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Le Pharaon

(Jerzy Kawalerowicz, Pologne - 1965)

(page 2/2)

 

La fin des Ramessides
 

Page oréédente :

I. Le film de Kawalerowicz

1. Les femmes, patries charnelles...
2. Palette chromatique
3. Un érotisme diffus
4. Anachronismes

Sur cette page :

II. Le roman de Prus

5. A la recherche d'une civilisation disparue
6. Dans le labyrinthe
7. Une parabole politique
8. Bolesalw Prus (1847-1912)

III. Fiche technique

IV. Scénario

V. Critiques

VI. Le réalisateur : Jerzy Kawalerowicz

VII. Filmographie de J. Kawalerowicz

 
II. Le roman de Prus

5. A la recherche d'une civilisation disparue

 
 
En cette trente-troisième année du règne heureux de Ramsès XII, l'Egypte célébra deux fêtes qui emplirent ses habitants de fierté et d'allégresse.
Au mois de Mehir, c'est-à-dire en décembre, l'effigie du dieu Chons était rentrée à Thèbes, couverte de riches présents. Cette statue sacrée avait parcouru, durant trois ans et neuf mois, tout le pays de Buchten. Elle y avait guéri la fille du roi, Bent-Res, et chassé les mauvais esprits non seulement de la famille royale, mais aussi de la forteresse de Buchten. Au mois de Farmuti, qui correspond à février, le maître de la Haute et de la Basse Egypte, seigneur de Phénicie et de neuf autres pays, Mer-Amen Ramsès XII, après avoir consulté les dieux dont il est l'égal, avait désigné comme erpatrès, c'est-à-dire héritier du trône, son fils Cham-Semmerer-Amen-Ramsès.
Ainsi commence le roman de Boleslaw Prus, Le Pharaon (1895), porté à l'écran par son compatriote Jerzy Kawalerowicz en 1965. Le Pharaon racontait les démêlés d'un roi d'Egypte plus ou moins imaginaire (Ramsès XIII n'a jamais existé, et pas davantage son père Ramsès XII), dont les réformes sociales furent anéanties par le clergé d'Amon conduit par le grand-prêtre Hérihor, personnage historique quant à lui. Remettons les choses en perspective. C'est l'Expédition de Bonaparte en Egypte (1798-1801[1]) qui révéla et fonda la science égyptologique avec la publication de la monumentale Description de l'Egypte (1809), en dix volumes (2), sous la supervision de C.L.F. Panckoucke. Cette somme avait été précédée dès 1802 par le Voyage dans la haute et basse Egypte de Vivant Denon, qui - protégé du général Bonaparte (2a) - avait lui aussi participé à l'expédition, mais fit bande-à-part au niveau de la publication. Le livre connut un succès considérable et fut réédité une quarantaine de fois.

Ces ouvrages de référence allaient bientôt être suivis, notamment, par le Voyage en Egypte et en Nubie et lieux circonvoisins depuis 1805 jusqu'en 1828, de Jean-Jacques Rifaud (3), l'Egypte, Nubie, Palestine et Syrie de Maxime Du Camp (4) et de l'Histoire de l'art égyptien de Prisse d'Avennes (5). Toutefois, si dès 1822 J.-Fr. Champollion entrevit le fonctionnement du système hiéroglyphique (Précis du système hiéroglyphique des anciens Egyptiens, 1824), il faudra attendre 1841 - soit neuf ans après sa mort - pour voir paraître sous la plume de son frère, M. Champollion-Figéac, un Dictionnaire égyptien en écriture hiéroglyphique.

La découverte des monuments égyptiens avait certes suscité l'enthousiasme. Mais lorsqu'en 1895 Boleslaw Prus publia son roman, encore en plein défrichement, notre connaissance de la civilisation pharaonique n'était pas très avancée, malgré les travaux éminents du fouilleur d'Abydos, Saqqarah et Tanis, Auguste Mariette (6) - qui dirigea les Antiquités égyptiennes de 1857 à 1881 - et de son successeur Maspero (7), qui les dirigea de 1881 à 1886, le découvreur des Textes des Pyramides et de la fameuse cache des momies royales de Deir el-Bahari ! Pour le public, l'Egypte restait une crépusculaire terre de mystère et de magie, celle du Roman de la Momie (8), qui n'attendait plus que se missent devant leur écritoire des romanciers comme l'anglo-australien Guy Boothby (Pharos l'Egyptien, 1898 [9]) et l'irlandais Bram «Dracula» Stoker (Le joyau des Sept étoiles, 1904), archétypes du retour de la momie ressuscitée !

6. Dans le labyrinthe

Avant Bonaparte, nos idées sur l'Egypte étaient totalement redevables des sources grecques classiques - Hérodote, Diodore de Sicile, Plutarque, Apulée, Héliodore etc., échos déformés d'une antiquité alors déjà révolue (10) mais qui devait fortement imprégner le discours maçonnique (11). En effet, au XVIIIe s., les Francs-Maçons pensaient pouvoir faire remonter leur doctrine ésotérique aux pharaons et parlaient de «Rite Egyptien», de «Rite de Misraïm» (12) et de «Rite de Memphis». Savant traducteur de Diodore de Sicile, l'abbé Jean Terrasson :. - comme le rappelait un intervenant au cours du débat (13) animé à l'été 1980 par Alain Jérôme - publia anonymement un curieux roman maçonnique, Sethos (1731[14]), largement inspiré de ces sources classiques. L'auteur imaginait l'existence de souterrains énormes sous les pyramides, un Labyrinthe où l'on initiait les futurs chefs de l'Egypte. Après avoir voyagé dans toute l'Afrique, le prince-législateur Sethos s'y retirait, devenu vieux. Tous les éléments du rituel maçonnique décrit dans l'initiation de Sethos allaient se retrouver dans La flûte enchantée (1791) de Mozart, qui était frère maçon de haut grade. Le livret était du reste signé par un ex-maçon, Johann Emanuel Schikaneder. Les références maçonniques de La flûte enchantée (décors égyptiens, palmeraies, pyramides, hymne à Isis et Osiris) ont été analysés par Jacques Chailley dans une étude très documentée (15). La description du labyrinthe sous la Grande Pyramide devint un moment obligé de tout ouvrage sur l'Egypte. Voici moins d'un demi-siècle, un ancien baryton reconverti dans le Neuvième Art, Edgar P. Jacobs en tirait encore l'argument central de ce classique de la BD franco-belge qu'est devenu Le Mystère de la Grande Pyramide (Blake & Mortimer).
Vers la fin de ce XVIIIe s. de tous les fantasmes - alors que le consul Bonaparte s'embarquait pour l'Egypte -, un certain Etienne-François de Lantier, chevalier de St-Louis, publiait en Belgique des Voyages d'Anténor en Grèce et en Asie, avec notions sur l'Egypte (16), prétendu roman grec trouvé pendant les fouilles à Herculanum. Les intentions parodiques y étaient évidentes. Deux chapitres étaient consacrés aux Mystères égyptiens dans le Labyrinthe sous les pyramides, transcription evhémériste du mythe d'Orphée aux Enfers.

