site peplums
 
logo peplums

Rome
[TV : HBO - BBC]
(Michael Apted, Allen Coulter, Julian Farino, etc. -
EU-GB, 2005)

(page 4/18)

 

Pages précédentes :

Rome, unique objet de mon assentiment...

INTRODUCTION

I. PAVÉS MOUILLÉS, RUELLES INTERLOPES...

II. QUELQUES THÈMES À LA LOUPE

III. NAISSANCE D'UN EMPIRE

IV. LE TRIOMPHE

V. LA LÉGION

VI. UN PEU D'EXOTISME : L'ÉGYPTE GRECQUE

Sur cette page :

Ô ROME ET CÆTERA...
LES PERSONNAGES

DEUX DE LA XIIIe LÉGION

Les centurions de César
Les frères ennemis

LUCIUS VORENUS (Kevin McKidd)

Un Romain à l'ancienne
Je ne te reconnaissais pas sans ton glaive ensanglanté...
Les centurions sont éternels...

TITUS PULLO (Ray Stevenson)

Qu'est-ce qu'un héros ?
L'aigle perdue

AUTRES PERSONNAGES DE FICTION

ERASTES FULMEN (Lorcan Cranitch)
GLABIUS (Roberto Purvis)
NIOBÉ (Indira Varma)
POSCA (Nicholas Woodeson)
QUINTUS POMPÉE (Rick Warden)
TIMON le JUIF (Lee Boardman)

Pages suivantes :

LES PROTAGONISTES HISTORIQUES

ANTOINE (James Purefoy)
ATIA (Polly Walker)
BRUTUS (Tobias Menzies)
CASSIUS (Guy Henri)
CATON D'UTIQUE (Karl Johnson)
CÉSAR (Ciaran Hinds)
CICÉRON (David Bamber)
CLÉOPÂTRE VII (Lyndsey Marshall)
METELLUS SCIPIO (Paul Jesson)
OCTAVE (Max Pirkis)
OCTAVIA (Kerry Condon)
POMPÉE (Kenneth Cranham)
PTOLÉMÉE XIII DIONYSIOS (Scott Chisholm)
SERVILIA (Lindsay Duncan)

APPENDICES : CLODIA & CLODIUS

Fiche technique

Résumés de la première saison

BIBLIOGRAPHIE

 

Forum consacré à la série Rome

Ô ROME ET CÆTERA...
LES PERSONNAGES

En principe, il ne devrait pas être nécessaire de rappeler ici qui étaient Jules César, Pompée le Grand (1), Marc Antoine - le futur triumvir, qui se couvrit de gloire à Alésia comme préfet de la cavalerie de César - ni Gaius Octavi(an)us, le futur Octave-Auguste. Pourtant, à moins d'être vraiment connaisseur, peu de téléspectateurs seraient capables de décliner leur curriculum vitæ respectif de manière un peu structurée. Nous allons donc essayer d'y mettre bon ordre, au moins pour les principaux.
Si M. Porcius Cato et M. Tullius Cicero - sous ces derniers tria nomina on aura, bien sûr, reconnu le fameux orateur Cicéron, qui changea souvent de camp - sont encore relativement bien connus de ceux qui ont une culture classique, en ira-t-il de même des autres protagonistes, tout aussi historiques, comme Atia, la nièce de César et mère d'Octave - dont la série-TV livre une image assez licencieuse - ou sa fille Octavia ? Ou encore Servilia, une ancienne maîtresse de César, demi-sœur du précité Caton d'Utique, et mère du fameux Brutus.

Il est curieux de constater que - sauf les couples César-Calpurnia et Pompée-Cornelia - la série a systématiquement élagué les épouses ou maris pour ne conserver que les personnages saillants et les recréer à la discrétion des scénaristes : exit donc L. Marcius Philippus, le mari d'Atia; Antonia, l'épouse d'Antoine; Terentia, madame Cicéron; Porcia, la femme de Brutus ou Atilia, celle de Caton d'Utique... Quant à Servilia, elle peut bien nous jouer le grand air de la veuve joyeuse qu'elle était en vérité, puisque son second mari, le consul de 62 D. Silanus Junius lui avait tiré sa révérence peu après son consulat. Mais, en réalité, nous ne savons pas comment Servilia termina sa vie... Libre, donc, aux scénaristes de tirer parti de ces zones d'ombre.

D'autres protagonistes historiques brillent également par leur absence, comme Titus Labienus - le principal légat de César, qui passa au parti pompéien - ou C. Scribonius Curio (CLICK et CLICK), et parmi les sénateurs, des gens comme M. Calpurnius Bibulus, L. Domitius Ahenobarbus, P. Cornelius Lentulus Spinther ou les consuls de 49, L. Cornelius Lentulus Crus et C. Claudius Marcellus, ou encore le tribun de la plèbe L. Metellus qui refusa de remettre à César les clés du trésor public, si ce n'est la pointe d'un glaive sur la gorge. Il est vrai que, nécessités scénaristiques obligent, dans Rome (HBO) César ne braque pas le trésor public qui est retrouvé par Pullo dans un chariot abandonné en rase campagne. Et que l'époux d'Octavia, Claudius Marcellus s'est vu remplacé par un pâle Glabius que sa belle-mère Atia fera assassiner.

Certains personnages qui n'offraient pas grande utilité dans l'intrigue ont été omis, comme Aurelia, la mère de César, qui décéda des mois après sa fille Julia. Quand César affronte Pompée à Pharsale, Caton ne s'y trouvait pas : il était à ce moment en Sicile, occupé à réunir des moyens pour la guerre. En revanche, Metellus Scipion venait de rejoindre Pompée avec deux légions de vétérans qu'il avait amenées de Syrie, dont il était le proconsul. Plutôt que de mettre autour de Pompée une pléthore de personnages dont la personnalité risquait d'échapper aux téléspectateurs, il était plus simple de limiter le parti sénatorial à seulement une demi-douzaine de noms - Pompée (père et «fils»), Caton, Scipion, Cicéron et Brutus (et plus tard Cassius) - pour en illustrer les grands vecteurs. Et ne pas tenir compte de leurs pérégrination respectives.

DEUX DE LA XIIIe LÉGION

Une fine équipe de légionnaires, Titus Pullo (Ray Stevenson) et Lucius Vorenus (Kevin McKidd), rentrent au pays. Goûteront-ils au repos du guerrier ? Rien n'est moins sûr... Les deux principaux protagonistes de la série, Lucius Vorenus et Titus Pullo, n'ont pas été tout à fait inventés. Titus Pullo et Lucius Vorenus ont bien existé. Qu'ils aient appartenu à la XIIIe légion n'est qu'une possibilité, non une certitude. En fait, puisqu'ils se trouvaient sous les ordres de Quintus Cicero dans son camp sur la Sambre à l'automne 54, ils appartenaient probablement à la XIVe que, l'année suivante, le même Q. Cicéron commandait dans l'Atuatuca réoccupée (G.G., VI, 32). Mais comme sur la dizaine de légions que César possédait dans les Gaules, ce fut avec la seule XIIIe qu'il marcha sur Rome en janvier 49, le scénariste a bien dû quelque peu solliciter l'Histoire.
A noter que la XIIIe, à qui la série HBO attribue les emblèmes du sanglier et de la cigogne, (2) est plutôt associée aux noms de Lucius Roscius, qui la commanda en 54 (G.G., V, 53), puis de Titus Sextius, qui la commanda en 52 (G.G., VI, 51; VIII, 11). En 51, Antoine - qui, dans le feuilleton HBO, est le légat de la XIIIe - était en fait le patron de la XIIe, avec la fonction de questeur (G.G., VIII, 24); mais l'année précédente, cette même XIIe avait, avec d'autres, combattu contre Camulogène sous la direction de Labienus (G.G., VII, 62). En fait, César n'associe que de manière tout à fait occasionnelle le matricule de ses légions avec le nom de leur chef, et il est évident que le légat qui commandait telle légion cette année-ci pouvait en prendre une autre l'année suivante, au gré des nécessités stratégiques.

