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Plébiscité par la «planète geek», celle des amateurs de comics et de la baston virtuelle sur console de jeux vidéos, 300 a suscité la levée de bouclier des lourds hoplites du bon goût et de la conscientisation politique. L'apophtegme «Rends tes armes ! - Viens les prendre...» («Come and get them !») a beau être historique, à l'heure de Bowling for Columbine il doit cueillir à froid certaines frileuses sensibilités. Après le «béret vert» de John Milius sur le set de Conan le Barbare, la casquette de la National Rifle Association arborée - paraît-il - sur le plateau de tournage par Zack Snyder (2) n'est bien entendu pas de nature à rassurer les belles âmes qui, à l'heure des tensions avec l'Iran d'Ahmadinejad et de la déconfiture en Irak, y voient matière à symbole et dénoncent un film bushien diabolisant une fois de plus le prétendu «Axe du Mal». Il est vrai que, le film de Snyder étant sorti sur les écrans US le 9 mars (3), «Dubbelyou»-qui-n'en-rate-jamais-une devait à pieds joints sauter sur l'aubaine pour déclarer qu'aux States le 25 mars, fête de l'Indépendance grecque (4), serait désormais celle de la Démocratie. (5) |
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En 1977, Ted Post avait signé un contestataire Go Tell the Spartans (en France : Le Merdier) dénonçant l'enlisement US au Viêt-nam; plus tard, la bataille des Thermopyles devait encore inspirer un épisode de Xena la Guerrière (3e saison 1997-1998 - 59e épisode [6]). Dans Alfred le Grand, vainqueur des Vikings, un moinillon érudit exhumait d'un vieux grimoire la technique de la phalange spartiate pour tenir tête à l'invasion des féroces pirates scandinaves. Plus récemment dans Le Dernier Samouraï, l'on nous donnait d'assister à l'agonie de la civilisation japonaise traditionnelle - et guerrière - succombant devant les modernes moyens de la guerre mécanisée, import from USA. Tom Cruise y faisait longuement référence à l'ultime baroud d'honneur livré par Léonidas aux Thermopyles - et à l'immortelle gloire qui en avait rejailli sur les guerriers de Sparte. Abstraction faite du contexte politique actuel, le film de Zack Snyder - rêverie née des crayons de F. Miller marqué enfant (7) par les Three Hundred Spartans de Rudolph Maté - nous propose en 2007 une relecture mythologique du film historique de 1961. |
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Dans notre monde confortable, confit dans ses certitudes petit-bourgeoises et permissives, nous croyons avec arrogance que tout nous est dû. De droit. Simplement parce que nous sommes là. «Parce que je le vaux bien !», assure un slogan publicitaire. Affirmer que toute chose a un prix, souvent élevé, est politiquement incorrect. 300 est un film politiquement incorrect. Il nous apprend, en effet, que la souffrance est bonne. Que la voie la plus difficile est toujours la meilleure. Que les coups pris dans la gueule sur le sable de la palestre nous feront paraître anodins ceux que nous réserve le champ de bataille. Que seuls les forts peuvent survivre, mais aussi que - même mort - un Spartiate n'est jamais vaincu. La preuve étant que, 2.500 ans plus tard, les poètes de la planche à dessin ou de la celluloïd chantent encore la gloire immortelle du «Lion» de Sparte. Politiquement incorrect aussi parce que l'ennemi,
les traîtres etc. (bref, ceux avec qui l'on n'est pas d'accord)
sont présentés comme des mutants hideux suintants
de mucosités putrides, des morts-vivants masqués
d'argent - les «Immortels», précisément
-, ou des nègres couturés de piercings, avec des
bagouzes plein les doigts, couverts d'or comme des proxos... Pis,
ceux-ci sont capables de bonté, de compassion, réclament
le respect du droit diplomatique... pauvres rigolos ! «Je
suis bon..., proclame Xerxès au difforme Ephialtès,
venu lui faire allégeance. Le cruel Léonidas
