courrier peplums

JUIN - JUILLET 2003

 

 

 
17 juin 2003
Francis Moury a écrit :
 

Merci pour votre beau lien Michel. Le fond marbré rend la lecture des articles un peu difficile à l'œil qui cherche à distinguer les lettres par-dessus les nervures... je pense qu'un fond uni conviendrait mieux...
Ma critique des Caligula (sur DVDrama) n'est pas encore en ligne.
La vôtre est très riche historiquement, comme d'habitude et apporte beaucoup de réponses aux questions que le spectateur se pose en voyant le film : bravo !
Bien à vous
Francis

PS : sur www.dvdrama.com , je vous signale ma filmographie commentée de Gregory Peck illustrée par l'affiche américaine de David et Bethsabée d'Henry King, entre autres...

 
 
RÉPONSE :
 

À tout seigneur, tout honneur, cher Francis. Comme au bon vieux temps du Cinérivage, vous êtes donc le premier à m'envoyer vos commentaires et encouragements ! Et je vous en remercie.

Dès que DVDrama l'aura mis en ligne, nos visiteurs liront avec intérêt votre beau travail sur Caligula, que j'ai déjà eu le privilège de parcourir avec attention. Outre l'analyse pointue des deux versions françaises en DVD proprement dite, vous y mettez en évidence les grandes lignes de force historiques du scénario (ou de ce qui en resta).

 
 

 

 
17 juin 2003
Jean-Pierre Brèthes a écrit : 
 
Savez-vous si le péplum polonais tiré de Quo Vadis (pas très bon d'ailleurs d'après mes amis polonais) sortira en France ?
Je doute fort en effet que le film soit distribué en France ; le Pan Tadeusz, de Wajda, n'y a fait qu'une carrière confidentielle, assassiné d'ailleurs par la critique. Pourtant, j'avais bien aimé. Et autrefois, j'avais énormément aimé le Pharaon, de Kawalerowicz aussi, d'après le roman de Prus. Je l'ai revu lors de son passage sur Arte il y a 3 ou 4 ans, il a très bien vieilli.
Je regarde de temps à autre vos écrits sur internet ; bravo !
 
 
RÉPONSE :
 

Pharaon était de 1965 (Festival de Cannes : 1966) et n'est sortit sur les écrans belges et français qu'au début des années '80, si ma mémoire ne me joue pas des tours. Alors patience, on peut toujours rêver...

En décembre 2001, lors du Festival Europalia-Pologne à Bruxelles, Quo Vadis (Jerzy Kawalerowicz, 2001) fut projeté en avant-première. J'y ai rencontré le réalisateur, qui hélas ne parle guère la langue de Voltaire, les principaux acteurs du film et un distributeur français dont j'ignore le nom. A ma question "Peut-on espérer voir un jour Quo Vadis sortir en DVD, en France ?", il m'a répondu d'un air dubitatif : "On peut espérer, oui..." Puis, comprenant que je ne parlais pas de la sortie en salle, mais simplement du DVD, il me laissa entendre que ce n'était pas impossible. C'était donc il y a un an et demi : aujourd'hui, je doute très fort que l'on voie quelque chose venir sur le marché hexagonal.

Le film fut un flop, en Pologne. Je ne sais pas ce que valait la version longue pour la télévision, je ne connais que la version cinéma. Pourtant, il était loin d'être mauvais, et les scènes d'amphithéâtre avec les chrétiens livrés aux lions ou brûlés vifs étaient très réussies, réalistes et même assez sanglantes. [Franco Rossi avait tourné un autre Quo Vadis TV en 1984, avec Klaus Maria Brandauer dans le rôle de Néron, qui lui non-plus n'eut guère de succès, étant programmé à la TV française à des heures impossibles ! Rossi avait tourné des scènes avec les lions assez explicites, mais très en dessous de ce que fera Kawalerowicz !] Ici un lion emporte la tête d'un enfant que son père tient dans ses bras; là Lygie, nue, garrottée sur l'échine d'un aurochs... Des images qui adhèrent au roman et qu'aucun cinéaste n'avait réussi à tourner de manière aussi précise (ne vous fiez pas aux affiches des anciennes versions, qui ne correspondaient pas toujours aux images filmées). Je ne retiendrai qu'un plan, qui vous fiche un sacré malaise : celui où des esclaves empilent dans une charrette les débris humains que les fauves ont dédaignés : troncs mutilés, jambes, bras arrachés - en vrac. Difficile de ne pas songer à certaines photos de l'holocauste nazi. Mon seul regret est cet harnais de cuir noir, peu crédible, qui sert à attacher la jeune fille sur la nuque du puissant animal : pourquoi ne pas avoir joué le jeu en utilisant tout simplement de la solide bonne corde de chanvre ?