7. Une parabole politique

Prépublié en feuilleton la même année que Quo Vadis ? (17), le roman de Boleslaw Prus usait de ce même expédient qui servit si bien à ce bon M. de la Fontaine fabulant un Royaume d'animaux pour faire passer la critique sociale et politique. A travers la décadence de l'Empire égyptien, naguère si puissant, Prus visait les oppresseurs du peuple polonais. Financièrement exsangue, l'Egypte est un colosse aux pieds d'argile, proie d'un clergé avide et aux ordres de l'ennemi assyrien. Le roi d'Assyrie, Assar, qui veut établir sa mainmise sur la riche Phénicie, vassale de l'Egypte... est prêt, en échange, à lui abandonner la désertique Israël (18). Un jeune pharaon aussi impulsif que patriote pourra-t-il rallier l'armée et faire le ménage ? Boleslaw Prus se garde bien de tomber dans le manichéisme simpliste. Si les caisses de Pharaon sont vides, celles des prêtres ne le sont certes pas ! Mais les prêtres d'Amon pratiquent la realpolitik : s'avouant d'avance vaincus, ils veulent éviter une guerre avec le puissant voisin assyrien - guerre dont l'issue, à l'évidence, risque d'être catastrophique pour le pays du Nil. Lâcheté ou sagesse ? Rien n'est sûr. De son côté, l'impulsif jeune prince Ramsès, qui vit dans la nostalgie des glorieux aïeux dont il porte le nom, est loin d'être exempt de tout reproche, même si les prêtres malveillants en ont quelque peu rajouté (comme on l'a vu plus haut, à propos d'Hébron). «Mon Fils, il te reste à apprendre à te maîtriser : tu te laisses emporter; tu ne penses ni au bien de l'Etat, ni à l'édification des canaux, ni à la vie de tes serviteurs. Tu ne penses qu'à l'humiliation que tu crois avoir subie. Il importe que tu sois équitable. Tu ne seras jamais un chef si tu ne sais pas être impartial», dit le vieux roi Ramsès XII à son fils (19).

Le Pharaon est un patchwork d'éléments rapportés de la XVIIIe Dyn. sur la fin de la XXe, qui peuvent passer pour un bon reflet historique de la décadence des derniers Ramessides. Une transposition dans le cadre socio-économique de l'Egypte ancienne décadente, en s'inspirant de personnages réels (Hérihor), ou «brodant» sur d'autres. Notre «Ramsès XIII» doit beaucoup au pharaon hérétique et révolutionnaire Aménophis IV Akhénaton, à l'exclusion toutefois de son volet mystique, le monothéisme atonien (20). Une stèle amarnienne érigée par Akhénaton justifiait l'abaissement du clergé d'Amon par son inqualifiable conduite vis-à-vis de ses prédécesseurs Thoutmôsis III, Aménophis II, Thoutmôsis IV et son propre père Aménophis III (21). Reste que tout comme Akhénaton - l'ennemi du clergé d'Amon - avait été renversé par un prêtre-militaire, Horemheb, «Ramsès XIII» sera, lui, évincé par un autre militaire-prêtre, Hérihor (22. Mais au contraire du pacifiste Akhénaton (1370-1352) - qui laissa les barbares Habiru et Soutou s'emparer de Jérusalem, et son allié phénicien, le roi Ribaddi de Byblos, se faire massacrer par le roi de Damas Aziru - notre «Ramsès-le-Treizième» est plutôt décidé à user de la force militaire pour restaurer le prestige perdu de l'Empire égyptien. Le Ramsès XIII de Prus et Kawalerowicz s'inscrirait donc plutôt comme un double en négatif d'Akhénaton !

Essayons de décrypter la fable politique polonaise composée par Prus sur la base de ces données égyptologiques. Encore jeune lycéen, Alexander Glowacki (Boleslaw Prus est un pseudonyme) avait participé à la révolte anti-russe de 1861-1864 (de l'autre côté de l'Atlantique, ces dates correspondent à la Guerre de Sécession), avait été blessé en 1863, arrêté et jeté en prison. Cela faisait alors trois quarts de siècle que - victime de ses dissensions et de la rapacité de ses nobles féodaux - la Pologne, réduite à peau de chagrin, gémissait sous le poids de l'occupation étrangère. C'est à l'appel de nobles polonais mécontents de la Constitution de 1791 instituant la monarchie héréditaire et d'autres mesures populaires, que Russes, Prussiens et Autrichiens avaient occupé le pays, en retranchant de larges portions. Un premier partage avait eu lieu en 1772; de nouvelles amputations furent pratiquées onze ans plus tard, à l'occasion d'un second partage en 1793, bientôt suivi d'un troisième en 1795. Ce qui en subsista devint après la défaite napoléonienne, en 1815, un royaume satellite de l'Empire de Russie, avant d'être définitivement mis sous le joug en 1830.
En 1832, l'armée polonaise fut dissoute (23), des étudiants déportés, l'église catholique persécutée. La Pologne perdit jusqu'au soutient du très conservateur pape Grégoire XVI, lequel - soucieux de ne pas s'aliéner une grande puissance - condamna sa résistance au tsar Nicolas Ier (bref aux évêques polonais Superiori anno du 9 juin 1832 [24]).

pharaon revolte

N'en pouvant plus de misère, le peuple se révolte contre la tyrannie des prêtres

Après 1864, ce qui restait de gouvernement national fut supprimé, le polonais aboli comme langue officielle, l'enseignement et la justice russifiés et l'Eglise catholique exposée à de nouvelles brimades. Telle était la situation de la Pologne lorsque Prus composa Le Pharaon, qui à vrai dire est moins un roman historique qu'un traité politique ou sociologique romancé. Tant pour Sienkiewicz que pour Prus, l'histoire n'était qu'un prétexte; dans le cas du premier, pour «réconforter les Polonais» réduits à l'esclavage, dans le cas du second, pour conduire une analyse sociologique.
Dans cette optique, trouver dans Pharaon des allusions à la situation polonaise n'est pas vraiment pertinent. En réalité, Prus n'était pas tant préoccupé par les causes de la chute de la Pologne au XVIIIe s. que par le problème de la chute d'un Etat qui avait atteint un certain niveau de civilisation. Pourquoi les grandes civilisations égyptienne, assyrienne ou babylonienne (et polonaise) s'étaient-elles écroulées ? C'était cette question épistémologique qui taraudait Prus le positiviste. Avec la banqueroute de toutes les «religions», l'angoisse de la fin des civilisations était caractéristique de toutes les philosophies occidentales de la fin du XIXe s.
Il est bon de s'en souvenir, même s'il est assez séduisant de deviner un pape «félon» derrière le masque de l'archiprêtre d'Amon, Hérihor.

