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ALIX SENATOR
1. Les Aigles de Sang
2. Le Dernier Pharaon
Valérie Mangin (sc.) &
Thierry Démarez (d.)
[Page 2/3]
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APPENDICE
A
Flamen Dialis - Une sinécure
En lisant Alix Senator, on peut s'étonner, planche
6, d'entendre un augure déclarer à Auguste,
à propos du Flamen Dialis : «Ton grand-oncle
Jules César, au temps où il était Grand Pontife,
s'était inquiété de la situation. (...)
D'ailleurs il avait lui-même essayé de se faire
nommer à ce sacerdoce dans sa jeunesse» (1).
Une affirmation qui ne pouvait qu'interpeller quiconque s'intéresse
peu ou prou à l'Histoire romaine - d'autant qu'au moment
des avant-premières dans Casemate, le lecteur ne
pouvait connaître la trame concoctée par Valérie
Mangin. Il ignore donc que tout le pitch de l'album va,
précisément, graviter autour de ce sacerdoce dont
le dernier représentant avait - à l'époque
d'Alix - été Lucius Cornelius Merula.
Les tabous des prêtres
Par souci de clarté, rappelons qu'il n'y avait pas, à
Rome, de prêtres au sens où nous l'entendons dans
le christianisme, c'est-à-dire des individus rompus à
toutes les subtilités de la théologie et sa dialectique,
dévoués à leurs paroissiens et célébrant
des sacrements qui n'existaient de toute façon pas (point
de baptêmes, confessions, extrêmes-onctions dans la
religion romaine, pas même de mariage qui est une cérémonie
privée [2]).
Membres de divers collèges, les prêtres romains
sont des magistrats choisis par cooptation. Chaque Flamine est
attaché au culte d'une divinité spécifique.
Il y avait trois Flamines majeurs, tous patriciens (Flamen
Dialis [Jupiter], Martialis [Mars], Quirinalis
[Quirinus, c'est-à-dire Romulus divinisé]),
et douze Flamines mineurs desservant les divinités secondaires.
À côté de ces Flamines, nous avons donc d'autres
collèges tels les Saliens, instaurés par
le roi Numa Pompilius et également dévoués
à Mars Gravidus («Celui qui progresse»[3]).
Sur le Palatin où ils ont établi leur Collège,
ils gardent les douze boucliers du dieu, en l'honneur de qui ils
dansent la pyrrhique (4),
d'où leur nom de Saliens, les «sauteurs». Autre
confrérie, les Luperques : adorateurs de Pan, ils
flagelent avec de sanglantes lanières de peau de bouc fraîchement
écorché toutes les femmes désireuses de concevoir
un enfant. Il y a encore les Arvales, adorateurs de Dea
Dia, déesse agraire, tombés en désuétude
à la fin de la République mais rétablis par
Auguste; les Galles, sectateurs de Cybèle, la Grande-Mère
des Dieux, réputés pour leurs débauches;
et enfin les Pinarii et les Potitii qui sont en
fait deux gens descendant du roi Evandre, qui entretiennent
le culte d'Hercule. Côté féminin, il y a les
six Vestales, gardiennes du feu sacré de Vesta,
mais aussi du palladium et... des testaments.
Comme les prêtres chrétiens, ils sont soumis à
certains tabous tel le célibat pour les catholiques - depuis
le XIe s. du moins (5)
-, sauf que chez les Romains, c'était plutôt l'inverse;
en règle générale, ils devaient obligatoirement
être mariés.
Tacite nous dit que lorsque dans la forêt de Teutberg le
proconsul Germanicus retrouva le charnier des trois légions
exterminées par Arminius, il leur fit donner par ses soldats
une sépulture; mais lui-même, «étant
revêtu de la puissance augurale», dut [ou aurait
dû] se tenir soigneusement à l'écart car il
lui était interdit de toucher aux morts et aux objets funèbres
(6)
(TAC., An., I, 62). Apparemment ce tabou ne devait pas
lui interdire de tuer des vivants - moralement, sinon physiquement
- puisqu'il était à ce moment le chef d'une armée
en guerre. Quoique membre du même collège des Augures,
Publius Crassus accompagna son père à la guerre
contre les Parthes et, à Carrhæ, trouva la mort en
chargeant à la tête de sa cavalerie de mercenaires
gaulois. De même Marc Antoine, lui aussi membre du collège
des augures depuis 50 (G.G., VIII, 50), ne s'interdit pas
de faire la guerre aux assassins de César, et même
- de ses propres mains - recouvrir de son manteau d'imperator
le cadavre de Brutus, suicidé à Philippes.
Jupiter Capitolin - Iovi Optimo Maximo
(Jupiter Très Bon et très Grand) (© Casterman
éd.) |
En ce qui concerne le prêtre de Jupiter, c'est-à-dire
le Flamen Dialis, on a dit de ce grand prêtre qu'il
«était pratiquement exclu de la vie politique
parce que les obligations et interdits de sa charge étaient
presque totalement incompatibles avec ceux de la magistrature»
(7).
Son office était exclusivement réservé
aux patriciens. Le Flamen Dialis «devait toujours être
prêt à offrir le sacrifice, donc être 'pur'»
(Eb. Horst [8]).
Il était donc soumis à un «bon nombre de
pratiques rituelles qui ne devaient guère interférer
avec l'activité politique et qui nous paraissent parfois
bien curieuses parce qu'on n'en saisit plus le sens»
(François Hinard[9])
: en toute saison, il ne peut paraître en public que revêtu
d'une épaisse et lourde toge prétexte, la læna
- faite d'une laine tissée par sa femme - et coiffé
de l'albogalerus, un extravagant bonnet ou passe-montagne
de fourrure, taillé dans la peau d'une blanche victime
immolée à Jupiter, avec en son sommet (apex)
une espèce de tige pointue, de bois d'olivier, enveloppée,
telle une bobine, d'un fil de laine dont le bout flottait au gré
du vent (10).
Appien précise que le «Flamen Dialis, avait le
privilège unique d'être continuellement couvert de
son chapeau, tandis que les autres prêtres ne pouvaient
le porter que pendant la durée des cérémonies»
(APP., Hist. G. civ., I, 8. 65).
Les pieds de son sommier doivent être enduits d'une légère
couche de boue; il ne peut dormir hors de chez lui trois nuits
consécutives.
Il lui est interdit de monter à cheval ou d'avoir des contacts
d'aucune sorte avec de nombreux objets, plantes ou animaux; il
ne doit pas consommer d'aliments ou boissons fermentés;
ni pénétrer dans un lieu où l'on incinère
un défunt, encore moins toucher un cadavre; ni poser ses
yeux sur une arme ou simplement voir défiler une troupe
de légionnaires.
Seul un homme de condition libre peut lui couper les cheveux;
encore faut-il que celui-ci utilise un lame en bronze, à
l'exclusion d'aucun autre métal.
Il ne doit pas porter d'anneau au doigt, sauf si celui-ci est
ajouré et creux; rien ne doit entraver sa liberté
de mouvements et il ne peut porter sur lui la moindre petite chaînette;
aucun nud ne peut retenir ses vêtements, seules des
agrafes sont autorisées.
«Mais ce qui devait surtout rendre les jeunes Romains
circonspects, c'est l'obligation imposée au Flamen
Dialis de rester sa vie durant 'l'homme d'une seule femme',
et, chose plus grave encore, il devait renoncer à l'exercice
de toute fonction publique autre que la sienne» (Gérard
Walter [11]).
Du Flaminat de Jupiter comme manipulation
politique
Il s'agit d'un épisode de la guerre civile qui opposait
les partisans du populare Marius à ceux des optimates
dirigés par Sylla. En 87, le proconsul Sylla étant
parti combattre Mithridate en Asie, cette même année
le consul Cinna voulut rappeler Marius de son exil à Carthage
- contre l'avis de son collègue Cn. Octavius. «Devant
cette situation, Octauius, avec l'assentiment du sénat,
fit voter l'assemblée des comices centuriates pour destituer
Cinna de son consulat, parce qu'il avait suscité des troubles
très graves, parce qu'il avait appelé à la
subversion en incitant des esclaves à la révolte,
parce qu'il avait quitté Rome et déserté
son poste, note F. Hinard. Et pour que cette mesure ait
tout son sens, il fit élire un consul suffect, c'est-à-dire
un suppléant. L'assemblée désigna Lucius
Cornelius Merula, qui avait la particularité d'être
flamine de Jupiter» (12).
L. Cornelius Merula, l'homme dont le fantôme va hanter Alix
Senator !