Vorenus et Pullo étaient-ils aux côtés de César en Egypte ? C'est encore possible, plausible même, mais on n'en sait rien. Les scénaristes ont imaginé le destin de deux soldats de César, dans la guerre et dans la paix. Dans la gloire et dans la misère. Et les ont insérés dans les événements connus. On sait, bien sûr, que ce ne furent pas deux légionnaires, mais son serviteur Apollodore qui amena Cléopâtre à César ! Alors donc, Pullo assassin, Vorenus sénateur... ? c'est du roman, possible, plausible - bien entendu - mais du roman. Encore que, de l'extraction bassement prolétarienne de Vorenus, fils d'un affranchi (?)... à un siège au Sénat, il y ait loin !

 

rome hbo - vorenus et pullo

Lucius Vorenus a rempilé pour la solde; Titus Pullo est devenu homme de main et tueur à gages.
Dur dur d'être légionnaire sans emploi (Rome, HBO)

 

Tout ce que nous savons de fiable à propos de nos deux héros tient en une seule anecdote de la Guerre des Gaules. Dans sa relation, César mentionne Pullo et Vorenus comme deux centurions rivaux en bravoure qui, à l'automne 54, se distinguèrent spécialement sous les ordres de son légat Quintus Cicero (le frère de l'orateur). Lors de la révolte des Nerviens, Eburons et Atuatuques coalisés, celui-ci était assiégé par les Nerviens dans son camp sur la Sambre.
«Il y avait dans cette légion deux centurions d'une grande bravoure, qui approchaient des premiers grades, Titus Pullo et Lucius Vorenus. C'était entre eux une perpétuelle rivalité à qui passerait avant l'autre, et chaque année la question de l'avancement les mettait en violent conflit. Pullo, au moment où l'on se battait avec le plus d'acharnement au rempart, s'écria : «Pourquoi hésiter, Vorenus ? quelle autre occasion attends-tu de prouver ta valeur ? c'est ce jour qui décidera entre nous.» A ces mots, il s'avance hors du retranchement, et choisissant l'endroit le plus dense de la ligne ennemie, il fonce. Vorenus ne reste pas davantage derrière le rempart, mais craignant l'opinion des troupes, il suit de près son rival. Quand il n'est plus qu'à peu de distance de l'ennemi, Pullo jette son javelot et atteint un Gaulois qui s'était détaché du gros de l'ennemi pour courir en avant; transpercé, mourant, ses compagnons le couvrent de leurs boucliers, cependant que tous à la fois ils lancent leurs traits contre le Romain et l'empêchent d'avancer. Il a son bouclier traversé d'un javelot qui se plante dans le baudrier de l'épée : ce coup déplace le fourreau, et retarde le mouvement de sa main qui cherche à dégainer; tandis qu'il tâtonne, l'ennemi l'enveloppe. Son rival, Vorenus, accourt à son aide. Aussitôt, toute la multitude des ennemis se tourne contre lui et laisse là Pullo, croyant que le javelot l'a percé de part en part. Vorenus, l'épée au poing, lutte corps à corps, en tue un, écarte un peu les autres; mais, emporté par son ardeur, il se jette dans un creux, et tombe. C'est à son tour d'être enveloppé; mais Pullo lui porte secours, et ils rentrent tous deux au camp, sains et saufs, ayant tué beaucoup d'ennemis et s'étant couverts de gloire. La Fortune traita de telle sorte ces rivaux, qu'en dépit de leur inimitié ils se secoururent l'un l'autre et se sauvèrent mutuellement la vie, et qu'il fut impossible de décider à qui revenait le prix de la bravoure» (G.G., V, 44).

A quelque distance de la légion de Q. Cicéron et au même moment, les légats Sabinus et Cotta étaient assiégés par les Eburons dans l'Atuatuca. Ces deux légats avaient sous leurs ordres quinze cohortes - soit une légion et demie - appartenant aux légions XIII et XIV. Nous ignorons quelle proportion exacte de l'effectif respectif de ces deux légions se trouvait dans l'Atuatuca... ou ailleurs. Et César ne nous précise pas le matricule de la légion à laquelle appartenaient les deux centurions.
Ce qui veut dire que, comme précisé plus haut, Vorenus et Pullo - qui eux n'étaient pas dans l'Atuatuca, mais à des kilomètres de là, dans le camp de Q. Cicéron - pouvaient aussi bien appartenir à une vexillation de la XIIIe ou de la XIVe, qu'à une autre légion.
(Sur les différentes légions de César pendant la guerre des Gaules, renvoyons à notre dossier Vercingétorix.)

Les centurions de César
La documentation de presse, largement répercutée dans les articles rendant compte de la série-TV, affirme que Lucius Vorenus et Titus Pullo sont les deux seuls centurions dont La Guerre des Gaules nous ait conservé le souvenir. Il n'en est rien. César aimait magnifier ses centurions, soldats professionnels, épine dorsale de son armée - au contraire de ses légats, ses «généraux», pour qui le service sous les aigles n'était qu'une étape obligatoire dans la carrière des honneurs, un tremplin pour le monde politique.
Il ne manquait jamais une occasion de les mettre en valeur. Par exemple, César indique rarement les effectifs de ses pertes. La plus importante semble être celle des quinze cohortes massacrées à l'Atuatuca. Mais les VIIe et VIIIe se firent également durement étriller à Gergovie, où les Romains perdirent un peu moins de sept cents légionnaires et... quarante-six centurions (G.G., VII, 51). Il ne faut pas faire un grand effort d'imagination pour comprendre que la perte de ces bas-officiers serait difficilement réparable.
Au long de sa relation, César nomme, presque tous tués ou hors de combat : P. Sextius Baculus, centurion primipile de la XIIe légion qui se distingua contre les Nerviens sur les bords de la Sabis, puis lors de l'attaque du camp de Galba à Octodurus, enfin à celle du camp de Cicéron à l'Atuatuca (3) où il défend, seul, la porte du retranchement (G.G., II, 25; III, 5; VI, 38); Titus Balventius et Quintus Lucanius, deux centurions primipiles, le premier grièvement blessé et le second tué en combattant les Eburons au cours de l'embuscade où tombèrent ses légats Cotta et Sabinus (G.G., V, 35); Lucius Fabius, centurion de la VIIe légion, qui se signala par son courage à Gergovie, montant sur le rempart et y trouvant la mort (G.G., VII, 47, 50), et son collègue Marcus Petronius, héroïque centurion de la VIIIe légion, qui à Gergovie également se sacrifia pour couvrir la retraite de ses hommes (G.G., VII, 50).

César évoque aussi ses tribuns : Marcus Aristius, tribun militaire, arrêté au sortir de Chalon par les Eduens soulevés (G.G., VII, 42, 43); Quintus Laberius Durus, tribun militaire, tué au cours de la seconde expédition de Bretagne (G.G., V, 15). Quintus Velanius, Titus Silius, Titus Terrasidius et Marcus Trebius Gallus, tous préfets ou tribuns militaires de la VIIe légion de P. Crassus, en 56, avaient été envoyés acheter des vivres les deux premiers chez les Vénètes, le troisième chez les Esuvii (Uxelles) et le quatrième chez les Coriosolites; ils furent pris et retenus comme otages par ces peuples. Mais César ne nous dit pas comment se termina pour eux leur tragique mésaventure (G.G., III, 7, 8).
En revanche, on peut suivre à la trace la carrière de Caius Volusenus Quadratus, tribun militaire à la XIIe en 56 (4), que l'année suivante Servius Sulpicius Galba chargea d'opérer une reconnaissance sur les côtes de la Grande-Bretagne. En 53, il commanda un corps de cavalerie pendant l'expédition contre les Eburons. Il reçut la mission de tuer par trahison l'Atrébate Commios, mais ne réussit qu'à le blesser. Il s'attacha alors à Marc Antoine comme préfet de la cavalerie dans le pays des Atrébates, et, au cours d'une échauffourée fut grièvement blessé de la main de Commios en personne. Tribun du peuple en 43, Volusenus restera un des fidèles partisans d'Antoine (G.G., III, 5; IV, 21, 22; VI, 41; VIII, 23, 48).

César parle plus rarement de ses sous-officiers d'élite que sont les aquilifères. Nous avons vu qu'il nous avait néanmoins conservé le nom de Lucius Petrosidius qui, ayant courageusement combattu devant l'Atuatuca, périt après avoir mis en sûreté son aigle en la jetant par-dessus le rempart (G.G., V, 37). Toutefois, il omet de nommer «celui qui portait l'aigle de la Xe légion», qui montra l'exemple à ses camarades en sautant sur la plage le premier, lors de la première expédition en Bretagne, en 55.