Si le mannequin Magdalena Mielcarz campe une Lygie un peu fade, Michal Bajor est excellent en Néron shakespearien (sans pour autant égaler Peter Ustinov, qui jouait dans un tout autre registre il est vrai). Une mention spéciale pour l'athlétique Boguslaw Linda, acteur polonais spécialiste des rôles de gangster, éblouissant en Pétrone, cet ancien soldat amoureux de littérature et devenu courtisan si l'on en croit Pline. Je le préfère, et de loin, à l'efféminé Leo Genn de la version 1951. Bien sûr, il y a aussi quelques naïvetés. A une ou deux exceptions près comme Ursus, les chrétiens sont tous soit des vieillards décharnés, soit de pulpeuses jeunes femmes crucifié(e)s demi-nu(e)s ! Et tandis que les Romains boivent goulûment leur vin rouge dans de lourds hanaps d'argent qu'ils saisissent à deux mains, les chrétiens eux ne boivent jamais, constamment occupés qu'ils sont à gravement transvaser un maigre bouillon d'un vase à un autre plus petit ! Ce procédé - car c'est est un - me rappelle un peu Les Misérables (la version avec Lino Ventura) où les pauvres sont toujours filmés dans une ambiance nocturne et pluvieuse, et les riches diurne et ensoleillée.

Les décors sont assez réussis, en particulier les fresques du palais impérial, inspirées des peintures pompéiennes contemporaines pour les motifs.
Toutefois, au "rouge pompéien", ils préfèrent ces tons clairs qui justement caractérisaient la Domus Aurea, dont certains vestiges sont encore visibles aujourd'hui sous les anciens Thermes de Trajan (1).

 Si vous avez des correspondants en Pologne, essayez de vous procurer le DVD par leur intermédiaire. A Europalia, j'ai vu le film en version polonaise avec sous-titres anglais. Je dispose maintenant d'une copie VHS uniquement en polonais. L'idéal serait un DVD avec sous-titrage, mais j'ignore si cela existe. Notez que le polonais est une langue très agréable à entendre... et que le film étant très fidèle au roman, on peut le suivre sans comprendre la langue (les noms latins s'y détachent très bien, ce qui permet d'identifier sans mal les interlocuteurs).

La version 2001 de Quo Vadis a été diffusée en France dans des circuits très confidentiels, comme la "Semaine polonaise" (13-17 mai 2002) de l'Université du Mirail, à Toulouse, mais aussi à Paris (à la Cinémathèque, je crois).

Très prochainement sur PEPLVM-IMAGES je rééditerai mon dossier Quo Vadis, déjà diffusé sur feu Cinérivage.

 
 

 

 
18 juin 2003
Francis Moury a écrit : 
 

Bravo pour cette étude détaillée sur Caligula

Je viens de découvrir - trop tard pour l'intégrer à mon test comparatif des deux éditions DVD de Caligula dont la parution est imminente sur www.dvdrama.com - deux liens entre Pier Paolo Pasolini et le film de Bob Guccione.

Nino Baragli, crédité comme conseiller au montage de Caligula, et Danilo Donati, le décorateur dont Gucccione disait qu'il était la "vraie star du film", furent en effet l'un comme l'autre collaborateurs des principaux films de Pasolini se situant dans l'Antiquité.
En parcourant le livre assez luxueux sur Pasolini co-écrit par Martine Boyer (alias Britt Nini dans les Sex Star System de la grande époque), on retrouve leurs noms - crédités aux mêmes postes bien sûr - régulièrement dans les fiches techniques des péplums érotiques de Pasolini et aussi je crois dans Œdipe Roi et Médée... de mémoire car je n'ai plus le livre sous la main : je le lisais hier dans le hall d'attente de Carlotta Films qui en avaient trois exemplaires juste en face de mon siège ! Une simple vérification sur
www.imdb.com et quelques autres travaux livresque sur Pasolini permettront d'en établir la liste complète et assurée.