8. Boleslaw Prus (1847-1912) (25)

Né dans un domaine terrien de Hrubieszów, Alexander Glowacki, alias Boleslaw Prus, est considéré comme un fondateur du roman polonais moderne. Dans ses articles et histoires courtes, il dénonce les préjugés de classe de la société polonaise, encourageant l'édification d'une société sobre, solidaire et travailleuse. La plupart de ses romans appartiennent au genre «réaliste». Dans L'Avant-Poste (1886), un paysan lutte pour conserver ses terres, tandis que La Poupée (1887-1889), son œuvre la plus affinée, brosse un portrait de la classe moyenne à Varsovie. A notre connaissance, Le Pharaon (1897) est son unique roman «historique».

Ecrivain positiviste «atypique» - il avait fait des études de maths-physique à l'Ecole Centrale de Varsovie -, Prus était fasciné par les sciences exactes et méprisait, en quelque sorte, la littérature qui n'était pour lui qu'un simple gagne-pain. L'auteur du Pharaon a, en effet, subordonné toute sa création littéraire «aux intérêts et aux besoins» de la société (polonaise...), cherchant les causes de sa décomposition qui a finalement abouti aux partages. Dans ses analyses, il s'inspirait de la philosophie de Spencer selon laquelle la condition du développement harmonieux de la société résidait dans la solidarité et la collaboration des différentes couches (classes) sociales (cf. le concept des positivistes polonais de praca organiczna - «travail organique» qui reprend la métaphore de la société associée à un «organisme»). L'absence de cette harmonie est à l'origine des conflits, la société perd ainsi toute chance d'évolution favorable et va à sa perte. Dans le cas de la société polonaise, le manque d'harmonie entre «les forces et les aspirations», ainsi que «l'absence de solidarité» sont les causes (parmi d'autres...) de sa chute. Il s'agit donc ici d'une démonstration sociologique basée sur les relations entre le développement d'une société, son niveau de connaissances (cf. le concept positiviste de praca u podstaw - «travail à partir de la base», autrement dit relèvement intellectuel d'une société et, dans le roman, la critique de l'obscurantisme du peuple et apologie du savoir des prêtres) et même sa situation géographique (influence naturaliste très vive chez Prus). Le condescendant Hérihor sait à quoi s'en tenir quant à ses compatriotes : «Il y va de nos temples, de nos maisons, de nos champs, de la vie de six millions d'hommes et de femmes, stupides il est vrai, mais innocents ! (26) Ramsès XIII, bluffé par l'éclipse solaire dont la prévision par les prêtres avait permis le retournement de la populace ignorante, «comprenait maintenant que les prêtres disposaient de forces dont il n'avait pas tenu compte. Ces savants qui observaient le mouvement des astres, il appréciait maintenant leur science, cette science qui pouvait changer le cours d'événements aussi graves que ceux qui se déroulaient en ce moment.» Quant à Pentuer, le plus social des prêtres, loyal à pharaon parce qu'opposé à la misère du peuple, il admet que chacun doit garder sa place dans la société. «Il n'est accordé qu'à très peu d'hommes d'avoir ta sagesse, déclare-t-il à l'astronome Ménès, car si les paysans passaient leur temps à observer les étoiles et si les soldats s'occupaient de géométrie, tous nous mourrions de faim !» (27).

Le roman analyse donc «la maladie de l'organisme» (société) dont les différentes composantes (pharaon, clergé, aristocrates, paysannerie...) ne fonctionnent pas «harmonieusement». La lutte pour le pouvoir, thème principal du roman, se joue sur le fond de ces conflits de classe dans lequel la situation misérable du paysan est mise en exergue - encore une préoccupation «sociale» de Prus.

L'œuvre de Prus, «dont la plus grande partie décrit le monde contemporain, est imprégnée de morale et de préoccupations sociales; Prus voulait transformer en une démocratie un pays encore féodal», écrira Gilles Nélod (28), qui ajoute : «Sous le couvert d'une Egypte antique destinée à égarer les soupçons de la censure, [Prus développait] le thème du progrès inéluctable. (...) Le problème éternel qui y est évoqué réside dans le conflit de l'individu et du groupe, de l'idéal et de la réalité.» Ramsès XIII échoue dans sa tentative d'imposer des réformes, sortir le peuple de sa superstition, restaurer l'armée et l'intégrité du territoire. Abandonné par ses partisans, il est assassiné, mais «Hérihor, qui lui succède, devra appliquer les réformes, car on ne se soustrait pas au rythme de l'évolution.»

pharaon
 

III. Fiche technique

Pharaon (Le)
Pharaon (Le) [FR]
Pharaon (Le) [BE]
Pologne, 1965
t.o.Farao
Faraone (Il) [IT]
Pharao [AL]

Prod. : «Kadr» Film Unit - Film Polski / Eastmancolor / Dyaliscope / 15.672 pieds - 4.778 m / 174' (29) (DVD : 144')

Fiche technique
Réal. : Jerzy Kawalerowicz; Scén. : Tadeusz Konwicki & Jerzy Kawalerowicz (d'après le roman de Boleslaw Prus, Pharaon, 1895); Images : Jerzy Wójcik; Mont. : Wieslawa Otocka; Prod. Designer : Jerzy Skrzepinski. - Set Decoration : Romuald Korczak, Franciszek Trzaskowski, Albin Wejman. - Costume Design : Maria Czekalska, Andrzej Majewski, Barbara Ptak, Lidia Rzeszewska. - Makeup Department : Miroslaw Jakubowski (assistant makeup artist), Irena Kosecka (assistant makeup artist), Jan Plazewski (assistant makeup artist), Teresa Tomaszewska (makeup artist). - Production Management : Ludwik Hager (production manager). - Second Unit Director or Assistant Director : Henryk Bielski (assistant director), Andrzej Czekalski (assistant director), Andrzej Herman (assistant director), Urszula Orczykowska (assistant director), Mieczyslaw Waskowski (assistant director), Marian Wróblewski (assistant director). - Art Department : Longin Dobrzynski (assistant production designer), Jan Hawrylkiewicz (assistant production designer), Wojciech Krysztofiak (assistant production designer), Jerzy Oles (assistant production designer), Czeslaw Piaskowski (assistant production designer), Wieslaw Sniadecki (assistant production designer). - Sound Department : Henryk Klimczak (sound assistant), Stanislaw Piotrowski (sound), Janusz Rosól (sound assistant). - Divers : Chadi Abdel Salam [Shadi Abdelsalam] (consultant), Tadeusz Dobrzanski (conductor), Eugeniusz Gawrysiak (assistant camera), Czeslaw Grabowski (assistant camera), Aleksy Krywsza (assistant camera), Kazimierz Michalowski (consultant), Arkadiusz Orlowski (production assistant), Alojzy Puk (production assistant), Aurelia Rut (assistant editor), Witold Sobocinski (camera operator), Jacek Stachlewski (assistant camera), Jerzy Wlodarczyk (production assistant), Zygmunt Wójcik (production assistant), Wieslaw Zdort (assistant camera); Musique : Adam Walacinski.

