courrier peplums

MARS 2007

 
date17 mars 2007
PENSÉE POUR NOS MORTS...
Frédéric a écrit :
Deux questions de mes élèves, après avoir vu Jules César d'Uli Edel :
1. Est-ce que, comme on le dit dans une réplique, les Romains rapatriaient à Rome les corps des soldats tombés à l'étranger ? (Cela me paraît peu possible et peu plausible.)
2. Il semble que les toges des sénateurs soient, les unes franchement rouges, les autres plutôt mauves. Simple différence de lessive ou signe distinctif plus institutionnel ?
 
 
RÉPONSE :

1. L'inhumation des légionnaires
Y. LE BOHEC (L'armée romaine, Picard, 1998) dont je viens de parcourir la TM ainsi que l'Index ne parle pas des morts ni de leur sépulture, mais je lis dans François GILBERT (Le soldat romain à la fin de la république et sous le haut-empire, Errance, 2004, p. 188 - l'auteur est centurion dans le groupe de reconstitution V Alaudæ) : «Jusqu'au début du Ier s. av. n.E. les morts au champ d'honneur sont si possible rapatriés à Rome, où l'on procède à leurs funérailles. Mais ce spectacle devient si démoralisant au cours de la Guerre Sociale, qu'il est décrété que les soldats morts en expédition seront désormais inhumés là où ils tombèrent (APPIEN, B.C., I, 5, 43).» La Guerre Sociale (90-88 av. n.E.), c'était en Italie. La Guerre des Gaules, qui lui est postérieure de trente ans (58-51 av. n.E.), c'est beaucoup plus éloigné dans le temps...
(Précisons quand même qu'un grand nombre de légionnaires de César étaient des Gaulois levés dans ses provinces de Cisalpine et Transalpine... et avaient sans doute des exigences différentes.)

Donc le film d'Edel s'avance nettement, sur ce point. A fortiori, sous l'Empire, quand les légions veillaient aux frontières du monde romain, un tel trafic mortuaire aurait sans doute posé des problèmes logistiques insolubles car, loin de tous venir d'Italie, les légionnaires étaient des citoyens levés aussi bien en Espagne qu'en Macédoine ou en Afrique du Nord. L'existence de stèles funéraires un peu partout dans les zones frontalières confirme que les Romains ne rapatriaient plus les corps des légionnaires.

Certes, quand on sait l'importance du culte des morts, on a envie de croire qu'ils pouvaient être rapatriés. Les corps étaient de préférence brûlés (l'inhumation existait aussi, mais était minoritaire et particulière plutôt à certaines familles; je crois que c'était notamment le cas des Claudii), ce qui le cas échéant aurait simplifié leur conservation et leur transport. Toutefois, rappelons-nous qu'à l'époque impériale les légions avaient des camps fixes, avec des terres agricoles légionnaires - car les soldats produisaient eux-même leurs aliments -, aussi peut-on penser que la vraie famille des soldats se trouvait là où ils étaient stationnés. Et que donc les tombes pouvaient demeurer sur place. Les vétérans démobilisés n'étaient-ils pas, justement, installés dans des colonies de peuplement, loin de l'Italie ? De fait, la légion s'occupait probablement et globalement du culte de ses morts. On sait que les légionnaires se cotisaient pour cela.

Il me souvient qu'aux premiers temps de l'Empire, le centurion M. Cælius, tué en 9 de n.E. au cours du désastre de Varus (et dont le corps n'a jamais été retrouvé), s'est vu dédier à Xanten et par son frère, soldat lui aussi, un cénotaphe. Xanten (Castra Vetera), dans le delta du Rhin, était le camp de base de la XIIXe légion, à laquelle appartenait Cælius. Ceci nous enseigne qu'il est également possible d'honorer ses morts à distance, sans disposer de leur dépouille. Cinq ans après le désastre de Varus, Germanicus de passage par la forêt de Teutberg fit inhumer - et d'abord brûler ? - collectivement les anonymes débris humains qui jonchaient le champ de bataille. [Une série documentaire allemande, Les Germains, passée sur Arte les 21 et 28 juillet 2007, fait en sa deuxième livraison état de la découverte récente de fosses contenant de grandes quantités d'ossements humains, retrouvées à Kalkriese, lieu supposé de cette bataille - vraisemblablement, les sépultures creusées par les légionnaires de Germanicus.] Ils n'ont donc clairement pas été rapatriés. Et comme dans les années qui suivirent les Romains s'empressèrent de ramener leurs frontières sur le Rhin, abandonnant définitivement le territoire, ils abandonnèrent aussi les sépultures légionnaires.
Quant au propréteur Quinctilius Varus, qui s'était suicidé, son corps fut partiellement brûlé par ses soldats, puis enterré sous la pluie. Mais les Germains vainqueurs le déterrèrent et renvoyèrent sa tête à Rome. Auguste la fit «enterrer» dans le mausolée des Quinctilii.