Chassé de Rome par le Sénat, Cinna y revient avec
Marius, Papirius Carbo et Q. Sertorius, et assiège la ville
qu'il réduit par la famine. L'ayant finalement prise à
l'issue de la bataille de la Porte Colline, Cinna et Marius la
livrent à la fureur de leurs troupes italiques, qui se
vengent ainsi de leur récente défaite à l'issue
de la «guerre sociale» (90-88). Déversant un
bain de sang qui va creuser les rangs des optimates. «Cependant
[le Sénat] était dans un très grand embarras.
Il trouvait très dur de dépouiller du consulat Lucius
Merula, le grand-prêtre de Jupiter, qui avait remplacé
Cinna, et qui n'avait encouru aucun reproche durant sa magistrature.
Mais, épouvanté d'ailleurs par les maux qui le menaçaient,
il [le Sénat] envoya une nouvelle députation
à Cinna, chargée de reconnaître son titre
de consul» (APP., Hist. G. civ., I, 8. 70). Voyant
que Marius s'était institué co-consul avec son ami
Cinna, le prudent L. Cornelius Merula - qui, rappelons-le, est
du parti adverse - se démet volontairement de sa charge
en faveur du chef populiste. «Des accusateurs furent
apostés contre Merula, le grand-prêtre de Jupiter,
à qui on en voulait, parce qu'il avait remplacé
Cinna» (APP., Hist. G. civ., I, 8. 70).
Alors Merula, «qui s'était démis de son
consulat peu avant l'arrivée de Cinna, (...) s'ouvrit
les veines, en répandit le sang sur les autels, invoqua
une dernière fois les dieux qu'il avait souvent invoqués,
comme prêtre de Jupiter, pour le salut de la patrie, leur
demanda de maudire Cinna et son parti et mit fin à une
vie qui avait si bien servi l'État» (PÆTERC.,
Hist. rom., II, 22). «Merula s'ouvrit lui-même
les veines, et son testament de mort apprit qu'avant que de le
faire il avait quitté son chapeau; car il était
défendu par la loi de mourir dans ce sacerdoce avec le
chapeau sur la tête» (APP., Hist. G. civ.,
I, 8. 74).
C'est donc ainsi qu'en décembre 87, Merula s'ouvrit les
veines au pied de la statue de Jupiter Capitolin «après
avoir déposé son apex (coiffure spéciale
des flamines) (...) afin de ne pas souiller la dignité
sacerdotale» (13)
(Eb. Horst). «Merula, prêtre de Jupiter, arrosa
dans le Capitole les yeux mêmes du dieu avec le sang qui
jaillissait de ses veines» [«Merula, Flamen Dialis,
in Capitolio Jovis ipsius oculos venarum cruore respersit»]
(FLORUS, Abrégé Hist. rom., III, 22). Ironie
du destin, quelques jours plus tard Caius Marius, consul pour
la septième fois, décédait au cours d'une
crise d'alcoolisme (13 janvier 86) et Cinna demeurait seul consul
(14).
Le sacrilège suicide de L. Merula,
vu par Thierry Démarez (Alix Senator) (©
Casterman éd.) |
Compatibilité du «religieux»
et du «politico-militaire»
Le flaminat de Jupiter était d'ordinaire dévolu
à des hommes trop âgés ou de santé
trop fragile pour exercer une fonction politico-militaire. «Que
les Romains eux-mêmes aient élu consul un grand-prêtre
de Jupiter dont ils savaient bien qu'il ne pourrait être
d'aucune utilité politique ni, encore moins militaire,
avait évidemment un sens», écrit F. Hinard.
«Tout d'abord cette élection constituait une sorte
de complément à la destitution de Cinna : on ne
remplaçait pas celui-ci par un autre, également
compétent et qui aurait pu être soupçonné
d'avoir uvré par ambition personnelle, mais on désignait
un personnage qu'il fallut prier pour qu'il acceptât cette
élection qui, en principe, rendait irrévocable la
destitution de Cinna. Et puis, bien sûr, Octavius gagnait,
dans la désignation de ce collègue, une sorte de
garantie religieuse à son action, garantie qui, pour un
homme comme lui, devait avoir une importance considérable»
(F. Hinard).
D'un autre côté, le fait qu'on ait admis le paradoxe
d'offrir le consulat à un flamine de Jupiter suggère
que, sur le plan légistique, «l'interdiction de
briguer ou d'exercer une charge civile, (...) semble avoir comporté
des dérogations, puisque Lucius Cornelius Merula avait
été consul pendant une brève période»
(Eb. Horst). Et Gérard Walter de renchérir : «Au
dernier siècle de la république le flaminat put
être associé à l'exercice des charges publiques
qui n'éloignaient pas leurs détenteurs de Rome.
C'est ainsi que L. Cornelius Merula fut appelé...»
etc. De fait, aux dires d'Appien, cumulant les charges de consul
et de Flamen Dialis, L. Merula s'activa avec son collègue
Octavius : ils «entourèrent Rome de retranchements,
fortifièrent ses murailles, dressèrent leurs machines
de guerre, et envoyèrent demander des auxiliaires aux villes
encore fidèles, jusque sur les frontières des Gaules»
(APP., Hist. G. civ., I, 8. 66), ce qui implique pour le
prêtre de Jupiter des contacts continus avec les choses
militaires - hommes, armes, matériels - qui lui étaient
normalement taboues.
Un siège vacant
«Depuis ce jour de décembre 87, où le
vénérable L. Cornelius Merula, Flamen Dialis,
le premier en dignité des prêtres-sacrificateurs
romains, s'ouvrit les veines aux pieds de la statue de son dieu
au Capitole, son poste était resté inoccupé.
On était en 84. Du coup, alors cette situation fut jugée
dans les sphères gouvernementales inadmissible et le
pontifex maximus fut informé qu'il aurait à porter
d'urgence son choix, présumé libre, sur un des trois
candidats qui lui seront soumis, conformément à
la loi, et que ce candidat s'appelait César. C'est ainsi
que celui-ci se trouva désigné, à l'âge
de dix-sept ans, pour une des plus hautes dignités sacerdotales
de Rome, la plus haute après celle de grand pontife»
(G. Walter).
Que s'était-il passé ? En 87, le jeune César
a, en fait, 13 ans. Mais des liens étroits les liant au
parti populiste, sa tante Julia - épouse de C. Marius !
- et sa mère Aurelia auraient, dès 86, suggéré
au consul Marius d'en offrir la charge au jeune César (15).
«César aurait été appelé
à lui [L. Merula] succéder précisément
à ce moment et encore à l'instigation de Marius.
Mais sa jeunesse était évidemment un obstacle à
une entrée en fonction immédiate, si bien que la
nomination effective n'intervint probablement qu'en 84 avec la
prise de la toge virile» (Eb. Horst). Pour cela, encore
faut-il d'abord que le jeune César donne des gages de son
allégeance. Marius mort, il lui faut épouser Cornelia,
la fille du quatre fois consul L. Cornelius Cinna. Le jeune homme
commence donc par rompre avec Cossutia, la fille d'un riche chevalier
dont la dot appréciable eut fort à propos renfloué
les caisses vides des Julii Cæsari (16)
(SUÉT., Cés., I, 1).
Après sa prise de la toge virile (en 84), le mariage
est consommé et, en 83, Cornelia donnera à César
son unique enfant légitime - une fille, Julia, qui plus
tard épousera le Grand Pompée. Adulte et marié,
le jeune homme est donc maintenant apte à endosser la læna
et ses fonctions de Flamen Dialis. «Ainsi donc, à
dix-sept ans, César vivait dans la maison paternelle de
Subure, époux, père et flamine de Jupiter. On peut
pourtant se demander s'il mena jamais vraiment «l'existence
paisible et austère d'un prêtre au service du plus
vénéré de tous les dieux romains» (17).
Il en resta probablement à la nomination sans aller
jusqu'à l'inauguration, car d'après deux historiens
postérieurs, l'office resta vacant jusqu'en 10 (18).
Et César lui-même ne dut guère regretter
d'avoir perdu ses droits alors que deux ans après, le retour
de Sulla et l'instauration de sa dictature faisaient de nouveau
régner la terreur dans Rome» (Eb. Horst).
De fait, Sylla vient de rentrer dans Rome après avoir
vaincu le consul populiste Norbanus (83), assiégé
et pris Préneste, vaincu Marius-le-Jeune à Clusium,
puis reconquis la Ville (seconde bataille de la Porte Colline,
octobre 82) (19).
Le parti marianiste est en pleine déconfiture, et c'est
au tour de Sylla - maintenant dictateur perpétuel - d'afficher
des listes de proscription. Ipso facto, César se
trouve dans une situation délicate, malgré qu'il
soit également lié au parti syllanien par son oncle
Aurelius Cotta, le frère de sa mère Aurelia, un
chaud partisan du nouveau Maître de Rome, sous les enseignes
duquel il a du reste combattu.