Fiche artistique
George [Jerzy] Zelnik (Ramsès XIII & Lycon [Lydias]) - Barbara Bryl [Barbara Brylska] (Kama) - Krystyna Mikolajewska (Sarah) - Ewa Krzyzewska (Hébron) - Piotr Pawlowski [Pawloski] (Herhor [Hérihor], grand-prêtre d'Amon) - Leszek Herdegen (prophète Pentuer) - Stanislaw Milski (archiprêtre Mephrès) - Kazimierz Opalinski (Béroès, prophète chaldéen) - Mieczyslaw Voit (Sementou [Samentu], prêtre de Seth) - Alfred Lodzinski (Hiram, prince phénicien) - Wieslawa Mazurkiewicz (reine-mère Nikotris [29a]) - Andrzej Girtler (Ramsès XII) - Jerty [Emir] Buczacki (Thoutmôsis) - Jozef Czerniawski (Mentesouphis [Mentesufis], prêtre) - Edward Raczkowski (Dagon, marchand phénicien) - Ryszard Ronczewski (Eunane [29b]) - Leonard Andrzejewski (Téhenna, commandant des mercenaires lybiens) - Jerzy Block [Jerzy Blok] (fellah du canal) - Bohdan Janiszewski (prêtre) - Wiktor Grotowicz (Nitager, général égyptien) - Jaroslaw Skulski (Sargon, ambassadeur assyrien) - Marian Nosek (Rabsun) - Alina Borkowski (danseuse).

Distribution
PL/ Film Polsk
Int/ Atlas Filmverleih G.m.b.H. (Duisburg)
FR/ Festival de Cannes 1966. Puis : S.N.C.
Sorti une première fois en France à l'occasion du Festival de Cannes, Pharaon devra attendre 1978-1979 pour connaître une diffusion normale en France et en Belgique
BE/ Toekan Film (Courtrai). Sortie à Bruxelles, 29 janvier 1979.
Reprise chez Progrès-Film (Bruxelles)

Notes
Extérieurs filmés dans le désert de Kisil-Kim, à 32 km de Boukhara en Ouzbekistan (juin-octobre 1964) et en Egypte (Temple d'Amon à Karnak, pyramides de Gizeh et Vallée des Rois). Studios Lodz (Pologne). Plus de 2.000 figurants (soldats russes), selon la presse.

En compétition au XXe Festival de Cannes (1966) et nominé l'année suivante pour l'Oscar du meilleur film étranger (1967). Prix des lecteurs de la revue Film.

Vidéographie
DVD : Pharaon, Metropolitan Film & Video - Seven 7 éd.
DVD 9 - Zone 2 - PAL. Format image : 2.35 - 16/9 compatible 4/3, couleur. Version entièrement restaurée (P 2004). Durée : 144'.
Langue française (1.0 mono) et polonaise (5.1 Dolby Digital - sous-titres français).
- Chapitrage.
- Bonus : Supplément inédit - Le débat des Dossiers de l'écran (70') (Antenne 2, été 1980) : «Le Trésor des Pyramides» d'Armand Jammot, Anne Marie Lamory et Guy Darbois; réalisateur, Jacques Gérard Cornu.
Alain Jérôme aborde avec ses prestigieux invités les grands thèmes de l'Égypte antique. Invités : Kazimierz Michalowski (égyptologue polonais, consultant du film - Académie polonaise des sciences, directeur du Centre d'archéologie méditerranéenne [Varsovie-Le Caire]), Mme Zakeya Topozada (maître-assistant d'histoire pharaonique à la Faculté des lettres de l'Université d'Ain Shams), Dr Ramadan El Sayed (prof. adjoint d'histoire pharaonique à la Faculté des lettres de l'Université du Minia), François Daumas (prof. à l'Univ. de Montpellier) et Jean Yoyotte (dir. d'études à l'E.P.H.E.).

Le film est présenté dans une version 144', c'est-à-dire plus longue de 11' par rapport à la version initialement diffusée dans les salles, en France. Les séquences réintégrées sont donc en version originale sous-titrée, le doublage en français n'ayant jamais été fait.
Le support film ayant subi les aléas du temps, Seven Sept décida d'investir dans une restauration d'envergure tant au niveau du son que de l'image : élimination des rayures verticales, des poinçons, des éclats de gélatine, des collures et des taches.
Ce travail fut réalisé par la société Vectracom, spécialisée dans la restauration d'images d'archives, qui pour la circonstance inaugura sa nouvelle machine «Archangel», qui fit des miracles tout en respectant un étalonnage d'origine de grande qualité. Parmi les bonus du DVD il y a un court reportage sur ce procédé.

Bibliographie
Boleslaw Prus [= Alexander Glowacki], Le Pharaon (trad. Jean Nittman), Bibliothèque Marabout, coll. «Géant», nŽ G 96, 1959 (rééd. dans les années '60 avec couv. d'après le film); rééd. Olivier Orban, 1983 et L'Atalante, 1998.
Unique roman historique (?) de Prus, Le Pharaon a été d'abord publié en feuilleton dans la revue Tygodnik powszechny, entre 1895 et 1896; la première édition en librairie en 1897.

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IV. Scénario

(Fin de la XXe Dyn. [1085 av. n.E.])
Au cours d'un exercice militaire dans le Delta du Nil, le jeune prince Ramsès doit dérouter son armée à cause de deux scarabées sacrés en travers du chemin. Sur ce chapitre, les prêtres d'Amon qui l'accompagnent sont intrasigeants. Ils sont conduits par Hérihor, le conseiller royal. Pour pouvoir passer, l'armée doit combler un canal d'irrigation qu'un pauvre fellah avait passé sa vie entière à creuser. Par ce travail, l'esclave espérait racheter sa liberté. De désespoir le misérable se pend, mais seul le jeune prêtre Pentuer - ami de Ramsès -, en éprouvera quelque tristesse. C'est que, lui-même issu de la classe populaire, Pentuer ne voit pas les choses sous le même angle que les hautains aristocrates qui entourent son ami, le prince héritier, à qui il s'efforce d'ouvrir les yeux sur la misère de son peuple. En route, Ramsès rencontre la belle juive Sarah. Séduit par sa beauté, il la prend avec lui pour en faire sa maîtresse.
Toutefois, malgré de succès de sa manœuvre contre le grand général Nitager, Ramsès est déçu dans son ambition de devenir le commandant en chef des armées impériales et ne reçoit de son père, le vieux pharaon Ramsès XII, qu'un seul régiment à commander au lieu de l'armée entière.

