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FÉVRIER
2007
- 7 février 2007
- 20 février 2007
- 25 février 2007
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7 février 2007 |
JUPITER
ET EUROPE : L'AMOUR BESTIAL |
Jacques-René
Rabier a écrit : |
Pouvez-vous
me dire si Cecil B. DeMille ou un autre cinéaste
a traité du mythe d'Europe et Jupiter ? |
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RÉPONSE
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Le mythe d'Europe et Jupiter
à l'écran ? Voilà une question
interpellante. Pas plus tard que cette semaine, me repassant
la série Rome (HBO), il m'a semblé
entendre une allusion verbale à la puissance
du taureau ravisseur de la fille d'Agénor, rapport
à la virilité de Marc Antoine retour à
Rome ! Je ne vous le garantis pas, mais il me semble
bien... Non. Inutile de chercher du côté
de l'uvre filmique du Père DeMille, sa
vision de l'Antiquité entièrement axée
sur la Bible ignore tout de la mythologie grecque. Quo
Vadis ? a bien exploité le mythe de la belle
et du taureau, mais la référence - revendiquée
par Sienkiewicz - renvoie plutôt à Dircé,
la marâtre d'Amphion et Zéthos qui firent
périr celle-ci en l'attachant à la queue
d'un taureau. Au IIe s., les Lyonnais s'en inspirèrent
pour supplicier sainte Blandine, livrée à
la corne d'un taureau, enfermée dans un filet.
Mais le cher Cecil B., décidément mauvais
esprit, dans sa version pirate de Quo Vadis ?, Le
Signe de la Croix (1932) a préféré
offrir son héroïne Mercia (id. est
Lygie), interprétée par Elissa Landi,
à la concupiscence d'un... cynocéphale,
plutôt qu'à la fureur de l'aurochs.
Désolé, le Septième Art semble
bien avoir boudé l'Enlèvement d'Europe
: j'ai vainement sondé les saynètes du
muet (Méliès, Le Film d'Art...), les péplums
mythologiques des Sixties et même les interminables
sagas télévisuelles des Legendary Journeys
of Hercules et de Xena Warrior Princess,
pourtant riches en réminiscences mythologiques
: «Nada !» Ici, c'est le petit-fils
d'Europe et du Taureau-Zeus, le hideux Minotaure qui
a la cote ! J'ai même cherché du côté
des Empereurs romains considérés comme
histrions - Caligula, Néron, Héliogabale
- dans l'espoir de les retrouver dans quelque mime obscène,
relatif aux amours de la Belle et la Bête. Réminiscence
de la Grande Catherine, Caligula fiévreux se
met au lit avec son cheval Incitatus dans le Caligula
de Tinto Brass, en une séquence qui tombe un
peu à plat. Dans la télésuite de
1976 Moi, Claude, empereur, le même Caligula
se déguisait en Zeus pour éventrer sa
sur Drusilla-Sémélé enceinte
de ses uvres (9e
ép), puis il enfilait le tutu de la déesse
de l'Aurore dans un ballet échevelé (10e
ép.). Mais jamais en «Europe». Si
toutefois quelque illustre et efféminé
romain l'aurait fait pour recevoir la décharge
d'un puissant taureau, c'est que je n'ai pas vu le film
ni en aie entendu parler. Ou que j'aie omis de noter
ce détail, désormais enfoui dans les tréfonds
freudiens de ma mémoire anesthésiée...
Jupiter-Zeus, sous
l'aspect d'un taureau, se présente à
Epoxy tel qu'il était apparu à la
nymphe Europe (Paul CUVELIER (d.) & Jean VAN
HAMME (sc.), Epoxy, Terrain Vague éd.,
1968; rééd. Horus, 1977...).
Cet album maintes fois réédité
en N&B chez différents éditeurs,
a finalement fait l'objet de deux éditions
couleur différentes : en 1997 chez Claude
Lefrancq [avec un cahier hors-texte de 16 p. par
Numa Sadoul] et en 2003 au Lombard [coul. : B.