t'a demandé de te tenir debout. Je te demande seulement
de t'agenouiller.» S'agenouiller... c'est évidemment
plus facile ! |
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1.1. Citoyens lambda S'ensuit une séquence rythmée par la musique de Tyler Bates qui, sur le CD, est intitulée «Agôgè». Qu'est ce que l'agôgè ? C'est l'éducation spartiate. Pour faire court, citons le Dictionnaire de l'Antiquité grecque et romaine de Jean-Paul Thuillier, qui la définit ainsi : «Education des garçons à Sparte, caractérisée par son insistance sur la formation physique et morale, sa rudesse et sa frugalité, et centrée sur la vie collective et l'apprentissage de l'obéissance. Pour être citoyen, il était impératif de l'avoir suivie. Dès l'âge de 7 ans, l'éducation échappe à la famille et est prise en charge par la cité sous l'autorité d'un magistrat spécialisé, le pédonome. Les garçons vivent en bandes, dans le cadre de classes d'âge précisément définies. A partir de 12 ans, ils vivent complètement en commun avec leurs camarades. L'absence de chaussures, le caractère sommaire du vêtement, celui du couchage, sur des litières de roseaux, la nourriture juste suffisante, l'encouragement de certains comportements, comme les bagarres entre bandes ou le vol de subsistances, sont compris comme un entraînement à la vie militaire. L'étude des lettres et de la musique en faisait néanmoins partie, mais devait être relativement secondaire, au moins dans l'idée qu'on en avait hors de Sparte : Isocrate taxait les Spartiates, non sans excès, de profonde ignorance. La cryptie, qui la concluait pour une partie d'entre eux, était un rite de passage (exclusion temporaire de la communauté, errance dans les montagnes, meurtre des hilotes), mais aussi une formation apte à dégager une élite.» C'est très exactement ce que résume ici le film de Zack Snyder : affamé, rossé par ses condisciples plus forts, fouetté le jeune Spartiate fait l'apprentissage de la vie et de la démocratie. Mais oui, vous avez bien lu : «de la démocratie». |
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Qu'y a-t-il de plus démocratique qu'une société égalitaire où chaque citoyen est interchangeable avec un autre, identique ? Citoyens-lambdas, ils en portent le symbole sur l'épisème de leur bouclier ! Dans la superposition d'écailles qu'est la phalange, chaque hoplite assure la sécurité de son voisin de gauche. Ils sont les «Egaux», les Homoïoï - dommage que, se refusant d'être un documentaire, le film ne cite pas le terme grec ou sa traduction (pas plus qu'il ne parle des «Thermopyles» qu'il rend directement en anglais : Hot Gates). Un combattant trop grand ou trop petit n'a pas sa place dans la phalange des Egaux, comme l'expose patiemment Léonidas au monstrueux Ephialtès, plus bossu qu'il n'est permis de l'être, un faux-frère spartiate. Sans pour autant soustraire sa progéniture au dur entraînement des fils de Lacédémone, son père - trop sensible - en choisissant l'exil l'a soustrait à la fatale et inflexible loi. Ephialtès, le déchet humain, est une tache que l'on aurait préféré oublier. Ephialtès sera le traître... Lorsque le pauvre être disgracié lève son bouclier à bout de bras, il n'arrive pas à la bonne hauteur. Que peut-on faire, à Sparte, d'un avorton qui mettrait ainsi toute la phalange en péril par sa simple présence, ouvrant une brèche dans l'infrangible muraille des boucliers de bronze ? Dans 300, la phalange est la métaphore parfaite du corps social soudé des Egaux, de Léonidas et ses camarades. Conformément au cliché scolaire maintes et maintes fois répété, Sparte va sauver la démocratie occidentale/grecque contre la barbarie Orientale/perse. En réalité, le régime politique spartiate était aristocratique, et Athènes en était aux premiers balbutiements de sa démocratie. Des gens de guerre, les Spartiates, dominaient