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OCTOBRE 2007

 

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10 octobre 2007
L'ILIADE ENCORE ACTUELLE ?
Aurélio a écrit :

Chers éditeurs, je suis un élève de 1ère L du lycée [X...] et je cherche, dans le cadre de mes TPE, des péplums qui étudieraient ou parleraient de L'Iliade (autrement dit, la Guerre de Troie) car je dois m'intéresser aux représentations picturales mais aussi, en ce qui concerne le Français, les pièces de théâtre, les romans, les films (les péplums)...

C'est pourquoi je suis tombé sur votre site en espérant y trouver des choses intéressantes, mais je n'ai trouvé qu'un livre traitant du sujet. Il s'agit de Péplum : L'Antiquité au cinéma (CinémAction), mais ce qui m'intéresserait ce sont des noms de péplums...
J'invoque alors votre savoir sur la question afin de pouvoir m'aider dans mes recherches, si toutefois c'est possible. Ma problématique est la suivante : «En quoi les mythes dans l'Iliade sont-ils toujours contemporains ?»

 
 
RÉPONSE :

Je ne suis pas éditeur de DVD, mais j'ai traité de la Guerre de Troie et de l'Iliade en divers endroits de mon site. Examinez soigneusement les liens ci-dessous. Il y a même une filmographie assez complète.

Dossier Troy : CLICK (attention : il y a plusieurs pages qui se suivent).
(Voyez aussi : CLICK)

Autres films :

  • La Guerre de Troie (de Giorgio Ferroni) : la VF (CLICK), attention, la Collection Fabbri est vendue seulement en France métropolitaine. Toutefois, il vous est également loisible d'obtenir ce film en version espagnole : CLICK.
  • Hélène, reine de Troie (de Giorgio Ferroni également) : uniquement en espagnol : CLICK.
  • Hélène de Troie (de Robert Wise) : je n'en ai pas encore traité sur mon site, mais ce film existe en DVD VF chez Warner. Egalement disponible en espagnol chez Impulso (CLICK).
  • La Colère d'Achille (de Marino Girolami) : autant que je sache, n'existe qu'en VO sous-titrée néerlandais, aux Pays-Bas : CLICK.
  • Et, à tout hasard, L'Odyssée : CLICK et CLICK.

Je ne comprends pas la question sur l'actualité «des mythes». Quels mythes ? C'est qu'il y a beaucoup de choses dans l'Iliade, principales ou accessoires. L'Iliade n'étant du reste qu'une petite partie du Cycle Troyen. Vous pouvez vous faire une idée de l'ensemble des événements de la Guerre de Troie en vous plongeant dans la traduction française récente, aux Belles Lettres, des Ephémérides de la Guerre de Troie de DICTYS DE CRÈTE et de l'Histoire de la destruction de Troie de DARÈS LE PHRYGIEN (Récits inédits sur la Guerre de Troie [trad. & comm. Gérard Fry], Belles Lettres, coll. «La Roue à Livres-Documents», 2004). Autre ouvrage intéressant pour la complétude de votre travail : La fin de l'Iliade (La Petite Iliade) de QUINTUS DE SMYRNE, que j'avais lu jadis dans l'édition «Pot-Cassé». L'épisode du Cheval de Bois n'est pas dans l'Iliade, mais dans l'Odyssée et, surtout, dans l'Enéide de Virgile. Question roman, je vous signale encore celui de Colleen McCullough, Le Cheval de Troie : je ne l'ai pas lu, mais c'est une auteure que j'apprécie énormément pour ses Maîtres de Rome.

Enfin, pour le fun, il y a le catalogue du Musée Pouchkine (Moscou) dans les réserves duquel le «Trésor de Priam», mystérieusement disparu d'Allemagne sous les bombardements soviétiques de 1945, a été retrouvé en 1993 (Le Trésor de Troie. Les fouilles d'Heinrich Schliemann, Gallimard/Electa, 1996).

age de bronze colere d'achille

Rayon BD, il y a pas mal de choses également. Parmi les dernières : Eric SHANOWER, L'Age de Bronze (Le récit de la Guerre de Troie), qui remporta les Eisner Award en 2001 et 2003. Le tome 1, «Un millier de navires», a été publié chez Akileos, mars 2004, 207 p. L'ouvrage est annoncé en sept tomes (quatre seulement de parus aux Etats-Unis, à ce jour). Mais j'ignore s'il y a eu une suite traduite en français.
L'autre me plaît infiniment moins, car trop moderniste à mon goût : Camille LE GENDRE, La colère d'Achille (adapté de l'Iliade d'Homère), Carabas, janvier 2006, 124 p. Ces deux titres parmi d'autres plus ou moins conventionnels... ou délirants. Je songe notamment à la série SF Le dernier Troyen, «Chroniques de l'Antiquité galactique» de Valérie MANGIN et Thierry DÉMAREZ (chez Soleil).