 
 
RÉPONSE :
 
Dans Caligula,en effet, Tinto Brass avait pris exemple sur le Salò ou les 120 journées de Sodome (Giornate di Sodoma) de P.P.P. pour considérer la sujétion sexuelle comme métaphore de l'oppression politique. Mais outre les collaborateurs que vous citez, il y a bien d'autres connexions entre Pasolini et les péplums de Cinecittà, ainsi le chef-opérateur Carlo Carlini, qui remplaça Mario Bava auprès de Pietro Francisci (L'Assedio di Siracusa et Saffo, Venere di Lesbo), à qui le précité Hercule à la conquête de l'Atlantide valut un prix pour la couleur, et qui pour P.P.P. filma les séquences marocaines de Médée (1969) [non-crédité]. Carlini a encore filmé le parodique Attila, Flagello di Dio de Castelano et Pipolo (1982).
 
 

 

 
19 juin 2003
Jean-Pierre Brèthes a écrit : 
 

Espérons que ce projet égyptien, Akhénaton sortira de terre et remettra en lumière ce curieux pharaon, dont l'histoire a déjà été portée à l'écran en 1955 (sortie en France 1956 ?) par Michaël Curtiz : The Egyptian (L'Egyptien) d'après le célèbre roman de Mika Waltari : Sinouhé l'Égyptien (actuellement en Folio chez Gallimard). C'était l'époque des premiers films en CinémaScope et l'utilisation de l'écran large est magnifique, notamment dans les scènes de désert, du Nil ou à l'intérieur des palais et des temples, les couleurs aussi sont très belles avec notamment des jaunes et des bleus très travaillés. On trouve parmi les acteurs un habitué du peplum, Victor Mature, et Peter Ustinov qui cabotine presque autant que dans Quo Vadis.
L'Egyptien dont j'ai une vidéocassette, et que j'avais vu à 11 ans à l'époque de sa sortie, est un film inégal, souvent très beau, et assez fascinant, même si on peut regretter que Marlon Brando n'ait pas joué le rôle d'Akhénaton, pour lequel il était pressenti. A peu près contemporain du peplum de Hawks, La Terre des pharaons, L'Egyptien n'en est pas indigne...

A noter à propos d'Akhénaton, le curieux roman du prix Nobel égyptien, Naguib Mahfouz (Folio, Gallimard) : Akhenaton le Renégat Mahfouz a aussi, au début de sa carrière, écrit des peplums (un autre, La malédiction de Râ, a été également traduit en français).

 
 
RÉPONSE :
 

Vous pouvez y ajouter la pièce d'Andrée Chedid, dont il existe une adaptation TV par Jean-Marie Coldefy, Nefertiti ou le Rêve d'Akhénaton (1978), que je n'ai malheureusement pas vue, et bien sûr le classique des classiques de la BD franco-belge, Le Mystère de la Grande Pyramide d'E.P. Jacobs basé sur la thèse hérodotienne selon laquelle le pharaon bâtisseur forcené qui se fit tant haïr des Egyptiens et qu'Hérodote nomme Chéops, était en réalité Akhénaton le constructeur de Tell Amarna. D'où que Blake et Mortimer retrouvassent la tombe d'Akhénaton dissimulée dans un labyrinthe secret sous la Grande Pyramide de Chéops !
Mais au temps d'Akhénaton, les Egyptiens avaient depuis belle lurette cessé d'enterrer leurs morts dans des pyramides, leur préférant des hypogées plus discrètes... Tiens, c'était la semaine passée je crois, on parlait à la radio de la découverte d'une tombe qui serait celle de Nefertiti, dans la Vallée des Rois, voisine de celle de son beau-fils Toutankhamon... Espérons que cette fois ce ne soit plus un canular comme avec celle d'Alexandre le Grand, à Siwa, voici une bonne dizaine d'années !