Sans violer aucun fait historique connu, sauf peut-être à propos de Cléopâtre, les aventures de Lucius Vorenus et de Titus Pullo sont complètement fictives. Chez César, Vorenus et Pullo sont tous deux des centurions; dans le TV-film le second est un simple légionnaire, un miles gregarius qui normalement ne devrait même pas être dans la légion, n'étant pas citoyen romain (son père et sa mère étaient esclaves (ép. 9), aussi le statut social de Pullo est-il très ambigu).

Les frères ennemis
Titus Pullo et Lucius Vorenus sont dépeints comme deux amis improbables, le premier un ivrogne, le second un centurion rigide et austère. Chez César, le centurion Pullo s'avance hors du retranchement, et son rival en bravoure Vorenus le suit pour ne pas demeurer en reste. Entourés par les Gaulois, ils se sauvent mutuellement la vie avant de réintégrer leurs lignes. Dans la série-TV, Pullo n'est plus qu'un simple légionnaire indiscipliné, qui rompt la formation méthodique pour aller jouer au héros. Vorenus est obligé de récupérer et sanctionner ce soldat qui ne combat pas selon les règles tactiques.
(Selon Wikipedia, Pullo aurait été un centurion d'un rang plus élevé que Vorenus, et n'auraient servi dans la XIIIe légion que pendant une brève période avant d'être transféré à la XIe - mais ceci n'apparaît pas à la lecture de César, pas plus que nous ne trouvons de certitude quand à leur appartenance à la XIIIe.)

LUCIUS VORENUS (Kevin McKidd)
Centurion - mari de Niobé. Le soldat romain dans toute sa splendeur : impitoyable et loyal. Il est fidèle à sa femme Niobé, mais aussi extrêmement jaloux. C'est l'Ecossais Kevin McKidd, vu dans Kingdom of Heaven où il interprète le rôle d'un sergent anglais, qui incarne le prudent et pragmatique Lucius Vorenus. Acteur de théâtre, McKidd s'est fait remarquer pour sa performance dans The Silver Darlings pour laquelle il a reçu plusieurs prix. Sa carrière cinéma a débuté avec Trainspotting et Small Faces. Depuis on pu le voir au cinéma, acteur de seconds rôles comme dans Dog Soldiers, ou à la télévision dans Anna Karenina et Richard II. On devrait bientôt le retrouver dans le rôle d'un féroce chef barbare, Wulfila, dans La dernière légion de Doug Lefler, d'après le roman de Valerio Manfredi.

 

rome hbo - lucius vorenus

Lucius Vorenus

 

Vorenus appartient à la tribu romaine (5) Stellatina. Il est originaire de Modène (Mutina) en Gaule Cisalpine (6), et donc a du sang gaulois dans les veines. Cela se voit à ses cheveux blonds; aussi lorsqu'il se présentera aux élections ses concitoyens lui reprocheront cette ascendance (ép. 10). Ses parents élevaient des chevaux, et son mariage avec la romaine Niobé fut sans doute un «mariage arrangé», courant à l'époque, comme le suggère When in Rome, un bonus accompagnant l'édition DVD.

Lorsque Jules César prend sa charge de proconsul d'Illyrie, Cisalpine et Narbonnaise, il dispose de quatre légions (VII, VIII, IX et X) et en vertu de son imperium en lève deux supplémentaires en Cisalpine (XI et XII). Lorsque démarre la guerre des Gaules, en 58, il en mène cinq - dont la X Fretensis, sa «cohorte prétorienne» - contre les Helvètes, puis contre Arioviste. Pendant l'hiver 58-57, il lève encore dans ses provinces, à ses frais, les XIII et XIV que lui amène son neveu Q. Pedius (G.G., II, 2). César dispose ainsi de huit légions. En 54, les XIII et XIV s'étant faites exterminer aux trois quart de leur effectif, M. Silanus, C. Antistius et T. Sextius lui amènent, l'année suivante, trois nouvelles légions en renforts - soit les XIII et XIV reconstituées et la XV prêtée par Pompée, qui l'a prélevée sur ses propres effectifs (G.G., VI, 1). Selon toute vraisemblance (7), dès 58 Vorenus faisait partie d'un de ces contingents cisalpins, et fut ensuite affecté comme centurion à la XIII constituée pendant l'hiver de la même année.

Lorsqu'Erastès Fulmen et ses hommes de main s'apprêtent à lui faire subir un mauvais parti, à lui et à sa famille, notre centurion démobilisé, en digne romain, refuse de fuir. Il affirme à ses filles que «le nom de Vorenus est ancien et respecté». Ses ancêtres ont combattu à Zama (en -202) et à Magnésie [du Sipyle] (en -187). Il faudra donc considérer que notre «Gaulois» descend en fait de colons romains établis en Cisalpine depuis sa conquête par Rome en 224...
Cette Gaule cisalpine (8), que l'on nomme également Gallia togata («Gaule en toge») - par opposition à la Gaule transalpine ou Narbonnaise (Gallia bracata, «... en braies») et à la Gaule celtique (Gallia comata, «... chevelue») est souvent appelée par César «Gallia citerior» ou Gaule citérieure. Le proconsul romain y a le siège de son gouvernement, à Ravenne.
Les tribus gauloises cisalpines obtinrent le droit latin en 89 (lex Pompeia), mais ne reçurent qu'en 49 - et grâce à César - la citoyenneté romaine. Quant aux sujets libres des autres peuples gaulois, il leur faudra tout de même attendre près d'un siècle, le règne de l'empereur Claude (emp. 41-57 de n.E.), natif de Lugdunum (Lyon), pour obtenir la citoyenneté romaine. Ici le télé-film entretient une équivoque en montrant César admettant au Sénat des individus chevelus et avec des boucles d'oreilles, désignés avec une méprisante ironie comme «des Celtes et des Belges» (ép. 12). Soyons raisonnable : César n'intégra de fait que des Celtes romanisés - comme ici Vorenus -, qui déjà jouissaient du droit latin. Mais il était sans doute pédagogique de clairement signifier aux téléspectateurs (9) que le dictateur avait fait un réel pas en avant pour l'intégration des allochtones dans le modèle romain.

Un Romain à l'ancienne
Vorenus est un homme juste, intègre. Il mérite amplement l'adjectif que Virgile - un autre Gaulois, de Mantoue, qui magnifia l'épopée romaine - associe à son héros Enée : «Pius Æneas.» Vorenus est un homme pieux. Un soldat loyal, qui se bat en Gaule depuis huit ans, depuis que le proconsul César, usant de son imperium a engagé les hostilités pour défendre les provinces dont il était en charge. Depuis, le conflit est devenu une guerre privée conduite par un seigneur de la guerre, César. Pour un Romain loyal comme Vorenus, c'est plutôt inquiétant, ce conflit que désapprouve le Sénat. Ou du moins les ennemis de César au Sénat; ceux qu'il n'a pas corrompu par ses largesses. Vorenus est donc en désaccord avec son supérieur César. Tout ceci est dit en filigrane.

Vorenus était déjà le sbire de César quand il était dans son armée. Rendu à la vie civile, il a fini par vendre son âme au diable - pour vivre, pour sa famille. Sans doute fallait-il qu'il l'aime, cette famille, pour ainsi transiger avec ses principes. Mais dans la vie on ne fait pas toujours ce que l'on veut. C'est ce qui rend Vorenus attachant. Il nous change des héros trop parfaits.
A force de voir tout le monde magouiller, on finit par réclamer aussi sa part du gâteau. Vorenus en croque à son tour. Sans doute espère-t-il, tout en servant César, pouvoir faire malgré tout quelque chose de «bien». Mais le pouvoir est corrupteur, n'est-ce pas ?...

L'intransigeant Vorenus désapprouve la politique de son patron César. Ce César habile, toujours enclin à pardonner à ses «idiots» de concitoyens qui, ne partageant pas ses vues, avaient pris les armes contre lui... La personnalité de Vorenus rappelle un peu le propréteur Titus Labienus. Celui-ci avait été, en Gaule, le meilleur des généraux de César. Originaire du Picenum (Marche d'Ancône), il était un client de Pompée, et avait pris du service dans l'armée de César lorsque les deux triumvirs étaient amis. Un observateur superficiel dira que Labienus trahit César. Nuançons : Labienus demeura fidèle à son patron Pompée, et il faut louer sa loyauté. L'attitude du pur républicain Vorenus est probablement calquée sur celle de ce personnage historique qui s'était trompé de camp. En vérité, Vorenus ne fut certainement pas le seul Romain a avoir dû - un jour - faire un choix de ce genre...