La Guerre de Troie a malheureusement eu lieu...
Pour en revenir à l'objet spécifique de votre recherche, je suppose que vous voulez plutôt parler de l'actualité des thèmes - et non des «mythes» - évoqués par l'Iliade. S'il est un thème qui, à mon avis, émerge de tout ceci, il doit s'agir des lois de la guerre : Achille restituant à son père Priam le corps d'Hector, par exemple. Et aussi le sort des captives réduites au concubinage par ceux-là même qui ont tué leurs parents (Chryséis, Briséis). Et plus loin, Andromaque captive livrée à Pyrrhos-Néoptolème, le fils de cet Achille qui a expédié ad patres son mari. Le petit Astyanax, fils d'Hector, précipité du haut des murs de la ville conquise. Ou encore Polyxène qui, indirectement responsable du guet-apens où périt Achille, est violée puis égorgée sur le tombeau de celui-ci. Et aussi la vieille reine Hécube, qui après avoir vu massacrer son époux, ses fils et ses gendres, est emmenée comme esclave par les Achéens vainqueurs... «Ai-je tant vécu pour connaître cette infamie ?»
A l'époque d'Homère, ces choses là étaient considérées comme normales, et elles l'étaient encore au temps d'Euripide qui fut le premier à s'interroger sur la tragédie d'une cité vaincue, en particulier le sort des femmes - jeunes ou vieilles - livrées au bon plaisir des vainqueurs, quand elles se sont pas, par leur propre père, sacrifiées sur l'autel de la politique (Iphigénie). A vrai dire, les lois de la guerre ont-elles vraiment évolué depuis ? J'en doute. La guerre antique était génocidaire.
Vous en trouverez la confirmation dans les conflits récents, le Rwanda, la Bosnie, le Darfour. Faut-il remonter à la Guerre du Viêt-nam ou à la Seconde Guerre Mondiale ? Méditez l'excellent Les Bienveillantes de Jonathan Littell, qui narre l'extermination des juifs sur le Front de l'Est, vu par un intellectuel nazi membre de la SS. Il ne vous aura pas échappé que le titre - précisément - était repris de la tragédie d'Eschyle, laquelle racontait la matricide vendetta d'Oreste... et sa purification. Oreste n'avait pas d'autre choix que de tuer sa mère pour venger son père Agamemnon, assassiné à son retour de Troie ! Troie, on y reviendra toujours...

Je conclus en vous glissant une anecdote. En Grèce - où l'on est très nationaliste et patriote - les films américains sur la guerre de Troie font généralement scandale, car le propos d'Homère relativement pro-achéen est toujours détourné au bénéfice des Troyens (1). Ainsi la version de Robert («West Side Story») Wise, Hélène de Troie, vit monter au créneau jusqu'au fouilleur de Théra - l'archéologue Spyridon Marinatos.
Dans ce film comme dans les autres, les Grecs passent toujours pour des pirates, des barbares cruels ! Pourtant, ils n'ont pas tout-à-fait tort de se plaindre, ces Grecs ! Le poème épique qui fut la Bible de leurs ancêtres, l'épopée dont Alexandre le Grand emportait partout avec lui un exemplaire annoté par son maître Aristote, est systématiquement trahi à des fins commerciales par les cinéastes (qualifiés d'incultes, bien entendu). L'unique souci ce ces derniers n'est-il pas de faire des films «entertainement», qui plaisent au grand public ? Or L'Iliade est tout autre chose qu'une machine à faire des dollars. L'Iliade est un poème d'honneur et de gloire, qui proclame que les affronts, les injures se lavent dans le sang. L'affront fait à Achille, aussi bien que celui fait à Ménélas ! Ce sont-là des valeurs archaïques, certes, mais des valeurs avec lesquelles on ne transige pas et qui ont cours, de nos jours encore, dans les Balkans et ailleurs.

A Hollywood comme à Cinecittà - où le point de vue est sensiblement différent - il est toutefois impossible de voir des «héros» dans une armée qui assiège, pille et incendie une ville, tue des enfants en bas-âge, viole ou prostitue les femmes, massacre la population civile ou l'emmène en esclavage...
Ce, uniquement pour satisfaire l'amour-propre bafoué d'un vieux barbon jaloux et cocu. Et, en vérité, personne n'aime les cocus, toujours connotés vieux, moches, grognons, âgés...