Il est clair, en revanche, que les corps (ou les cendres) des personnages importants étaient renvoyés à Rome. Agrippine l'Aînée fit ramener de Syrie le corps de son mari Germanicus, qui y était mort empoisonné. Marc Antoine renvoya à sa mère Servilia les cendres de son fils Brutus, suicidé à Philippes, etc.

En conclusion : au contraire des Chinois de la diaspora qui attachent du prix à ce que leur dépouille sont inhumée sur le territoire du Céleste Empire, les Romains semblent avoir été plus larges de vue...

2. Les bandes rouges ornant les toges sénatoriale
Pour ce qui est des bandes laticlaves ou angusticlaves qui ornent toges et tuniques des sénateurs ou des chevaliers, elles sont rouges. J'ai moi aussi remarqué qu'au cinéma elles pouvaient être noire ou azur, mais ce ne sont là que des fantaisies de costumiers incultes, désinvoltes ou - plus probablement - fauchés...

 
 
 
23 mars 2007
DE LA BATAILLE DE CARRHÆ ET DE JULIEN L'APOSTAT
Nicolas a écrit :
Tout d'abord je voudrais vous féliciter pour votre site qu'en tant que passionné de péplums et d'antiquité en général je plébiscite avec ferveur.
Je vous écris pour savoir s'il existe des péplums consacrés à l'empereur romain Julien et aussi à la bataille de Carrhæ.
 
 
RÉPONSE :

1. La bataille de Carrhæ
Aucun péplum sur la bataille de Carrhæ, à ma connaissance (peut-être toutefois un obscur docu-fiction, mais je ne les ai pas tous recensés : ça serait un vrai «travail de Romain» !). Cette bataille, en revanche, revient régulièrement en filigrane de la BD «Alix» que vous connaissez sûrement.

Il me revient cependant que l'on voit mourir Crassus dans Le Fils de Spartacus (Sergio Corbucci, 1962), mais dans son palais en Syrie - victime d'une révolte d'esclaves conduits par le centurion Randus (Steve Reeves), le fils de Spartacus qui ainsi venge son père - et non plus à la bataille de Carrhæ !
Fidèle à la bonne vieille recette du péplum, le spoiling (ou l'art de surprendre et dérouter le spectateur en lui soumettant une version différente de celle à laquelle il s'attendait), le scénariste montre Crassus s'apprêtant à livrer le fils de Spartacus au... roi des Parthes (!). Ses amis attaquent le convoi et libèrent Randus. Alors, conformément au récit de Plutarque, un esclave vengeur lui coule de l'or fondu dans la bouche...

2. Julien l'Apostat à l'écran
Seulement deux films sur Julien l'Apostat : Giuliano l'Apostata (Ugo Falena, IT, 1919) et L'Apocalisse (Giuseppe Maria Scotese, IT, 1947). A ce jour, je n'ai encore vu aucun des deux, hélas.

Je leur avais toutefois consacré une petite notice dans Les cahiers des paralittératures : «Julien l'Apostat - Filmographie», in Actes du 1er colloque des paralittératures de Chaudfontaine (Liège, 14 et 15 novembre 1987), Liège, 1989 - Ed. C.L.P.C.F. (Centre de lecture publique de la Communauté française A.S.B.L.)/Bibliothèque des paralittératures Stanislas André Steeman (Jean-Marie Graitson) - Au Passou 40 - 4600 Chaudfontaine (Mehagne).