Denoulet] |
Rayon BD, c'est pareil : je n'ai recensé
pas même un «Oncle Paul» qui y fasse
allusion l'espace d'une malheureuse vignette (ou ça
m'aurait échappé ?). Jean Van Hamme et
Paul Cuvelier, dans leur délicieuse BD érotico-mythologique
Epoxy, font se rencontrer Zeus et leur héroïne
dénudée, qui manque de succomber aux tendres
assauts de la bête à cornes; ensuite elle
rencontre Io changée en vache. Revenons au Minotaure
: nombre de dessinateurs ou d'illustrateurs comme Michel
Desimon, sans oublier Picasso ont figuré Pasiphaé
dissimulée dans sa génisse de bois ! Roland
Villeneuve, dans Le Musée de la Bestialité,
en a reproduit quelques spécimens. C'est un peu
ça le problème. Dans une uvre de
fiction comme le cinéma de Cecil B. ou la BD
grand public on ne se risquera pas à aborder
un sujet zoophile (à moins, bien sûr, de
traiter cela comme dans les Contes Bleus : le Prince
Charmant dépouille la bête et redevient
humain pour épouser la Belle). Sauf, évidemment,
dans des uvres destinées à un public
plus averti - mais regardez les problèmes de
censure en Grande-Bretagne et en Italie rencontrés
par l'excellente série TV Rome, pour quelques
brefs plans de nudité intégrale, d'inceste
ou d'homosexualité. Dans La Bible de John
Huston, les gens de Sodome traînent une jeune
femme devant un bouc lubrique (?) paré de bijoux...
au spectateur de compléter, de se faire son petit
cinéma personnel fonction de... Euh !... de son
degré de décadence intime.
Perdus de vices, les habitants de
Sodome offrent une jeune vierge
à la lubricité d'un bouc sacré...
(La Bible, John Huston)
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En fait, je ne trouve qu'un album didactique
de circonstance : Serge Saint-Michel (sc.) & Jean-Marie
Ruffieux (d.), Il était une fois... l'Europe,
Fayolle (Paris), 1979, 32 pl. - quatre planches concernent
l'Antiquité : les deux premières le mythe
d'Europe, aimée de Zeus; la troisième
Athènes; la quatrième la Gaule romaine
et la défaite d'Attila.
Notez, néanmoins, une gravure de J. Kühn-Régnier
dans les Contes et légendes mythologiques
d'Emile Genest (Nathan), où l'on voit Europe
juchée sur l'échine du taureau, que ses
compagnes parent de guirlandes de fleurs... Superbe
dessin traité à la manière des
vases grecs revus par la préciosité du
XIXe s.
Jupiter et Europe vus par J. Kuhn-Régnier
dans Emile Genest, Contes et légendes
mythologiques, Nathan éd., 1956
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Addendum
Au moment de mettre en ligne ce courrier, il me
revient tout de même l'album d'un auteur éminemment
fantasmatique, puisqu'il s'agit du papa de Blanche Epiphanie
et des Sorcières de Thessalie : Georges Pichard.
Dans Marlène et Jupiter, le précité
s'est plu à imaginer Jupiter descendu sur Terre
au XXe s., chez les loubards de la Zone... où
le dieu déchu et dérisoire vit aux crochets
d'une fille facile. On regrette tout de même un
peu son savoureux Ulysse, scénarisé
par Lob, mais ici Jupin - comme l'appelait familièrement
le susnommé E. Genest - se métamorphose
tantôt en cygne, tantôt en taureau ou en
aigle pour séduire la paumée Marlène,
nouvel avatar de l'éternelle héroïne
pichardienne aux mamelles avachies !
Georges PICHARD (sc. & d.),
Marlène et Jupiter, Paris, Yes Company
(Glénat diff.), février 1988, 44
pl.
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JEAN
RABIER RÉÉCRIT : |
Pour
vous informer un peu plus sur les recherches que je
poursuis, je vais vous envoyer par poste une brève
communication que j'ai faite, en 2002, à l'Institut
universitaire européen de Florence et une autre
communication - plus approfondie - que j'ai présentée
en 1999 à un colloque de l'association que je
vice-préside.
— |
Jacques-René RABIER,
«Europe au quotidien : la renaissance d'un
mythe», in D'Europe à l'Europe -II-
Mythe et identité du XIXe s. à nos
jours (Actes du Colloque de Caen, 30 septembre-2
octobre 1999 - Textes réunis par Rémy
Poignault, Françoise Lecocq et Odile Wattel-de
Croizant), Tours, Centre de Recherches A. Piganiol,
coll. «Cæsarodunum», XXXIIIbis; |
— |
Idem, «Tradition
et résurgences d'un mythe : le ravissement
d'Europe» (Conférence, 11-13 avril
2002), in Figures d'Europe - Images ans Myth
of Europe, Institut Universitaire Européen
& Ville de Florence (Luisa Passerini éd.)
- Bruxelles, Presses Interuniversitaires Européennes,
2003. |
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20 février 2007 |
POLAR-PEPLUM
: ON A OUBLIÉ L'AFFAIRE CAIUS... |
Roger
a écrit : |
Je n'ai
peut-être pas été assez attentif mais
je n'ai pas vu trace du superbe L'affaire Caïus
d'Henry Winterfeld (Bibliothèque verte) que j'ai
dévoré il y a 45 ans et qui marche très
fort auprès de mes élèves de 5e. |
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RÉPONSE
: |
J'en parlais justement
avec une amie fin de l'année passée, de
cette Affaire Caius, que lisait une de ses filles
qui venait de commencer le latin. Je ne l'ai jamais
lu, mais je devrais l'avoir quelque part dans ma bibliothèque,
je pense.