Pour rappel : les 24 chants de l'Iliade
I. Chrysès supplie Agamemnon de lui rendre sa fille. Peste dans le camp des Achéens. Assemblée des princes et querelle d'Agamemnon et Achille. Enlèvement de Briséis et retraite d'Achille. Thétis obtient de Zeus la promesse d'une victoire momentanée des Troyens.
II. Songe d'Agamemnon. Délibération des chefs achéens. Chryséis rendue à son père. Catalogue des héros et vaisseaux achéens. Dénombrement des chefs et troupes troyens et leurs alliés.
III. Armistice. Combat singulier opposant Ménélas et Pâris; ce dernier est sauvé par sa protectrice Aphrodite.
IV. Violation de la trêve. Combats sanglants.
V. La bataille continue. Exploits de Diomède qui blesse deux divinités : Aphrodite et Arès.
VI. Adieux d'Hector et d'Andromaque. Hécube et les femmes de Troie offrent leurs vœux à Athéna.
VII. Combat singulier entre Hector et Ajax.
VIII. Assemblée des dieux. Victoire des Troyens qui campent hors des murs de leur ville.
IX. Ambassade d'Agamemnon à Achille, qui demeure inflexible et refuse de les voir.
X. Expédition nocturne d'Ulysse et Diomède dans le camp des Thraces. Mort de Rhésus et rapt de ses chevaux.
XI. Nouvelle bataille. Succès des Troyens.
XII. Les Achéens se retranchent dans leur camp. Hector y ouvre une brèche et se dirige vers les vaisseaux.
XIII. Poséidon ranime secrètement le courages des Achéens. Carnage.
XIV. Parée de la ceinture d'Aphrodite, Héra séduit son époux Zeus sur le mont Ida. Profitant de la distraction du roi des dieux, les Achéens reprennent l'avantage.
XV. Réveil du dieu. Les Troyens reprennent le dessus; Hector sur le point d'incendier les bateaux des Achéens.
XVI. Arrivée de Patrocle, qui a revêtu les armes d'Achille. Hector le tue.
XVII. Lutte sanglante autour de la dépouille de Patrocle.
XVIII. Thétis informe Achille de la mort de son ami.
XIX. Achille vole au secours des Achéens.
XX. Les dieux choisissent leur camp et interviennent dans la bataille.
XXI. Exploits d'Achille.
XXII. Achille tue Hector, et promène son cadavre sous les murs de Troie.
XXIII. Jeux funèbres en l'honneur de Patrocle.
XXIV. Priam s'humilie aux pieds d'Achille, qui consent à lui rendre le corps de son fils. Gémissements des Troyens. Repas funéraire. 


NOTE :

(1) Les Troyens représentant, quelque part, l'ennemi héréditaire turc. - Retour texte

 
 
 
RÉPONSE D'AURÉLIO :
Je n'en suis qu'au début de mon TPE et je pensais traiter tous les mythes de L'Iliade pour dire ensuite en quoi ils sont contemporains. Je n'ai pas fait encore de plan détaillé ni d'introduction mais je suis content que vous m'ayez orienté dans mes recherches.
 
 
 
7 octobre 2007
LE MYSTÈRE DE LA DAME EN NOIR...
J.B.B. a écrit

Merci pour le formidable site consacré au Péplum ! Si c'est possible, pourrais-je vous poser un question pour m'aider identifier un film péplum ?

Je m'excuse pour poser tel type de question, mais je n'ai pas beaucoup de détails, ni quelqu'un d'autre pour le demander.

Tout ce que je me souviens, c'est la fin : le héros regarde pendant qu'une femme brunette (son amante, ou une reine, peut-être) est morte au milieu d'une armée envahissante, en dehors des murs d'une cité. La femme est toute de noir habillée, si je me souviens.

 
 
RÉPONSE :

Pas de problème, en fait j'aime beaucoup les questions comme celle-ci. Mais j'aurais sans doute besoin de détails supplémentaires. Il s'agit donc d'un film en couleur ? Avez-vous une idée de l'époque où vous avez vu ce film (histoire d'éliminer les films plus récents) ? Et de quelle civilisation s'agit-il (Grèce, Rome, Barbares, la Bible/l'Orient, l'Heroic Fantasy) ?
Des femmes en noir, il y en a quelques unes... une danseuse dans Sodome et Gomorrhe d'Aldrich, la reine Omphale dans Hercule et la reine de Lydie... Pourtant, je songe invinciblement à une reine guerrière comme Sémiramis, ou plus probablement encore la reine d'Islande Brunhilde dans les Nibelungen d'Harald Reinl, qui porte un seyant ensemble de cuir noir lors des épreuves qui l'opposent à Gunther; et puis se suicide à la fin de la Teil. 1.

