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AOÛT 2007

 

COURRIER D'AOÛT

COURRIER D'AOÛT 2007

 
9 août 2007
ANNIE AIME LES VIGNETTES, RELEVÉES DE LATIN (ASTÉRIX : CAELUM IN CAPUT EJUS CADIT)
Annie Collognat a écrit :

(...) J'aime bien consulter ton site où je retrouve avec plaisir ton érudition et ton humour au service du péplum.
Comme tu évoques aussi la BD, sais-tu que j'ai traduit le dernier Astérix en latin (Cælum in caput ejus cadit) ?

  • R. GOSCINNY & A. UDERZO, Cælum in caput ejus cadit, Editions Albert-René, [9 mai] 2007, 56 p. (dont 8 de cahier pédagogique).
    (Traduction en latin de Le ciel lui tombe sur la tête, par Annie Collognat.)
asterix - caelun in caput ejus
 
 
RÉPONSE :

L'album original d'Uderzo, Le ciel lui tombe sur la tête, se voulait un hommage à la dette dont les deux complices se tenaient pour redevables vis-à-vis de la BD américaine (les comics, comme ils disent), et notamment Walt Disney. Assurément, l'album sorti en 2005 a dû déconcerter plus d'un fan de l'irréductible gaulois buveur de potion magique (d'autant que le titre...). Bon, bref. Les traductions en latin d'Astérix ont toujours ravi les amateurs de la série plus ou moins frottés de latin. Annie Collognat a dû s'amuser comme une petite folle à restituer en latin vivant l'original français. C'est ainsi que le précité Disney est devenu Decemnasutus, i (de decem : dix; nasutus, a, um : qui a un grand nez, qui a du flair, spirituel) !

  • Annie Collognat, ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure, agrégée de Lettres classiques, professeur de latin et de grec en Lettres supérieures au Lycée Victor-Hugo (Paris) est aussi chargée de cours à la Sorbonne Nouvelle. Fondatrice et présidente de l'association PALLAS (Paris, Arts, Littérature et Langues Anciennes), elle est très active dans la promotion de tous les héritages des cultures antiques. Elle a traduit récemment Les Métamorphoses d'Ovide (Pocket, Hachette Jeunesse) et a écrit de nombreux ouvrages : entre autres Le Baroque en France et en Europe (Pocket), une Anthologie de la poésie française, de Villon à Verlaine (Livre de Poche), un Dictionnaire amoureux de Laclos (10/18). Elle a aussi réalisé et commenté de nombreuses éditions d'auteurs classiques dont les Contes de Perrault (Pocket, Omnibus), rédigé des manuels de latin (Nathan) et collaboré à diverses revues (N.R.P. - Nouvelle Revue de Pédagogie).
 
 
LES «CONTES BLEUS» : SI PEAU D'ANE M'ÉTAIT CONTÉE...
 
Nous avons reçu :
  • Charles Perrault - Contes (Présentation, notes et guide de lecture : Annie COLLOGNAT-BARÈS, Dominique BRUNET, Frédéric DRONNE), Pocket, n­ 6321, juin 2006, 384 p.

Venu de la mythologie grecque à l'histoire de l'Antiquité classique, j'ai toujours considéré les «contes bleus» (1) comme une extension des anciennes mythologies celtique et germanique : Peau d'Ane de Jacques Demy est un de mes films-culte; évoquons également le récent Les Frères Grimm de Terry Gilliam. Aussi nous faut-il rappeler la passionnante somme de commentaires rassemblée par notre amie Annie Collognat dans son édition de Charles Perrault - Contes chez Pocket. Un ouvrage de référence car, de Thésée et le Minotaure au «Petit Poucet», et de la Toison d'Or à «Peau d'Ane», il n'y a jamais très loin !

charles perrault - contes de perrault



NOTE :

(1) Selon Bruno Bettelheim, les contes de fée - les «contes bleus» ainsi nommés d'après la couleur des couvertures d'une célèbre collection de chez Hachette, avant-guerre - sont à distinguer des mythes en raison d'une série de différences structurelle.

CONTES MYTHES
Lieux et époque indéterminés. «Il était une fois, dans un lointain royaume.» Lieux connus, et personnage généalogiquement situable. «Jason, fils d'Aison roi d'Iolcos en Thessalie.»
Héros qui pourrait être n'importe qui. Anonyme ou connu par un sobriquet. «Le Petit Poucet.» «Le Petit Chaperon Rouge.» «Une princesse belle comme le jour.» «Celui qui...» Héros surhumain. Untel, fils d'Untel.
Le héros triomphe et se marie. «Ils vécurent très heureux et eurent beaucoup d'enfants.» Le héros brisé connaît une fin tragique (Œdipe, Jason, Bellérophon, Icare, Hercule, etc.)