Pour rester dans le registre de la production égyptienne, je saisis l'occasion pour rappeler à nos visiteurs l'intéressant Emigré de Youssef Chahine qui déchaîna l'ire des religieux musulmans parce qu'on y voyait un juif, Joseph (rebaptisé Ram), venir donner des leçons aux pauvres Egyptiens stupides. Ce qui est curieux c'est que le même épisode biblique avait aussi inspiré La Terre des Pharaons d'Howard Hawks, tourné en Egypte, mais qui y fut interdit par le laïc Nasser - lequel non-dépourvu de perspicacité avait percé le non-dit du film. On y voyait un étranger "kushite" (2) incarné par Sir Robertson Justice venir enseigner aux architectes de Chéops comment construire une pyramide inviolable ! Vashtar - ainsi était-il nommé - affichait un look de prophète biblique tel que les peintres victoriens se plaisaient à imaginer Moïse. Une légende médiévale ne prétendait-elle pas que les trois pyramides de Gizah étaient en réalité des silos à blé construits par Jacob en prévision des sept années de vaches maigres ? Ou alors le film anticipait-il la construction du barrage d'Assouan, qui ne put se faire sans l'aide de la technologie du nord ?

 
 

 

 
23 et 24 juin 2003
Jean-Pierre Bouyxou a écrit :
 

Un mot au sujet d'Antar... Les deux films suivants ne figurent pas dans ta filmographie :

  • Phool aur Antar, de Govin Pawar (Inde);
  • Antar au pays des Romains, d'Orhon M. Ariburnu (Turquie). (Antar au pays des Romains (film turc) ne doit évidemment pas être confondu avec Antar contre l'Empire romain de Salah Abou Seif (film égyptien), malgré la ressemblance des titres.)

Je les ai vus l'un et l'autre en 1977 (le premier le 23 février, le second le 29 mai), en version doublée, dans des salles de langue arabe à Paris. Les affiches de l'un ne citaient que le titre original, celles de l'autre seulement le titre français. Je ne sais même plus s'ils étaient annoncés dans Pariscope. Ils ne sont en tout cas, à ma connaissance, répertoriés ni dans La Saison cinématographique ni ailleurs. Je m'en souviens comme d'agréables petites productions, un peu bavardes, un peu naïves, mais pleines de charme, avec de jolies séquences fantastiques.

J'ignore leur date de réalisation, et je n'ai pas le courage de remuer des quintaux d'archives pour chercher les bouts de papier où j'ai noté, en les relevant sur les génériques, les noms des acteurs.
J'ai fait en vain une recherche sur le site
www.imdb.com, qui ne les recense pas. (Attention, il ne faut pas confondre Govind Pawar avec un autre cinéaste turc, G.P. Pawar, actif de 1929 à 1958.) J'ai trouvé trace dans la filmographie d'Ariburnu d'un Anter (avec un "e") en 1974, mais est-ce le même film ? Mystère !

(...) Bien que je ne connaisse malheureusement pas un seul mot de turc, un bouquin sur le cinéma fantastique anatolien (Fantastik Türk Sinemasi, de Giovanni Scognamillo et Metin Demirhan) nous apprend quelques trucs intéressants :

  • Le nom complet de Ariburnu (sans point sur le "i", ce qui n'est pas fastoche à obtenir sur un ordinateur occidental !) est : Orhon Murat Ariburnu.
  • Son Anter de 1974 (avec Muhammed Mevla et Abdullah Favaz dans les rôles principaux) met bien en scène un héros à gros biceps. Il n'y a aucune photo ou affiche du film dans le livre, et je ne peux donc pas savoir si ça évoque Antar. Mais j'en ai subjectivement l'impression : il pourrait donc bien s'agir d'Antar au pays des Romains.
  • Le livre ne répertorie aucun film avec le nom d'Antar dans le titre.
  • Il existe un Altar de Remzi Jöntürk (1985, avec Sait Seyit et Çeçilya Daymaz), mais qui ne semble avoir aucun lien avec Antar : le texte cite "Conan le Barbare" comme référence.

Par contre, j'ai déniché sur www.imdb.com deux autres films égyptiens : Antar Effendi de (et avec) Stephan Rosti, en 1936, et Ibn Antar d'Admed Salem en 1948. A signaler, enfin, que le même site date Bent Antar de 1964 (au lieu de 1973).

Plusieurs films cités par Scognamillo et Demirhan s'apparentent de toute évidence au péplum, par exemple Karaoglan - Bizansli Zorba, de Suat Yalaz (1967, avec Kartal Tibet et Esen Püsküllü), dont l'affiche montre un gladiateur en pleine action et un Romain couronné de lauriers.