En 82, César - à l'âge de 18 ans - est donc
démis de sa charge de Flamen Dialis par Sylla, à
qui il s'est opposé en refusant de répudier son
épouse Cornelia fille de Cinna. Vivant la vie des proscrits,
il est contraint de se cacher dans la campagne sabine. Finalement,
il obtient le pardon du dictateur qui cède aux prières
des Vestales et, surtout, de son fidèle Aurelius Cotta.
Mais il ne peut s'empêcher de remarquer : «Il y
a plusieurs Marius en ce jeune homme, qui causera notre perte.»
Une réflexion concoctée après coup, on s'en
doute.
Plutarque écrit que César «sollicita»
la charge de flamine auprès de Sulla (PLUT., Cés.,
I, 3), «ce qui est inexact et d'ailleurs peu croyable»,
note Eberhard Horst (20).
Mais Valérie Mangin ayant choisi de suivre l'historien
grec, c'est sur son assertion qu'elle s'est fondée à
la page 8 (2e v.)
de son album.
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APPENDICE
B
Toges laticlaves et angusticlaves...
Petit rappel. Il y a la bande rouge (pourpre) qui borde
la toge prétexte, et il y a une ou des bandes de la même
couleur qui ornent la tunique laticlave des sénateurs (d'où
que l'on parle parfois - à tort - de «toge laticlave»,
ce qui est une source de confusion).
La même problématique ressurgit à propos de
la tunique angusticlave des chevaliers romains. S'agit-il de deux
étroites bandes rouges verticales de part et d'autre de
la poitrine, ou d'une simple bande courant sur le bord
de la tunique ? «Comme les sénateurs avoient droit
de porter le laticlave, Suétone remarque qu'on les
appelloit d'un seul nom laticlavii. Les consuls, les préteurs,
& ceux qui triomphoient jouissoient aussi de cette décoration»
(DIDEROT & D'ALEMBERT [21]).
C'est un lieu commun du péplum, tant hollywoodien qu'italien
! Au milieu de la poitrine, les sénateurs romains portent
sur leur blanche tunique une improbable très large bande
rouge verticale (click). Ne jetons pas la pierre
aux costumiers de cinéma ni aux auteurs de bandes dessinées
: cette large et unique bande rouge laticlave est attestée
dans toutes les histoires du costume du XIXe s. tel le Hottenroth
et le Racinet, incontournables références
dans notre représentation de l'Antiquité romaine
- du moins jusque dans les années soixante-dix ou quatre-vingt.
En fait, on peut largement remonter jusqu'aux travaux d'érudition
du XVIIIe s., comme ceux de A. Dacier (1724), le précité
Diderot & d'Alembert (1751-1772) ou F. Sabbathier (1777) (22)...
Introduction
De la tunique et de la toge (robe)
Les Romains portaient sous la toge une tunique toute droite et
sans manches qui servait aussi à distinguer les trois ordres.
Celle des plébéiens était tout unie; celle
des patriciens s'ornait d'une large bande de pourpre qui lui fit
donner le nom de laticlave et, celle des chevaliers d'une
bande plus étroite, d'où son nom d'angusticlave.
Distinguons la tunique de la toge qui se porte par-dessus, et
précisons le sens exact du mot «robe» parfois
utilisé. D'un ouvrage à l'autre la terminologie
semble incertaine. Ainsi Jean-Pierre Néraudau écrivait
très justement, à propos de la toge des enfants
: «La robe prétexte (...) était
une toge blanche bordée d'une bande de pourpre.
Les pontifes et les magistrats y avaient droit aussi»
(23).
En effet, les dictionnaires de latin donnent le français
«robe» comme synonyme de «toge» (toga).
Il convient de se méfier d'un trop facile rapprochement
de «robe» avec «tunique», que pourrait
suggérer nos vêtements modernes. Du reste, ne continue-t-on
pas - le poids de la tradition - à appeler «gens
de robe» nos juges et avocats porteurs de toges ?
1. Laticlave
Au milieu de la poitrine ?
Une première mise au point s'impose : qu'en est-il, justement,
de cette large bande rouge verticale au milieu de la poitrine
? Fin du XIXe s., Anthony Rich dans son dictionnaire (24),
risquait une comparaison avec la sarapis, la large bande
blanche unique qui barre verticalement le centre du vêtement
de Darius sur la fameuse mosaïque de Pompéi le représentant
à la bataille d'Issos (inspirée d'une peinture d'Apelle).
Mais comparaison n'est pas raison : on expliquerait assez mal
le rapprochement entre un ornement persan et celui affiché
sur la tunique des sénateurs romains. D'autres ont trouvé
une possible analogie dans Hérodien, lorsqu'il mentionne
une bande pourpre au centre de la tunique portée par les
prêtres du Soleil institués par Héliogabale
: «... C'étaient les chefs de l'armée,
les hommes les plus élevés en dignité
(...) vêtus, selon l'usage phénicien, de tuniques
traînantes et à larges manches, portant au milieu
du corps une ceinture de pourpre, et chaussés de lin, comme
les devins de Phénicie.» (HÉRODIEN, Hist.
rom., V, 13 [ou V, 5. 9] [25]).
Si c'est porté comme une ceinture, c'est donc horizontal,
et non vertical... Et, du reste, Héliogabale ayant régné
de 218 à 222, on ne voit pas de possible interférence
avec les magistratures de la fin de la république, de beaucoup
plus anciennes. Il n'en demeure pas moins que les «Histoire
du costume» de l'époque ont privilégié
cette solution en laquelle nous voyons le point de départ
de la vision adoptée par les précités Hottenroth
et Racinet, et perpétuée par le cinéma et
les BD qui s'en inspirent.
La notion de laticlave (latus clauus) et d'angusticlave
(angustus clauus) implique de d'abord définir la
notion de clauus, ou plutôt de son pluriel claui.
Les clavi
La question est de savoir si le (ou plutôt les)
clauus qui se porte sur la tunique uniquement peut également
border la toge ? La réponse est de toute évidence
«non». Par définition, les claui vont
par paire, comme l'expose le dictionnaire de Diderot et d'Alembert,
s.v. «angusticlave»
(1751) : «C'étoit une partie ajoûtée
à la tunique des chevaliers Romains; la plûpart des
antiquaires disent qu'elle consistoit en une piece de pourpre
qu'on inséroit dans la tunique, qu'elle avoit la figure
de la tête d'un clou; & que quand cette piece étoit
petite, on l'appelloit angusticlave : mais Rubennius prétend
avec raison, contre eux tous, que l'angusticlave n'étoit
pas rond comme la tête d'un clou, mais qu'il imitoit le
clou même; & que c'étoit une bande de pourpre
oblongue, tissue dans la toge & d'autres vêtemens; &
il ne manque pas d'autorités sur lesquelles il appuye son
sentiment.»
Notons au passage que la notice parle d'une bande de couleur
pourpre que l'on «insérait» dans la tunique,
que l'on «tissait» dans la toge. Anthony Rich donnait
à l'absence de représentation figurée du
laticlave des sénateurs, l'explication suivante : «Comme
le clauus était une simple nuance de couleur mêlée
au tissu, et n'avait pas en conséquence de substance propre,
il n'est indiqué sur aucune des statues qui représentent
des sénateurs; car le sculpteur ne s'inquiète que
des objets qui ont une substance réelle. (...) Par
conséquent, nous n'avons aucun spécimen connu du
laticlave des sénateurs sur les monuments» (26).
De toute évidence, cette explication ne tient pas la route.
La bande pourpre n'était pas tissée dans l'étoffe,
mais cousue dessus. À preuve le passage de Varron
qui dit que les bandes laticlaves de la tunique se voyaient à
travers certaines toges faites d'une certaine très légère
étoffe de laine. Tout simplement, les statues étant
peintes, le sculpteur laissait au peintre le soin de lui-même
indiquer ces galons pourpres. L'«injure du temps»
les ayant effacées depuis, voici deux ou trois siècles
on n'en avait bien entendu plus aucune idée. Une lacune
maintenant comblée par l'archéologie et ses sophistiquées
méthodes d'investigation. Ces bandes, on les voit du reste
très bien sur une peinture du laraire
de la maison des Vettii, à Pompéi.
Un ruban libre ?
L'idée des claui ronds comme des têtes de
clous semble bien oubliée, au profit du ruban long que
la plupart des exégètes voient courir cousus sur
le devant et dans le dos de la tunique.