Je songe aussi - mais ça ne doit pas être ça - à la fille de Cethegus, le préfet de Rome. Elle revêt le blanc manteau de son mari, le prince des Goths, pour lui permettre de fuir, et est tuée à sa place... par son propre père.

 
 
 
J.B.B. RÉÉCRIT

J'ai vu le film en 1972-1975 sur un téléviseur noir et blanc (impossible de vous dire si c'était un film en couleur). La civilisation est inconnue.

La femme avait des cheveux noirs, et des yeux foncés. Comme le type de Maria Callas, peut-être. Très royale et digne, plutôt que «sexy».

Au final, un homme la regardait, et puis une armée descendait autour d'elle et elle tombait morte très dramatiquement. Pour je ne sais quel raison, je me rappelle un haut mur aussi - peut-être se tenaient-ils en dehors de l'enceinte d'une cité ?

Bien sûr, puisque je l'ai vu il y a plus de 30 ans, quand j'étais enfant, je pourrais confondre un peu.

La fille de Céthegus... en quel film était-ce ? J'ai parcouru Internet et votre site, mais je ne pouvais pas le trouver. Je n'ai non plus réussi à trouver des images de Brunhilde. Quelques autres apparaient avoir des cheveux plus clairs.

 
 
RÉPONSE :

La fille de Cethegus c'était dans Kampf Um Rom de Robert Siodmak (cliquez ICI et vous verrez les impressionnants murs de Rome (les deux dernières photos de cette page)). Je n'ai pas sous la main de photo de la jeune femme qui se fait tuer dans une bataille au milieu d'une rivière peu profonde (les fantassins ont de l'eau jusqu'au chevilles seulement). Faudrait vérifier sur DVD : je le ferai à l'occasion. Il y a de beaux mouvements de troupes là-dedans, et question date ça pourrait éventuellement correspondre...

Toutes sortes d'images me passent par la tête, mais il faut aussi, outre la femme brune, des murailles et une armées. Je me demandais aussi... Tundra, la méchante de La Corona di Ferro (A. Blasetti, 1941), qui est brune et meurt à la fin. Il y a de grandes architectures et une bataille finale. Mais le défilé des troupes ? Je ne suis pas sûr.
Votre phrase «Au final, un homme la regardait, et puis une armée descend autour d'elle et elle tombe morte très dramatiquement», à la réflexion, me fait songer à la fin du roman de Flaubert, Salammbô. La fille d'Hamilcar assiste au supplice de son amant Mathô, lynché et lapidé, à qui on arrache le cœur. Alors elle tombe raide morte. Mais la version des années '60, avec Jeanne Valérie et Jacques Sernas, finit par un happy end : Mathô le rebelle est pardonné et épouse Salammbô. A moins, bien sûr, que vous n'ayez vu la version muette de 1925, avec la grassouillette Jeanne de Balzac ! Il n'y a pas eu d'autres adaptations cinématographiques de ce roman si ce n'est deux courtes bandes italiennes en 1911 et 1914 de respectivement 384 m et 1.830 m que, personnellement, je n'ai jamais vues.

Je continue de réfléchir à votre problème, mais je crains que seul le hasard me mette un jour sur la piste. Je garde votre courriel en note.

(...)

Je viens de revoir Die Nibelungen d'Harald Reinl (en France : La vengeance de Siegfried), film allemand de 1966.
Ce film allemand est normalement en deux parties 1. Siegfried von Xanten et 2. Krimhild's Rache, mais il existe une version condensée pour l'exportation. Il passe pour avoir été le film le plus coûteux du cinéma allemand d'après-guerre et est, en fait, un remake couleur des Nibelungen de Fritz Lang (1924). (Désolé, si je possède une vingtaine de photos de ce film, aucune n'évoque cette scène précise.)

Ces Nibelungen me semblent assez bien correspondre à votre description. On y trouve souvent des images de murailles et de tours impressionnants (la ville de Worms, sur le Rhin) et des troupes de chevaliers en route.
Une femme aux cheveux brun-foncé, tout de noir habillée (sauf un voile blanc qui maintient sa coiffure) regarde non pas son amant, mais la tombe de celui-ci - en fait un gisant, une sculpture représentant le défunt mort. Deux plans plus loin, on la voit tombée à côté du tombeau : elle s'est poignardée... car maintenant sa vengeance est accomplie. Elle a fait tuer son amant infidèle, Siegfried. Quelques minutes plus tard, on voit l'armée des chevaliers Burgondes partir pour le camp d'Attila et défiler le long des murailles de Worms.