des citoyens de seconde zone (périèques), des serfs d'Etat (hilotes) et, sans doute également des esclaves... Aussi, quand les Spartiates parlent de liberté, ils pensent seulement à la leur, à leur droit de s'exprimer librement, entre guerriers. Entre Egaux. Librement et laconiquement, car comme ils pensent pareil, il n'y a pas grand'chose à dire de plus. Les Spartiates sont unis comme les doigts de la même main, dont ils constituent les phalanges, précisément. Ce qu'ambitionnaient les Spartiates, n'était rien de plus que l'isonomie. L'égalité entre gens du même monde, de la même caste. Cela n'empêcha pas les idéologues d'extrême-gauche comme d'extrême-droite de se référer au modèle spartiate : nazis et révolutionnaires de 1898 ou de 1917 confondus ! Quoique à notre avis, avec leurs lois eugéniques (9), les valeurs spartiates se retrouveraient mieux dans le national-socialisme que dans le bolchévisme. Or, même si à 2.500 ans d'intervalle, les mêmes termes ne recouvrent plus les mêmes réalités, le discours des Spartiates reste des plus intéressants. Leur attachement à cette liberté, par exemple, que certains définiraient parfois comme «le droit de soi-même choisir ses chaînes». La liberté des Spartiates a un prix : celui des larmes et du sang, des coups reçus, de la faim, de la pluie et du froid... Toutes ces expériences fortifiantes mais vécues ensemble, qui ont fait d'eux les meilleurs guerriers de la Grèce, les pros des pros au sein d'une civilisation qui a toujours eu le culte de l'athlétisme au point d'en faire une religion, une offrande aux dieux. Pour autant, les Spartiates n'étaient pas des êtres cruels : ils n'infligeaient rien aux autres qu'ils ne se fussent infligé à eux-mêmes, et savaient rester modestes dans la victoire. Leur furieuse liberté, ils l'ont unanimement acceptée, ils l'ont librement consentie. Le concept est gibsonien et rappelle La Passion du Christ (et peut-être Apocalypto). Les Spartiates sont des «Seigneurs de la Guerre» et rien d'autre. Pas des menuisiers ou des boulangers comme les guerriers arcadiens conduits par leur allié Daxos, venus les rejoindre ! En toutes choses, ils sont de la même opinion que leur roi Léonidas. Bel exemple de «démocratie parfaite» que cette Sparte, où tout le monde est du même avis sur les grands principes intangibles, où tout un chacun est fier et satisfait d'être Spartiate, d'être battu par d'autres qui sont eux-mêmes battus - tout le contraire des esclaves du Grand Roi des Perses, qui se contentent de plier l'échine devant leur divin maître sans jamais rendre les coups. Démocratie parfaite, donc ? Non, cela n'existe pas, bien sûr ! Il y a aussi, même à Sparte, des opposants politiques, des traîtres corrompus par l'or des Perses, comme Théron, et aussi les Ephores. Dans le film, les Ephores spartiates sont les prêtres dégénérés de divinités plus dégénérées encore. D'immondes vieillards libidineux, baveux et scrofuleux, couverts de pustules, qui se réservent les plus belles vierges de la ville. Vendus. Corrompus. Léonidas, comme sa reine Gorgo, aura fort à faire avec eux; autant qu'avec les ennemis perses. Leurs théories sont obscurantistes : les Lacédémoniens ne peuvent entrer en guerre avant la fin de la célébration des Carnéia (10). Cette démocratie-là n'est pas constructive. Elle est prête à se compromettre avec un pouvoir absolu qui promet l'Empire de Sparte sur toute la Grèce. Mais peut-on s'y fier ? Serait-ce seulement sage d'accepter quelque chose de la part d'un divin seigneur omnipotent qui, demain, pourrait changer d'avis et vous la retirer ? Non, bien sûr. Mieux vaut cultiver une ombrageuse fierté, dans son petit coin du Péloponnèse. Gare toutefois à qui viendrait s'y frotter ! Les larmes et la mort l'attendent (11). En fait, Léonidas et ses guerriers forment
une classe d'âge opposée à une autre, plus rassie.
