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Die Hermannsschlacht
(La bataille d'Arminius)

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aigles de rome

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Pages précédentes :

I. L'aventure est dans la Forêt...
DIE HERMANNSSCHLACHT (1993-1995)

1. Arminius dans la littérature allemande, avant Kleist

2. Heinrich von Kleist (1777-1811)

3. Christian Dietrich Grabbe (1801-1836)

ENCYCLOPÉDIE

1. Les Romains en Germanie

2. Arminius (18 av. n.E. - 19 de n.E.)

3. Marbod, roi des Marcomans

4. P. Quintilius Varus (46 av. n.E. (?) - 9 de n.E.

5. Le massacre du Teutoburger Wald

6. L'emplacement de la bataille

7. Arminius à l'écran

II. Pour qui sonne le glas...
IL MASSACRO DELLA FORESTA NERA (1965)

FILMOGRAPHIE

8. Documentaires

9. Fictions

BIBLIOGRAPHIE

BANDE DESSINÉE

MUSICOGRAPHIE

INTERNET

Sur cette page :

SOURCES

En guise d'épitaphe...

SOURCES

cenotaphe M. caelius

Le cénotaphe du centurion M. Cælius

 

Le cénotaphe du centurion Marcus Cælius

M(arco) CÆLIO T(iti) F(ilio) LEM(onia tribu) BON(onia domo)
(centurio) leg(ionis) XIIX ANN(orum) LIII s(emissis).
[ce]CIDIT BELLO VARIANO OSSA
[i]NFERRE LICEBIT P(ublius) CÆLIVS T(iti) F(ilius)
LEM(onia tribu) FRATER FECIT

Pour Marcus Cælius, fils de Titus, de la tribu Lemonia, originaire de Bologne, centurion de la 18e légion, âgé de 53 ans et demi. Il est tombé à la guerre de Varus. Il sera permis d'amener ses restes. Publius Cælius, fils de Titus, de la tribu Lemonia, son frère, a fait faire ce monument.

(ILS, 2244 = CIRh, 209 - conservé au Rheinisches Landesmuseum, Bonn)

Ce cénotaphe fut découvert en 1630. Le centurion est représenté en grande tenue avec toutes ses décorations : armilles, colliers (torques), bracelets et phalères; il porte la couronne civique en feuilles de chêne, distinction réservée à ceux qui ont sauvé un compagnon d'armes au combat, et il tient le cep de vigne symbole de son grade. Son âge avancé (vers 5-6 de n.E., le temps d'engagement pour un légionnaire était de vingt ans, mais il n'était pas rare qu'ils en passent trente et plus sous les drapeaux - TAC., An., I, 35) suggère qu'il devait appartenir à une vexillation de vétérans (vexillum veteranorum) ou occuper un haut grade dans la hiérarchie des centurions, peut-être un primipilaire.

 

marcus caelius

Le last stand du centurion M. Cælius, vu par Angus McBride. Chargeant à la tête d'une vexillation de vétérans de la XVIIIe légion (ou plutôt de la XIIX, pour respecter le texte épigraphique), le personnage du cénotaphe de Xanten livre son baroud d'honneur. L'artiste britannique lui a mis toutes ses décorations et sa couronne civique, comme sur son portrait funèbre. Notez le vexillaire au masque de métal, et le calone - valet d'armes - qui brandit une arme de fortune, la redoutable dolabre. (Extr. Ross COWAN & Angus McBRIDE, Le légionnaire romain de 58 av. J.-C. à 69 apr. J.-C., Osprey Publishing-del Prado éditeurs, coll. «Armées et Batailles», nĘ 7, 2003)

ANNAEUS JULIUS FLORUS
Abrégé d'histoire romaine (IV, 12)

On ne sait rien d'Annæus Julius Florus, sauf qu'il était probablement originaire d'Espagne et qu'il vécut sous Trajan et Hadrien. Il écrivit un abrégé d'Histoire romaine en quatre livres, allant de la fondation de Rome en 753 av. n.E. à 9 de n.E.). Son œuvre fut publiée à la fin du règne d'Hadrien.

