Harriet Rowe; Musique produite par : Steve McLaughlin et interprétée par : The London Metropolitan Orchestra; Musique comp. : Ilan Eskeri.

Fiche artistique
Robert Shannon (Verus) - Derek Lea (Priscus) - Jamel Aroui (Titus) - Lofti Dziri (Drusus, entraîneur) - Hichem Rostom (laniste) - Dorra Zarrouk (femme à la cour impériale).

Distribution
BE/ RTB 1, mardi 13 janvier 2004

Notes
Tournage dans l'amphithéâtre romain d'Oudna (Tunisie).

Unité de programmes documentaires : Yves Jeanneau, Anne Roucan; Atelie de production : Clotilde Beslon; Attachée de Presse : Audrey Dauman; Adaptation française : Claude Valenta (pour Imagine). Voix fr. de Verus : Frank Nicotra; Voix fr. de Martial : Hervé Caradec.

Scénario
En 76 de n.E., les Romains ravagent la Thrace révoltée. Parmi d'autres, un villageois est emmené en esclavage, vendu aux enchères et affecté dans une carrière de pierre des environs de Rome.
Avec l'or récolté lors du pillage de Jérusalem, l'empereur Vespasien et son fils Titus font construire un grand amphithéâtre où ils comptent donner des jeux magnifiques pour célébrer la dynastie flavienne. Lorsqu'un laniste visite le chantier dans l'espoir d'y recruter quelque teigneux pour son école de gladiateurs, Verus - qui n'a plus rien à perdre - s'arrange pour se faire remarquer.

Malgré les risques, la vie de gladiateur est privilégiée... à côté de celle que mènent les esclaves dans les carrières qui ont extrait les quelques 100.000 m3 de pierre qui furent nécessaires à la construction du gigantesque édifice ! La moitié des hommes étaient des volontaires, souvent de condition libre. Pour les Romains, les gladiateurs symbolisaient le courage et le mépris de la mort, vertus qui leurs étaient chères. En moyenne, le gladiateur pouvait espérer avoir neuf chances sur dix de survivre à un combat (5).
Pour Verus, d'abord combattant timide, c'est alors le début d'une implacable ascension vers la renommée. Dans une petite arène des faubourgs de Rome, il combat d'abord contre un mirmillon, et prend sa première raclée. Mort de honte, il demande à ses entraîneurs la permission de livrer un autre combat, contre un thrace cette fois : sa première victoire. Plus tard, appelé à une petite fête privée il devra, en présence de Titus, égorger son adversaire-tricheur. (Celui-ci avait arraché son glaive à un prétorien et combattait en dimachère sans y être autorisé.) C'était le première fois qu'il tuait un homme en dehors de l'arène, et cela lui laissa un petit goût amer.
Dans l'arène, c'était différent. Mais bon..
En un seul combat, un gladiateur pouvait gagner autant qu'un légionnaire en un an. Souvent les gladiateurs avaient femme et enfant. Dans l'adversité, quand mourrait un camarade, ils se soutenaient entre eux.

En 80 de n.E., Titus inaugure le Colisée; après la ruine de Pompéi (79) et l'incendie de Rome (début 80), sa cote de popularité est au plus bas. Il a fait venir les meilleurs gladiateurs et, de tous les coins d'Empire, des milliers de fauves. Un dresseur a nourri ceux-ci avec des lambeaux de chair humaine, pour les accoutumer à ce met contre-nature. Mais, terrorisés par les cris de la foule, les fauves n'osent s'attaquer aux condamnés à morts qui leur sont offerts en pâture. En punition, l'entraîneur est amené devant la tribune, et un prétorien lui plonge son glaive dans l'épine dorsale.
Puis, c'est le tour des gladiateurs. Pour couronner leurs prestations, deux grands champions doivent ensuite s'opposer : Verus doit affronter un ancien camarade, le Celte Priscus, esclave comme lui et, comme lui, redoutable. Ce duel vaudra-t-il un trophée et - peut-être - la liberté pour l'un d'eux ? Ou s'achèvera-t-il dans le sang par une mort glorieuse mais cruelle ?

Le trio formé par Verus, Priscus et l'arbitre est la cible de tous les regards. Aucun de ces deux gladiateurs ne le cédera à l'autre, même lorsqu'il leur sera demandé de déposer leur bouclier et de continuer de combat sans protection. Finalement, s'inclinant devant la foule enthousiaste, Titus les déclarera vainqueurs tous deux, les couvrira d'or et leur remettra à chacun la palme du vainqueur et le glaive de bois qui les libère de l'obligation de dorénavant encore descendre dans l'arène.

 


 

Notes :

(1) Titus. - Retour texte

(2) Libre ou esclave, le gladiateur touchait un pourcentage du prix de sa location (l'esclave un peu moins, bien sûr). - Retour texte

(3) G. Ville, La gladiature en Occident, p. 322, n. 2. - Retour texte

(4) Nombre de costumes (ceux des prétoriens, notamment) provienennt de Gladiator. - Retour texte

(5) La mort d'un combattant ne survenait que du fait 1) soit d'un coup mortel porté par l'adversaire dans l'enthousiasme du combat (mais la tendance "professionnelle" était d'éviter de porter ce genre de coup); 2) soit la sanction, par la volonté populaire, de l'incompétence ou de la lâcheté. - Retour texte