Et quant à elle disposée à toutes les compromissions. |
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On peut s'indigner de l'image des Spartiates, peu flatteuse, que dans le film donnent les Ephores, présentés comme les prêtres de répugnantes divinités lovecraftiennes, qu'on devine tapies au fond d'insondables abîmes comme ce puits où sont précipités les Ambassadeurs perses au mépris des convenances diplomatiques les plus élémentaires («Madness ?... This is... Sparta !», hurle Léonidas [13] qui considère comme un outrage le simple fait qu'un barbare étranger ait pu un seul instant s'imaginer pouvoir disposer à discrétion de sa Patrie). Les Ephores sont encagoulés comme des moines catholiques rivalisant de tares au fond de leur sacristies, ravagés par la lèpre ou la syphilis ou les deux ensemble... Ils posent leurs griffes, leurs lèvres répugnantes sur la chair diaphane des plus belles jeunes filles de Sparte «dont ils ont fait leurs pythies». Cette dimension heroic fantasy nous met un peu mal à l'aise : au pied du mont Callidromos et au bord de la mer Egée, le défilé des Thermopyles en ces belles journées du mois d'août 480, oppose un déni à la vision de F. Miller qui en a fait un décor wagnérien embrumé et nocturne, zébré par le tonnerre (14). Mais tel était le choix du réalisateur que de restituer l'ambiance de la BD. C'est à un nouveau Crépuscule des Dieux - les dieux de la guerre spartiates - que nous convie Zack Snyder, et avec lui la musique impressionnante de Tyler Bates, qui ne pouvait que conspuer les démoniaques entités venues du fond des âges. |
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1.2. Apocalypse yesterday |
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Tout en référant à foison à des âges sombres, médiévaux, antédiluviens, préhistoriques ou de la pierre polie que parcourent des dinosaures ou des engins apocalyptiques comme les redoutables T 34 soviétiques - la lutte inexpiable du surhomme contre l'hérédo-syphilitique -, Saint-Loup multiplie à l'envi les allusions à Sparte (16), la «Sparte hitlérienne», dont celle-ci, à peine voilée : «Nous ne connaissons qu'un péché, irrémissible : celui du mâle qui meurt sans progéniture !» (17) Léonidas avait voulu n'emmener avec lui, que des hommes qui avaient déjà un fils, afin que nulle famille ne s'éteigne par sa faute. L'auteur des Hérétiques mêle les terreurs de l'An Mil aux brumes wagnériennes, et les «mystérieux hiéroglyphes» dessinés par le phosphore des bombes incendiaires se graveront aux parois de «villes suppliciées exhibant leurs moignons de pierre», telle cette petite bourgade de Poméranie, dont les «incendies brillent mieux que l'or du Rhin». N'oublions pas les femmes aux jupes retroussées, violées, éventrées par les barbares asiatiques... Mais ne sont-ce pas là, à l'identique, les mêmes images qu'avec les spectateurs, Léonidas et les Spartiates découvrent en arrivant dans le petit village grec que les avant-gardes perses ont mises à feu et à sang, après avoir empalé aux branches d'un arbre cent douze de ses habitants ? Et plus tard en voyant déferler sur eux les plus incroyables pachydermes, les plus invraisemblables créatures mutantes... ? |
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Le film s'achèvera sur les images
de Dilios - l'unique survivant des compagnons
de Léonidas - et de l'armée grecque s'apprêtant
à livrer bataille à Platées. The End. Après y avoir défait les Perses, le vainqueur Pausanias (neveu de Léonidas), pillant le camp ennemi, s'étonna du luxe dont s'entourait le général ennemi, Mardonius. Il ordonna alors aux cuisiniers du général perse tué, de préparer le repas de leur maître comme s'il eut été encore vivant; mais il se fit également apporter le brouet spartiate. Ensuite, il convia les autres généraux grecs et leur déclara son étonnement de constater qu'un homme qui avait vécu dans une telle opulence, ait encore trouvé le moyen de convoiter la maigre pitance du Spartiate ! |
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1.3. Par-delà
l'abîme des siècles... |
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C'est en association avec Legendary Pictures et Virtual Studios,
que Warner Bros. présente donc ce film tant attendu, 300,
une production Gianni Nunnari (Seven, Alexandre [O. Stone],
Les Infiltrés), Mark Canton, Bernie Goldmann (Le
Territoire des Morts) et Jeffrey Silver (Training Day).
Le metteur en scène est Zack Snyder, un réalisateur
venu de la pub et du video-clip, à qui on devait déjà
un premier long métrage, Dawn of the Dead (L'armée
des morts, 2004), remake nihiliste du film de George
Romero (19). 2.1. Les acteurs Gravitent autour d'eux, David Wenham
- Faramir, frère de Boromir, dans les volets 2 et 3 du
Seigneur des Anneaux - et Vincent Regan, vu dans
Danny the Dog et, dans des rôles antiques, en Eudorus
dans Troie et
en Marc Antoine dans Empire.