En matière de romans historiques, je n'aime que
les très bons et les très mauvais,
mais j'ai tendance à me méfier de ceux
qui se situent entre les deux, car destinés à
la jeunesse et donc pleins de trop bons sentiments.
Me trompé-je ?
C'est sûr que cette biblio des polars-péplums
est très incomplète : j'ai surtout voulu
refléter les tendances récentes, avec
deux coups de cur pour les oubliés (?)
Frédéric Hoé et Albert du Bois.
Mais incomplète, elle l'aurait été
encore bien davantage si j'avais tenté d'aborder
cette frange des romans pour ados, que je ne maîtrise
absolument pas. Pourtant Octave tint tête à
Antoine, l'affrontant sur un champ de bataille alors
qu'il n'avait que dix-neuf ans - aux âmes biens
nées, la valeur... Je vous saurais donc gré
de venir plaider la cause de Caius par retour de courriel
- pour le courrier du site - auquel je m'attaquerai
dès que j'en aurai fini avec le dossier Rome.
J'ai un retard catastrophique en matière de courrier
à mettre en ligne !
Henry WINTERFELD, L'affaire
Caïus (Caïus ist ein Dummkopf,
Berlin, éd. Lothar Blanvalet), Hachette, coll.
Bibliothèque Verte, 1955, 192 p. (trad. all.
Olivier Séchan).
«Caïus est un âne.» La phrase
inscrite par Rufus sur sa tablette remporte un grand
succès. Toute la classe se pâme de rire,
tandis que Caïus rougit de colère. Comment
Rufus ose-t-il l'insulter, lui, le fils d'un richissime
sénateur ! Mais le lendemain, plus personne n'a
envie de rire. La même phrase est tracée,
en lettres rouges... sur la façade du temple
de Minerve. Ce qui, dans la Rome impériale, est
un terrible sacrilège.
Accusé d'avoir écrit la phrase blasphématoire,
le jeune Rufus est arrêté. Mais ses amis
mèneront l'enquête pour savoir qui est
le vrai coupable, au prix de nombreuses difficultés.
L'histoire est pleine de rebondissements, qui tiennent
le lecteur en haleine. Débrouillards et drôles,
les enquêteurs en herbe sont des enfants d'aujourd'hui.
Ce roman est un classique, sans cesse réédité
chez Hachette-Jeunesse : 1) coll. «Bibliothèque
de la Jeunesse», 1955, ill. Paul Durand; 2) coll.
«Bibliothèque Verte» (3e série),
1977, ill. Paul Durand; 3) coll. «Bibliothèque
Verte», n 547, 1988, ill. Paul Durand; 4) coll.
«Aventure Verte, n 805, 1990, ill. José
Jover; 5) coll. «Le Livre de Poche jeunesse»,
n 1101, 1996.
Je profite de l'occasion pour compléter ma
bibliographie des polars-péplums en consacrant
une petite notice au curieux «Préfet de
Judée» de F. Mimmi
Franco
MIMMI, Notre agent en Judée. Une enquête
du préfet de Judée (Il nostro
agente in Giudea), Gallimard, coll. «Folio
policier», n 422, 2006, 368 p. (trad. ital.
Françoise Liffran).
[Présentation de l'éditeur] ...
L'empereur avançait la main vers la table,
prenait des petits morceaux dans des plats délicatement
cuisinés et magnifiquement présentés,
les examinait d'un air blasé avant d'en
ingurgiter une partie et de jeter le reste. Son
invité se contentait de déguster
à petites gorgées le vin de Rezia
qui lui avait été aussitôt
apporté, l'accompagnant de petits poissons
frits dans l'huile d'olive.
— Notre Pilate, dit Tibère, est l'un
des préfets les plus sanguinaires que l'Empire
ait jamais eu, mais maintenant, il affirme que
le seul moyen d'éviter que la Palestine
ne passe de la révolte endémique
à la guerre ouverte est de trouver parmi
les juifs un homme de paix, qui ait de l'ascendant
sur ses compatriotes et qui les convainque que
les Romains sont bons et justes, ou du moins sont
un mal mineur.
— Et il propose Jésus, le Naziréen.
L'empereur acquiesça tout en mastiquant
nonchalamment une bouchée assurément
exquise.
— Je veux que tu y ailles à l'insu
de Pilate, Aduncus, et que tu interviennes si
tu vois que les choses tournent mal. Aie ce Jésus
à l'il. Je n'aime pas les hommes
aux cheveux longs.