Sur ces entrefaites arrive d'Assyrie un messager secret, Beroès. Dans le temple d'Amon, celui-ci rencontre les prêtres Hérihor, Pentuer, Mephrès et Mentesouphis. L'envoyé des Assyriens contraint ces derniers à sceller un traité de paix, en vertu duquel l'Egypte conservera la domination du Royaume de Juda, mais devra renoncer à toute revendication sur la Phénicie.

Craignant de voir son peuple tomber sous la domination assyrienne, le Phénicien Hiram se met en rapport avec le prince Ramsès pour l'inciter à faire la guerre aux Assyriens, solution vers laquelle le jeune prince penche déjà.
Avec l'aide de Kama, une séduisante danseuse et prêtresse du temple d'Astoreth, les Phéniciens s'efforcent de l'influencer. De plus en plus attiré par Kama, Ramsès se détourne de Sarah. Un matin, lorsqu'il revient d'une visite nocturne au temple d'Astoreth, ayant appris que sa concubine juive lui a donné un fils, il désire le faire reconnaître comme son futur héritier. Plus tard, il est informé par Kama que sur l'ordre du grand prêtre Hérihor, le garçon a été baptisé selon la religion juive. Son fils se nomme Isaac et non Séti. En fait, le dessein du grand-prêtre était de donner pour roi aux Israélites - qui en demandaient un - un fils de l'héritier de pharaon, à moitié égyptien, à moitié juif.
Furieux d'avoir été manipulé par Hérihor, Ramsès envoie Sarah et son fils en esclavage. Il tombe alors complètement sous l'influence ensorcelante de Kama et essaie de noyer son remords dans des orgies effrénées, ou à la tête de son armée. Heureusement, il peut compter sur l'amitié désintéressée d'Hébron, la fiancée de son fidèle ami Thoutmôsis - secrètement amoureuse de lui.

Mécontents d'être libérés du service en raison du manque d'or, les mercenaires libyens se révoltent et s'en prennent au peuple égyptien, volant, saccageant et pillant. Ils sont conduits par Téhenna, son ex-fidèle lieutenant. Le prince est chargé par son père d'étouffer la rébellion, ce qu'il réussit à faire brillamment et rapidement. Au moment où il reçoit l'hommage des rebelles vaincus, un messager arrive avec la nouvelle que Kama s'est enfuie avec Lycon, un grec élève des prêtres, sosie du jeune Ramsès (30). Avant de partir, le Grec a sauvagement assassiné Sarah et son enfant.

Le vieux Pharaon Ramsès XII meurt, et est enterré en grande pompe. Le jeune prince lui succède sur le trône, sous le nom de Ramsès XIII. Il entre alors ouvertement en violent conflit avec les prêtres. Ainsi, pour le plus grand mécontentement d'Hérihor et du clergé d'Amon, il humilie publiquement l'ambassadeur assyrien Sargon, cousin du roi Assar, et le prêtre Isdubar.
Hélas, il ne possède pas l'or nécessaire à l'accomplissement de ses plans de restauration nationale. Le trésor de l'Etat a été complètement mis à sec par la coûteuse répression de la rébellion, ainsi que par les vastes dépenses de la cour. Toutefois, les prêtres d'Amon ont, au cours des années, amassé d'immenses trésors d'or dans un labyrinthe secret du temple...

Le Pharaon demande cet or aux prêtres. Ceux-ci refusent en lui répondant que l'or est destiné à venir au secours de l'Egypte dans des heures de péril extrême. Ce moment n'est pas encore venu. Ramsès essaie, par un Conseil d'Etat, d'obtenir légalement possession de l'or. Cette tentative échoue également, du fait de l'opposition du clergé.
Ramsès décide de recourir à la force et projette de s'emparer de la personne des prêtres et de les accuser de haute trahison. L'armée, qui lui est restée loyale, devra occuper simultanément le temple et le labyrinthe. Son allié Sementu, prêtre de Seth, le dieu du Mal, et ami des Phéniciens, est découvert dans le labyrinthe par les prêtres d'Amon, qui le mettent à mort.
La conspiration est découverte et déjouée par Hérihor, qui entrevoit une manière de se gagner les masses superstitieuses, en mettant à profit une éclipse du soleil, dont seuls les prêtres connaissaient la date et l'heure précise. «Osiris, déclare-t-il, montrera sa face au peuple d'Egypte.»
«Je condamne à jamais ce peuple maudit... et je le condamne aux ténèbres éternelles», proclame une voix caverneuse, issue des entrailles du temple. Artifice de prêtre.

Venu avec des gardes arrêter Hérihor, Thoutmôsis est transpercé par la lance d'un de ses soldats, Eunane, resté fidèle au clergé d'Amon. Au même moment, Ramsès XIII est assassiné par Lycon, son sosie.
En dehors du temple, l'armée attend fidèlement son Pharaon, qui ne viendra plus...

V. Critiques

«La réalisation de Pharaon est une adaptation ascétique du roman de Boleslaw Prus, elle est concentrée sur le conflit entre deux options politiques : la rationnelle - celle des prêtres; et la romantique - celle du jeune Pharaon.»

Tadeusz Lubelski, Film Long Métrage, Encyclopedie de la culture polonaise XXe. Film, Cinématographie

«Dans le film, l'accent est surtout mis sur la lutte entre Ramsès XIII voulant réformer le pays et le prêtre Herhor. C'est aussi l'histoire de l'amitié entre le Pharaon et le prêtre Pentuer, de l'amour pour la belle fille juive, Sarah et pour la prêtresse Kama, l'histoire d'un traité secret avec l'ennemi, d'une éclipse de soleil et de l'assassinat de Ramsès XIII par son sosie. Le Pharaon a son armée, mais n'a pas d'argent, les prêtres ont des richesses, mais n'ont pas de soldats. Celui qui aura l'un et l'autre détiendra le pouvoir absolu. Ramsès a raison en voulant créer un État puissant et fort qui, soutenu par l'armée, pourrait se défendre contre les envahisseurs. Les prêtres ont aussi raison. Il veulent gagner la paix par des traités et renforcer l'économie du pays. Cette lutte reste irrésolue. Personne n'en sort vainqueur.»