 
 
 
23 mars 2007
LES MÉTAMORPHOSES, VERSION SF (ATLANTIS, TERRE ENGLOUTIE)
Lionel a écrit :
J'ai acheté récemment une ancienne K7 de Reg Park, Ursus, la terreur des Kirghizes en espérant y retrouver un film vu dans mon adolescence. Malheureusement, les scènes, fameuses dans l'histoire des péplums (pepli ?), où un sorcier/magicien fait boire des philtres à des prisonniers qui se transforment alors en hybrides mi-homme mi-animal n'est pas dans ce film. Fichue mémoire...
Si vous avez des pistes pour que je puisse remettre un nom sur cette œuvre vraiment caractéristique, je vous en saurais tout à fait gré.
 
 
RÉPONSE :

(Le pluriel latin de peplum est pepla ! Le pluriel en i se rapporte à la deuxième déclinaison : servus, servi...)

Pour ce qui est de votre question, je crains que vous ne m'ayez collé (ou que votre imagination vous ait joué des tours ?). Le philtre qui «retourne» le héros en annihilant sa volonté est fréquent : Hercule et la reine de Lydie, Le triomphe de Maciste, Maciste et les filles de la Vallée, Maciste dans les Mines du roi Salomon, Maciste et le Trésor des Tzars... Mais de là à le(s) transformer en «hybride(s)»... je ne vois, en vérité, que votre Terreur des Kirghizes, mais seul le héros Ursus y est métamorphosé en monstre.

N'opéreriez-vous pas une confusion avec Rome contre Rome (en Belgique : Le sorcier de l'Arménie) où toute une armée romaine exterminée est ressuscitée pour lutter contre d'autres légions ? Mais il ne s'agit que d'un enchantement, non d'un philtre qu'il faut boire.

Dans Hercule à la conquête de l'Atlantide, Antinéa a fait boire (hors écran) un philtre à Androclès (Ettore Manni) pour le métamorphoser en surhomme blond-albinos et l'incorporer à sa garde personnelle...

En fait, c'est le mot «hybride» que vous utilisez qui me gêne un peu. Entendez-vous par là des êtres physiquement monstrueux, ou seulement moralement ? Je vais réfléchir à votre problème. Les péplums fantastiques laissent beaucoup de portes ouvertes. Le voleur de Bagdad (1960)... L'épée enchantée (The Magic Sword)... Circé et les compagnons d'Ulysse...

 
 
 
LIONEL RÉPOND

Merci beaucoup, tant pour m'avoir répondu que pour la rapidité et la qualité de votre réponse. Merci aussi d'avoir corrigé mon vieux latin («peplum» est bien sûr sur le modèle «templum, i, n», nominatif pluriel en «a» - autant pour moi).
Pour en revenir au sujet qui me préoccupe, il s'agit d'un film dans lequel un magicien/sorcier, qui officie dans une caverne ou des souterrains/caves, fait boire à des hommes attachés debout à la paroi par des chaînes un philtre qui va les transformer en sorte de monstres mi-animaux mi-humains.

Le résultat (effrayant pour l'enfant que j'étais en 1960) était des hommes à tête de porc ou d'étranges autres formes. J'étais persuadé que c'était bien dans La terreur des Kirghizes, mais - déception - lorsque j'ai eu regardé la K7 du film (d'ailleurs pas facile à trouver et assez obscure [ancienneté, éclairage ?]), ça n'était pas ça. Pourtant, je l'aurais bien juré...

Merci de vous pencher sur cette question.
(En tous cas, ce n'est pas l'histoire de Circé et des compagnons d'Ulysse) (et d'ailleurs, les têtes de porc pourraient bien être des têtes de bovins - tout ceci est bien lointain, hélas).

 
 
RÉPONSE :

Maintenant je vois mieux la scène. Il s'agit d'Atlantis Terre Engloutie, de George Pal (EU, 1962). Effectivement, les savants Atlantes transforment les esclaves en bêtes de somme, mi-hommes, mi-bœufs ou mi-autre chose... Il est également question d'un cristal produisant un rayon de la mort, et de sous-marins primitifs... A ma connaissance, pas encore sorti en DVD VF; vous savez, les éditeurs DVD - mais pour qui se prennent-ils (!) - ne songent pas toujours à m'informer de leurs projets...
En revanche, il existe un CD avec la musique. Aux USA, Dell a publié, in illo tempore, le film en BD.

atlantis - the lost continent

(...)