La présente traduction de l'Abrégé de l'Histoire romaine est tirée de la «Collection des Auteurs latins : Salluste, Jules César, C. Velleius Paterculus et A. Florus» publiés sous la direction de M. Nisard (Paris, Firmin Didot, 1865). On en trouvera la traduction complète sur le site de Philippe Remacle.

Quant à la Germanie, plût au ciel que César eût attaché moins d'importance à sa conquête ! Nous eûmes plus de honte à la perdre que de gloire à la soumettre. Mais sachant que César, son père, avait passé deux fois le Rhin sur un pont pour y chercher l'ennemi, il voulut en faire une province pour honorer sa mémoire. Il y eût réussi, si les barbares avaient pu supporter nos vices comme notre domination. Drusus, envoyé dans cette province, dompta d'abord les Usipètes; puis il parcourut le pays des Tenchtères et des Cattes [Chattes]; et sur un tertre élevé, il dressa un trophée des riches dépouilles remportées sur les Marcomans.

Puis il attaqua en même temps des peuples très puissants, les Chérusques, les Suèves et les Sygambres. Ils avaient mis en croix vingt centurions, et ce crime avait été comme le serment par lequel ils s'étaient engagés à la guerre. Sûrs de la victoire, ils s'entendirent pour se partager d'avance le butin. Les Chérusques avaient choisi les chevaux, les Suèves, l'or et l'argent, les Sygambres, les prisonniers. Mais ce fut le contraire qui se produisit. Drusus, vainqueur, distribua et vendit comme butin leurs chevaux, leurs troupeaux, leurs colliers et leurs personnes mêmes. En outre, pour défendre la province, il établit des garnisons et des petits postes partout sur les bords de la Meuse, de l'Elbe et du Veser. Le long du Rhin, il éleva plus de cinquante ouvrages fortifiés; il fit construire des ponts à Bonn et à Mayence, et des flottes pour les protéger. Il ouvrit aux Romains la forêt hercynienne, jusqu'alors inconnue et inaccessible. Enfin, la paix régnait si bien en Germanie que les hommes semblaient changés, le pays tout autre, et le ciel lui-même plus doux et plus agréable qu'auparavant. Enfin ce n'est point par flatterie, mais par reconnaissance pour les services rendus, qu'à la mort de ce jeune héros le sénat lui accorda une distinction jusque-là sans exemple, en lui décernant lui-même un surnom tiré de la province qu'il avait soumise.

Mais il est plus difficile de garder les provinces que de les conquérir. La force les soumet, la justice les conserve. Aussi notre joie fut-elle de courte durée. Les Germains étaient vaincus plutôt que domptés, et sous un général tel que Drusus, ils s'inclinaient devant la supériorité de nos mœurs plutôt que devant celle de nos armes. Mais après la mort de Drusus, Quintilius Varus leur devint odieux par ses caprices et son orgueil, non moins que par sa cruauté. Il osa les réunir en assemblée et commit l'imprudence de leur rendre la justice, comme s'il eût suffi des verges d'un licteur et de la voix d'un huissier pour réprimer l'humeur violente de ces barbares. Mais les Germains depuis longtemps regrettaient de voir leurs épées rouillées et leurs chevaux oisifs. Dès qu'ils se rendirent compte que nos toges et nos lois étaient plus cruelles que nos armes, ils se soulevèrent sous la conduite d'Arminius. Cependant Varus avait une telle confiance dans le maintien de la paix, qu'il resta indifférent aux renseignements que Ségeste, l'un des chefs germains, lui révéla sur la conjuration. Il ne prévoyait ni ne craignait rien de tel, et dans une sécurité trompeuse il les citait à son tribunal, lorsqu'ils l'attaquent à l'improviste et se jettent partout sur ses troupes. Son camp est emporté, ses trois légions sont écrasées. Varus, après le désastre, eut le même destin et montra le même courage que Paulus après la journée de Cannes. Rien de plus sanglant que ce carnage dans les marais et dans les bois, rien de plus révoltant que les outrages des barbares, surtout à l'égard des avocats. Aux uns ils crevaient les yeux, aux autres ils coupaient les mains. A l'un d'eux ils cousirent la bouche, après lui avoir d'abord coupé la langue, qu'un barbare tenait à la main, en disant : «Vipère, cesse enfin de siffler.» Le cadavre même du consul, que la piété des soldats avait enterré, fut exhumé. Les barbares possèdent encore des drapeaux et deux aigles. Quant à la troisième, un porte-enseigne l'arracha de sa pique avant qu'elle ne tombât entre les mains de l'ennemi, la dissimula à l'intérieur de son baudrier, et alla se cacher dans un marais ensanglanté. Ce désastre obligea l'empire, que n'avait pu arrêter le rivage de l'océan, à s'arrêter sur les bords du Rhin. Tels furent les événements au Septentrion.