Malgorzata Hendrykowska, Chronique de la Cinématographie Polonaise, Poznan, 1999

«Le film souffre tout de même de certains défauts : les combats ne semblent pas très réalistes (surtout celui contre les Libyens), certains acteurs secondaires ne semblent pas toujours très convaincants. Le réalisateur profite également de ce film pour essayer de faire passer un message anticlérical, un peu trop proche de l'idéologie polonaise de son époque. Pharaon reste tout de même un bon film, avec une intrigue complexe et bien ficelée. Ce film référence sur l'histoire égyptienne mérite d'être vu, ne serait-ce que pour son apport culture.»

Jean-Luc Richter

«Les décors, les costumes, les maquillages (on oublie très vite que les acteurs sont en réalité polonais) ne prennent jamais le dessus sur l'histoire sans pour autant passer au second plan. La réussite du film tient à ce parfait équilibre entre fond et forme. A son refus de tout manichéisme aussi. Le héros (le prince qui deviendra Pharaon en cours de film) est une tête brûlée dont les intentions ne nous paraissent pas toujours très justifiées. Les Grands-Prêtres eux-mêmes sont loin de former un bloc de «méchants» monolithique... Et il est vrai qu'on ne peut s'empêcher de penser à Shakespeare (toujours très populaire en Pologne). Probable également qu'à l'époque de sa réalisation le film faisait écho à la situation politique polonaise d'alors (Pré-Solidarnosc).»

Philippe Serve

«(...) Rien de schématique n'altère la plénitude de l'œuvre, caractères, situations gardent leur complexité, et par là même, une certaine universalité. Alors que la reconstitution historique, les décors témoignent d'un soin scrupuleux, et aboutissent à une œuvre d'une très grande perfection formelle. Couleurs du désert, mouvements de troupes, de la foule, intérieurs des palais, grimage des acteurs qui semblent poudrés de cendre atteignent souvent une harmonie saisissante.
Mais, peut-être, justement cette magnificence formelle, peut-être aussi la complexité du sujet, des héros, engendre une certaine fatigue, une certaine confusion dans l'esprit du spectateur. On hésite à reprocher au réalisateur son intelligence ou son sens très sûr de la beauté formelle, alors qu'un sournois combat semble se livrer entre les deux. On ne sait s'il fallait souhaiter une œuvre plus longue encore qui eut permis une certaine adaptation du spectateur, ou une œuvre plus resserrée dont l'harmonie eût été moins noble, plus rapide ?»

J.L., Saison cin. 1965 (31)

«Plus réussi que les supeproductions italo-américaines, mais d'un statisme frisant la monotonie. Mais, de plus, tous ce déploiement de décors et de figurants a des prétentions intellectuelles et morales; là, le ridicule n'est pas loin.»

Michel Perrot (32)

Le dernier combat d'une grande dynastie (Sélim Sasson enthousiasmé par «Pharaon»)
«Pour Hollywood, l'Antiquité, c'était de la pacotille. Pour une course de chars palpitante, tout le reste ne fut que déceptions cinéphiliques. Même la
Cléopâtre de Mankiewicz, malgré de très beaux moments et un effort certain vers la qualité du scénario, ne parvint pas à nous apporter le grand repas gastronomique auquel, nous, les gloutons optiques, aspirions si ardemment. Qui aurait cru qu'un jour, ce serait le cinéma polonais qui nous apporterait ce régal dont nous pressentions depuis toujours pourtant qu'il appartenait au domaine du possible ? Mais Jerzy Kawalerowicz a adopté pratiquement la position inverse de ses illustres prédécesseurs : au lieu de l'Egypte grandiose des bâtisseurs et des conquérants, celle de la XXe dynastie, de ces Ramsès de la décadence qui ont encore la pompe mais non la puissance véritable; au lieu du démarrage traditionnel sur un plan général de foule, un début à ras de terre, presqu'au microscope, sur un duel de scarabées. A partir de ce combat d'insectes, tout est dit. Les prêtres décrètent que l'armée commandée par le fils du pharaon, pour ne pas écraser les coléoptères sacrés, devra changer sa route. (...) Le cinéma est spectacle et il le fut souvent. Rares, beaucoup plus rares furent les occasions où il y ajouta l'intelligence.»

Selim Sasson (33)

«Projeté au Festival de Cannes, ce film fut réalisé en 1966, à l'époque où la cinématographie polonaise produisait des films à grand spectacle. D'une indéniable splendeur visuelle, alternant de fausses scènes de bataille dans le désert, des intrigues de palais et des scènes d'alcôves parfois audacieuses, à l'érotisme esthétisant, il se différencie des films hollywoodiens par sa volonté de ne rien sacrifier au débat intellectuel qui le sous-tend.»

Le Monde, 23 Avril 2004

Le décor égyptien
«Le cinéaste polonais Jerzy Kawalerowicz dans son Pharaon évoque le palais par un long travelling à travers une série de portes richement ornées ouvrant sur une série de colonnades papyriformes directement inspirée des temples égyptiens.
(...) La séquence du pylône dans Pharaon est traitée sobrement : murs des môles en gros appareil sans décor, précédé par deux colosses assis portant némès à la musculature traitée en à plat; mats à oriflamme.»

Jean-Luc Bovot (34)

VI. Le réalisateur : Jerzy Kawalerowicz

Né le 19 janvier 1922 à Gwozdziec (Pologne), aujourd'hui Gvozdets, en Ukraine.

Etudes au collège de Stanislawowo et à Cracovie. Dans les années 1946-49, Jerzy Kawalerowicz étudie à l'Académie des Beaux-Arts et à l'Institut du Film.
Comme assistant, il participe ensuite à la réalisation des premiers films polonais de l'après-guerre, dont Zakazanych piosenek (1946) et Ostatniego etapu (1947). Passe à la réalisation en 1951, avec Le moulin du village / Gromada qui est primé au MFF à Karlowe Vary. Ce succès lui permet d'embrayer rapidement d'autres films comme Une nuit de souvenirs (1953) et sa suite Sous l'étoile phrygienne (1954)...

L'Ombre (1956) et, surtout, Train de nuit (1959), révèlent en France son talent pour l'introspection psychologique. Son œuvre la plus importante demeure cependant Mère Jeanne des Anges (1961), inspirée de l'affaire des possédées de Loudun, qui obtint le prix spécial du jury au festival de Cannes. La célèbre affaire des «possédés» qui aboutit à la condamnation de l'abbé Urbain Grandier en 1634, et qui inspirera dix ans plus tard Ken Russel (Les Diables, 1971), était située dans la Pologne orientale, dans un couvent de religieuses confrontée à un inquisiteur pour le plus grand bien de leurs âmes. «Je voulais aborder avec ce film la nature humaine, celle qui résiste aux limites et aux dogmes», déclarera Kawalerowicz. Entre l'amour religieux et l'amour charnel, le cinéaste montrait du doigt les deux puissances qui se partageaient alors le pays : l'ordre ecclésiastique et le pouvoir politique.