C'était une des premières idées qui m'étaient venues. La femme est Brunhilde, la reine d'Islande, fille de Wotan le roi des dieux. Dans ce film, elle porte souvent des vêtements noirs avec par-dessus une cape rouge; parfois aussi du violet foncé. Vous avez vu tout ça en noir & blanc à la TV. Je suis convaincu que c'est là le film que vous recherchez. Tenez-moi au courant, si vous en retrouvez une copie.

 
 
 
19 octobre 2007
L'ŒIL-QUI-VOIT-TOUT ET LES TAPIS VOLANTS... (LE VOLEUR DE BAGDAD)
Hélène a écrit :
En voyant votre site, je me suis dit que vous pouviez peut-être me permettre de retrouver un film que j'ai vu étant petite. Il s'agissait d'un conte genre «Mille et Une Nuits». Le roi donnera la main de sa fille à l'homme qui lui apportera le plus merveilleux cadeau. Il y a deux grands rivaux et ils veulent s'emparer de l'Œil-qui-voit-tout. Pour l'obtenir, je me souviens qu'il y avait un sentier étroit où ils devaient marcher et ne pas s'en éloigner sans quoi il y avait transformation en pierre, mais tout au long il y avait des tentations, Le «gentil» échoue en voyant sa belle sur le chemin, mais son fidèle serviteur, lui, va réussir à aller jusqu'au bout et pourra délivrer son maître. Par contre, le «méchant» prétendant va ensuite voler l'Œil, et il y a des duels sur tapis volant. Voilà les images qui me restent de ce film. Si vous le connaissez, pourriez vous m'en indiquer le titre pour que je puisse le revoir ?
 
 
RÉPONSE :

Décidément, il faudra qu'un jour je me décide à mettre en ligne les fiches des différentes versions du Voleur de Bagdad ! Comme ces versions se ressemblent évidemment beaucoup, j'aurais besoin de quelques précisions supplémentaires. Vers quelle année avez-vous vu ce film (à la TV, au cinéma ?); était-il en couleur ou en noir et blanc ?

L'idée du cadeau merveilleux (elle se retrouve dans toutes les versions, et pas seulement dans les contes inspirés des «Mille et Une Nuits», voyez ainsi - par exemple - Jason et les Argonautes) combinée avec l'antagonisme de deux rivaux est au centre d'Arabian Nights, un téléfilm Hallmark en deux épisodes de la fin des années '90. Dans le troisième et dernier conte, le héros a pour «rivaux» ses deux frères. Mais les trois finiront par réunir leurs forces pour sauver leur père menacé par un ennemi. L'Œil-qui-voit-tout est, en fait, un puissant télescope.
En revanche, le fait que ce soit le serviteur qui sauve la mise à son maître me fait songer au Voleur de Bagdad (prod. M.G.M., 1940), avec Sabu dans le rôle dudit serviteur. Et, bien sûr, il y est également question d'un Œil-qui-voit-tout.
Mais il y a aussi une bataille de tapis volants ? S'il y en a plusieurs - le l'ordre de... disons... toute une escadrille -, je pencherais en revanche pour Le Trésor de la Montagne Sacrée.
Quant à la pétrification, je l'associe surtout à la version 1960 du Voleur de Bagdad. L'épisode de Kadidja, une variante de Circé qui ne métamorphose plus les mâles en porcs, mais en statues de pierre !

 
 
 
HÉLÈNE RÉPOND :
Merci pour la réponse et voilà les précisions :
j'ai vu ce film à la télé entre 1988 et 1994, j'étais vraiment petite, je ne me rappelle donc pas exactement et pour le noir et blanc ou couleur, je ne saurais pas dire du tout;
je sais qu'il ne s'agit pas du film de 1940 car je l'ai déjà chez moi;
je ne pense pas qu'il y avait plusieurs épisodes;
le serviteur fidèle avait déjà un certain âge, plus âgé que le héros;
la pétrification est un élément certain du film, d'ailleurs le serviteur faillit aussi se faire prendre en voyant sur le bord du chemin étroit un coffre rempli de richesses, mais il veut absolument accomplir la mission et arrive à poursuivre sur le chemin sans se laisser tenter;
par contre je ne me souviens pas de la présence d'un génie.

Je suis désolée de n'avoir que ces quelques images qui me restent en tête, mais j'étais vraiment petite.

 
 
RÉPONSE :

Je conserve la conviction que vous avez dû voir une des nombreuses versions du Voleur de Bagdad. Mais laquelle ? Toutes ces versions ont un certain nombre de données en commun, ce qui me brouille les pistes. Ainsi le(s) tapis-volant(s), la rose ou le rosier, le génie de la lampe, ou encore l'Œil-qui-voit-tout. Ce dernier est présent dans les versions 1940 et 1978. Mais il est également question d'un œil mystique qui orne le front d'un Bouddha colossal (version 1924); et dans la version 1979, un œil similaire est nommé le «Miroir de la Lune».