Les expériences chirurgicales des savants d'Atlantis Terre Engloutie ne sont que la résurgence du mythe de Circé. Comme dit toujours Henri Vernes («Bob Morane»), «en matière de littérature on n'a plus rien inventé depuis Homère». Circé, qui vit dans le lointain Occident, est citée - ainsi que la Méduse - par Pierre Benoît dans L'Atlantide comme l'archétype d'Antinéa, qui transforme en statues d'orichalque ses amants. En les faisant tomber sous sa domination sexuelle, Antinéa, en somme, en avait fait - métaphoriquement - des porcs lubriques et amoureux, comme Circé le fit des compagnons d'Ulysse ! Tout film ou roman sur l'Atlantide, qui se respecte un tant soit peu, fait référence à une modification de l'être humain : les surhommes ou les lépreux d'Hercule à la conquête de l'Atlantide, les hommes-poissons d'A. Ribeira (Le Danger viendra de la Mer), les hommes-bêtes du film de Pal, autant de métaphores du totalitarisme, autant de paradigmes que vont décliner ad libitum la littérature et le cinéma populaires. Je jouais donc sur du velours en évoquant Circé.

 
 
 
26 mars 2007
OÙ L'ON REPARLE DE LA MONTRE À BEN HUR, ET AUTRES ANACHRONISMES...
Sophie a écrit :
J'ai entendu dire que dans le film Ben Hur, un participant de la fameuse course de chars avait oublié d'enlever sa montre mais je n'arrive pas à retrouver où. Le savez-vous ?
 
 
RÉPONSE :

Moi aussi j'ai entendu dire qu'un acteur du film qui... mais je ne l'ai jamais constaté par moi-même.

Pourtant j'ai vu ce film plusieurs fois, et même repéré dans quelles scènes apparaissait Giuliano Gemma, alors simple figurant non-crédité au générique (1).

Il y a la liquette d'Esculape, qui dépasse sous l'encolure de sa robe (Gian Paolo Rosmino chez les Amazones, dans Les Travaux d'Hercule), la cicatrice d'une appendicite sur le ventre d'une esclave (dans Caligula), les bonbonnes et les godasses du technicien des effets spéciaux tapi au fond d'un char d'amazones-gladiatrices (dans Gladiator), la tirette de zip entre les jambes du faux-gorille (dans Samson contre Hercule), sans oublier - du même film - l'accompagnement musical... au piano lors de l'inévitable ballet, etc. Des marques de vaccin sur l'épaule aux clôtures de fil de fer en sous-bois (dans La révolte de Sparte [2]), j'en ai repéré des bizarreries dans divers films antiques, mais je n'ai jamais vu la montre à Ben Hur - véritable «Monstre du Loch Ness» du péplum !
Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas...


NOTES :

(1) Giuliano Gemma est le centurion qui, dans la Tour Antonia, se précipite en tirant du fourreau son glaive, pour s'interposer entre son chef Messala (Stephen Boyd) et Ben Hur (Charlton Heston) qui le menace d'un pilum. Plus loin, lorsque à propos de la course de chars le cheik Ilderim vient aux thermes prendre des paris contre Messala, Gemma, avec son physique avantageux, fait le figurant au premier rang des officiers romains qui assistent à la scène. Autre figurant prestigieux, mais qui n'apparaît qu'une seconde, le héraut qui annonce les participants à la course de chars : le culturiste Sergio Ciani, plus tard connu comme Alan Steel, qui fut une des doublures de Steve Reeves avant de devenir un protagoniste à part entière (Maciste, Ursus...). Mais en ce qui concerne la tocante à Ben Hur, mon œil sagace risque de mourir idiot, qu'on me pardonne cette image incongrue ! La fatigue, sans doute... - Retour texte

(2) De même, dans la scène où Jason et les Argonautes se présentent au bas de l'escalier, devant le vieux roi, père d'Aglaé, l'on aperçoit sur la photo une autre clôture de fil de fer, qui délimite la cour des Studios de Cinecittà ou de l'Istituto Nazionale Luce où ces scènes à décor furent tournées - dans le film, ça ne se remarque pas, car elle est noyée dans le flou de la profondeur de champ (Le Géant de Thessalie). - Retour texte

 
 
 
28 mars 2007
«S'IL N'A L'ÂME ET LA LYRE ET LES YEUX DE NÉRON...»
Claire a écrit :

Je suis tombée sur votre page ancienne de concours d'œuvre sur l'archéologie, le projet a-t-il été mené à terme, et est-il toujours d'actualité ?