Ami de Tibère, l'ancien préfet
de Rome (præfectus urbi) maintenant
retraité, L. Valerius Aduncus, né
à Cordoue, va reprendre du service pour
une ultime mission dans l'ombre. Pour mettre fin
aux sanglantes révoltes qui agitent régulièrement
la Palestine, le gouverneur romain, avec la complicité
des Sadducéens - le parti collaborateur,
qui pense que la guerre n'est pas bonne pour le
commerce - a l'idée de se servir d'un certain
Jésus de Gamala, un charpentier rêveur
et charismatique dont le père zélote,
Joseph, a fini sur la croix, crucifié par
Quirinus avec 2.000 autres rebelles. Le plus simple
ne serait-il pas d'organiser un procès
public de Jésus, où celui-ci serait
déclaré innocent par le pouvoir
romain, donc sa prêche licite ? Comme chacun
sait, cette tentative de manipulation va mal se
terminer...
(Voyez aussi le blog Wodka) |
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Jésus prêche avec succès
un message d'amour et de paix, entouré de sa
mère, ses deux surs et ses quatre frères
Jacques, Joseph de Capharnaüm, Simon et Judas.
Mais son cousin Menahem et ses frères Jacques
et Simon, des zélotes actifs, ne l'entendent
pas de cette oreille. Tout comme Jésus fils de
Joseph, Menahem fils de Judas le Galiléen (frère
de Joseph, né à Bethléhem) appartient
à la lignée royale de David. Que doivent
penser les patriotes, de ce traître qui condamne
la violence et incite le peuple à gentiment payer
l'impôt aux Romains ?
[L'idée de faire de Jésus de Nazareth
un «Jésus de Gamala» lié au
mouvement zélote a été illustrée
en France par un curieux petit essai hétérodoxe
de Robert Ambelain, qui tentait de reconstituer le personnage
politique d'un roi des juifs issu de la dynastie davidique
(R. AMBELAIN, Jésus ou Le mortel secret des
Templiers (1),
Robert Laffont, 1970), coll. «Les énigmes
de l'univers», 1970). Il faut aussi citer, en
Italie, l'ex séminariste Luigi Cascioli - CLICK
et CLICK
-, insurgé contre la désinformation historique
colportée par l'Eglise, et selon qui le personnage
imaginaire de Jésus-Christ aurait été
brodé à partir de la figure historique
de Jean de Gamala.]
- Né en 1942 à Bologne, Franco Mimmi
est journaliste, actuellement correspondant du quotidien
Il Sole-24 Ore à Madrid et auteur de
quatre romans. Notre Agent en Judée
a obtenu en 2000 le prix Giorgio Scerbanenco qui récompense
le meilleur roman policier italien de l'année.
NOTE :
(1) Les incontournables
Templiers ! - Retour texte
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25 février 2007 |
«VIENS
LES PRENDRE...» |
Philippe
a écrit : |
Je voulais
vous signaler une erreur dans la transcription de la réponse
de Léonidas à Hydarnès dans la tactique
de la phalange sur le site de la bataille des Thermopyles.
Il faut corriger «Mallon lavé»
en «Molôn labé». «Mallon
lavé» signifie en effet soit prends(-les)
plutôt soit prends une touffe de laine.
Le sens de la réplique est «Viens les prendre»
- participe aoriste de blôskô suivi
de l'impératif, qui s'écrit avec un bêta. |
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RÉPONSE
: |
Vous avez raison, «molôn
labé» est bien l'inscription qui figure
sur le socle de la statue moderne de Léonidas
à Sparte-Mistra (voilà, c'est changé,
maintenant). J'ai éprouvé quelque difficulté
à transcrire cette citation qui n'est pas dans
Hérodote mais dans les Apophtegmes laconiens
de Plutarque, que je n'ai pas lus car cet ouvrage ne
semble pas courir les rues (merci quand même à
l'Abbé Barthélémy et à son
Voyage d'Anacharsis, véritable bible de
la Grèce antique scolaire, qui m'a permis le
recoupement).
Mais dans la VF du film de Maté, Léonidas
prononce bien mallon lavé, avec le son
«a», ce qui m'a perturbé : était-ce
une influence du grec moderne comme le prouve le «b»
devenu un «v» ? Je ne sais d'où vient
le doublement du lambda, mais je ne crois pas l'avoir
inventé (le premier jet de cette étude
a plus d'un quart de siècle, je ne me rappelle
plus tout mon cheminement). Mystère donc. J'avoue
que dans ce domaine demotiki-katharevoussa, je me sens
totalement largué. Mais effectivement, même
en grec moderne, mallon est relié à
la laine, comme me l'apprend mon dico.
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