Certains cependant - variante - n'y voient toutefois qu'un simple
et libre ruban, indépendant du vêtement devant lequel
il pend, simplement agrafé au niveau de la clavicule (d'où
l'intérêt de porter une ceinture pour l'assurer).
En effet, l'idée du «clou» a induit quelques
érudits à imaginer «que le laticlave étoit
une bande de pourpre entierement détachée des habits,
qu'on la passoit sur le col, & qu'on la laissoit pendre tout
du long par-devant & par-derriere, comme le scapulaire d'un
religieux», thèse que contestait - à bon
droit nous semble-t-il - le dictionnaire de Diderot & d'Alembert,
mais qui semble avoir conservé quelques partisans comme
l'archéo-styliste Christiane Casanova (Association ACL
Arena).
Dans Væ Victis, Jean-Yves
Mitton et Simon Rocca n'ont fait figurer la bande
pourpre que sur la toge prétexte, pas sur la
tunique (tunica recta) (Væ Victis/1,
p. 4) |
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Dans La Chute de l'Empire romain
(1964), comme dans les autres péplums tant
américains qu'italiens, les membres du Sénat
portent un unique et large laticlave au milieu de
la tunique, et un autre galon sur le bord de la toge
prétexte - tel un uniforme. C'est peut-être
excessif, et de toute manière discutable au
niveau de la tunique.. |
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Dans Cléopâtre (1963),
Brutus (Kenneth Haigh), comme tous les autres sénateurs,
outre le galon sur le bord de sa toge, arbore fièrement
un large «laticlave» rouge au milieu de
la poitrine |
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Dans son histoire du costume, Friedrich Hottenroth (1883) (27)
fait figurer - à l'extrême gauche, ci-dessus - deux
personnages : un chevalier et un sénateur.
Le premier, le chevalier, est reconnaissable à sa
trabée bleue (28),
version latine du court manteau des cavaliers, correspondant à
la chlamyde des Grecs. Et, partant des clavicules, il porte
sur sa tunique deux bandes rouges verticales.
Le second, le sénateur, outre sa toge prétexte,
porte sur la tunique une unique large bande rouge centrale. «Il
résulte de-là, que le laticlave étoit une
large bordure (sic) de pourpre, cousue tout du long sur
la partie de devant d'une tunique, ce qui la distinguoit de celle
des chevaliers qui étoit à la vérité
une bordure de la même couleur & de la même maniere,
mais beaucoup plus étroite; d'où vient qu'on l'appelloit
angusticlave» (DIDEROT & D'ALEMBERT).
À gauche et au centre
: sénateurs selon le Racinet (p.33) (avec ou sans
laticlave sur la tunique). À droite, magistrat romain
du laraire de la Maison des Vettii à Pompéi.
On notera que les costumiers de cinéma et de BD sont
partis dès l'Histoire du costume du XIXe
s. avec la large bande centrale. À noter que le laraire
des Vettii montre peut-être la large bande sur une
des épaules, l'autre étant cachée par
la toge. (à moins que ce ne soit l'extrémité
de cette toge ramenée sur l'épaule droite(29). |
La toge prétexte
Il en va de même dans le Racinet (1876-1888) (30),
avec toutefois une nuance : celui qui nous est présenté
comme sénateur en 05, à gauche, outre sa toge, porte
un large «laticlave» au milieu de la poitrine, mais
le second en 10, au centre, ne l'arbore que sur la toge prétexte
et rien sur la tunique. De fait, la situation, assez paradoxale,
est qu'on a pas d'images de sénateurs qui soient fiables
au niveau des couleurs ou de l'agencement du vêtement.
Cependant, telle représentation picturale d'un magistrat
romain dans le laraire de la Maison des Vettii à Pompéi
[à droite] (click) laisse bien voir
une très large bande pourpre courant sur le bord de la
toge (épaule gauche). Mais ce qui descend sur l'épaule
droite et s'arrête abruptement au niveau de la ceinture,
n'est pas d'interprétation très évidente,
la peinture étant à cet endroit très altérée.
Ce pourrait être un large clauus de tunique, comme
ce pourrait plus probablement être un plan de la toge couvrant
la tête de ce magistrat, ensuite ramené sur le devant...
En tout cas, il semble difficile de croire à la bande centrale,
large et unique, comme dans La chute de l'Empire romain, Cléopâtre,
etc.
Récapitulons : sont-ce la tunique et la toge qui
sont laticlaves ou angusticlaves, ou seulement une des deux ?
Il nous paraît clair que seules les tuniques le soient.
Fonction de la largeur du galon, il existe des tuniques laticlaves
et angusticlave ! Par ailleurs, les sénateurs portent par-dessus
leur tunique laticlave une toge (ou «robe») dite prétexte,
bordée d'un galon...
La toge prétexte des enfants
À côté de la toge prétexte
portée par les magistrats curules (31)
en exercice, donc certains sénateurs et certains chevaliers
(?) - mais pas tous semble-t-il, seulement ceux qui occupent une
charge - la littérature parle également de la toga
prætexta portée par les enfants libres, filles
et garçons. En fait à l'origine la toge est portée
par les femmes comme par les hommes. Mais les matrones s'en affranchiront
plus rapidement au profit d'une stola plus coquette.
La toge prétexte est donc le
vêtement des jeunes garçons avant la prise de la
toge virile (toga uirilis) laquelle, toute blanche, sanctionne
leur majorité. C'est au cours des Liberalia, le
17 mars, que le puer (enfant) âgé de 16-17
ans accomplis consacrait sa bulla et sa toge prétexte
à la déesse Juventas; ensuite, endossant la toga
uirilis, il passait dans la classe des iuuenti, c'est-à-dire
des jeunes hommes.
Du laticlave et de la prétexte
Le passage du Diderot et d'Alembert que nous reproduisons ci-dessous
suggère que le laticlave et la prétexte pouvaient
se porter ensemble : la toge prétexte par-dessus la robe
laticlave (cette «robe» serait bien, dans ce cas-ci,
une tunique longue - erreur de plume de l'encyclopédiste
?) : «Ce qui est plus sûr, c'est qu'on a confondu
à tort, le laticlave avec la prétexte, peut-être
parce que la prétexte avoit un petit bordé de pourpre;
mais outre que ce bordé de pourpre régnoit tout-au-tour
(32),
il est certain que ces deux robes étoient différentes
à d'autres égards, & même que la prétexte
se mettoit sur le laticlave. Varron l'a dit quelque part; d'ailleurs
on sait que quand le préteur prononçoit un arrêt
de mort, il quittoit la prétexte & prenoit la robe
(sic) laticlave» (DIDEROT & D'ALEMBERT, s.v.
«Laticlave»).
De fait, Horace parle d'un pittoresque personnage, «Aufidius
le louche, un ex-greffier, un stupide, qui s'était harnaché
de la prétexte et du laticlave des consuls, sans oublier
le brasier des pontifes» (HOR., Sat., I, 5).
Et c'est bien ce que
dit le précité passage de Varron, lequel dans ses
Satires Ménippées remarque, à propos
d'une étoffe plus légère, «leurs
toges ou prétextes transparentes, laissent voir les bandes
ou galons de pourpre dont leurs tuniques sont brodées»
(«quorum vitreæ togæ ostentant tunicæ
clavos») (VAR., Sat. Ménip., 313 - trad. André
Dacier [33]).
Il s'agit donc bien de deux choses différentes, qui peuvent
se porter ensemble : une tunique laticlave sous une toge prétexte.
Pline également parle de tunica laticlaua : «Les
gausapes (34)
ont commencé du temps de mon père; les
amphimalles, de mon temps, ainsi que les ceintures à longs
poils. Quant à la tunique laticlave en forme de gausape
c'est une mode qui ne fait que de naître» (PLINE,
Hist. Nat., VIII, 74. 4 [ou VIII, 193]). Ce qui semble
indiquer on ne peut plus clairement que c'est bien la tunique
qui porte les bandes rouges, les lati claui, et qu'on peut
les deviner sous le fin lainage de certaines toges.
Sur cette célèbre
fresque, Cesare Maccari (1840-1919) a choisi de nuancer
l'image du sénateur romain. Comme on l'a dit, ceux-ci
ne semblent pas avoir systématiquement porté
le laticlave sauf quand ils exerçaient une magistrature
tel consul, préteur, questeur etc. Mais ici, Cicéron
- consul en cette année 63 où il prononça
ses Catilinaires - aurait dû porter le laticlave
insigne de sa fonction.
(Cesare Maccari, Cicéron prononçant la
première Catilinaire au sénat romain (1889),
fresque de la Sala Maccari, Palazzo Madama à Rome)
(source ph. : Wikipedia) |
2. Angusticlave
(de angustus («étroit»)
et clauus («clou»))
L'angusticlave
appelle quelques remarques encore. Nous avons vu que cette dénomination
concerne essentiellement la tunique de l'ordre équestre.