En ce qui concerne la citation «honte à cet effronté qui peut chanter pendant que Rome brûle», vous ne parlez pas de Lamartine, réponse envoyée au journal La Némésis, beau poème pourtant, repris par Brassens («s'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron...»).
Beau poème trop peu connu.

 
 
RÉPONSE :

Si je suis fan absolu du Grand Georges - qui, lui, connaissait ses classiques sur le bout des doigts ! - je ne le suis guère de Lamartine. J'ignorais ce poème, assurément trop peu connu comme vous le dites, et j'ignorais que Brassens lui empruntait ! Me voici donc aujourd'hui plus savant...

Quand au concours de l'œuvre archéologique, j'avoue ne pas avoir persévéré dans mes relations avec Richard Tuil, qui publie donc tous les ans (?) un bulletin électronique, si j'ai bien compris. J'ai seulement mis son information en ligne - puisqu'il avait pris la peine de m'adresser un courrier - et vous invite à le contacter pour en savoir plus...

Bibliothèque de RICHARD TUIL (B.R.T.)
chez Richard TUIL
BP 60150
F 95022 CERGY CEDEX - France.
Tél : 01 48 41 07 54
Fax 01 40 35 25 77
e-mail : richardtuil1@yahoo.fr - mer_brillante@yahoo.fr

 
 
 
28 mars 2007
AUX CHIOTTES, SAINT SÉBASTIEN !
 

Toujours à propos de Brassens

Suite au précédent échange, et voulant vérifier pour Lamartine, j'ai consulté l'incontournable site Analyse Brassens, et ai remarqué à propos du second vers de Honte à qui peut chanter, «(...) Que Rome brûle, ell' brûl' tout l' temps...», le commentaire suivant (maintenant rectifié) :

«Allusion à l'empereur Néron, qui aurait mis le feu à Rome puis l'aurait regardée brûler en pinçant sa cithare et en chantant des vers de sa composition. C'est lui qui, aussi, a tué sa mère Poppée à coups de pieds et, en se suicidant dans les égouts de Rome, se serait écrié «Qualis artifex pereo !» - Quel artiste meurt ici !»

Pour une fois, ce n'est donc pas d'un courrier reçu d'un visiteur que nous allons traiter ici, mais d'un amalgame amusant - que celui qui n'a jamais écrit «ceci» en pensant «cela», jette la première pierre à l'auteur de ce commentaire (et me réserve la seconde).
Donc, prenant notre plus beau calame électronique, nous avons immédiatement réagi par ce courriel :

Je vois qu'un visiteur a déjà rectifié pour Poppée. Mais il ne me semble pas que Néron se soit suicidé dans les égouts de Rome : n'était-ce pas plutôt dans la villa de son affranchi Phaon ?

 
 
 
L'AUTEUR DU COMMENTAIRE «ANALYSE BRASSENS» ÉCRIT :

Autant pour moi. Comment ai-je pu confondre Poppée et Agrippine, St Sébastien et Néron (car il semble que ce soit le corps percé de flèches de St Sébastien qui ait fini dans le Cloaca Maxima) ?

Phaon a même donné un coup de main à l'artifex car il n'arrivait pas à se poignarder la gorge tout seul (ce que je comprends). Vieux souvenirs de versions latines... N'y a-t-il pas cependant un empereur qui ait fini aux égouts, pas Vespasien, tout de même ?

 
 
RÉPONSE :

Assurément Héliogabale a été lynché dans les latrines publiques et son corps jeté dans les égouts. Pendant la guerre civile, lorsque les syllaniens reprirent la ville, un parent du grand Marius - M. Marius Gratidianus - a été effroyablement mutilé vivant, et jeté aux égouts ou dans le Tibre, ce qui revient au même.

Le peuple romain manifesta également en ce sens à la mort de Tibère (Tiberius in Tiberim !), mais cela resta au niveau des intentions, ou des revendications...
Je ne sais où finit la dépouille de Saint Sébastien... probablement la fosse commune (spoliaire) où ses coreligionnaires en quête de saintes reliques vinrent sûrement le récupérer.