Vorenus a épousé Niobé, la Romaine de la colline Aventin, quand elle avait treize ans. Et est tout de suite après parti à la guerre. Sept ans et 140 jours plus tard, il aspire à la revoir mais avoue à Pullo sa maladresse avec les femmes. Le centurion a passé le plus clair de sa vie à guerroyer et ne sait pas comment leur parler à ces femmes dont il méconnaît la sensibilité, dont il ignore jusqu'à leur corps et ses zones érogènes.

Quand il fait l'amour à son épouse, ce n'est pas dans une intention de luxure mais pour avoir des enfants, («Mon mari, cette nuit je serai féconde...») aussi s'indigne-t-il de ce que Cléopâtre osât lui réclamer le même service, comme si un citoyen romain pouvait décemment se mésallier avec une étrangère (ép. 8). Lorsque sa fille aînée désire épouser le jeune bouvier Crito - qui passe pour être le père du petit Lucius - il ne s'y résout que la mort dans l'âme, car Crito est d'un rang social inférieur au sien, même si sa famille est plus riche que lui; mais puisque Vorena a perdu sa virginité... le profil bas s'impose. Dur dur d'être un pater familias !
Toutefois, devenu préfet des évocats le même Vorenus s'avise qu'un mariage d'amour n'est que billevesée et qu'il lui faut plutôt donner à sa fille un vieux et riche sénateur à épouser, assurant ainsi son confort matériel. Telle est l'expérience d'un homme rude, qui a eu faim dans sa jeunesse. L'amour vient ensuite, mais d'abord il faut assurer la vertu et l'honnêteté. Et son épouse Niobé abonde dans le même sens (ép. 6 et ép. 12).

Vorenus est un homme à principes austères, un stoïcien. Il s'indigne de voir un Marc Antoine gouverner Rome entouré d'une putain, Cynthia, et d'un nain, «Caton» (ép. 6). Ce n'est pas convenable.

Il ne supporte pas le langage de soudard que tient en présence de sa femme et de ses filles son vieux camarade de l'armée, l'ex-centurion Mascius (ép. 11), et lorsque Niobé loue quelques esclaves supplémentaires pour le service d'un banquet, avec pruderie il prie son épouse de... les habiller un peu plus (ép. 11).

Retour de la guerre, Vorenus commence par se faire purifier du sang qu'il y a dû verser (ép. 2). De quelques grains de raisin consacrés, il communie avec femme et enfants devant l'autel de son dieu tutélaire Janus (ép. 4), dont plus tard il cherchera à se faire pardonner le bris de la statue qui ornait son atrium (ép. 4). Lorsqu'il reprend du service comme préfet, il retourne se faire consacrer à Mars, le dieu de la guerre (ép. 5). Pour lui, c'est l'attitude blasphématoire autant des puissants comme César, que des humbles comme Pullo, qui sont la cause du déclin de la république (ép. 2).
Même en Egypte, où l'on vénère des dieux bizarres, il se garde bien de l'impudence consistant à les mépriser dans leur propre pays; et il reprend Pullo pour ses propos irrespectueux (ép. 8).

Je ne te reconnaissais pas sans ton glaive ensanglanté...
«Vorenus, je ne te reconnaissais pas sans ton glaive ensanglanté», plaisante Marc Antoine. Vorenus n'est pas tourmenté par cet esprit chevaleresque qui fait tout le charme de Bob Morane. Il est un soldat loyal, un Romain patriote, nous l'avons dit. Mais il est aussi un pragmatique qui ne badine pas avec la discipline, et le dos et les épaules de Pullo s'en souviennent encore... (ép. 1). Quand Marc Antoine le convoque pour lui demander comment il s'y prendrait pour démasquer les voleurs de l'aigle légionnaire, Vorenus conseille : «Fais crucifier quelques Gaulois, ça leur déliera la langue.» C'est toi qui l'a dit, alors c'est toi qui le fait, répond en substance Antoine, en lui glissant un quart de talent pour ses frais d'enquête (il a soutiré à César un demi-talent, mais il a lui aussi «ses œuvres», l'Antoine, et comme la charité bien ordonnée commence par soi-même...) (ép. 1).
De fait, l'un de ces Gaulois a bien aperçu les voleurs, des mercenaires ibères au corps peint en bleu. Expéditive la méthode Vorenus, mais il connaît son affaire ! L'expérience du commandement ! Ayant obtenu les renseignements qu'il voulait, Vorenus, qui est cool, demande au factionnaire de dépendre le crucifié qui vient de parler. Le légionnaire le regarde avec des yeux ronds. Faire et défaire c'est toujours travailler. Le travail c'est la santé, mais rien faire c'est la conserver. Tant pis pour l'idiot qui s'est fait prendre, on le décrochera plus tard, quand il fera moins chaud

 

rome hbo - cricifixion

Gaulois crucifié

 

Les centurions sont éternels...
Nous ne saurions mieux remettre L. Vorenus qu'à Lucillius-Curridio (10), dans Les légions de Cléopâtre (1959) de Vittorio Cottafavi. Lucillius était interprété par Ettore Manni, l'éternel vaillant centurion romain des années '60 (La révolte des gladiateurs, Rome contre Rome, Deux nuits avec Cléopâtre, Les vierges de Rome, La révolte des esclaves, Attila le fléau de Dieu, sans oublier Hercule à la conquête de l'Atlantide). Dans La révolte des Esclaves de Nunzio Malassoma, Manni incarnait saint Sébastien, dont les archers de l'Empereur Maxence criblaient le corps de flèches. Et dans la comédie Deux nuits avec Cléopâtre, il était Marc Antoine.
Dans Les légions de Cléopâtre, donc, il est cet ami d'Antoine, néanmoins officier loyaliste combattant dans l'armée d'Octavien. Octavien l'envoyait auprès de son beau-frère et rival pour tenter de le convaincre de déposer les armes afin d'éviter un massacre inutile.
L'intérêt de la comparaison avec ce film s'impose avec évidence. Ettore Manni incarnait un centurion très proche de Marc Antoine et d'Octavien, comme Vorenus dans Rome. Mais il y avait aussi la personnalité du réalisateur, Cottafavi, spécialiste des adaptations théâtrales pour la RAI, dont une erreur de parcours orienta définitivement la carrière cinématographique dans les mélodrames en costumes (péplum, cape et épée).
Cottafavi était un adepte de la «distanciation brechtienne» : dans ses films historiques il préférait adopter le point de vue du peuple; ses personnages de fiction s'agitaient dans l'Histoire, laissant les vrais protagonistes historiques en arrière-plan. C'est également le point de vue de la série HBO, Rome, qui lors des défilés historiques - le triomphe de César, par exemple - préfère placer ses caméras au niveau de la populace, avec des individus qui passent devant, plutôt que de filmer d'en haut, avec de vastes plans d'ensemble dégagés.

Ettore Manni était le beau gosse invincible, incarnation et bras armé de la majesté de Rome. Les filles lui tombaient dans les bras, etc. Manni avait la passion des armes à feu. Il s'est tué en 1972, pendant le tournage de La Cité des Femmes de Fellini, en nettoyant un pistolet chargé (suicide ?). A l'écran, c'était un personnage «lyrique», «solaire», opposé aux ténébreux «romantiques» du western italien qui allait détrôner le péplum au milieu des années soixante.
Prolégomènes de mai 68, des désenchantement de la guerre du Viêt-nam, de la contestation hippie etc., les héros du western-spaghetti (No Name, Django, Sartana, Sabata etc.) étaient des mercenaires cyniques et égoïstes, mal rasés, crasseux, brisés : d'un film à l'autre ils se faisaient copieusement rosser par les méchants avant de se révéler comme des anges exterminateurs.

En ces temps difficiles de récession, Vorenus est un peu un mélange des deux styles. Un héros de péplum désenchanté. Kevin McKidd, n'a pas le visage lisse d'Ettore Manni. Certaines de ses expressions feraient parfois songer à Steve McQueen. Son visage marqué est celui d'un soldat qui a souffert. Et tout au long de la série il portera sur la joue la cicatrice laissée par une blessure récoltée lors de son combat final devant Alésia (ép. 1). Plus encore que Manni (11) à qui tout réussi, il est le type du Romain stoïcien, du Romain à principes.
C'est mal ce que fait César, désobéir au Sénat.
C'est mal, la grossièreté de Pullo, son impiété : tous les ennuis de Rome viennent de gens comme lui. Pourquoi les dieux se soucieraient-ils de gens qui ne les respectent pas ?