Soit deux étroites bandes verticales. Entre la trabée
et la simple toga uirilis toute blanche, nous ignorons
de ce qu'il en allait de leur toge. Peut-être les chevaliers
portaient-ils aussi la prétexte lorsqu'ils étaient
revêtus d'une magistrature particulière.
Dans son Dictionnaire, Anthony Rich note à ce
propos : «Marque distinctive de l'ordre équestre
(PÆTERC. II, 88. 2). [L'angusticlave] était
de couleur pourpre comme [le laticlave]
et décorait la tunique, mais elle avait un caractère
différent. Elle se composait de deux bandes étroites,
courant parallèlement sur le devant de la tunique, l'une
à droite et l'autre à gauche; de là vient
que, pour les distinguer, on se sert quelquefois du pluriel
purpuræ au lieu du singulier (QUINT., XI, 3, 138)»
(35).
Et Rich de continuer en expliquant qu'à une époque
postérieure, l'angusticlave cesse d'être la marque
du rang social de celui qui la porte, mais se retrouve sur toutes
sortes de personnages du commun, notamment les échansons
et autres domestiques.
Quelques auteurs, toutefois, pensent qu'à la légion
les chevaliers servant comme tribun militaire (tribun angusticlave),
portaient leur étroite bande rouge au bas
de la tunique. À notre avis, il y a ici confusion entre
le bord de la tunique et celui de la toge prétexte. Le
curieux intéressé trouvera les deux dans la documentation.
Coexistaient-elles ou s'excluaient-elles mutuellement ?
Les tribuns angusticlaves
Une légion romaine comportait six tribuns : un tribun
laticlave et cinq tribuns angusticlaves. Si les tribuns laticlaves
sont mentionnés à plusieurs reprises dans la littérature,
les tribuns angusticlaves ne sont évoqués - à
notre connaissance - que dans le seul Suétone, qui nous
apprend que son père, Suetonius Lætus, avait servi
comme tribun angusticlave dans la XIIIe légion, sous les
ordres d'Othon contre son rival Vitellius (SUÉT., Othon,
X).
Ce sont eux que les autres sources désignent sans davantage
de précisions comme «tribuns militaires», lesquels
n'étant pas sortis du rang comme les centurions, ne font
donc pas toute leur carrière dans l'armée ainsi
qu'il en ressort de quelques curriculum vitæ de tribuns
militaires publiés sur le site de la Leg. VIII Augusta
par René Cubaynes. Tous ont appartenu à la VIIIe,
ces L.
Iulius Brocchus Valerius Bassus (sous Néron), Q.
Rutilius Flaccus Cornelianus (sous les Flaviens ou Trajan),
S.
Cornelius Dexter (sous Hadrien), L.
Coiedius Candidus (fin Ier s./premier tiers du IIe s. ?),
Q.
Solonius Severinus (deuxième moitié du IIe s.),
et ont par la suite fait carrière dans l'administration
comme sénateur dans quelque cité provinciale, triumvir
ou duumvier dans telle colonie, préfet de la flotte dans
un secteur déterminé ou procurateur... quand ils
ne finirent pas dans le négoce de l'huile d'olive.
Respectivement issus, le premier de l'ordre sénatorial
et les cinq autres de l'ordre équestre, ces jeunes aristocrates
démarraient leur carrière politique (cursus honorum),
par la participation à quelque campagne militaire (36).
Cependant, on exclura l'astucieuse représentation d'une
bande pourpre-rouge bordant le bas de la tunique des tribuns angusticlaves
de la légion romaine, souvent reprise dans les ouvrages
d'uniformologie. On ne les voit pas sur les fresques, mais probablement
tiraient-elles leur origine de la représentation du port
de tuniques superposées...
L'hypothétique fine bordure pourpre
des tribuns militaires (tribuns angusticlaves) (© Osprey
& © Concord Publ. Cy)
|
Nous avons, par exemple, ci-dessus à gauche - le numéro
2 -, un tribun du Haut Empire dessiné par Ron Embleton
(37)
et, à droite, un tribun d'une cohorte prétorienne
engagée sur le front du Danube, sous Domitien en 88, vu
par Angus Mac Bride (38).
Sauf la richesse de leur équipement (cuirasse musclée
etc.), les bandes verticales - emblèmes du rang de ces
officiers - n'auraient guère été visibles
sous le plastron de la cuirasse ou derrière les ptéryges.
Mais quid de la bordure de tunique ? L'idée, intéressante,
resterait à être confirmée par quelque représentation
figurée...
3. Pour être complet
1) De la couleur pourpre
Un dernier détail à régler. Le mot «pourpre»
qui définit la couleur des galons laticlaves, angusticlaves
ou prétexte pose problème. Rouge, violet, bleu ou
quelque autre nuance ? Au cinéma, nous en avons vu, de
ces laticlaves, et de toutes les couleurs : du bleu certes,
mais aussi - de la Théodora de Freda au Gladiator
de Ridley Scott - du noir ! Pétrone, dans le Quo Vadis
? de Kawalerowicz, sur sa prétexte en porte d'un sombre
grenat qui confine au noir. Et si le cinéma, pour une fois,
reflétait la réalité ? Dans ce domaine, nous
précise François Gilbert (Pax Augusta), spécialiste
des costumes romains militaire et civil, «l'usage de
la pourpre est très réglementé, mais dans
les faits, tout le monde l'utilise, ce qui oblige le pouvoir à
constamment légiférer. Il existe cependant jusqu'à
treize variétés de pourpre, certaines très
chères, d'autres très bon marché, avec des
nuances allant du bleu lilas au rouge sombre, et à certaines
époque, au bleu foncé, et bien sûr en passant
par toute la palette des violacés. En Gaule, on fait même
des tuniques d'esclave pourpres, avec de simples baies (39).»
2) Effet de mode sous le Haut Empire : la
banalisation
Selon Léon Heuzey, il semble que les Romains aisés
aimaient porter les bandes verticales, pas nécessairement
rouges (40).
On voit souvent sur les fresques et mosaïques, par exemple
celle de la Villa de Nennig, des personnages dont la condition
- à l'évidence - n'est ni sénatoriale ni
équestre, porter de ces bandes verticales, telles les deux
minces bandes bleues verticales rehaussant la tunique de ce doctor
arbitrant un combat de gladiateurs.
Lui-même ancien gladiateur, ce maître
d'armes (doctor) ou, plus probablement, arbitre (summa
rudis), que l'on voit ici pondérant un affrontement
rétiaire-secutor, n'appartient assurément
pas à l'ordre équestre; pourtant sa tunique
porte de fines bandes - angusticlaves - bleues verticales...
(Mosaïque de la Villa de Nennig (Sarre), IIe s. de
n.E.) |
3) Du bon usage
a) La ceinture
Louis de Jaucourt, l'auteur de la notice dans le Diderot et d'Alembert,
remarque que la tunique laticlave «se portoit sans ceinture,
& étoit un peu plus longue que la tunique ordinaire,
c'est pourquoi Suétone observe comme une chose étrange
que Cesar ceignoit son laticlave.» Ce que confirme Quintilien,
«les bandes de pourpre doivent descendre perpendiculairement.
(...) Comme on ne met pas de ceinture par-dessus le laticlave,
il doit descendre un peu plus bas que l'angusticlave.»
(41)
(QUINT, Inst. orat., XI, 3. 139) (click).
«Son laticlave [était] garni de franges
qui lui descendaient sur les mains, note Suétone. C'était
toujours par-dessus ce vêtement qu'il mettait sa ceinture,
et il la portait fort lâche; habitude qui fit dire souvent
à Sylla, en s'adressant aux grands : 'Méfiez-vous
de ce jeune homme, qui met si mal sa ceinture'.»
(SUÉT., Cés., XLV, 5 [42]).
Mais qu'est-ce qui vraiment étonne Suétone ? le
fait de porter une ceinture, ou celui de ne pas la serrer ?
Le commentaire d'Henri Ailloud laisse perplexe : «La
toge étant jetée sur la tunique, on plaçait
d'ordinaire la ceinture à la hauteur des cuisses, pour
laisser voir les deux bandes de pourpre. César, au contraire,
se ceinturait sur le laticlave, c'est-à-dire plus
haut, de sorte que sa tunique était entièrement
cachée.» Le fait que la tunique laticlave soit
ceinte haut sur les hanches ou relâchée un peu plus
bas, ne change rien au drapé de la toge qui, de toute façon,
laisse dégagée l'épaule droite et le galon
pourpre qui l'orne.
b) L'âge
Il y avait bien évidemment un âge requis pour avoir
le droit de porter le laticlave, dont semblent avoir été
exclues les magistratures subalternes, les premières du
cursus honorum (édile etc.). «Isidore nous
apprend que sous la république, les fils des sénateurs
n'en étoient honorés qu'à l'âge de
25 ans; César fut le premier qui ayant conçu de
grandes espérances d'Octave son neveu, & voulant l'élever
le plutôt possible au timon de l'État, lui donna
le privilege du laticlave avant le tems marqué par les
lois.