 
 
 
RÉPONSE DU CORRESPONDANT :

St Sébastien (suite, selon Wikipédia)
Hagiographie
Sébastien serait originaire de Narbonne, où une église qui lui est dédiée a été construite sur le lieu présumé de sa maison natale. Son martyre daterait de 287 ou 288, sous l'empereur Dioclétien. Pourtant Dioclétien avait beaucoup d'estime pour le soldat Sébastien - on prétend même qu'il fut son amant ! - et l'aurait ainsi nommé capitaine de sa garde prétorienne. Mais, chargé au départ de traquer les chrétiens, Sébastien avait fini par adopter leur foi et se comportait même comme un dangereux prosélyte. Dioclétien donna donc à ses soldats l'ordre de l'exécuter en le transperçant de flèches, ce qui fut fait aussitôt. Selon les textes et l'iconographie du Moyen Âge, le saint, couvert de flèches, ressemblait à un véritable hérisson. Mais les soldats, qui avaient beaucoup d'estime pour leur chef, auraient évité de viser le cœur, si bien que Sébastien ne succomba pas à ses blessures. Soigné par une jeune veuve nommée Irène, il reprit suffisamment de forces pour se rendre auprès de l'empereur et lui reprocher sa cruauté à l'égard des chrétiens. Dioclétien le fit alors rouer de coups jusqu'à ce que mort s'ensuive, et ordonna que son corps soit jeté dans les égouts. Guidés par une vision de sainte Lucine, les chrétiens purent cependant retrouver son corps et l'ensevelirent auprès des restes des apôtres.

Son corps aurait été transporté de Rome à Soissons, en l'abbaye de Saint Médard. Ses restes furent ensuite disséminés à la cathédrale Saint Prothais et Gervais, à Hartennes, Serches, Couvres (1793); Saponay, Montigny, Lengrain (1857), Margival (1792).

Saint Sébastien est bien sûr le patron des archers, mais il a aussi été invoqué pendant plusieurs siècles pour lutter contre la peste. Cette dévotion correspond à un miracle qui se serait produit à Pavie au Ve siècle. La ville était alors ravagée par une violente épidémie de peste, qui cessa dès qu'on eut érigé un autel à la gloire du saint dans l'église de Saint-Pierre-aux-Liens.

Suit un article fort intéressant sur les représentations de St Sébastien et l'homoérotisme, mais ce n'est pas notre sujet...

 
 
NOTRE CONCLUSION

Sous la Renaissance, la chair percée de flèches acérées du saint a ému la libido de nombreux peintres. Après avoir nourri l'édifiant Fabiola du Cardinal Wiseman (1854), Gabrielle D'Annunzio en tira le sujet d'un mystère en cinq actes (1911). Ensuite le martyre de Sébastien inspirera moins d'une demi-douzaine de films, dont un underground dialogué en latin, qui n'est guère visible que dans les festivals gay. Un éditeur spécialisé a rassemblé en un volume le texte de D'Annunzio et une importante galerie de peintures montrant les affres de l'extatique agonie du martyr chrétien : Saint Sébastien, Adonis et martyr - Le martyre de Saint Sébastien de Gabrièle d'Annunzio, éd. Persona, 1983, 125 p. (présentations de Jean-Pierre Joecker, Michel del Castillo, etc.), couv. Mattia Preti.

Voici sa filmographie :

Fabiola (IT, 1917-18)
Prod. : Palatino Film Roma
Réal. : Enrico GUAZZONI
Avec Elena SANGRO (Fabiola) - Amleto NOVELLI - Livio PAVANELLI (saint Sébastien) - Valéria SANFILIPPO (sainte Cécile) - Bruto CASTELLANI.

Sebastian, der Tribun des Kaisers (AL, 1919)
Prod. : Leo-Film
Réal. : Karl FREY (?).
[D'après Fabiola.]

Fabiola (IT-FR, 1947)
Prod. : Universalia
Réal. : Alessandro BLASETTI
Avec Michèle MORGAN (Fabiola) - Henri VIDAL - Michel SIMON - Massimo GIROTTI (saint Sébastien).

Révolte des esclaves (La) (IT, 1960)
La Rivolta degli schiavi / La rebelión de los esclavos / Revolt of the Slaves (The) [EU] / Sklaven Roms (Die)
Prod. : Ambrosiana
Réal. : Nunzio MALASOMMA
Avec Rhonda FLEMING (Fabiola) - Lang JEFFRIES - Gino CERVI - Serge GAINSBOURG - Dario MORENO (empereur Maximien).
[D'après Fabiola.]