Après mûr examen, et compte tenu des dates, j'inclinerais à penser que vous avez dû voir soit la version 1978 (Le voleur de Bagdad, Clive Donner), soit la version 1979 (Le Trésor de la Montagne Sacrée, Kevin Connor). L'ennui c'est que si j'ai pu revoir cet après-midi Le Trésor de la Montagne Sacrée, je suis fort désappointé de constater que je ne possédais pas de copie du Voleur de Bagdad de 1978, et que le pressbook japonais ne m'était d'aucune utilité, pas plus que le très succinct résumé au dos du folder espagnol.
Un magazine britannique que j'ai sous les yeux montre toutefois une photo de Roddy McDowall, le compagnon du prince Taj [Kabir Bedi], en extase devant des coffres débordants d'or, ce qui pourrait correspondre à une des scènes que vous me détaillez (la tentation du serviteur) (Le Voleur de Bagdad, 1978).

J'avoue que la pétrification me ramenait sans cesse au palais de Kadidja dans la version 1960, mais je vois qu'il y en a une aussi dans Le Trésor... de 1979 : le méchant génie se pétrifie incorporé à la falaise lorsque Khasim fracasse contre elle la bouteille d'où il était sorti.
En revanche, il n'y a pas la scène de la tentation. Le prince Hassan voyage avec deux compagnons : un enfant - le petit mendiant Majeed - et Khasim, un espion du méchant calife, plus âgé, qui les trahira.
Je vous conseille donc d'essayer de vous procurer ces deux films (1978, 1979) : vous verrez bien si l'un d'eux corrobore les images que vous avez en tête.

 
 
 
CONCLUSION D'HÉLÈNE (QUINZE JOURS PLUS TARD)
J'ai retrouvé le film, c'était celui de 1978 (Le Voleur de Bagdad, Clive Donner) ! Merci beaucoup pour vos indications. Ca m'a fait très plaisir de pouvoir le revoir.
 
 
 
29 octobre 2007

«CORNUDO !» (ROME HBO)

Il me revient une question posée jadis sur le Forum Rome (HBO) de Katheryne Oz : quid du geste que fait avec les doigts Vorena-l'Aînée, à la fin du cinquième épisode de la Seconde Saison.

Bleutn a écrit :
J'aimerais savoir si vous savez ce que représente le signe que fait la fille aînée de Lucius dans son dos, tout à la fin de l'épisode 5 de la Saison 2 ? Voilà, c'est peut-être débile ma question car ça ne veut peut-être rien dire, mais bon je sais vraiment pas et comme j'aime bien tout comprendre dans les séries que je regarde ça me tracasse...
 
 
RÉPONSE :

A la fin du cinquième épisode de la Saison 2, Vorena l'Aînée, contrainte de retourner habiter chez son père qu'elle hait à cause de sa brutalité, fait dans son dos le symbole des cornes : elle replie tous ses doigts sauf l'index et l'auriculaire qu'elle tend vers l'avant. Dans l'épisode suivant, Servilia - que l'on a précédemment vu se livrer à un envoûtement, une defixio contre César - fera le même signe devant la maison d'Atia, où elle vient de passer des heures pénibles... Les cornes avec les doigts, c'est un geste de conjuration, très courant en Italie de nos jours. Je ne sais pas si ce geste avait cours dans l'Antiquité romaine, car les cornes évoquent, bien entendu, le diable - lequel était inconnu des croyances romaines, avant le christianisme. Dans le paganisme, les cornes évoquent plutôt la force et la virilité. Celui-ci ou un autre équivalent avait cours dans l'Antiquité. Ce signe était la réplique que l'on opposait au mauvais œil, que les Italiens nomment jettatura («sort jeté»), l'alexiana des Grecs, le fascinum des Romains. Il s'agit de l'art de jeter une malédiction sur quelqu'un dont on souhaite la perte, et ceci peut se faire tant par le regard ou la parole que par le toucher.

rome (hbo) - servilia

Dans Rome (HBO), non seulement Vorena-l'Ainée à la fin du cinquième épisode de la Saison 2, mais également Servilia dans l'épisode sept font le signe des cornes. Normalement, c'est un signe prophylactique, mais dans la série télévisée sa valeur est bizarrement inversée : son fils Brutus est mort à la bataille de Philippes, aussi Servilia inconsolable voue Atia aux dieux infernaux, fait le signe des cornes puis se suicide devant la maison de son ennemie.
Toutefois ce n'est pas là la fonction normale des doigts en cornes. En Italie, note Julien Tondriau, on combat la jettatura en lui faisant des cornes ou en portant en talisman une branche de corail rouge bifide. «On lui a attribué [au corail] la vertu d'éviter le mauvais œil, de préserver de la foudre, d'arrêter le sang. En Italie, on le porte souvent en corne comme talisman ou pour protéger la virilité»
(1).