«La richesse de sa culture, son sens profond de l'analyse psychologique et de l'atmosphère dramatique, en font l'un des plus importants réalisateurs polonais de sa génération» (35). Kawalerowicz est une figure emblématique de la génération qui, ayant vécu la guerre et la déstalinisation, voulait régler ses comptes avec le passé et aussi le présent, et la crise d'identité culturelle.

Outre Pharaon (1966), la Mort du président (1977), Rencontres occasionnelles sur l'Atlantique (1980) et l'Auberge du vieux Tag (1984) figurent également parmi les œuvres les plus connues d'un cinéaste qui compte désormais - avec Muniek et Wajda - parmi les références incontournables du cinéma polonais. Son Quo Vadis ? (2001), tourné pour la télévision polonaise, fut néanmoins un flop commercial.

Signalons encore une très belle coproduction franco-polonaise, L'otage de l'Europe / Jeniec Europy (1989), tirée du roman de Juliusz Dankowski, racontant les derniers jours de l'empereur Napoléon Ier à Sainte-Hélène (avec Roland Blanche dans le rôle de Napoléon Bonaparte et Vernon Dobtcheff dans celui d'Hudson Lowe).

VII. Filmographie de J. Kawalerowicz

1. Réalisateur
Quo Vadis ? (2001) [et scénariste]
Za co ? / Why ? (1996) [et scénariste]
Bronsteins Kinder / Bronstein's Children (1991) [et scénariste]
Jeniec Europy / L'Otage de l'Europe / The Hostage of Europe (Pologne - France) (1989) [et scénariste]
Austeria / The Inn / L'Auberge du vieux Tag (1983) [et scénariste]
Spotkanie na Atlantyku / Chance Meeting on the Atlantic / Rencontres occasionnelles sur l'Atlantique (1980) [et scénariste]
Smierc prezydenta / Death of a President / Mort du président (1978) [et scénariste]
Maddalena (1971) [et scénariste]
Gra / The Game / Le Jeu (1968) [et scénariste]
Faraon / Pharaoh (1966) [et scénariste]
Matka Joanna od Aniolów / The Devil and the Nun / Joan of the Angels / Mère Jeanne des Anges / Mother Joan of the Angels (1961) [et scénariste]
Pociag / Baltic Express / Night Train / Train de nuit (1959) [et scénariste]
Prawdziwy koniec wielkiej wojny / Real End of the Great War (1957) [et scénariste]
Cien / Shadow / L'Ombre (1956)
Celuloza / Celullose [EU] / Une nuit de souvenirs (1954) [et scénariste]
Pod gwiazda frygijska / Under the Phrygian Star / Sous l'étoile phrygienne (1954) [et scénariste]
Gromada / The Village Mill / Le moulin du village (1952), coréal. Kazimierz Sumerski [et scénariste]

2. Assistant réalisateur
Czarci zleb / Devil's Ravine (1950)
Stalowe serca / The Steel Hearts (1948)

3. Acteur
Czarci zleb / Devil's Ravine (1950) (J.K. : non crédité)
Stalowe serca / The Steel Hearts (1948) (J.K. : officier allemand)


NOTES :

(1) Cf. Henry Laurens, Charles C. Gillispie, Jean-Claude Golvin & Claude Traunecker, L'expédition d'Egypte (1798-1801), Armand Collin, 1989. A propos de l'implantation franco-britannique qui s'ensuivit : Gilbert Sinoué, Le dernier pharaon. Méhémet-Ali (1770-1849), Pygmalion-Gérard Watelet, 1997. - Retour texte

(2) Paris, 1809 (1ère éd.), 1823 (2e éd.), 24 vols : 1-5 Antiquités descriptions et 6-10 Antiquités mémoires (les quatorze suivants étant consacrés à l'Egypte moderne, ses faune, flore et minéraux).
Rassemblées en un seul gros volume, les magnifiques planches «Antiquité» ont été rééditées voici une dizaine d'années : Description de l'Egypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Egypte pendant l'expédition de l'Armée française, publié sous les ordres de Napoléon Bonaparte (préf. Sydney H. Aufère), Mame, coll. «Bibliothèque de l'image», 1993. L'intégrale des planches (mais en format réduit) en un seul volume également chez Taschen, 1995, rééd. 2002. - Retour texte

(2a) Cf. Jean CHATELAIN, Dominique Vivant Denon et le Louvre de Napoléon, Perrin, 1973, rééd. 1999. - Retour texte

(3) Cf. L'Egypte au regard de J.-J. Rifaud (1786-1852). Lithographies conservées dans les collections de la Société royale d'Archéologie, d'Histoire et de Folklore de Nivelles et du Brabant wallon, Société royale d'Archéologie, d'Histoire et de Folklore de Nivelles et du Brabant wallon éd., 1998, 215 p.
Les planches de Rifaud furent publiées en fascicules à partir de 1830, et leur parution s'échelonna sur vingt ans.- Retour texte

(4) Maxime Du Camp, Egypte, Nubie, Palestine et Syrie, dessins photographiques, recueillis pendant les années 1849, 1850 et 1851, et accompagnés d'un texte explicatif, Paris, Gide et Baudry éd., 1852, 2 vols, 125 pl. - Retour texte

(5) Emile Prisse d'Avennes & P. Marchandon de la Faye, Histoire de l'art égyptien d'après les monuments depuis les temps les plus reculés jusqu'à la domination romaine, Paris, A. Bertrand éd., 1878-1879, 2 vols, 159 pl. - Retour texte

(6) Cf. Elisabeth David, Mariette Pacha (1821-1881), Pygmalion-Gérard Watelet.- Retour texte

(7) Cf. Elisabeth David, Gaston Maspero (1846-1916). Le gentleman égyptologue, Pygmalion-Gérard Watelet, 1999.- Retour texte

(8) Théophile Gautier, «Une nuit de Cléopâtre» [conte], 1838, «Le pied de la momie» [conte], 1838-40 et Le roman de la Momie, 1858. - Retour texte

(9) En fait, ce roman est plus ancien : 1898 est la date de la première parution française, en feuilleton (Pharos l'Egyptien, NéO Plus, nŽ 12, 1987). - Retour texte

(10) Cf. Germanicus César visitant l'Egypte au début du Ier s. de n.E., qui rencontra un vieux prêtre qui se déclara être le dernier encore capable de déchiffrer les hiéroglyphes. - Retour texte

(11) L'égyptomanie a la vie dure de nos jours encore, comme en témoignent Roger Caratini (L'Egyptomanie, une imposture, Albin Michel, 2002) et Renan Pollès (La Momie, de Khéops à Hollywood. Généalogie d'un mythe, Les Editions de l'Amateur, 2001), Jean-Marcel Humbert, L'égyptomanie dans l'art occidental, ACR Edition, 1989 et Egyptomania. L'Egypte dans l'art occidental (1730-1930), catalogue de l'expositon au Musée du Louvre, Paris, Réunion des Musées Nationaux & Musée des beaux-arts du Canada/National Gallery of Canada, 1994.- Retour texte