Ils incarnent respectivement le capitaine commandant la garde
de Léonidas, et le conteur Dilios, qui aura un il
crevé mais - envoyé à Sparte comme messager
- survivra à la bataille ! |
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2.2. De Frank Miller
et de Sin City |
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2.3. Universaux |
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De la même manière que Sin City, des images de synthèse furent ensuite rajoutées à la post-production, afin de conserver la facture visuelle hyperréaliste et stylisée de la BD de Miller. Il s'agissait d'adhérer le plus fidèlement possible à la trame du roman graphique dont les dessins servirent de base au story-board, complétés par une série d'ajouts du cru de Snyder et de Johnstad, destinés à combler les ellipses du langage bédéique pour sa translation en scénario de film; par exemple, le développement du personnage de Gorgo, la reine de Sparte et épouse de Léonidas. Il fallait également tenir compte du fait que certaines attitudes conventionnelles, normales à l'intérieur du cadre d'une vignette statique, n'étaient pas jouables par un acteur en mouvement. «Par moment, Léonidas a des manières incroyables de se tenir ou de poser et j'ai essayé de les reproduire dans le film, déclarera Gerard Butler. Mais ça reste un comic book, et il fallait que je trouve un équilibre entre lui et l'authenticité, pour éviter des postures qui pourraient mener au ridicule» (28). Se mettre dans la peau du personnage ne fut pas non plus une sinécure, pour l'acteur écossais : «Mais petit à petit vous aimez ce roi. Même dans le livre. Vous respectez ce qu'il a vécu, les liens qu'il a tissés avec ses hommes, son combat pour sauver son peuple. Il a des principes honorables mais il est aussi féroce, un peu fou, vaurien, dangereux. C'est un aspect de lui que j'adore. Il est un héros qui expose les limites de la définition du héros au point que parfois on pense que les Perses sont les gentils et les Spartiates les méchants (...). Ce film représente, d'une façon très épique, ce que nous sommes prêts à sacrifier pour la vérité, pour nos croyances, notre foi, notre confiance envers ceux qui nous entourent. Il nous fait nous demander comment éviter les tentations de la vie pour suivre ces valeurs spirituelles. Et combien de gens on est prêt à tuer pour ça...» (29). Pour respecter le travail du coloriste de la BD, les collaborateurs de Snyder créèrent un nouveau procédé de filtration des couleurs, baptisé le «crush», pour élaborer l'aspect visuel de son film et retrouver les couleurs et les contrastes des aquarelles de Lynn VarIey. Cette technique écrase littéralement le noir d'une image et rehausse la saturation des couleurs afin de modifier les contrastes (30). Plus simplement, en tant que spectateur, nous dirions que la tonalité sépia du film de Snyder renvoie aux vieux grimoires du passé, de ceux où le Père de l'Histoire consigna l'héroïque sacrifice de Léonidas. Un passé si lointain et, en même temps, si actuel... Il est curieux de constater qu'à peu
près en même temps que Zack Snyder attaquait son
film, Clint Eastwood achevait, avec des choix chromatiques similaires,
La mémoire de nos pères, consacré
à la bataille d'Iwo-Jima envisagée d'un point de
vue américain (l'année suivante [2007] il sortit
Lettres d'Iwo-Jima, la même bataille du point de
vue japonais). Le film a été photographié
en couleurs virées noir et blanc (il n'y a pratiquement
que les flammes des explosions ou des tirs qui soient en couleur)
pour imiter les images d'archives, les images de la mémoire.
Eastwood s'était basé sur les souvenirs de l'infirmier
de la Navy, John «Doc» Bradley (31),
un des «Marines» de la photo historique du hissage
de drapeau, manipulé à des fins de propagande par
les autorités US pour vendre au bon peuple les bons de
guerre destinés à réalimenter la machine
militaire américaine. Etonnant ce film d'anti-héros
show-bizz concocté parallèlement à
l'ultra-héroïque 300 ! On objectera que 300
est un film mythologique, bédéique ou autre chose
d'approchant, dont l'action se situe il y a 2.500 ans, alors que
La mémoire de nos pères touche des plaies
non encore tout à fait cicatrisées outre-Atlantique.