Encore bravo pour ton travail, toujours aussi impeccable et passionnant.

 
 
RÉPONSE :
 

Un grand merci, Jean-Pierre, pour ces précisions. Travailler sur le cinéma oriental n'est pas chose évidente, les conditions économiques dans ces pays étant ce qu'elles sont, on n'y trouve point à chaque coin de rue des exégètes ou des collectionneurs comme c'est le cas en Europe et aux Etats-Unis ! Zeus sait pourtant combien j'aimerais ajouter à ma collection des affiches de péplums italien ou américain revisités par le goût arabe. Il me souvient [voir ci-dessous] d'une affiche un peu "guimauve" collée au mur dans une rue du Caire, en juin 1977, d'Herqal wa l-shayâtîn [avec un point sous le t, mais je sais pas comment faire vu que mon WP va être converti en HTML], c'est-à-dire "Hercule contre les Diables" - il s'agit de Hercules prisonner of Evil/Ursus, la Terreur des Kirghizes de notre ami Margheriti, que tu as bien connu (3), même s'il n'en fut que le prête-nom.
Une autre frustration est de n'avoir pu illustrer mon étude sur Antar qu'avec la jaquette vidéo du film 1963, alors que je possède des affiches d'Antar wa Abla et d'Antar à la conquête du Sahara [et quelques dias des photos exposées à l'entrée, prises à l'époque] (et aussi l'italienne, avec le rhinocéros, de Marchands d'esclaves)... mais j'en suis resté à la pellicule photo. Ce qui nous prive de mettre on-line de grands documents numérisés.

Les deux "Antar" muets de ma filmo m'ont été signalés par un cinéaste tunisien rencontré dans un Colloque à Jerba, en 1992, où j'eus également l'occasion d'échanger quelques mots avec Salah Abou Seif, charmant vieux monsieur qui fut avec Youssef Chahine le numéro un du cinéma égyptien. Pour le reste, si je me suis intéressé à Antar, c'est parce que je le connaissais comme personnage littéraire et historique contemporain des empereurs byzantins Heraclius I et II. J'ai donc fonctionné à partir de sources littéraires, de la Saison cinématographique et de l'un ou l'autre bouquin sur le cinéma arabe [peu diserts à propos des "films d'aventures bédouines", justes bons pour le populo et quelque courrier échangé avec l'Ambassade d'Egypte], enfin de la vision des films de Niazi Moustapha (1963 et 1973), sans oublier bien sûr ceux de G. Sherman (1953) et d'A. Margheriti (1964). Et de mes fiches relatives aux ciné-photoromans de Tarzan.

J'ignorais tout des films turcs sur la question. Notre ami Lucas Balbo a signé dans le CinémAction consacré au péplum un intéressant article sur les péplums turcs ("Turkish Delices"), surtout axé sur la saga de "Tarkan le Viking".
Tu cites Karaoglan - Bizansli Zorba (1967) avec Kartal Tibet : ce film serait donc antérieur de deux ans au premier Tarkan (1969) de Tun° Basaran, dont Kartal Tibet était aussi l'interprète ? Or dans certains épisodes, Tarkan affronte également des gladiateurs romains... Je suis évidemment très intéressé par la vision qu'ont les cinéastes arabes, turcs, indiens etc. de nos antiquités méditerranéennes pagano-chrétiennes - réplique à Hollywood et à Cinecittà qui, si souvent et sans vergogne aucune, mirent en scène les "1.001 Nuits".

Par exemple, les trois "Hercule" indiens dans les années '60, avec Dara Singh - un gros biscottos du sous-continent (voir filmo HERCULE) -, signalés par Walt Lee, m'intriguent particulièrement, d'autant plus que j'ai pu admirer, dans un fanzine américain (4), certaines affiches - très péplum - d'un de ses films N&B : Sherdil (1965). Simple interrogation, en passant : Sherdil serait-il la forme hindi de "Hercule" ?

hercal sherdil 1 sherdil 2
 
 

 