» Octave étant parvenu à la suprème
puissance, crut à son tour devoir admettre de bonne heure
les enfans des sénateurs dans l'administration des affaires;
pour cet effet, il leur accorda libéralement la même
faveur qu'il avoit reçue de son oncle. Par ce moyen, le
laticlave devint sous lui l'ordre de l'empereur; il en revêtoit
à sa volonté les personnes qu'il lui plaisoit, magistrats,
gouverneurs de provinces, & les pontifes mêmes»
(DIDEROT & D'ALEMBERT).
Pour mémoire : en 180 av. n.E., une Lex Villia Annalis
fixa l'âge minimum de l'accès aux magistratures.
À dix-sept ans, un jeune homme peut intégrer le
vigintisévirat (commission subalterne de 20 membres) ou
le tribunat militaire. À 25 ans il peut se faire élire
questeur, à 27 édile curule et à 30 préteur.
Sous la république, le consulat est postulable à
37 ans, à 43 ans après la réforme de Sylla
ou à 32 ans sous le Principat (ces âges chutent sous
le Dominat). Il convient d'observer un délai de deux ans
entre deux magistratures, et de dix ans entre deux consulats.
Bien entendu, il y eut des exceptions comme Caius Marius !
4. En manière
de conclusion
D'origine étrusque (PLINE, Hist. Nat., VIII, 74.
2), le vêtement national des Romains a évolué
au long de leur histoire. Lourde et incommode la toge, qui ne
se porte guère qu'en public et dans la dignitas,
a varié dans ses dimensions et dans la manière de
la porter. Mesurant à peu près six mètres
dans son plus grand diamètre, elle consistait en une pièce
ovale pliée en deux, environ trois fois plus longue et
deux fois plus large que celui qui la portait. Lequel devait se
faire aider par des esclaves pour la draper selon les règles
de l'art, avec une repli à l'avant qui servait de poche
(sinus). Le Quo Vadis ? de Jerzy Kawalerowicz débute
par une scène où deux servantes drapent Pétrone
dans sa toge. À la fin de la république, les hommes
se «libèr[ent] le buste et les bras plus largement
qu'à l'époque ancienne. [Mais] Cicéron
se souvient que dans sa jeunesse, une fois sortis de l'enfance,
les jeunes gens devaient garder, pendant encore une année,
leur bras caché sous la toge (CIC., Pro Cælio,
V, 11)» (43).
La toge disparaît de la vie courante vers la fin du Ier
s. de n.E. (44).
L'évêque Isidore de Séville (570-636), qui
n'en a sans doute jamais vues, définira la toge prétexte
comme un... pallium bordé de pourpre.
Sans doute dès avant la période tardo-républicaine,
les chevaliers avaient-ils - au forum - cessé de porter
leur manteau de cavalier, la trabea, au profit de la toge.
Autrefois élite de la plèbe capable de fournir de
la cavalerie, ils s'étaient tournés vers les activités
lucratives (commerce, banque, fermage) interdites aux sénateurs.
Et ainsi devenir une aristocratie financière intermédiaire
entre les grands propriétaires fonciers de la nobilitas
et les simples citoyens ou les prolétaires. Mieux, ils
commençaient à entrer au sénat et à
accéder aux grandes magistratures...
Ils devaient porter une toge blanche - peut-être bordée
d'une fine bande rouge ou pourpre pour les meilleurs d'entre eux
- à l'imitation de la toga prætexta. Tout
est affaire d'époque.
Ce qui nous paraît plus évident c'est que les termes
laticlave et angusticlave se rapportent à
la tunique qu'ils portaient sous leur toge, plutôt qu'à
la toge elle-même. Les sénateurs portaient-ils sur
leur tunique une seule et large bande laticlave comme on le pensait
au XIXe s., et encore maintenant au cinéma ? Difficile
de le soutenir faute de probantes représentations figurées;
du reste, l'étymologie de clauus semble s'y opposer.
Prince du Sénat, Auguste
semble ici se démarquer des autres sénateurs,
dont Alix, en portant le laticlave unique tel qu'on le voit
dans le Hottenroth et popularisé par les films. Clin
d'il ou hésitation du dessinateur Thierry Démarez
? (Alix Senator/2 : Le Dernier Pharaon) (© Casterman) |
Les sénateurs portaient donc, sur le devant de leur tunique,
deux larges galons rouges et les chevaliers deux étroits.
C'est sans doute le plus probable. On a vu que - effet de mode
-, dès la fin du Ier s. de n.E., du priuatus au
sommelier et au gladiateur, les gens du commun finiront par les
copier.
Quant à Thierry Démarez et Valérie Mangin,
sur cette question délicate, ils se tirent d'affaire plus
qu'honorablement : en mission officielle en Italie comme en Égypte
(45),
le sénateur Alix porte ses deux larges (?) bandes rouges
sur la tunique ainsi que la toge prétexte; le reste du
temps, des galons de fantaisie peuvent orner sa tunique comme
celles des autres Romains de l'époque augustéenne
- Auguste lui-même, fonction oblige, les affectionnant brodés
de fils d'or (click).
Pour résumer
Les bandes laticlaves et angusticlaves vont par paire;
elles sont cousues sur la tunique et non tissées
dans l'étoffe de laine du vêtement. Ce ne sont
pas davantage des rubans «pendants comme des scapulaires»,
épinglés au niveau des épaules avec
un clauus («clou»).
Par métonymie, le mot «laticlave» peut
aussi désigner la tunique laticlave en elle-même.
Lorsqu'ils sont en charge d'une magistrature curule, les
sénateurs portent la tunique laticlave (avec deux
larges bandes pourpres verticales) et la toge prétexte
(bordée de pourpre).
De même, les chevaliers élus à quelque
fonction portent la tunique angusticlave (avec deux étroites
bandes pourpres verticales) et la trabée, finalement
remplacée par une toge (toute simple ?).
Mais dans la vie de tous les jours, ces deux rangs de noblesse
portent la toge blanche, qui est le costume civique que
l'on porte à la ville.
Lorsqu'il prend le commandement de l'armée, le
consul (ou le préteur) quitte sa toga prætexta
civile pour endosser le paludamentum, le rouge manteau
du général.
Ajoutons que la toge du triomphateur, dite toga palmata
ou toga picta est rehaussée de riches broderies
d'or, et que les augures portaient une toge couleur safran.
Enfin, la toga pulla ou toga sordida, de couleur
sombre, se porte lors des deuils ou quand au tribunal, un
prévenu veut exciter la pitié du juge. |
Arborant ses bandes laticlaves, notre vaillant
sénateur quinquagénaire enquête en Égypte.
Comme d'«Alix Senator» à «Ajax
Senator» il n'y a pas très loin, votre tribun
angusticlave Ajax - irresponsable auteur de ce site -, désormais
pris d'une irrépressible addiction pour les chiffons,
est parti faire les soldes... Aaah ! Ce petit galon rouge...
vraiment, ça déchire sa race !
Alix Senator/2 : Le Dernier Pharaon (2013) (©
Casterman) |
|
---------oOo--------- |
APPENDICE
C
Le comité et la charte «Martin»
(Extrait de Casemate, n¡ 50.)
Qui est aux commandes de la galaxie Martin depuis le décès
de Jacques Martin en 2010 ?
SIMON CASTERMAN : Une structure de quatre personnes mise en place
en 2005. À cette époque, les contrats précédents
arrivant à terme, un nouveau fonctionnement a été
mis au point pour faire avancer l'ensemble de cet univers dans
une direction qui convenait aux deux parties, la famille Martin
et l'éditeur Casterman. Pour cela, une charte a été
élaborée, et un comité créé,
comportant deux représentants de chaque partie. Aujourd'hui,
il est composé des enfants de Jacques Martin, Frédérique
et Bruno, de Jimmy Van Den Hautte et de moi-même.
BRUNO MARTIN : À l'époque, mon père était
déjà mal voyant. Désirant vivement qu'Alix
continue, il a demandé à Casterman de mettre au
point cette structure dans laquelle, aujourd'hui, je le remplace.
|
Qui a écrit la charte scénaristique pour Alix
?