Dans le roman de Théophile Gautier Jettatura (2) (1856) - qui se passe en partie dans les ruines de Pompéi - le comte Altavilla tente de protéger contre un mauvais sort une jeune touriste anglaise, Miss Ward, en lui faisant envoyer comme talisman les cornes d'un animal. «Cette croyance remonte à la plus haute antiquité - affirme le comte. Il y est fait allusion dans la Bible. Virgile en parle d'un ton convaincu; les amulettes de bronze trouvées à Pompéi, à Herculanum, à Stabies, les signes préservatifs dessinés sur les murs des maisons déblayées, montrent combien cette superstition était jadis répandue (Altavilla souligna le mot superstition avec une intention maligne). L'Orient tout entier y ajoute foi encore aujourd'hui. Des mains rouges ou vertes sont appliquées de chaque côté de l'une des maisons mauresques pour détourner la mauvaise influence.» Et Gautier d'ajouter : «De même que le paratonnerre avec sa pointe soutire la foudre, ainsi les pitons aigus de ces cornes sur lesquelles se fixe le regard du jettatore détournent le fluide malfaisant et le dépouillent de sa dangereuse électricité. Les doigts tendus en avant et les amulettes de corail rendent le même service. (...) Deux doigts suffisent, milord, dit Altavilla en faisant prendre à la main du commodore la position voulue. Le plus ordinairement la jettatura est involontaire; elle s'exerce à l'insu de ceux qui possèdent ce don fatal, et souvent même, lorsque les jettatori arrivent à la conscience de leur funeste pouvoir, ils en déplorent les effets plus que personne; il faut donc les éviter et non les maltraiter. D'ailleurs, avec les cornes, les doigts en pointe, les branches de corail bifurquées, on peut neutraliser ou du moins atténuer leur influence.»

Nous abordons ici une problématique border-line, qui se situe aux confins du paganisme et du christianisme. A priori, faire des cornes avec les doigts serait un signe de malédiction, qui voue au démon cornu Satan-Lucifer celui qu'ainsi l'on désigne. La moindre des choses étant, par représailles, que celui que l'on vise, le cornudo, porte au front les cornes du cocu, sinon celles du diable. Dans sa BD Le Cheval de Troie, Jacques «Alix» Martin montre qu'une cuisse de bouc, découpée, sanguinolente, jetée parmi l'assistance, trouble la sainteté des Jeux olympiques. Les prêtres de Zeus parlent, horrifiés, du démon, du diable ! Mais le daimon grec - équivalent du genius latin - n'est qu'une divinité mineure sans commune mesure aucune avec le «diable», lequel n'existe pas dans la religion grecque. Martin aurait-il, par inadvertance, projeté un fantasme chrétien dans l'Antiquité grecque ? A priori : oui. Il a clairement mélangé deux choses qui n'avaient rien à voir entre elles : Pan, le dieu-bouc, le dieu pastoral des forces génésiques de la Nature n'a rien à voir avec le bouc Lucifer, même si de fait - dans la croyance chrétienne - Lucifer a tout repompé de Pan, sans doute à cause de son caractère hautement sexuel. Le christianisme a systématiquement «diabolisé» les divinités du paganisme inassimilables; et sa mauvaise conscience transparaît dans le fait même que le nom de l'ange déchu - que la démonologie médiévale a rebaptisé «le bouc Léonard» - signifiait, en fait, «Le porteur de Lumière» (lucem ferro).
Assurément, le raisonnement de J. Martin aurait mieux fonctionné dans «Jhen», sa série médiévale relative à Gilles de Rais; mais dans «Alix» il est hors de propos.

Lorsque sur le pas de tir, vous brandissez votre arme de poing - pistolet ou revolver - le canon prolonge votre main, et votre volonté. Plus simplement : enfant, dans la cour de récréation, votre index tendu prolongeant et votre bras, et votre esprit, sublimait un imaginaire Colt 45 ou 357 Magnum (c'est selon, question de génération n'est-ce pas ?) ! Le(s) doigt(s) tendu(s) a (ont) un pouvoir magique; ils nous projettent à travers l'espace, vers l'objet visé, vers la cible désignée. Ce n'est pas «beau» de montrer du doigt ? Certes, mais...
Donc, les doigts ont un pouvoir magique. En chiromancie, ils représentent respectivement Hercule (le pouce), Jupiter (l'index), Saturne (le médius), Apollon (l'annulaire) et Mercure (l'auriculaire).