Sebastiane (GB, 1976)
Prod. : Megalovision
Réal. : Derek JARMAN & Paul HUMFRESS
Leonardo TREVIGLIO (saint Sébastien) - Barney JAMES - Neil KENNEDY - Richard WARWICK.

Ce dernier titre en est une version homosexuelle, réalisée avec des moyens dérisoires : Sébastien et ses camarades légionnaires s'ébattent nus dans la nature. En effet, après avoir refusé l'amour de Dioclétien, Sébastien est envoyé aux Bat'Af et a fort à faire pour défendre sa pudeur contre les entreprises corruptrices de son centurion, lequel finira par se cruellement venger de lui, de la manière que vous savez toutes, adorables petites grenouilles de bénitier ! Attention toutefois, mécréants : Sebastiane n'est pas le féminin de Sébastien, mais le vocatif de Sebastianus : ô Sébastien.

 
 
 
29 mars 2007
LE CORPS DE MARC ANTOINE EXHIBÉ ? (ROME, 2E SAISON)
Georges a écrit :

Et voilà. Rome, fini.
Ecrasons une larme avec Atia, voyant passer la dépouille de son amour au défilé du triomphe d'Auguste (possible ça ?)... et je te laisse les autres surprises, si tu ne l'as déjà vu.

A la fin du 10, on voit très brièvement passer un chariot triomphal, sur lequel sont enchaînés à des poteaux, des cadavres - ou momifiés ou en putréfaction - de Cléopâtre et d'Antoine avec des masques leur couvrant le visage. Atia se détourne au passage et on sent venir une larme.

 
 
RÉPONSE :

Le corps d'Antoine exhibé à Rome ? Il ne devait plus être très frais, à moins qu'on l'aie embaumé à la grecque (dans du miel, comme Alexandre le Grand) ou à l'égyptienne (mais là...).

J'ai vérifié dans le Chamoux cette histoire d'exhibition de cadavres. Voici ce qu'écrit en substance le biographe de Marc Antoine : Antoine suicidé, Cléopâtre l'embauma de ses mains (je ne sais ce qu'il faut entendre par là : embaumeur c'est un métier, et ça prend du temps ! Je suppose qu'elle fit seulement sa toilette funéraire) et le fit enterrer dans son mausolée. Puis elle tenta une ultime négociation avec Octavien, qui la repoussa. Alors elle prit un bain, fit un bon repas, et s'empoisonna avec l'aide d'un aspic. Elle fut, elle aussi, inhumée dans son mausolée. (Que les archéologues recherchent toujours, de même que celui d'Alexandre le Grand !)

Lors de son triomphe, Octavien exhiba Cléopâtre en effigie. D'Antoine, pas question.
Ceci rejoint ce que je savais déjà sur les coutumes romaines en la matière (voir la notice que je consacre au Triomphe, et aussi la chronologie de César, tous deux dans mon dossier Rome). Il est malséant de triompher d'autres Romains, la guerre civile n'a pas bonne presse. Un triomphe s'obtient quand on a tué au moins 5.000 étrangers sur un champ de bataille, et ainsi augmenté le territoire de la République. César célébra sa victoire sur Caton et Metellus à Thapsus par un triomphe ex Africa rege Juba : c'est donc le roi Juba qui porta le chapeau, en l'occurrence son fils Juba II qui, encore petit, marcha devant le char du vainqueur. Mais les noms des Romains Caton et Metellus ne furent pas mentionnés au cours de ce Triomphe.

Octavien fit mettre à mort le fils aîné d'Antoine et Fulvia : Marcus Antonius Anthyllus, qui avait quinze ans et venait de prendre la toge virile. D'après Chamoux, c'est à cause de son prénom «Marcus» (le Sénat, à la dévotion d'Octavien, interdit ensuite aux Antonii de porter le prénom Marcus), le nom de Marc Antoine étant voué à la damnatio memoriæ. Selon d'autres lectures, Anthyllus se serait rebiffé, aurait pleuré lorsque les gens d'Octavien vinrent le chercher, aussi - quoique fiancé à Julia, fille d'Octavien - il fut exécuté. Par contre, son frère Iullus - plus docile - fut élevé par Octavia (CLICK & CLICK) ainsi que les autres enfants d'Antoine et Cléopâtre.