BRUNO MARTIN : Mon père et moi. Elle devait permettre d'assurer
la suite le jour où il ne pourrait plus assumer de visu
le travail scénaristique et artistique sur ses séries.
CASTERMAN : L'esprit de cette charte permet de continuer l'uvre
de Jacques Martin dans le même esprit. Elle définit
plutôt les directions qu'elle ne doit pas prendre.
Peut-on la lire ?
Non, c'est un document de travail interne.
MARTIN : Il s'agit surtout d'une analyse psychologique et psychosociale
de cet univers. Alix doit être courageux, mais pas téméraire.
Il n'est pas rancunier. La charte insiste sur le fait qu'il n'est
jamais animé d'un sentiment de vengeance.
CASTERMAN : Elle cadre également les limites de la violence
et de l'érotisme. Mais ce n'est pas un document figé,
il peut évoluer en fonction des projets que nous recevons.
Changement de dessinateurs, de scénaristes, on a pourtant
eu l'impression, ces dernières années, qu'Alix partait
un peu dans tous les sens.
MARTIN : Mon père a laissé un stock d'une trentaine
de synopsis plus ou moins développés, variant d'une
à quatre pages. L'idée de départ était
de les faire développer par des scénaristes qui
ne s'y sont pas forcément retrouvés. D'où,
peut-être, un certain inconfort. Aujourd'hui, nous demandons
aux scénaristes de développer leurs propres histoires.
Exit les derniers scénarios de Martin ?
Non. Ils sont en réserve. On gardera, par exemple, une
idée de base de mon père, mais en laissant un scénariste
libre de la développer avec son propre potentiel.
CASTERMAN : Aujourd'hui, les choses sont claires. Deux dessinateurs,
Marco Venanzi et Marc Jailloux, travaillent sur Alix, de
telle manière qu'un album paraisse chaque année.
Et un seul, Régric, sur Lefranc. Son rythme de travail
permet d'assurer un album par an. |
Suite… |
NOTES :
(1) Cf. Casemate, n¡ 45H, février
2012, p. 59; Casemate, n¡ 50, juillet-août 2012,
p. X; album Alix Senator, p. 8. - Retour
texte
(2) Cf. Paul VEYNE, Sexe
et pouvoir à Rome, Points éd. (Tallandier),
coll. «Histoire», n¡ H376, 2005, p. 158; Georges
DUMÉZIL, La Religion romaine archaïque, Payot,
1974 (2e éd.), pp. 603-604. Au temps d'Auguste, il existait
trois types de mariage à Rome : la confarreatio,
la cmptio et l'usus. Seule la confarreatio
implique la présence d'un prêtre, en l'occurrence
le Flamen Dialis qui consacre à Jupiter Capitolin
le gâteau d'épeautre offert pour la circonstance;
il n'était pratiqué que dans les milieux très
aisé. Jérôme Carcopino rappelle qu'au temps
de Tibère, il n'y avait plus guère de patriciens
nés sous ce régime (J. CARCOPINO, La Vie quotidienne
à Rome, Hachette, 1939 (rééd. 1942),
p. 101 sq.). La cmptio consistait en la
vente fictive de l'épousée par son père
à son mari, et n'impliquait que des personnes privées.
Enfin les Romains avaient imaginé une sorte de cohabitation
légale, l'usus. Après un an de vie commune,
la femme «usagée» était considérée
comme épouse. De nos jours, dans les pays observant la
séparation du civil et du religieux, il est pratiqué
deux cérémonies, l'une auprès de l'officier
civil, l'autre auprès du prêtre de la paroisse
(le premier seul ayant valeur légale). Mais en Grèce,
par exemple, c'est toujours le prêtre orthodoxe qui tient
à jour les registres de l'état civil.- Retour
texte
(3) ... Car il est censé précéder
les légions romaines. - Retour texte
(4) Les Saliens sont au centre du
tome 1 de la BD de Chaillet, Les boucliers de Mars. Sur
ceux-ci, voir FABIUS PICTOR, ap. Gell. X, 15.3, &
TITE LIVE, VI, 41 - cités par Anthony RICH, Dictionnaire
des Antiquités romaines et grecques, Molière
éd., 2004, s.v. - Retour texte
(5) Dès les premiers siècles,
sous l'influence du néoplatonisme de Plotin et du stoïcisme
romain, les prêtres catholiques sont attirés par
le célibat en application de Paul, Épître
aux Romains (8 : 5-10), confirmé par les Conciles
d'Elvire (en 306) et de Nicée, troisième canon
(en 325). Pourtant, au XIe s., le mariage des prêtres
est encore la norme. Latran II tentera d'y mettre fin en 1132
et 1139. - Retour texte
(6) «On éleva un tombeau,
dont César [Germanicus] posa le premier gazon;
pieux devoir, particulièrement agréable aux morts
et par lequel il s'associait à la douleur des vivants.
Cet acte ne fut point approuvé de Tibère : soit
que Germanicus ne pût rien faire qu'il n'y trouvât
du crime, soit que l'image des guerriers massacrés et
privés de sépulture lui parût capable de
refroidir l'armée pour les combats et de lui inspirer
la crainte de l'ennemi; soit, enfin, qu'il pensât qu'un
général, revêtu de l'augurat et des fonctions
religieuses les plus antiques, ne devait approcher ses mains
d'aucun objet funèbre.» - Retour
texte
(7) F. HINARD, Sylla, Fayard,
1985, pp. 138-139. - Retour texte
(8) E. HORST, César. Une
biographie, Fayard, 1981, pp. 43-46. - Retour
texte
(9) F. HINARD, Sylla, Fayard,
1985, pp. 138-139. - Retour texte
(10) FESTUS, s.v. «Albogalerus»,
VARRON, ap. Gell., X, 15. 4. On en voit une représentation
sur une médaille de Marc Aurèle (Anthony RICH,
Dictionnaire des Antiquités romaines et grecques,
Payot éd., 1995 & Molière éd., 2004,
s.v.). - Retour texte
(11) G. WALTER, César,
Marabout Université, n¡ MU 49, 1964. - Retour
texte
(12) F. HINARD, Sylla, Fayard,
1985, pp. 138-139. - Retour texte
(13) Sur ce suicide : GELZER, op.
cit., p. 18, d'où sont tirées les deux citations.
VELLEIUS PÆTERCULUS, II, 43, 2 place plus tard l'accession
à la dignité de flamine - cités par Eb.
HORST, César, op. cit., p. 44, n. 4. - Retour
texte
(14) «L'année suivante,
Cinna fut élu consul pour la seconde fois, et Marius
pour la septième, car, malgré son exil, malgré
la proclamation qui avait mis sa vie à la merci de quiconque
le rencontrerait, le pronostic des sept aiglons prévalut.
Pendant qu'il méditait de nombreuses et de grandes mesures
contre Sylla, il mourut dans le premier mois de son consulat.
Cinna fit choix, pour le remplacer, de Valérius Flaccus,
qu'il envoya en Asie; mais Valérius Flaccus étant
mort, il prit Carbon pour collègue, à la place
du défunt» (APP., Hist. G. civ., I,
8.65). - Retour texte
(15) En 87, César est à
13 ans nommé Flamen Dialis : PLUT., Cés.,
I, 3.; SUÉT., Cés., I, 1; VELL. PAT., II,
43. 1.
Ayons tout de même à l'esprit que Merula s'est
suicidé en décembre 87, et que Marius décéda
dans les semaines qui suivirent (mi-janvier 86). - Retour
texte
(16) «Cela commence par
le renvoi brusque de la riche fiancée. Pourquoi ? Des
renseignements précis à ce sujet nous manquent,
mais certaines hypothèses restent permises. On a l'impression
de se trouver en présence d'une initiative émanant
de la tante de César. Depuis la mort de son redoutable
époux survenue en janvier 86, Julia n'avait rien perdu
de son influence. Le continuateur de Marius, Cinna, écoute
avec déférence la veuve de son chef et associé.
Or, celle-ci, qui a dû certainement se montrer hostile
aux ternes projets matrimoniaux ébauchés pour
le compte de César par son père, n'a pas manqué
sans doute de profiter de l'occasion pour proposer à
son neveu un parti autrement avantageux. Cinna avait une fille
à marier. En devenant le gendre du maître de l'État,
César allait pouvoir se permettre sans tarder les ambitions
les plus vastes. Et son mariage avec Cornelia est décidé»
(G. Walter). - Retour texte
(17) GELZER, op. cit., p.
133 - cité par Eb. HORST. - Retour
texte
(18) WALTER, Cæs., p.