En tout cas, son message mérite d'être médité. Si tout va mal dans notre monde, c'est assurément à cause de ces gens qui ne respectent rien, qui se moquent de tout. Entendez : parce que la recherche effrénée du profit et la mondialisation pousse l'Humanité aux dernières extrémités - libéralisme à outrance, marasme écologique.

Vorenus semble adresser un pied de nez à Georges Lukacs, le grand théoricien hongrois du roman historique qui - dans les années '30 - mettait en doute la possibilité d'une reconstitution archéologique parfaite. Pour Lukacs, les romans historiques reflétaient surtout l'époque historique où ils avaient été écrits. C'était là, et pas ailleurs, qu'ils étaient «historiques». Il lui semblait impossible d'intéresser le public avec la peinture exacte de la psychologie d'une époque révolue. De fait, dans la plupart des romans, films, bandes dessinées sur la Rome antique - puisque c'est d'elle que nous parlons ici - il faut prêter au personnage central nos bons sentiments, notre sensibilité, notre sensiblerie du XXe-XXIe. Ainsi par exemple, le commentaire audio (DVD) du Zoulou de Cy Endfield fera la part des choses entre, d'une part, les authentiques lieutenants Chard et Broomhead, qui commandaient le poste de Rorke's Drift ce 22 janvier 1879, et, d'autre part, leur interprétation cinématographique par Stanley Baker et Michael Caine (12). Et là, le plus naïf des spectateurs reviendra de loin ! Les «bons sentiments romains» que nous découvrons dans les auteurs de l'Antiquité... ne concernaient que les citoyens romains. La société romaine était une société pyramidale avec en haut les citoyens, eux-mêmes étagés en diverses priorités, et en bas les «outils parlants» - les esclaves. Entre les deux, toute une nébuleuse d'individus en principe libres : affranchis, étrangers, sujets, ennemis. Les sujets payaient plus d'impôts que les citoyens et n'avaient bien entendu aucun droit politique. Les ennemis, on les massacrait sans vergogne s'il fallait faire un exemple pour frapper de terreur les autres, et quoique ce fusse-là perte financière de ne point les réduire en esclavage.
On plaignait bien tel infortuné citoyen qui avait un deuil dans sa famille, on maudissait la cruauté de son destin, mais on séparait sans hésiter la mère-esclave de son enfant-esclave (les Romains n'étaient pas les seuls à agir ainsi, cette règle était universelle). Et Vorenus - revenons à lui - est bien le produit de sa civilisation. Un pater familias, imbu de ses droits mais aussi de ses devoirs, soldat courageux, mais aussi un maître sévère, dur même, qui rendu à la vie civile essaie de se recycler dans le trafic de la chair humaine. A Pullo à qui une esclave a tendu un morceau de pain, il reprochera : «On ne remercie pas un esclave !» Pour notre part, à la terrasse d'un café, nous avons toujours dit «Merci» et «Monsieur» au loufiat qui nous servait, nous mettant sans doute en contravention avec notre vieux manuel de savoir-vivre qui nous enjoignait de l'appeler «garçon» et de ne pas dire merci au domestique.

Pourtant, malgré sa bigoterie qui le pousse à scrupuleusement observer tous les rituels religieux, Vorenus conserve son capital de sympathie auprès des amateurs de la série-TV HBO. Le désastre de son ménage ravagé par huit années de guerre et d'incompréhensions mutuelles, son honnêteté foncière, sa fidélité (à sa femme, à ses principes), ses difficultés-mêmes dans un monde qui ne lui fait pas de cadeau... sa naïveté aussi lorsque son viveur ami Pullo lui prodigue ses conseils conjugaux, jusque dans certaines précisions physiologiques, le rendent au contraire sympathique. Subtil dosage d'un scénariste orfèvre en la matière.

La Seconde Saison de Rome (HBO) nous fera découvrir un Vorenus et un Pullo radicalement changés. Ce sera Pullo désormais qui manifestera sa désapprobation de l'impiété de son compagnon d'armes, et ce sera Vorenus qui - sortant de la dépression où l'a plongée la mort de sa femme - profanera l'effigie de la déesse de la Concorde, pour s'imposer comme «Fils d'Hadès» aux chefs de bande des quartiers chauds de Rome.

 

lucius vorenus

Vorenus is a madman

TITUS PULLO (Ray Stevenson)
Courageux et loyal légionnaire de la XIIIe légion, Titus Pullo est la proie de passions sauvages. Ray Stevenson (Dagonet, dans King Arthur) est Titus Pullo, arrogant et jouisseur - impulsif, généreux et brutal. Avec son supérieur Vorenus, les deux vieux ennemis forment un duo de choc. Quoique né en Irlande du Nord en 1964, Ray Stevenson a grandi en Angleterre. Sa vocation de comédien s'est imposée à lui sur le tard, à 27 ans, lorsqu'il découvrit John Malkovich sur les planches. Sa carrière s'est construite surtout au théâtre et à la télévision.

 

rome hbo - titus pullo

Pullo enchaîné

 

Pullo «aime tuer ses ennemis, prendre leur or et leurs femmes». Doté d'un féroce appétit de vivre, c'est un homme simple, aussi prompt à trinquer avec son interlocuteur qu'à lui chercher bagarre. Mis au cachot, il tue le temps en dessinant ce qui le démange entre les jambes. Vorenus et Pullo sont les deux facettes du caractère romain. Le respect des lois - le droit des armes.
Dans Rome (HBO), César récompense Pullo d'avoir arraché aux griffes des sicaires de l'oligarchie son ami, le tribun du peuple Antoine; il lui remet publiquement une bourse de 500 deniers : «Me suivras-tu à Rome, Pullo ?» (ép. 2). Dans la Pharsale, le poète Lucain raconte les choses un peu différemment : c'est Lélius, le centurion primipile de la XIIIe, qui s'avance et exhorte César à compter sur l'inconditionnelle fidélité de ses soldats : pour lui-même, déclare-t-il, il est prêt à égorger quiconque s'opposerait à César, fut-ce son frère, son père, ou la mère de ses enfants...

Lorsque les deux soldats massacrent les pillards qui ont volé l'aigle de la XIIIe légion, Pullo dédie au dieu Mars les hommes qu'il a tués. Puis il fracasse la mâchoire d'un mort pour en récupérer les dents qu'il espère revendre (même séquence dans le Jeanne d'Arc de Luc Besson). Guère plus délicat, le jeune Octave qu'ils viennent de délivrer des brigands s'acharne à fracasser à coups de gourdin le crâne d'un de ces voyous qui ont osé s'en prendre à lui. Tel maître tel valet : c'est Pullo qu'Atia engagera comme pédagogue pour enseigner à son fils les «arts virils» - se battre, baiser, tuer !

 

titus pullo

Pullo is a thug

Qu'est-ce qu'un héros ?
Si Titus Pullo avait été un des Sept Mercenaires de John Sturges, il aurait sans aucun doute repris le rôle le Charles Bronson, le métis mexicano-irlandais. Celui qui dit à ses groupies, les jeunes fils de peones : «Vous nous prenez pour des héros parce que nous avons des pistolets. Mais regardez-nous, nous n'avons nul lieu où aller, pas de femme qui nous attende, pas d'enfants. Les vrais héros, ce sont vos pères, les paysans, qui croulent sous le poids des responsabilités [, à la merci de la pluie et du beau-temps, des récoltes].»
Il y a toujours un paysan, un Cincinnatus dans l'âme du légionnaire romain. On peut être sûr que dans les mêmes circonstances, Pullo aurait pu prononcer de telles paroles. Peut-être les prononcera-t-elles dans la Seconde Saison ?