Il nous plaît de relever ici le constat : on peut lire régulièrement
sur les blogs et forums que le spectateur moyen se moque de la
précision historique, que seul l'entertainement
l'intéresse... aussi répondrons-nous paisiblement
qu'il y a 2.500 ans ou seulement 50, la guerre reste la guerre,
et l'ultime sacrifice demeure l'ultime sacrifice. Ce qui compte,
c'est qu'un spectacle ou une attitude donné(e) est proposé(e)
aux spectateurs de 2007. Mais en quels termes ? Iwo-Jima ou les
Thermopyles, quelle importance au fond ? Les hoplites spartiates
sont des pros, comme le sont les membres de l'USMC. Ainsi, quand
on leur demande qui ils sont, répondent-ils unanimement
: «Waouh !» (32). |
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Pour les amateurs du Neuvième Art, branchés USA, 300 est une BD «culte», titulaire - nous l'avons dit - de plusieurs Eisner Award. Examinons les avis de Hoody et CurDePat, sur le bédéique Bulle d'air.com, qui expriment particulièrement bien la fascination exercée par cette bande qui, dans son édition française chez Rackham (1998), bénéficia d'une mise en page des plus choisies, en format italien. Détachons-en quatre extraits. 3.1. Le récit |
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1.2. Le graphisme «Dans 300, le rapport habituel
scénario/dessin s'inverse et l'histoire (même si
très sympa) n'est qu'un écrin pour un dessin somptueux,
mais alors somptueux. Tout en très gros effets souvent
sur toute une page, au programme: contrastes gargantuesques, contre-jours
à gogo, mouvement de foules, etc. Le trait de Miller est
unique, à la fois crade et gracieux. |
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1.3. Les outrances |
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Suite… |
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NOTES : (1) Anthologie grecque, II, "Epigrammes funéraires et épigrammes desriptives" (trad. Maurice Rat), Garnier, 1941, Remerciements à Fal. - Retour texte (2) Cf. Cédric FLAMENT, «Thermopyles atomiques (Sous la Grèce, les muscles)», Vers l'Avenir (Belgique), mercredi 21 mars 2007, p. 20. - Retour texte (3) Avec toutefois une avant-première le 9 décembre 2006 (Austin Butt-Numb-A-Thon). - Retour texte (4) Le 25 mars 1821, Germanos, archevêque de Patras, donna le signal de l'insurrection qui aboutira à l'Indépendance de la Grèce (12 janvier 1822) et qui sera confirmée après d'âpres combats par le protocole de Londres, le 3 février 1830. Il faudra encore attendre deux ans avant que ne se constitue le Royaume de Grèce avec pour roi Othon de Bavière, fils de Louis Ier (8 août 1832). - Retour texte (5) «Les Etats-Unis et la Grèce
partagent une longue amitié construite sur des valeurs
communes et un amour constant pour la Liberté. (6) Dans cet épisode, intitulé Seule contre tous (One Against an Army), sont allégrement confondus les batailles de Marathon et des Thermopyles, dont Xena interdit le franchissement en provoquant une avalanche... - Retour texte (7) Qui l'en blâmerait ? - Retour texte (8) HORACE, Odes, III, 2. 13. - Retour texte (9) Ne nous y méprenons pas, la plupart des peuples de l'Antiquité, y compris les Athéniens et les Romains, ont mis à mort ou rejeté les enfants indésirés ou mal-formés. Ce qui n'empêcha pas Maurice Barrès, nationaliste et antisémite, venu en pèlerinage méditer sur les bords de l'Eurotas, de noter désabusé : «Et le culte de la race, s'il nous donne de secret d'une énergie et d'une aristocratie incomparables, nous explique aussi la décadence» (M. BARRÈS, Sparte - cf. Bibliographie). - Retour texte (10) Les Carnéia était célébrées principalement à Lacédémone (Sparte) en l'honneur d'Apollon Carnéen - épithète tiré du fait que le dieu garda des troupeaux ou, selon d'autres, du nom d'un de ses favoris, le devin Carnus, compagnon des Héraclides de qui descendaient les deux familles royales de Sparte. «Ces fêtes commençaient le 13 du mois de Métagéinion [15 août-15 septembre], et duraient neuf jours, note N. Bouillet, pendant lesquels neuf hommes de trois tribus différentes vivaient sous neuf tentes aux dépens du trésor public, afin d'imiter la vie militaire et la discipline observée dans les camps. Cette fête était suivie d'un concours de musiciens, dont les vers étaient appelés carnéens.» - Retour texte (11) Lorsque les ambassadeurs du Grand
Roi vinrent en Grèce demander la terre et l'eau, la plupart
des cités oligarchiques comme les béotiennes Thèbes
et Orchomène se soumirent. La sujétion au Grand
Roi ne leur était nullement odieuse, puisque les cités
grecques d'Ionie soumises aux Achéménides, qui avaient
des régimes oligarchiques, s'en trouvaient bien. C'étaient
les éléménts démocrates qui, avec
l'aide d'Athènes et d'Erétrie, avaient tenté
le secouer le joug des «tyrans» - ce qui causa les
Guerres médiques, en représailles. (12) C'est Wikipedia qui attribue le nom d'«Artémis» au capitaine. La BD de Miller, ni le film, ni la documentation de presse ne lui attribue un nom. - Retour texte (13) En fait, c'est en 491, à
l'orée de la Première guerre médique et de
la bataille de Marathon, que Spartiates et Athéniens massacrèrent
les ambassadeurs perses. Pour des raisons scénaristiques,
F. Miller s'est permis un raccourci en en attribuant le meurtre
à Léonidas, qui à l'époque n'était
pas roi. (14) En revanche - et en dépit
de son traitement infographique -, on tiendra la tempête
pour authentique. A la hauteur du cap Sépias (sur le versant
égéen du mont Pélion), elle sévit
trois jours durant, dispersant la flotte perse et lui détruisant
400 unités et les approvisionnements qu'elle portait, la
contraignant en outre à trouver refuge dans le golfe Pagasétique.