18. Par contre, TAYLOR, Cæsar's Early Career [Le
début de la carrière de César], pp. 195
et s. établit que César n'a pas été
inauguré. D'après TACITE, Annales, III,
58, 2 et DION CASSIUS, LIV, 36, 1, un successeur au flamine
Merula n'a été nommé qu'en 10. Egalement
: GELZER, op. cit., p. 18. - Retour
texte
(19) Voir les premières scènes
du superbe téléfilm (quoique amputé d'une
demi-heure dans sa VF) d'Uli Edel, Jules
César. - Retour texte
(20) Sur ce point, Horst renvoie
à GELZER, Cæs. Pol., p. 19, et STRASBURGER,
Cæs. Ein., p. 88. - Retour
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(21) L'ouvrage, certes, n'est pas
récent (1765), mais il présente l'intérêt
d'exclusivement se baser sur les sources textuelles à
l'exclusion des représentations figurées que s'efforce
de nous livrer l'archéologie, science qui n'avait alors
pas encore été inventée. - Retour
texte
(22) André DACIER, uvres
d'Horace en latin et en françois, avec des remarques
critiques et historiques, Amsterdam, Frères Wetstein
éd., t. VI, 4e éd., 1727; Denis DIDEROT &
Jean le ROND d'ALEMBERT, Encyclopédie, ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers,
1ère éd., 17 vols (et 9 vols de planches) 1751-1772
[= chevalier Louis de JAUCOURT, s.v. «Laticlave»
(t. 9, 1765), «Sénat romain», «Sénateur
romain» (t. 15) & ANONYME s.v. «Angusticlave»
(1751) - que l'on peut consulter en ligne soit sur http://alembert.fr
soit sur Wikisources]; François SABBATHIER, Dictionnaire
pour l'intelligence des auteurs classiques, grecs et latins,
tant sacrés que profanes, contenant la géographie,
l'histoire, la fable et les antiquités, Paris, Delalain
éd., t. 24, 1777, pp. 470-472.- Retour
texte
(23) J.-P. NÉRAUDAU, Être
enfant à Rome, Belles-Lettres, 1984; rééd.
Petite Bibliothèque Payot, n¡ P295, 1996, p. 148. - Retour
texte
(24) A. RICH, Dictionnaire des
Antiquités romaines et grecques (s.d.), Grande Bibliothèque
Payot, 1995; rééd. Molière, 2004. - Retour
texte
(25) Trad. Léon Haléy,
F. Didot éd., 1860. - Retour texte
(26) A. RICH, Dict., s.v.
«8. Clavus latus». - Retour
texte
(27) Frédéric HOTTENROTH,
Le costume, les armes, les bijoux, la céramique, les
ustensiles, outils, objets mobiliers, etc. chez les peuples
anciens et modernes, Paris, A. Guérinet, 1883. -
Friedrich HOTTENROTH, L'art du costume, Paris, L'Aventurine,
2002, 303 p. (reprise des planches du précédent).-
Retour texte
(28) Par-dessus l'angusticlave, les
chevaliers portaient une trabea, «toge» en
pourpre marine, rayée de bandes d'écarlate, courte
comme il convenait à des cavaliers, et s'agrafant sur
l'épaule droite. Pline dit que les rois romains portèrent
la trabée pourpre (PLINE, Hist. Nat., VIII, 74).
- Retour texte
(29) Magistrat romain laticlave,
laraire de la Maison des Vettii, in François GILBERT,
Gladiateurs, chasseurs et condamnés à mort.
Le spectacle du sang dans l'amphithéâtre, Lacapelle-Marival,
Archéologie Nouvelle éd., coll. «Archéologie
vivante», 2013, p. 27. - Retour texte
(30) Albert RACINET, Le costume
historique, 6 vols, 1876-1888. - A. RACINET, Histoire
du costume, Paris, Bookking International, 1991, 320 p.
(reprise des planches de l'édition 1876-1888), p. 33.
- Retour texte
(31) Ce qui exclut les questeurs,
les édiles plébéiens et les tribuns de
la plèbe. - Retour texte
(32) Au contraire des bandes laticlaves,
qui se portent de part et d'autre de la poitrine, comme on va
le voir. - Retour texte
(33) Le traducteur arrondit les angles
! Bref, une belle «infidèle» puisque le latin
parle seulement de «toges», sans mentionner la prétexte,
pas plus qu'il n'en précise la couleur ou le fait qu'elles
soient «brodées» (A. DACIER, uvres
d'Horace en latin et en françois, op. cit., t. VI,
4e éd., 1727, p. 241 [à propos de HOR., Sat.,
I, 5].) - Retour texte
(34) Le latin gausapa désigne
«une étoffe de laine avec les poils d'un côté»
(GAFFIOT). - Retour texte
(35) A. RICH, Dict., s.v.
«9. Clavus angustus». Écrivant au XIXe s.,
Rich bien sûr pense que la large bande laticlave était
unique, au milieu de la poitrine.
Dans son Institution oratoire, Quintilien
- que cite A. Rich - a rédigé tout un traité
sur la manière de draper la toge.
En fait, si Quintilien parle au pluriel des bandes angusticlaves
et au singulier du laticlave, c'est parce que le mot laticlaua
désigne habituellement, par métonymie, la tunique
sénatoriale dans son ensemble. - Retour
texte
(36) Issu du prestigieux ordre sénatorial,
le tribun laticlave servait un an comme tribun; les tribuns
militaires (ou angusticlaves) servaient quatre ou cinq ans -
la dernière seulement comme tribun. - Retour
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(37) Michael SIMKINS (txt.) &
Ron EMBLETON (d.), The Roman Army, from Cæsar to Trajan,
Osprey, coll. «Men-At-Arms», n¡ 46, 1974, pl. G.
- Retour texte
(38) Martin MIDROW (txt.)
& Angus Mac BRIDE (d.), Imperial Rome at War, Concord
Publications Cy, 1996, pp. 14-15. - Retour
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(39) E-mail à
l'auteur. - Retour texte
(40) L. HEUZEY, s.v.
«Clavus
Latus, Angustus», in Charles DAREMBERG & Edmond
SAGLIO, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines,
t. I, Hachette, 1877-1919. - Retour texte
(41) Entendons par-là
que, la ceinture faisant blouser la tunique, celle-ci paraît
plus courte qu'une autre portée sans ceinture comme c'est
le cas de la laticlave. L'orateur, précise Quintilien,
«doit se ceindre de telle sorte, que la tunique descende
par devant un peu au-dessous des genoux, et par derrière
jusqu'au milieu des jarrets; plus bas, cela ne convient qu'aux
femmes, et, plus haut, qu'aux centurions». - Retour
texte
(42) Trad. Nisard (1855),
révisée par Jacques Poucet [site de Philippe Remacle].
- Retour texte
(43) J.-P. NÉRAUDAU,
Être enfant à Rome, op. cit., pp. 148-149.
- Retour texte
(44) Et bien avant encore,
les femmes l'avaient abandonnée au profit de la stola
richement brodée, qu'elles portaient par-dessus la longue
et stricte tunica. Avec, pour couronner l'ensemble la
palla, le châle qui hors de la maison leur couvrait
tête et épaules.
Caton le Jeune, qui affectait de se conformer aux plus anciens
usages, se rendait au Sénat nu sous sa toge; c'est probablement
au même effet que les prostituées conservèrent
la toge - de couleur vive - plus longtemps que les autres femmes.
- Retour texte
(45) Comme le rappelle
Valérie Mangin à propos du Dernier Pharaon
(second opus d'Alix Senator) : «Les gouverneurs
de provinces sont en général des sénateurs,
mais ce n'est pas le cas en Égypte, où j'envoie
Alix. (...) L'Égypte, [la] plus riche province
de l'empire, représente de gros enjeux financiers et
Auguste craint qu'un sénateur ou qu'un puissant notable
y consolide sa fortune et y lève une armée contre
lui. (...) Même le meilleur ami d'Auguste, Mécène,
qui possède de grandes propriétés égyptiennes
n'a pas le droit de s'y rendre !» (Casemate,
n¡ 62, août-septembre 2013, p. 38).
De fait, depuis -30 la province impériale d'Égypte
est dite «procuratorienne», avec cette circonstance
exceptionnelle - le cas est unique - qu'elle n'est pas soumise
à l'autorité d'un procurateur (intendant, procurator
pro legato) mais à celle d'un préfet de rang
équestre. La situation n'est pas sans faire songer à
l'État indépendant du Congo, de son vivant propriété
privée du roi des Belges Léopold II. Mais si les
sénateurs n'y sont pas admis, que va y faire Alix revêtu
de son laticlave ? Il est vrai qu'Auguste, qui l'y envoie, peut
tout ! - Retour texte
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