 
19 Juillet 2003
Francis Moury a écrit : 
 
De Conan... aux Hmongs

Félicitations Michel : j'ignorais pratiquement tout de cette trilogie (je me demandais toujours d'où venait ce Conan : il me semblait assez "impur" mythologiquement parlant) et votre étude me donne envie de la découvrir avec beaucoup de retard. Le rapport de l'auteur à Lovecraft avec qui il correspondait m'a beaucoup intéressé et votre critique de l'émission des Dossiers de l'écran est rétrospectivement bien savoureuse ! J'ai aussi beaucoup apprécié l'analyse des origines thématiques des aventures de Vampirella que je lisais avec délice.
Bel exemple d'étude enrichissante qui ose faire dialoguer Dumézil et Warren Publishing sans oublier les références à Wagner et à Nietzsche. Il me semble que la citation originale en exergue au film est d'ailleurs tronquée d'un mot : je crois que la formule exacte est : "Ce qui ne nous tue/détruit pas nous rend PLUS forts." Je vais essayer d'en retrouver l'origine bibliographique chez Nietzsche à l'occasion. On trouve tant de sublimes formules comme celle-ci chez l'auteur du Crépuscule des Idoles. Il n'hésitait d'ailleurs pas à titrer un de ses textes par "Le marteau parle" !

 
 
RÉPONSE :
 

 Sans vouloir porter de jugement de valeur sur le conflit vietnamien vu par le cinéma américain, j'ai cru pouvoir quelque peu déborder sur la relation entre Apocalypse Now et Conan le Barbare, relation qui tient dans la personnalité de John Milius. John Milius est - tout le monde le sait - fasciné par ce qu'il nomme la "barbarie", en fait le paganisme, et peut-être bien les minorités (il est l'auteur du sujet et le co-scénariste du très beau Géronimo (Geronimo : An American Legend, de Walter Hill, 1993) où la cavalerie US est loin d'avoir le beau rôle). Etant moi-même plus intéressé par une lecture mythologique que psychanalytique, même si elles ne sont pas incompatibles, le colonel Kurtz m'est très sympathique (entendez : je le trouve assez intéressant).
Aucun journaliste de cinéma n'a jamais fait allusion à l'exemplaire du Rameau d'Or qui se trouve bien en évidence sur le bureau de Kurtz. Sans doute parce que le press-book avait omis de le leur signaler !
Quant au "peuple de l'abîme", ici les Hmongs, à la TV je viens de voir rentrer chez eux, graciés sous la pression internationale, le cinéaste belge indépendant Thierry Falise et son collègue français Vincent Reynaud condamnés à 15 ans de prison pour leur avoir consacré un film-enquête. L'ethnocide des Moïs continue ?

Sur feu www.cinerivage.com (pas la peine d'allez consulter : les archives ont été "confisquées" par qui de droit), il y a quelques bons auteurs qui se sont fait incendier par certains visiteurs, comme Jean-Marie Sabatier (Les classiques du cinéma fantastique), et aussi Roland Villeneuve (Le musée des supplices, Le musée du fétichisme, Le musée de la bestialité, Poisons et empoisonneurs célèbres et, surtout, Loups-garous et vampires [etc.]), que j'ai toujours revendiqués comme source d'inspiration méthodologique. J'ai toujours été sensible à la démarche de Villeneuve qui consistait à confronter la culture académique et la culture populaire, à illustrer Dom Calmet avec une couverture de fumetti per adulti ou une photo tirée d'un nanar de troisième catégorie. D'où sans doute que, sans vergogne mais non sans malice, j'aime à passer de Dumézil à la Warren Publishing - comme vous le soulignez.

 
 
 

Ah deux choses encore :

DVD, VHS...

1) Kalidor vient de ressortir en DVD zone 2 chez Studio Canal et d'être testé par dvdrama.com
2) J'ai récupéré une série de dessins animés pornographiques allemands (3 x 60' au total) dont l'un présente une étrange version de l'aventure d'Ulysse et du Cyclope dans L'Odyssée (
5) (la séquence dure 10 ou 15' env.) ! En version allemande, et VHS PAL : assez hallucinant. Je pense que cela doit dater des années 1970 mais je n'en suis pas sûr. On y trouve de nombreux dessins consacrés à des personnages et des œuvres littéraires classiques : Don Quichotte, Dracula, Ulysse, Blanche-Neige, etc.
3) La Muraille de Feu (film sur la Croisade réalisé par Bragaglia en 1957 d'après Le Tasse, Jérusalem libérée), Nerfertiti Reine Du Nil (de Fernando Cerchio) et Annibale (de C.-L. Bragaglia & Ed. Ulmer) vont ressortir assez prochainement en DVD zone 2, avec VF, chez Opening Editions.