(12) De Misr, nom arabe de l'Egypte. - Retour texte

(13) Bonus du DVD Metropolitan - Seven Sept. - Retour texte

(14) Anonyme [Abbé Jean Terrasson], Sethos, Histoire ou Vie, tirée des Monuments, anecdotes de l'ancienne Egypte, 1731. - Retour texte

(15) Jacques Chailley, La flûte enchantée - opéra maçonnique (1968), Robert Laffont, coll. «Diapason», rééd. 1983. - Retour texte

(16) M. de Lantier, Voyages d'Anténor, Bruxelles, Aug. Wahlen éd., 1798, 3 vols. Cf. Michel Dubuisson, «Les voyages d'Anténor ou l'Anacharsis des boudoirs», Les cahiers des paralittératures, nŽ 4 («Sade, Rétif de la Bretonne et les formes du roman pendant la Révolution française»), Liège, C.L.P.C.F., 1992, pp. 143-156. - Retour texte

(17) Quo Vadis ? fut prépublié dans la Gazetta Polska (Varsovie) de 1894 à 1897. - Retour texte

(18) Historiquement, Israël a toujours été revendiquée par les pharaons comme un Etat-tampon sur sa frontière septentrionale. Mais dans Le Pharaon, cette offre est clairement sous-entendue comme un marché de dupes pour l'Egypte. - Retour texte

(19) VF du film de Kawalerowicz, repris en préambule du menu DVD Métropolitan - Seven Sept. - Retour texte

(20) Cf. Cyril Aldred, Akhénaton, le pharaon mystique, Tallandier, 1973; en particulier, sur l'interprétation historique/romantique, cf. pp. 256-259. - Retour texte

(21) Ainsi que le rappelait un intervenant au débat Antenne 2 (voir DVD Metropolitan - Seven Sept). - Retour texte

(22) Hérihor prit le pouvoir à la mort de Ramsès XI (le dernier du nom). Maître effectif de la Haute-Egypte et de la Nubie, il semble qu'il ait tranquillement attendu le décès de l'ultime Ramesside pour réunir les deux couronnes sur son front, ouvrant la Troisième période intermédiaire (1085-715).
Les Assyriens, quant à eux, constituèrent une menace pour l'Egypte dès l'époque de Ramsès II (1298-1232), après qu'ils eussent secoué le joug du Mitanni, dont ils étaient les vassaux (le traité égypto-hittite était dirigé contre eux). Mais les deux puissances n'entrèrent réellement en conflit qu'au VIIIe s. (XXIVe-XXVe Dyn. : Assarhaddon envahit le Delta et pille Thèbes en 671). - Retour texte

(23) En fait, en 1830, les Russes avaient voulu lever des troupes polonaises pour les envoyer au secours du roi des Pays-Bas mater la révolte belge. Refusant la conscription, les Polonais s'étaient révoltés contre la puissance impériale. - Retour texte

(24) C'était l'époque où les ferments nationalistes travaillaient l'Italie, menaçant l'existence des Etats pontificaux.
Contre le révolutionnaire Giuseppe Manzini, Grégoire XVI avait appelé à son secours les Autrichiens (1831), et aussi le roi de France (occupation d'Ancône, 1832). La prise de position du pape contre les Polonais amena la rupture avec le dominicain libéral Lamennais (encyclique Mirari vos, 15 août 1832).
Sur le pontificat de Grégoire XVI, on se reportera à la notice de Philippe Boutry, in Philippe Levillain (sous la dir.), Dictionnaire Historique de la Papauté, Fayard, 1994. Sur la question de Grégoire XVI, de Lamennais et de la Pologne, on se référera utilement à l'Encyclopædia Universalis et à Daniel-Rops, L'Eglise des Révolutions, Arthème Fayard, 1960. - Retour texte

(25) Remerciements à Kinga Joucaviel à qui ces quelques lignes sur B. Prus doivent beaucoup. - Retour texte

(26) C'est nous qui soulignons. Hérihor est opposé au percement d'un canal reliant la Méditerranée à la mer Rouge, prétendant que la mer submergerait l'Egypte (en fait, il s'agit de contrer une initiative phénicienne - les prêtres caressant le même projet dont ils veulent garder le bénéfice). Le canal de Suez par Ferdinand de Lesseps avait été inauguré vingt ans plus tôt, en 1869. - Retour texte

(27) Il paraît douteux que les Egyptiens eussent été capables de prévoir des éclipses solaires mille ans avant notre ère. L'égyptomanie leur a souvent prêté plus de connaissances qu'ils n'en avaient réellement; il semble que dans le domaine de l'astronomie les Babyloniens étaient bien plus avancés qu'eux. - Retour texte

(28) G. Nélod, Panorama du roman historique, Paris-Bruxelles, Sodi, 1969. - Retour texte

(29) Durée originale, selon le press-book allemand Atlas Filmverleih GmbH.
Spectacular indiquait 144' (soit la durée de la version restaurée du DVD Metropolitan) tandis que La saison cinématographique 1965 (pp. 147-148) indiquait 170'. La version diffusée par la télévision française en 1980, lors d'un débat «Dossiers de l'écran», tournait aux alentours de 90' : la totalité des séquences (sentimentales) relatives à Sarah ayant été gommées, sauf une seule. Certes le film y gagnait en densité, n'empêche que ces mutilations restent très regrettables surtout lorsqu'elles n'ont pas été voulues par le réalisateur. - Retour texte

(29a) On trouve parfois «Nikrotis» - Retour texte

(29b) Le soldat resté fidèle aux prêtres, qui assassine Thoutmôsis venu procéder à l'arrestation d'Hérihor. Le film s'ouvre sur son visage, lorsqu'il vient rendre compte aux prêtres et à Ramsès qu'il y a des scarabées sacrés sur la route. - Retour texte

(30) Ramsès Ier avait deux sosies, morts à sa place, nous apprend le film. - Retour texte

(31) J.L., Saison cin. 1965, pp. 147-148. - Retour texte

(32) M. Perrot, Midi-Minuit Fantastique, nŽ 15-16, janvier 1967, p. 21. - Retour texte

(33) S. Sasson, Belgique numéro 1 (Bruxelles), 25 janvier 1979. - Retour texte

(34) J.-L. Bovot, «Le décor des films égyptiens, ou l'art d'évoquer les Pharaons», Egyptes (Avignon), nŽ 2, 1993. - Retour texte

(35) Le cinéma, Alpha, nŽ 135, p. 173. - Retour texte