(Cf. Bruno BETTELHEIM, Psychanalyse des contes de fée (The Use of Enchantment), Robert Laffont, coll. «Réponses», 1976, pp. 51 sqq.) - Retour texte

 
 
 
15 août 2007
LA SEXUALITÉ À ROME ET EN GRÈCE
Frédéric a écrit :
Le dernier numéro de L'Express a pour cover story un assez long article (huit pages) sur l'amour chez les Grecs et chez les Romains, avec, au milieu de toutes les reproductions de vases antiques, une photo extraite de l'œuvre de notre grand ami Antonio Passaglia. Le texte lui-même contient un certain nombre de déclarations arrachées à des universitaires français et n'est pas sans intérêt. Il y a en particulier cette idée selon laquelle ce n'est pas le christianisme qui a imposé la vertu aux Romains, mais l'évolution des mœurs romaines vers la vertu (à commencer par la loi d'Auguste contre l'adultère) qui aurait fait le lit du christianisme. Qu'en penses-tu ?
 
 
RÉPONSE :

Les Romains (et aussi les Grecs figure-toi, ainsi que les Hindous - en dépit de l'équivoque entretenue par les reliefs érotiques de Khajuraô ainsi qu'un certain Kama Sutra) étaient des gens austères, qui faisaient l'amour avec leur femme surtout pour faire des enfants. J'ai lu quelque part, et l'ai mis dans mon chapitre «Sex In The Eternal City», que les Athéniens ne dénudaient même pas leur épouse quand ils leur faisaient subir les derniers outrages (ou quand ils les honoraient, c'est selon). Nous sommes conditionnés par des images érotiques... qui proviennent de lupanars, où c'était bien leur place, ou prophylactiques (la représentation du phallus, symbole de fécondité, donc d'abondance, est un porte-bonheur, pas une incitation à la débauche). Mais ce n'est pas parce que les bordels existent que tu y vas. Ni que j'y vais.

Comme je le dis toujours, les Romains avaient des libertés, mais aussi des tabous que nous n'imaginons même pas. Ils pouvaient faire n'importe quoi, avec des femmes, des hommes, des jeunes gens à condition qu'ils aient le rôle actif, et que - leur épouse exceptée, bien sûr - ce ne soit pas avec un autre citoyen ou citoyenne. Grave affront. Preuve que quelque part, l'acte sexuel était considéré comme déshonorant en dehors du contexte autorisé : la perpétuation de la famille, d'ailleurs liée au culte des ancêtres. Tout autre badinage était permis... avec des inférieurs et à condition de ne pas y tenir le rôle passif qui s'apparentait à de la prostitution. Fellator était une insulte grave. Le mâle romain pouvait donc aller aux putes sans problème, jouir des prostitué(e)s mâles ou femelles : c'était tant pis pour leur gueule; elles (ils) ne représentaient rien du tout. Aussi Caton, ce vieux pisse-froid, approuvait le jeune homme qui allait au bordel, plutôt que de déshonorer une honnête citoyenne. Mais il désapprouvait qu'il y dilapidât son patrimoine en y allant trop souvent.

Tout ça a changé à partir de la Seconde guerre punique, quand l'hémorragie démographique a sur les champs de bataille saigné la république. Les femmes ont alors commencé à prendre de l'ascendant, d'abord dans la gestion du patrimoine familial - quand mari, fils, père étaient tombés -, puis dans leur liberté individuelle.
Ensuite les guerres civiles exacerbèrent la permissivité. Si bien qu'Auguste, qui ne crachait pas sur le sexe (sauf pour que ça glisse mieux ?), prôna un retour à la gravité, non parce qu'il détestait se divertir, mais tout simplement pour encourager la natalité et combler les coupes claires creusées par la guerre dans les rangs du patriciat. Il n'y parvint pas, j'en ai peur. Dans le courrier de janvier 2007 une courte étude de Gricca expose qu'à la fin du Ier s. de n.E. il ne subsistait guère plus de deux sénateurs représentant encore les anciennes familles patriciennes de la République.