ARTE

Arte vient de passer La Cortigiana di Babilonia (Sémiramis, esclave et reine) avec Rhonda Fleming, l'avez vous vu ?

 
 
RÉPONSE :
 
Ce film rare devait passer les 5 et 11 juillet. Etant absent le 5, je tablais sur le 11. Annoncé officiellement dans les magazines de programme-TV. Je perds une heure de mon temps à guetter le film, en dépit du fait que la chaîne choucroute-camembert soit généralement d'une ponctualité irréprochable, mais on ne sait jamais - n'est-ce pas ? Et puis on nous passe... Sansa (qui vient d'être présenté à Cannes voici quelques semaines, on se demande vraiment comment ça peut être déjà programmé (sic) à la TV, aurait-on des doutes - que je partage - sur l'éventuelle carrière commerciale de ce petit bijou ?).
J'envoie un e-mail à la chaîne qui ne s'excuse même pas, mais va transmettre mes doléances à sa direction qui s'en fout, et me jure ses grands dieux qu'elle m'informera d'une éventuelle reprogrammation. Fassent les dieux que je vive assez vieux pour connaître ce délice (mais j'ai davantage confiance dans mes correspondants susceptibles de l'avoir enregistré et de m'en faire une copie). Quand donc les chaînes TV prendront conscience qu'un programme publié constitue un engagement moral ?
 
 
 
Traduttore... traditore

Tiens j'ai repensé à vous en me plongeant dans les vies d'Eumène et de Sertorius (Vies Parallèles de Plutarque), dans la traduction de Bernard Latzarus en Classiques Garnier : génial comme d'habitude cet écrivain. On a vraiment l'impression qu'on a passé toute notre vie avec les gens dont il parle et à l'issue d'une de ces vies, on en sait autant que si on était leur ami d'enfance. C'est ce que disait mon parrain et il avait raison.
En plus la traduction, en français moderne, de Latzarus est beaucoup plus agréable à lire que la traduction d'Amiot du XVIe siècle reprise par La Pléiade et Le Club Français du Livre. On comprend plus aisément et beaucoup mieux. Pour les contemporains d'Amiot (ou Amyot, je ne sais jamais comment l'orthographier celui-là !) comme Montaigne, c'était certainement bien mais en 2003 je préfère tout de même lire du français d'un prof. de la Fac. d'Aix-en-Provence des années '50 !

 
 
RÉPONSE :
 
Amyot ne fait le bonheur que des amateurs de français classique, mais est d'un intérêt assez flou pour ceux qui s'intéressent davantage à l'histoire. J'ai pu le constater voici quelques mois en essayant de déchiffrer sa description de la bataille de Carrhæ, pour une étude sur Alix que je prépare. Heureusement pour moi, je disposais également de L'Histoire de l'Empire parthe d'André Verstandig (6) ! Je me souviens de m'être moqué d'une courte BD consacrée à Spartacus et dessinée par les talentueux Fred et Liliane Funcken. Particulièrement fantaisiste, elle nous apprenait notamment que Spartacus au lendemain de son évasion de Capoue s'était retranché avec ses compagnons dans une forteresse sur le Vésuve. Quelle forteresse ? Il n'y en a jamais eu. Puis un beau jour le texte d'Amyot m'est tombé sous les yeux. C'est lui qui parlait de "forteresse", et les Funcken n'auraient pas dû se fier à lui. En réalité Spartacus s'y était seulement retranché sur le Vésuve, ce qui n'est pas tout à fait la même chose... Eh oui, il faut se méfier des traductions... Si vous voulez lire Aristophane d'un point de vue helléniste, choisissez plutôt la Budé (d'Hilaire Van Daele), plus littérale, de préférence à celle du Livre de Poche (de V.-H. Debidour), plus littéraire. De même qu'il vaut mieux lire Catulle dans la traduction Latomus non expurgée (que je recherche) que dans la Budé qui résume entre crochets les passages scabreux. C'est ainsi que le fameux "Pedicabo ego vos et irrumabo" ("Je nous enculerai et vous me sucerez" - Catulle, XVI, 1), que je me suis amusé à citer à propos du hardcore Private Gladiator sous ma rubrique DVD, y devient benoîtement : [Je vous donnerai des preuves de ma virilité] ! Ah bon ?
 