Dans la mythologie grecque, on appelle Dactyles cinq (voire dix avec leurs parèdres féminines [3]) ou même cent daimones magiciens-forgerons. En fait, les Dactyles se confondent avec les Curètes de l'île de Crète, ces daimones guerriers qui couvraient de leurs cris et du fracas de leurs armes entrechoquées les vagissements de Zeus nouveau-né. Les Dactyles ont été enfantés soit par Rhéa, soit par Anchialé - une nymphe du mont Ida, la principale montagne au centre de la Crète -, et doivent leur nom au fait qu'en les mettant au monde, leur mère se soulagea des douleurs de l'enfantement en enfonçant ses doigts (daktuloï) dans le sol.
En Crète, on nomme les trois principaux Cyllénios (le pouce), Dascylos (l'index) et Titias (le médius) (AP. RH., Argon., I, 509 et 1129-1130), ou encore Acmon, Damneménée et Celmis. Ils sont reliés au culte de la Titanide Rhéa, que son frère-époux Cronos-Saturne rendit mère de Zeus, Poséidon, Hadès, Héra, Déméter et Hestia, les six grands dieux de l'Olympe. A l'époque romaine, Rhéa sera confondue avec Cybèle, autre «Mère des Dieux».
Toutefois Celmis - le troisième doigt, le médius ou digita impudica - offensa Rhéa et fut changé par Zeus en adamas, mot latin qui signifie «matière que le travail ne peut assouplir» et que l'on traduit tantôt par «diamant», tantôt par «acier» sans doute parce que les Dactyles sont censés être des forgerons (Schol. AP. RH., I, 1129; OVIDE, Métam., IV, 282). On peut éventuellement rapprocher ce mythe de celui d'Héra, jalouse d'Aphrodite - la plus belle des déesses - enceinte de Dionysos. Héra toucha du doigt le ventre d'Aphrodite, et celle-ci mit au monde Priape, un nain au sexe disproportionné à sa taille et en perpétuelle érection.
La réunion des trois principaux doigts (pouce, index, médius), les deux autres étant repliés, s'appelait «la bénédiction phrygienne» et participait au culte de Cybèle; selon Robert Graves, Les mythes grecs, il fut récupéré par le catholicisme comme symbole de la trinité.

Fondateurs de mystères, les Dactyles sont également vénérés en Elide, à Olympie. Ils passent en effet pour avoir créés les Jeux olympiques - à l'origine, une simple course à pied - afin de divertir l'enfant Zeus (PAUS., V [Elide], 7. 4), quoique selon une autre version, également rapportée par Pausanias, c'est Zeus lui-même qui disputa à Cronos la possession de l'Elide (4). En Elide, les Dactyles sont nommés Héraclès (le pouce, symbole de virilité, qui a ramené l'olivier du pays des Hyperboréens) - Pæonnæos (l'index, c'est-à-dire Zeus, le vainqueur de la course) - Epimédès (le médius ou doigt du fou, c'est-à-dire Cronos, le perdant de la course) - Iasios (l'annulaire ou doigt médecin, c'est-à-dire Apollon) - et Idas (ou Acésidas) (l'auriculaire ou doigt magique, c'est-à-dire Hermès).


NOTES :

(1) J. TONDRIAU, L'occultisme, Verviers, Gérard, coll. «Marabout Université», n­ MU 38, 1964, s.v. «Corail» et «Jetteur de sort». - Retour texte

(2) Robert Bloch est également auteur d'une nouvelle intitulée «Jettatura» («Double whammy», 1970), in R. BLOCH, Contes de terreur, Opta, coll. «Aventures fantastiques», 1974; rééd. Presses Pocket, coll. «Terreur», n­ 9126, 1994. - Retour texte

(3) «Les Dactyles mâles étaient forgerons et ils découvrirent le fer pour la première fois dans le mont Bérécynthe tout proche [de l'Ida]; leurs sœurs se fixèrent à Samothrace où elles suscitaient l'émerveillement de tous par leurs sortilèges; elles enseignèrent à Orphée les Mystères de la Déesse : leur nom est secret et n'est divulgué à personne» (R. GRAVES, Les mythes grecs, Fayard, 1967, p. 153 (53.a). - Retour texte

(4) Les mythes relatifs aux Dactyles sont pré-olympiens et remontent probablement aux Pélasges. Dans la mythologie «olympienne», Zeus est le fils de Cronos; mais les Jeux olympiques, quoique dédiés à Zeus, ont lieu au pied du mont Cronion («la montagne de Cronos»). - Retour texte