En conclusion. Si le christianisme et sa morale ont finalement triomphés, ce ne fut probablement pas à cause de leurs idées «révolutionnaires» (quoiqu'on en pense, elles n'ont même pas cherché à solutionner l'esclavage, bien au contraire), mais tout simplement du fait du consensus entre la morale chrétienne et la païenne. De leur convergence. Dans leurs grandes lignes, hors leur monothéisme chauvin et intolérant, les idées chrétiennes étaient tout à fait acceptables et compatibles avec celles du paganisme.

l'express - amour antique

L'Express International (n­ 2928, 16-22 août 2007) ne contient pas toutes les photos de l'édition française : manque notamment la photo extraite d'un films d'Antonio Passalia (Italfrance), alias Anthony Pass, réalisateur des softcore Caligula et Messaline et Les aventures sexuelles de Néron et Poppée (1981)

Addendum
Comme le rappelle l'article dans le précité magazine, le sexe et l'âge du partenaire des amours extra-conjugaux n'avait aucune espèce d'importance, seule la conditions sociale et la nature du rapport importait, à Rome. La notion d'hétérosexualité ou d'homosexualité n'avait aucun sens (ces termes n'avaient même pas encore été forgés).

En Grèce, la notion de pédérastie est plus restrictive. La relation d'un adulte initiateur (éraste) et d'un adolescent (éromène) faisait semble-t-il partie du système éducatif. Tout en dénonçant la frivolité des Athéniens et la prostitution des Elidiens, Xénophon a vanté la chasteté des Spartiates qu'il connaissait bien pour avoir vécu parmi eux, mais - comme il le précise expressément - ne se faisait aucune illusion sur le crédit que son assertion rencontrerait chez les autres Grecs. Aristote qui, lui, les connaissait mal et, de toute façon, ne les aimait pas, dénonça pour sa part la corruption des Spartiates et des Crétois... A vrai dire, la morale antique ne s'embarrassait point de ces préjugés, si bien que Suétone pouvait s'étonner de ce que l'empereur Claude ne s'intéressait qu'aux femmes..., tandis que le géographe grec Strabon dénonçait vertueusement la prostitution des jeunes gaulois. Du reste, s'il n'y avait péril en la demeure, pourquoi donc les Spartiates avaient-ils instauré un magistrat surveillant des palestres - le pédonome - sinon pour s'assurer qu'aucun individu louche ne rôdât autour des jeunes gens ?

amour grec- eraste et eromene

Cette coupe grecque nous montre-t-elle un chaste baiser échangé par l'éraste et son éromène ? Autrement, ce serait - de la part du jeune homme - considéré comme de la prostitution...

 
 
 
16 août 2007
ROME (HBO) 3e SAISON : MISSION IMPOSSIBLE ?
Nelly a écrit :
Please do a Saison 3 - all family and friends love that peplum - please continue. I bought the DVD Saison 1 and I am gone by DVD Saison 2 - do something is so beautiful.
All monday we wait and expect to watch de series on BeTV in Belgium - thank you for lesson to me.
 
 
RÉPONSE :

Il y a erreur sur la personne. Je ne suis qu'un exégète, pas le producteur HBO de Rome... Mais si vous allez sur mes pages, vous verrez un lien vers un forum dédié à Rome, où il y a une pétition pour que soit tournée une troisième saison. Allez vite y ajouter votre signature.

Cela dit, je suis d'autant plus sceptique qu'à Cinecittà les décors ont brûlé, voici une semaine. Bien sûr, des décors ça se reconstruit : ils l'ont déjà fait une fois, après la destruction des premiers décors de Rome en Bulgarie... Mais si le coût/rentabilité est le critère pour HBO laisser tomber les bras, alors je doute très fort qu'ils aient envie de tout reprendre à zéro.

Addendum
(Nous reprenons ici l'essentiel de nos dernières interventions sur le site du «Forum Rome (HBO)» de Katheryne Oz)

Le 10 août 2007, une partie de Cinecittà disparaissait dans les flammes, dont les décors de Rome (HBO). Il me souvient d'avoir visité, en août 1987, les décors - à moitié détruits il est vrai, mais aussi à moitié intacts - de la série TV Anno Domini. C'était à Monastir (Tunisie). J'avais vu la série à la TV belge début 1986 (RTL, 21 décembre 1985). Ce que je veux dire par ce préambule, c'est qu'un décor n'est pas détruit automatiquement à la fin du tournage. Dans ces décors des studios Carthago, on a tourné des tas d'autres péplums qui n'avaient rien à voir avec Anno Domini, comme La Vie de Brian, Le Larron, Deux heures moins le quart av. J.-C. etc. On ne se gênait pas pour réutiliser tout ou partie de ces décors. Certes, il y a eu aussi le fait des problèmes politico-familiaux que connut à cette époque Tarak Ben Ammar (maintenant Quinta Communication, en France), qui gelèrent quelque peu les activités de ses studios de Sousse et de Monastir, ce qui pourrait d'ailleurs expliquer qu'on ne se soit pas dépêché pour détruire ces décors.