 

 

 
29 Juillet 2003
Jean-Claude Taral a écrit : 
 
Au milieu des années '60 je me souviens d'avoir vu un extrait de film où une troupe en petit nombre utilisa la réverbération des boucliers pour attirer une armée de chars dans un ravin. Si cela vous dit quelque chose, j'aimerai connaître le titre de ce film et s'il est disponible en K7 ou DVD ?
 
 
RÉPONSE :
 

Il s'agit de Salomon et la reine de Saba, de King Vidor (1959) avec Yul Brynner (qui remplaçait Tyrone Power, décédé pendant le tournage) et Gina Lollobrigida.

Le scénariste s'est souvenu des 300 boucliers d'or (I Rois, 10 : 16-17 et 14 : 25-28), qui décoraient le Temple de Jérusalem, que pillèrent les Egyptiens du pharaon usurpateur Sisac (Sheshonq) - toutefois cela se passait sous le règne de Roboam, fils de Salomon.
Salomon, qui était le gendre du précédent pharaon Psousennès (ou Siamon), n'eut jamais à faire la guerre aux Egyptiens. Le scénario télescope donc des événements qui se passent sous deux règnes différents et transforme en victoire israélite ce qui avait été une défaite. Mais comme les raisons du vainqueur sont toujours les meilleures et que depuis deux ans les Israéliens occupent le Canal de Suez (1957)...
En outre, il imagine une "ruse de guerre" qui n'est pas dans la Bible, mais qui cependant n'est pas invraisemblable. L'historien latin Florus, par exemple, raconte que lors d'une bataille opposant les Romains aux Cimbres, dans le sud de la France, la réverbération du soleil sur les armes et armures romaines éblouirent les barbares et les empêchèrent de combattre efficacement. Ils furent anéantis. Il y a aussi le chemin creux d'Ohain, où se fracassèrent les cuirassiers français (bataille de Waterloo), épisode rendu fameux par le père Hugo !

A ma connaissance Salomon et la reine de Saba n'a jamais été édité en VHS, ni en DVD.
(Erratum octobre 2003 : Je retrouve une information selon laquelle Salomon et la Reine de Saba fut bel et bien édité en vidéo par Niagara Video.
Mars 2004 : Salomon et la reine de Saba est désormais disponible en DVD)

 
 

 


 

COURRIER JUIN - JUILLET 2003 - NOTES :

17 juin 2003

(1) Pour être tout-à-fait précis : c'est la maison de Pétrone qui contient de nombreuses reproductions de la "Villa des Mystères" de Pompéi, mais traité dans des tons clairs (blanc, gris, ocre). Le restant de sa maison est en Premier style pompéien (formes géométriques en panneaux de faux marbre peint). Le palais de Néron, lui, contient de nombreuses fresques rouges, qui connotent l'incendiaire (?) . Il faut dire que Néron ne véçut dans la Domus Aurea que les six ou huit derniers mois de sa vie, aussi le cinéaste n'a-t-il pas cru devoir construire un nouveau décor pour les scènes finales qui s'y passent. Dans le dossier que je mettrai en ligne, il y aura mes reflexions sur cet hiatus temporel qui trouve sa justification dans les nécessités dramatiques du scénario. - Retour texte


19 juin 2003 :

(2) Le pays de Kush est le Soudan central. Mais Vashtar et ses compagnons déportés n'ont pas vraiment l'air d'être des Soudanais ! - Retour texte


23 et 24 juin 2003 :

(3) Jean-Pierre BOUYXOU, La science-fiction au cinéma, Union Générale d'Edition, coll. 10/18, n° 564-566, 1971, pp. 254 et 461. - Retour texte

(4).North Africa's magazine of Cinema fantasy and the Unknown, David Soren éd. (Harvard University, 22 Chauncy St 18, 02138 Cambridge, Mass. U.S.A.], n° 1, s.d. (1971 ?). - Retour texte


19 juillet 2003 :

(5) Pas de référence commerciale connue. Mais toujours bon à savoir... - Retour texte

(6) Bruxelles, Le Cri, 2001. - Retour texte