Pullo nous semble sympathique parce qu'il est le plus moderne des personnages : il est totalement mécréant et, en plus, c'est un looser. Bien sûr, on le voit prier des dieux comme Forculus, qui veille sur les portes de son cachot quand il ne sait plus comment s'en sortir, ou encore Rusina, la déesse champêtre, quand il a irrémédiablement ruiné sa relation avec Eiréné... Mais il n'a pas ce côté bigot-superstitieux qui caractérise Vorenus.
Sa vie lui est totalement indifférente, car il n'a (plus) rien à défendre. Il est prêt à tendre la gorge aux gladiateurs chargés de l'exécuter... lorsque ceux-ci commettent l'erreur d'insulter la XIIIe légion - son unique point de repère dans la vie, même si cette satanée légion n'a plus voulu de lui pour le dernier défilé sur la Voie Sacrée. Alors Pullo «déchaîne les Enfers», pour reprendre la belle formule de Russell Crowe dans Gladiator. Avouons que cette scène nous serre la gorge, et qu'alors Rome (HBO) communie avec les plus grands films guerriers. Un sentiment de révolte au spectacle de l'humiliation du courage malheureux.

Mais Pullo, c'est aussi le parfait «buddy», le comparse obligé du héros, la force tranquille qui flanque Vorenus. Bill Ballantine, à côté de Bob Morane. Enkidu, à côté de Gilgamesh. Castor, à côté de Pollux. C'est son double «westernien», Charles Bronson des Sept Mercenaires, qui conclura : «Le vrai héros, c'est le père, qui croule sous les responsabilités», etc. Le vrai héros, c'est Vorenus qui essaie de préserver sa pureté dans la fange romaine. Vorenus qui doit faire des choix. Qui préfère suivre César même si c'est contre ses principes, plutôt que de ne rien tenter. Peut-être arrivera-t-il quand même à faire quelque chose de bien, avec César... N'est-ce pas Sartre qui a dit «Celui qui refuse de s'engager est un salaud» ?

 

IXe legion - rosemary sutclif

Rosemary Sutclif, dans L'Aigle de la IXe Légion (1954) [Folio-Junior, 2003] a traité de la thématique de l'Aigle perdue, à propos de la défaite d'une légion romaine sous Hadrien. Célèbre en Grande-Bretagne, ce roman pour la jeunesse a fait l'objet d'une mini-série BBC Eagle of the Ninth en 1976.

L'aigle perdue
Nous avons gardé l'aigle pour la fin. Les aigles perdues sont un vieux fantasme de la littérature romanesque - les aigles de Crassus, prises par les Parthes; celles des trois légions de Varus massacrées dans la forêt de Teutberg; celle encore de la IX Hispana, exterminée par les Brigantes en Ecosse... A notre connaissance, César n'a jamais perdu aucune aigle pendant la guerre des Gaules. S'il en a perdu une, il ne s'en est jamais vanté (13). En effet, dans l'épisode de l'Atuatuca sus-évoqué, César raconte que, blessé, l'aquilifer Lucius Petrosidius se fit tuer sur place pour protéger l'aigle qu'il avait jetée par-dessus les remparts du camp. Mais quelques jours plus tard, les quinze cohortes de la XIII et de la XIV qui se trouvaient dans ledit camp furent exterminées. Quid de leur aigle, chèrement sauvegardée par l'héroïque sous-officier ? César n'en dit rien (G.G., V, 37). Il mentionne néanmoins qu'une poignée de survivants réussit à traverser les lignes ennemies. Impensable qu'ils eussent oublié leur aigle, à moins bien sûr que les Eburons le leur aient pris (14). Ce désastre eut lieu en même temps qu'en un autre endroit, Pullo et Vorenus accomplissaient leur exploit. Bruno Heller, le scénariste du «pilote» The Stolen Eagle, était donc libre de broder ce qu'il voulait. Nous y reviendrons à propos du rôle qu'il prête à Pompée en cette affaire...

AUTRES PERSONNAGES DE FICTION

Quelques personnages de fiction relancent l'action : le mafieux Erastes Fulmen, l'homme des mauvais coups, véritable incarnation des tares de la société romaine; l'épouse de Vorenus Niobé, qui cache un lourd secret; et, enfin, Timon, l'amant et homme de main d'Atia.

ERASTES FULMEN (Lorcan Cranitch)
Banquier-usurier, trafiquant, escroc, un peu dans ceci, un peu dans cela (immobilier, huile d'olive), tel est Erastes Fulmen. Agence de tueurs à gages, aux ordres de César.

Comme racketteur il est, quelque part, un hybride de M. Licinius Crassus - version prolo - et de P. Clodius Pulcher.
Un Clodius au petit pied, mais il faut bien commencer. Il avait devant lui un avenir prometteur, mais il eut le tort de profiter de la mort de César pour régler ses comptes avec Vorenus désormais privé de son protecteur. Dans la Seconde Saison, il fait enlever les filles de Vorenus, maudites par leur père, et lorsque celui-ci ayant recouvré sa raison veut les lui reprendre, il se vante crânement d'avoir abusé d'elles, puis de les avoir tuées et jeté leurs corps dans la rivière, sans sépulture. Un salaud, assurément, mais qui avait des c...

Avec le nom métèque qu'il se paie, il n'est probablement pas un Romain de souche !

GLABIUS (Roberto Purvis)
Mari d'Octavia. Atia considère ce jeune plébéien comme mou et efféminé. Pourtant, il aime tendrement son épouse et en est aimé en retour. Au nom de César, Atia oblige sa fille Octavia à en divorcer pour pouvoir épouser Pompée. Mais ce dernier préfère la main de Cornelia Metella, qui lui permet de réorienter ses alliances politiques. Craignant le voir renouer avec sa fille, Atia le voue au poignard de Timon et de ses hommes de main. Tombé dans un guet-apens, Glabius mourra noblement en se défendant, après avoir vainement demandé aux tueurs d'épargner ses esclaves. Homme avisé, Timon ne laisse vivant derrière lui aucun témoin de son forfait.

Glabius est un personnage de fiction mis à la place de C. Claudius Marcellus, consul en -50, qui avait épousé Octavia et par elle fut le père du fameux Marcellus dont a parlé Virgile, ce jeune Marcellus avec qui s'éteignit, en -23, l'illustre branche plébéienne Marcelli des patriciens Claudii.
Cette période ayant vu plusieurs Claudii Marcelli différents se succéder au consulat, il nous paraît opportun de distinguer ici les membres de cette famille tous farouchement opposés à César et à ses ambitions, en puisant dans le Dictionnaire de M. Bouillet et dans le Pompée du Père Van Ooteghem :
1 M. Claudius Marcellus, consul en -51. Comme avocat, il fut en -52 un des défenseurs de Milon, accusé du meurtre de Clodius. Il accomplit, en avril 51, le premier acte d'hostilité contre Jules César en proposant au Sénat d'inscrire à l'ordre du jour du 1er avril 50 le retrait à César du gouvernement des Gaules. Vainqueur à Pharsale, celui-ci exila Marcellus. Quoiqu'il fut très irrité contre ce sénateur, il le rappela à la prière du Sénat; ce fut pour lui rendre grâces de ce décret que Cicéron prononça son oraison pro Marcello. Mais Marcellus ne put jouir du bienfait de César : il fut assassiné par un de ses esclaves, qui se tua lui-même ensuite.
Marcellus était cité pour sa naissance, sa vertu, son courage et son éloquence. Lors de son exil il s'était retiré à Mitylène, et s'y livrait à l'étude de l'éloquence et de la philosophie sous Cratippe.
2. C. Claudius Marcellus, consul en -50 avec L. Æmilius Paullus. Frère du précédent. Il fut un des ennemis les plus prononcés de Jules César, qui le mentionne dans sa Guerre des Gaules, VIII. Mari d'Octavia.
3. C. Claudius Marcellus, consul en -49 avec L. Cornelius Lentulus Crus; cousin des deux précédents. Ce fut sous leur consulat et à leur initiative, qu'un sénatus-consulte ôta à César son imperium, procédure illégale visant à faire du proconsul des Gaules, rétrogradé au rang de simple privatus, une proie facile dans un procès perdu d'avance.
4. M. Claudius Marcellus Æserninus, consul en -22.