Autre exemple : les décors du Forum de La Chute de l'Empire romain (1964), qui devint une attraction touristique près de Madrid. La faillite du producteur Samuel Bronston, à ce moment-là, explique peut-être cette conservation, manière de rentabiliser ce qui ne servait plus. En tout cas, trois ou quatre ans plus tard, Richard Lester y tourna encore Le Forum en Folie.

Bref, le fait qu'on n'avait pas immédiatement détruit les décors de Rome (HBO) ne signifie nullement qu'on ait quand même compté y tourner une troisième saison. Il est plus probable que les studios de Cinecittà espéraient les rentabiliser à l'occasion du tournage d'autres films à plus petits budgets. Avez-vous vu tout ce qui passe comme docu-fictions BBC et ZDF sur les chaînes spécialisées et Arte ? Les Studios maltais, marocains et tunisiens ne désemplissent pas d'énergumènes casqués, en mini-jupe rouge...

«I Claudius» : la suite des frasques julio-claudiennes...
A défaut d'une saison 3, vous pouvez vous rabattre sur la série BBC de 1976, en 13 épisodes, I Claudius, que vient de rééditer en DVD Antartic Video, en avril de cette année. C'est la suite logique de Rome, puisque ça commence en 23 av. n.E., soit sept ans après la mort d'Antoine. Bien sûr, vous ne risquez pas d'y rencontrer Pullo et Vorenus... mais vous y retrouverez Octave - devenu Auguste - et Livia, qui ont pris de la bouteille. Et aussi Agrippa.

C'est plutôt un sitcom, du théâtre filmé. Il n'y a pas d'extérieurs. Mais c'est tiré de la superbe trilogie romanesque de Robert Graves, Moi Claude, Empereur (1937) et si l'Histoire romaine vous branche tout de même un petit peu (pas seulement le spectacle/le spectaculaire), vous adorerez. Livia, la méga-méchante y remplace avantageusement Atia, mais joue dans un autre registre : le pouvoir, elle l'a déjà. C'est dans l'ombre qu'elle tire les ficelles et trame ses complots contre tous ceux qui risqueraient de s'interposer entre le trône impérial et son fils Tibère, né d'un premier lit, que son empereur de mari n'aime pas.

Le jeu des acteurs ? D'aucuns le trouveraient théâtral, mais moi ça ne me dérange pas. Mon pote Fal a émis un avis plus nuancé sur Boojum. De gustibus et coloribus non disputandum !
Certes l'image n'est pas celle d'une version remastérisée, mais elle est très correcte. La qualité d'une vidéo récemment enregistrée sur une cassette neuve. Il y a en bonus un documentaire BBC relatif au tournage de la version 1937 par Jozef von Sternberg, inachevée, et contenant les chutes.

News
Selon le site «Forum Rome», le vidéogame Rome Total War, qui vient de sortir, serait à mettre en relation avec le feuilleton HBO. Wait and see.

rome total war

Je ne suis pas «jeux», mais j'ai remarqué qu'il y en existait beaucoup sur l'Antiquité et notamment sur l'Empire romain. Qui n'ont rien à voir avec la série HBO et ses personnages, bien entendu. (Je l'ai depuis eu en main, et confirme l'absence - sur la jaquette - de référence à la série-TV.)

Est-ce que Rome Total War a quelque chose à voir avec le merchandising de la série HBO ? Pour ma part, au vu du titre et de l'illustration, je nourris quelques doutes.

Tiens, sur le site HBO j'ai vu qu'il existait un bouquin de photos relatif à la série. Ca coûte 29,99 USD et sort courant septembre 2007. (CLICK)

(Note : depuis ce courrier, le bouquin est paru. Il s'agit d'un superbe ouvrage cartonné, 26 ¥ 31 cm, abondamment illustré de photos pleine page : Jonathan STAMP, Rome (préface de Bruno HELLER - design Stephen SCHMIDT/Duuplex), éd. HBO - New-York, Melche Media, 2007, 144 p.)