(15) SAINT-LOUP, Les Hérétiques, Presses de la Cité, 1965, p. 41. - Retour texte (16) Dans la Waffen SS... «on danse devant le buffet. Les Miliciens ont fait connaissance avec le renard de la Sparte hitlérienne qui ronge pour maintenir au centre de chaque homme une notion de vide» (Op. cit., p. 159). «Des sections entières manquent de brodequins. Elles manuvrent, dans la neige, avec des planchettes attachées sous les pieds par un réseau de ficelle ! Les garçons perdent encore quelques kilos (...). C'est Sparte, revue et corrigée par la misère de l'Allemagne» (Op. cit., p. 37). - Retour texte (17) SAINT-LOUP, Op. cit., p. 243. - Retour texte (18) Clin d'il de Snyder à son précédent film L'Armée des Morts. - Retour texte (19) Night of the Living Dead (1968). - Retour texte (20) Les Anglo-Saxons distinguent la BD courante (comics) de la graphic novel qui s'applique à des productions plus ambitieuses destinées le plus souvent à un public adulte. - Retour texte (21) Et, en 2000, le «Will Eisner Award» de la meilleure conception graphique pour Mark Cox (Dark Horse). - Retour texte (22) Dans L'Écran fantastique, n 274. - Retour texte (23) F. Miller interviewé par Staci Layne WILSON (trad. : Yann LEBECQUE), L'Écran Fantastique, n 274, mars 2007, pp. 24 et 33. - Retour texte (24) Quand Xerxès tente de convaincre Léonidas de passer dans son camp, les civilisations grecque et perse ayant tant de choses à s'apporter mutuellement, Gerry Butler-Léonidas répond pince-sans-rire : «Depuis ce matin, nous faisons des échanges... culturels» (N.d.M.E.). - Retour texte (25) Z. Snyder interviewé par Staci Layne WILSON, L'Écran Fantastique, n 274, mars 2007, p. 25. - Retour texte (26) K. Johnstad, interviewé par Staci Layne WILSON, L'Écran Fantastique, n 274, mars 2007, p. 27. - Retour texte (27) Début 2005, Darren Aronofsky y avait tourné des scènes de The Fountain avec Hugh Jackman; et Bruce Willis et Morgan Freeman y étaient également passés pour Lucky Number Slevin. Les studios de Montréal devaient encore accueillir, fin 2005, Sunrise, une production 20th Century-Fox bénéficiant d'un budget de 140 millions USD, avec Stephen Sommers comme réalisateur. - Retour texte (28) Ciné Live, n 110, p. 31. - Retour texte (29) Ciné Live, n 110, p. 31. - Retour texte (30) V. TROUILLET, Ciné Live, n 110, mars 2007, p. 29. - Retour texte (31) ... rédigées par son fils : James BRADLEY & Ron POWERS, Mémoires de nos pères, Movie Planet éd., 2006. - Retour texte (32) Ou «Ah-ouh !»
? Repassant la superbe mini-série Nord et Sud, épisode
4, nous pouvons voir en les mêmes circonstances, à
l'interpellation : «Pour la sauvegarde de la Nation !»,
les cadets de West-Point brandir leurs fusils en poussant le même
«Waouh !» (33) Les Spartiates - coquetterie ou soumission - semblent s'être rasé la lèvre supérieure, si l'on en croit un curieux passage de PLUTARQUE, citant ARISTOTE (PLUT., Agis et Cléomène, XXX (dans la trad. Lazarus, 1950) ou XXXIII (trad. Jacques Amyot, Pléiade). - Retour texte |