NIOBÉ (Indira Varma)
Femme de Vorenus, qu'elle n'a pas revu depuis 8 ans. Fière, belle, totalement dévouée à la cause de son mari et à celle de sa famille. Née en 1973 à Bath (très beaux thermes romains) en Angleterre, d'un père indien et d'une mère suissesse, Indira Varma (Kama Sutra : A Tale of Love, Mira Nair, 1996) incarne Niobé, l'épouse de Vorenus. Dans Kama Soutra, elle interprétait Maya, la concubine experte aux jeux de l'amour qui, dans la faveur du roi, damait le pion à la reine Tara. Ce qui lui valait quelques séquences assez torrides.
Dans Rome (HBO), son personnage sera celui d'une matrone romaine, nettement plus prude que la concubine indienne, ce qui ne la dispensera pas (outre quelques scènes où elle affiche une absolue frigidité vis-à-vis de son mari) d'une scène brève mais intense, avec son mari Vorenus.

 

rome hbo - niobe - indira varma

Niobé

 

Niobé a été mariée très jeune avec Vorenus. La minisérie nous la présente comme une vraie romaine, du quartier de l'Aventin, une des sept collines de Rome. Dans la mythologie grecque, Niobé était la fille de Tantale, le roi de Lydie, et l'épouse du roi de Thèbes Amphion. Mère de sept fils et sept filles, elle eut l'impudence de se moquer de Léto qui n'en avait que deux : Apollon et Artémis. Ces deux dieux tuèrent à coups de flèches ses quatorze enfants. Emprunté à la littérature, son nom grec suggère qu'elle n'était pas romaine de souche. Vraisemblablement, elle devait être une affranchie ou plus probablement une fille d'affranchi. Son époux Vorenus n'était-il pas, lui, originaire de Mutina en Transpadane - plus Gaulois que Romain ? Vorenus et Niobé symbolisent donc idéalement la Rome plébéienne en devenir.

La minisérie nous apprend que Niobé a épousé Vorenus à l'âge de treize ans, grâce à une dérogation spéciale (car les légionnaires n'avaient pas le droit de se marier), et que tout de suite après celui-ci partit à la guerre, dont il ne revint que huit ans plus tard. Comment, dans ce cas, le couple pouvait-il avoir deux filles dont l'aînée semble avoir entre 13 et 18 ans ?

Pendant sept ans, Niobé toucha la solde de son mari. Ayant cessé de la percevoir suite à une erreur administrative, elle le crut mort et céda aux avances de son beau-frère, le boucher Evander Pulcio (Enzo Cilenti), lequel souhaitait avoir un fils que sa sœur Lydé (Esther Hall), stérile, ne pouvait lui donner. Ainsi naquit le petit Lucius, dont elle s'efforça de cacher l'origine adultère en le faisant passer pour le fils de sa fille Vorena l'Aînée (Anna Fausta Priminiano) et du jeune Crito.
Sa meilleure amie est Clarissa (Anna Francolini).

POSCA (Nicholas Woodeson)
C'est le secrétaire de César. Un personnage savoureux, dont les remarques remettent les choses en perspective ou expriment les pensées secrètes du proconsul.
En dépit de son statut servile, Posca - perspicace, efficace, compétent et fidèle - est très libre dans ses propos. Il tance son maître, qui a eu la témérité de négliger une invitation de son intrigante nièce Atia. César le remet à sa place : «On dit que les esclaves rêvent de courage comme les poissons rêvent de voler.» Econome, Posca reproche sa prodigalité à son maître, éternel fauché. Où trouvera-t-il - lui - l'argent ?

César a en lui une absolue confiance, au point de lui offrir sa gorge - car il est aussi son barbier - non sans le prier ironiquement d'éviter, cette fois, une effusion de sang. «Bientôt, c'est Pompée lui-même qui te rasera !», persifle Posca. César, en effet, avec des troupes exténuées, s'apprête à livrer bataille à ce dernier à Pharsale.
C'est encore lui, Posca, qui trouve l'astuce juridique qui permet à César de refuser à Pompée une trêve qu'il lui avait lui-même proposée - mais en espérant qu'il la refuserait. C'est encore lui qui sert de conseiller juridique à Antoine demeuré à Rome, ou qui comptabilise les dettes dont les Ptolémées sont redevables aux Romains. Et qui par son réseau d'informateurs tient César au courant des mouvements de Cléopâtre, des troupes qu'elle a rassemblées, et qui souffle à César les bons arguments à opposer à l'eunuque Pothin. Comme nomenclator, c'est lui qui susurre à l'oreille de son maître le nom des personnalités qu'il croise, et même celui de leurs épouses. Posca est l'ombre de l'ombre César. Il est le medium obligé entre le personnage historique et le téléspectateur; il est clair que lorsque César a un prurit, c'est Posca qui se gratte les couilles...
Lorsqu'aux Ides de mars son maître est assassiné, Posca est lui aussi assommé. Néanmoins, il survivra à ses blessures et réapparaîtra dans la Seconde Saison.

La scène la plus mémorable est celle où l'intendant de César va visiter son collègue Castor, l'intendant d'Atia, pour mettre au point les détails du banquet où le proconsul a été invité. Les deux esclaves dissertent sur les qualités et défauts de leurs maîtres respectifs en buvant une coupe de vin. Posca réunit en un seul personnage toute une galaxie de secrétaires, d'intendants et de valets de pied sans lesquels la vie de patricien romain eut été impensable. A noter que dans les deux premiers épisodes, Posca - ne jouissant pas du don d'ubiquité - est dédoublé par un autre homme de confiance, le barbu Strabo (Ted Rusoff), qui pour César accompagne à Rome et «gère» l'impétueux et fantasque Marc Antoine.

QUINTUS POMPÉE (Rick Warden)
Fils bâtard de Magnus Pompée, Q. Valerius Pompeius est un pernicieux mélange de brutalité sadique et d'animalité pure. Source d'inquiétude pour son père, il reste néanmoins sous l'emprise de ce dernier en raison de son aura.

 

rome hbo - quintus pompee

Quintus Pompée

 

Le supposé fils naturel de Pompée, Quintus, que Rome (HBO) présente comme l'instigateur du complot contre César, est un personnage de fiction. Pompée a eu de Mucia sa troisième femme (une des maîtresses de César s'il faut en croire Suétone) deux fils : Cnæus Pompée (le Jeune) et Sextus Pompée. Après Pharsale, ils se réfugièrent en Espagne, où Cnæus fut tué en -45, peu après la bataille de Munda (affrontement dont il n'est pas fait mention dans la série HBO).

Prenant le maquis, son frère Sextus mènera la vie dure d'abord à César (dont il vainc deux des lieutenants, Carrinas et Pollion), puis aux triumvirs. César assassiné, il revint à Rome réclamer l'héritage paternel.
Antoine appuya favorablement sa demande, lui obtenant un dédommagement de 700 millions de sesterces et le titre de commandant en chef de la flotte romaine. Mais cela ne lui suffisait pas.
Après le maquis, la mer. Sextus Pompée repartit en Espagne avec ses escadres largement acquises à la mémoire de son père, ralliant aussi à sa cause les flottilles des pirates. Désormais maître des ports espagnols et gaulois, il s'empara de la Sicile (42) et battit Octavien à Scylla. Etendant sa domination à la Sardaigne, la Corse et l'Achaïe, il ouvrit les bras à tous les proscrits des triumvirs. Octavien et Antoine se virent contraints de négocier avec celui qui s'était lui-même proclamé «Fils de Neptune» : Sextus obtint le consulat pour l'année suivante et l'amnistie pour les proscrits qui l'avaient rejoint (40). Mais il exigea d'être associé dans le triumvirat, à la place de Lépide.

Octavien traita avec mauvaise foi les proscrits rentrés à Rome; Sextus encouragea les pirates qui pillaient les convois d'approvisionnement romains... Et la guerre reprit. Son amiral Calvisius fut battu près de Cumes; Octavien lui-même vaincu à Messine (38); et, pour finir, une tempête décima sa flotte. Néanmoins, deux ans plus tard, Agrippa infligea à Sextus Pompée une première défaite à Mylæ, puis remporta une victoire décisive entre Mylæ et Nauloque (36). Avec seulement 17 vaisseaux Sextus se réfugia en Asie, où il sera sommairement exécuté par un légat d'Antoine nommé Marcus Titius (35).

Deux mots encore, à propos de la progéniture de Pompée le Grand et de Cornelia Metella. Julia étant décédée en 54, Pompée épousa Cornelia en 53, elle-même veuve de son époux P. Crassus tué à Carrhæ (juin 53). Et Pompée est assassiné fin 48 - soit au grand maximum cinq ans plus tard, car il faut tenir compte de la période de deuil de neuf mois. Aussi le garçonnet et la fillette que l'on voit dans le feuilleton Rome (HBO) nous semblent un peu âgés pour avoir été conçus et avoir grandi dans un si court laps de temps, a fortiori si comme le veut la logique de la série-TV, Pompée n'aurait épousé Cornelia qu'après la chute d'Alésia, soit début 51 (!).