 
 
 
19 août 2007
AFFICHAGE ROMAIN ET COMBATS DE GLADIATEURS
Sylvie a écrit :

Je travaille actuellement sur un guide historique destiné aux enfants.
Et je m'intéresse notamment aux arènes de Lutèce à Paris. Je cherche une petite information : j'ai lu quelque part qu'il existait à l'époque des «affiches» annonçant le programme des jeux et les combats de gladiateurs. Ce terme «affiches» me paraît incohérent. S'agissait-il plutôt de fresques ? renouvelées chaque semaine ? aux abords des arènes ou bien disséminées dans la ville ? Y avait-il des portraits des champions ou uniquement leur nom ? Je vous mitraille de questions, mais j'essaie vraiment de visualiser la chose. Auriez-vous la gentillesse de m'aider ?

pompei - affichage romain

Affichage à la romaine dans une rue de Pompéi... en grandes lettres rouges : reconstitution par Peter Connolly in P. CONNOLLY, A Pompéi, Hachette, coll. «La vie privée des hommes», 1980

 
 
RÉPONSE :

Dans le film Gladiator, on voit quelque sénateur tenant en main un programme des jeux écrit sur papyrus. Je vous avoue que de prime abord, le papyrus étant très cher, je m'étonnais qu'on puisse le gaspiller à de telles futilités. Mais de gros enjeux étaient souvent mis sur ces combats, ce qui fait que finalement ce genre de programme n'avait rien de futile. En tout cas, Anne Bernet (Les gladiateurs, Perrin, 2002) confirme l'existence de programmes (libellus, plur. libelli) écrits sur papyrus. Quant aux «affiches» proprement dites, à ma connaissance ces edicta consistaient en inscriptions peintes en lettres rouges et noires sur des murs chaulés (Georges Ville (1) signale également des inscriptions incisées à la pointe sèche, probablement le soir, après les matches, par des cabaretiers qui ainsi notaient les résultats à l'intention de leurs habitués). Je ne pense pas qu'elles étaient accompagnées de portraits.

L'«affiche» ci-dessous est tirée du Corpus inscr. lat., suppl. IV, II, n­ 3884 (elle figure aussi dans H. DESSAU, Inscr. lat. selectæ, II, n­ 5145). Il s'agit de combats offerts par deux riches Pompéiens, le père et le fils, en avril d'une année indéterminée.

Voici le texte et sa traduction (2) :

D. Lucreti / Satri Valentis flaminis Neronis Cæsaris Aug. fili / perpetui gladiatorum paria XX, et D. Lucretio Valentis fili glad. paria X, pug. Pompeis VI V IV III pr. idus Apr. venatio legitima / et vela erunt [scr. / Æmilius / Celer sing. / ad luna]

«Vingt paires de gladiateurs appartenant à Decimus Lucretius Satrius Valens, flamine perpétuel de Néron César fils d'Auguste et dix paires de gladiateurs appartenant à Decimus Lucretius Valens le fils combattront à Pompéi le six, le cinq, le quatre, le trois et la veille des ides d'avril. Il y aura une chasse conforme aux règles et des vela [pour se protéger du soleil].
Æmilius Celer l'a écrit à la clarté de la lune.»

C'est donc la nuit que les annonces étaient peintes sur les murs de la ville.

Par ailleurs, on a retrouvé à Pompéi, annoté par un tifosi, un programme de munera :

THRACE-MYRMILLON
Victoire : Pugnax, de l'école néronienne : 3 victoires
Mort : Murranus, de l'école néronienne : 3 victoires

HOPLOMAQUE-THRACE
Victoire : Cycnus, de l'école julienne : 8 victoires
Epargné : Atticus, de l'école julienne : 14 victoires

ESSÉDAIRES
Epargné : Publius Ostorius : 51 victoires
Victoire : Scylax, de l'école julienne : 26 victoires

qui nous apprend que sur trois duels, deux virent le vaincu épargné et un eut une issue fatale; encore cette dernière n'avait-elle vu s'opposer que des débutants n'ayant qu'un modeste palmarès de trois victoires chacun.
Je ne sais pas sur quel support exactement figuraient ces informations que certaines sources qualifient de «carnet de notes». On pourrait penser qu'il s'agissait d'un de ces papyrus évoqués plus haut, annoté de la main d'un afficionados. Mais il me semble que, justement, on n'a jamais retrouvé de ces papyrus. En effet, Ville écrit à propos des libelli dont Cicéron (CIC., Phil., II, 38, 97) évoque la vente les jours précédant les combats : «On les imaginera comme des feuillets de papyrus». Ce qui veut dire qu'en fait on ne sait pas comment cela se présentait, mais que d'une manière ou d'une autre ils ont existé; l'hypothèse du papyrus est plausible, mais n'est jamais qu'une hypothèse. Il pouvait tout aussi bien s'agir de ces inscriptions incisées dans le revêtement mural évoquées plus haut.


NOTES :

(1) Si vous voulez approfondir le sujet, consultez en bibliothèque l'ouvrage de Georges VILLE, La gladiature en Occident des origines à Domitien, Ecole française de Rome, 1981, p. 364 - hélas épuisé. - Retour texte

(2) Les / / / indiquent le retour à la ligne. - Retour texte