TIMON le JUIF (Lee Boardman)
Marchand de chevaux, il est aussi l'amant d'Atia (quand elle veut bien, mais n'a-t-elle pas «un faible pour les petits gros barbus» ?), à qui il est entièrement dévoué.

 

rome hbo - timon le juif

Timon

 
Timon est tout à la fois l'homme de confiance et l'amant d'Atia, qui en gestionnaire avisée le rétribue en nature.
Ainsi l'avare nièce de César lui extorque-t-elle, pour l'offrir à son oncle César, un cheval blanc que convoitait Pompée. Et c'est lui et ses hommes de main qui assassinent Glabius - le gendre indésirable et indésiré d'Atia -, puis agressent Servilia dans sa litière, égorgent ses porteurs, lui coupent les cheveux et la dénudent en public...
C'est également lui qui ramène à Rome Octave, parti étudier à l'académie de Mediolanum (Milan)...
Suite…

NOTES :

(1) En revanche, quid de son fils bâtard - dans la série-TV - Quintus Pompeius ? Des fils du Grand Pompée, l'histoire n'a retenu que Cneius et Sextus... outre les enfants que lui donna Cornelia. - Retour texte

(2) Dans sa description des légions romaines, R. Cagnat ne connaît que deux legio XIII : la Gemina (emblème : le lion) et la Gemina Martia Victrix (emblème : le capricorne) toutes deux créées par Auguste. On n'a guère d'informations sur les légions césariennes préexistantes, leurs emblèmes, surnoms etc. Ayant ramené la paix dans l'Empire, Auguste réforma les pléthoriques troupes qui s'étaient opposées pendant la guerre civile; le surnom Gemina suggère la fusion de légions pré-augustéennes (DAREMBERG & SAGLIO, Dict., s.v. «Legion»). - Retour texte

(3) Après le désastre de Sabinus et Cotta, l'Atuatuca fut réoccupée l'année suivante par Q. Cicéron, qui y sera attaqué cette fois par les Sicambres. - Retour texte

(4) Avec le précité centurion P. Sextius Baculus recousu, il anime alors la résistance du camp de Galba à Octodurus. - Retour texte

(5) Voici les noms des trente-cinq tribus romaines avec la manière dont on les écrivait en abrégé : 1) Æm. Emilia; 2) Ani. Aniensis; 3) Arn. ou Arnien. Arniensis; 4) Cla. Claudia; 5) Clu. ou Clust. Clustumina, ou Crustumina; 6) Col. Collina; 7) Cor. Cornelia; 8) Esq. ou Exq. Esquilina; 9) Fab. Fabia; 10) Fal. Falerina; 11) Gal. Galeria; 12) Hor. ou Horat. Horatia; 13) Lem. Lemonia; 14) Mœc. Mœcia; 15) Men. Menenia; 16) Ouf. Ofentina; 17) Pal. ou Palat. Palatina; 18) Pap. ou Papir. Papiria; 19) Pob., Pop., Publ., Publil., Pup., Pupl., Puplil., Publilia, Poplilia, Popillia, Publilia, Puplilia; 20) Pol. Pollia; 21) Pom. ou Pomp. Pomptina, Pomtina, Pontina; 22) Pup. Pupinia; 23) Qui. ou Quir. Quirina; 24) Rom. Romilia; 25) Sab. Sabatina; 26) Sca., Scap. ou Scapt. Scaptia; 27) Ser. on Serg. Sergia; 28) Stel. Stellatina; 29) Sub. Suburana; 30) Ter. Terentina; 31) Tro. ou Tromen. Tromentina; 32) Vejen. Vejentina ou Veïent...; 33) Vel. Velina; 34) Vet. Veturia; 35) Vol. ou Volt. Voltina. - Retour texte

(6) Au Ier s. av. n.E., l'Italie s'arrête sur les bords du Rubicon. La partie septrionale de la péninsule (Turin, Milan, Modène, Vérone et la vallée du Pô) forment la Gaule Cisalpine. - Retour texte

(7) Et selon la logique de la série-TV, bien entendu. - Retour texte

(8) Entité géographique plus large que «Transpadane» : «au-delà du Pô (Paduua)». - Retour texte

(9) ... puisque le téléspectateur lambda n'est pas nécessairement au fait que l'Italie de Jules César n'avait pas la même extension territoriale qu'aujourd'hui. - Retour texte

(10) Lucilius était un officier républicain qui, revêtu du manteau de Brutus, se sacrifia en se rendant aux mercenaires thraces des triumvirs afin de couvrir la fuite de son chef. Emu par son dévouement, Antoine s'attacha à en faire son ami - Lucilius s'était dévoué pour rien, puisque Brutus s'était entre-temps suicidé.
Sous les traits de William Lundigan, Lucilius est le héros du Serpent du Nil (William Castle, 1953). C'est sans doute lui qui a inspiré à Cottafavi le personnage de Lucilius ami d'Antoine, quoiqu'il soit impensable qu'un des rares survivants de Philippes - contre l'avis d'Antoine, Octave avait ordonné le massacre de tous les officiers républicains prisonniers - ait ensuite jamais rallié les aigles de leur bourreau. - Retour texte

(11) Inutile de dire que Lucillius-Curridio n'a - lui - aucun déboires sentimentaux ou financiers. Il s'est acheté au marché d'Alexandrie une belle esclave, Marianæ, qui lui astique les caligæ (et même, en prime, son petit frère Raïs «bien que ce soit pour un autre usage» comme le précise le vendeur, avec un petit ricanement lourd de sous-entendu). Et son unique préoccupation n'est pas de la faire jouïr au lit - pour un stallione italiano, machisme oblige, ça va de soi, pas la peine d'insister - mais de l'arracher aux griffes des affreux conspirateurs qui l'ont enlevée et veulent la sceller à l'intérieur d'un sarcophage de pierre dont le couvercle doit bien peser plusieurs dizaines de tonnes. Comment peut-on être aussi méchants ? Il n'y a que des orientaux pervers pour imaginer pareilles atrocités !
Notre swashbuckler parvenu à un tel degré de surréalisme, les petits problèmes mesquins de Vorenus qui n'arrive plus à payer son loyer semblent insignifiants... - Retour texte

(12) Les officiers de la version filmique de 1963 se déclaraient écœurés par l'atroce boucherie qu'ils avaient été obligés de commettre pour sauver leur vie et celle de la compagnie de soldats dont ils avaient la responsabilité. Chose impensable pour des officiers coloniaux de l'époque, admettait l'un des commentateurs (l'historien Sheldon Hall et le réalisateur de 2e équipe de Zoulou, Robert Porter).
A l'origine, il s'agissait seulement pour l'acteur gallois Stanley Baker - occupé à monter sa propre maison de production, Diamond Films Ltd - d'illustrer un fait d'armes de soldats gallois, dont il avait eu connaissance en lisant un article dans un magazine. Le film fut mis en scène par un communiste militant, Cy Endfield, qui entendait respecter la personnalité des Zoulous, et tourné en Afrique du Sud (extérieurs) et à Londres (studios) avec de petits moyens et à une époque où sévissait l'apartheid («Heureusement, les Noirs ne vont pas au cinéma !», se résigna finalement le pouvoir politique afrikaner), tandis qu'aux USA faisait rage la lutte pour les droits civiques - ce qui rendait prudent le coproducteur US Joe Levine. - Retour texte

(13) Il semble néanmoins qu'en 57, à la bataille de la Sabis, il ait perdu, non pas une aigle (aquila) mais une enseigne (signum), celle de la quatrième cohorte de la XIIe légion (G.G., II, 25). - Retour texte

(14) Dans La conquête gauloise, Colleen McCullough - traitant du même épisode - imagine que les deux cents derniers survivants se suicidèrent sur leur aigle, qu'ils ensevelirent ainsi sous leurs cadavres. Les Gaulois vainqueurs mutilèrent les cadavres des Romains tombés en combattant, mais par superstition respectèrent les corps des suicidés. Plus tard, les Romains retrouvèrent l'aigle en donnant une sépulture à leurs camarades. - Retour texte