VELLEIUS PATERCULUS
Historiæ Romanæ libri duo, CXVII-CXXI

Originaire de Campanie, C. Velleius Paterculus (20 av. n.E.-30 de n.E.) fut préfet de cavalerie de Tibère en Germanie. Son père, qui avait servi dans les rangs de Marc Antoine sous les ordres de Tib. Claudius Nero - le père du futur empereur Tibère à la fortune duquel l'historien restera attaché - se suicida après le triomphe d'Octave.
L'Histoire Romaine de Velleius Paterculus qui va du retour de Troie au règne de Tibère (dont l'écrivain est le thuriféraire) est dédiée au consul Marcus Vinicius. On trouvera la traduction intégrale de son ouvrage sur le site de Philippe Remacle.

CXVII. - César venait à peine de terminer la guerre de Pannonie et de Dalmatie quand, moins de cinq jours après qu'il eut achevé une tâche si importante, des lettres funestes arrivèrent de Germanie. Elles annonçaient la mort de Varus, le massacre de trois légions, de trois corps de cavalerie et de six cohortes. La fortune ne nous fut indulgente que sur un point... et le personnage de Varus demande qu'on s'y arrête. Quintilius Varus descendait d'une famille plutôt illustre que noble. C'était un homme naturellement doux, de mœurs tranquilles, un peu lourd d'esprit comme de corps, et plus accoutumé à la calme vie des camps qu'aux fatigues de la guerre. Il était loin de mépriser l'argent, comme peut en témoigner la Syrie qu'il eut sous son autorité : elle était riche et lui pauvre quand il arriva; à son départ elle était pauvre et il était riche. Placé à la tête des troupes qui se trouvaient en Germanie, il s'imagina que ces barbares qui n'avaient d'humain que la voix et les membres, étaient véritablement des hommes et que les lois pourraient adoucir ceux que l'épée n'avait pu dompter. C'est avec de tels desseins qu'il pénétra au cœur de la Germanie. Il s'y comporta comme s'il était parmi des gens qui goûtent la douceur de la paix et passa le temps de la campagne d'été à rendre la justice et à prononcer des arrêts du haut de son tribunal.

CXVIII. - Mais, chose à peine croyable pour qui n'a pu en juger par lui-même, les Germains, peuple né pour le mensonge, témoignèrent dans leur extrême barbarie de la plus grande astuce. Ils inventèrent de toutes pièces une série de procès; tantôt ils se cherchaient querelle les uns aux autres; tantôt ils nous remerciaient de ce qu'ils voyaient leurs disputes apaisées par la justice romaine, leur humeur farouche adoucie par une nouvelle discipline inconnue, et leurs débats qu'ils vidaient jusque-là par les armes terminés par le droit. Ils amenèrent ainsi Quintilius Varus à faire preuve de la dernière imprévoyance. Il en vint même à croire qu'il se trouvait au forum rendant la justice comme préteur urbain et non plus au centre du territoire Germain à la tête d'une armée.

Alors un jeune homme noble, courageux, intelligent, d'une vivacité d'esprit extraordinaire chez un barbare et qui portait sur son visage et dans ses yeux l'ardeur de son âme, Arminius, fils de Sigimer chef de cette nation, après nous avoir fidèlement servis dans la campagne précédente et avoir même reçu de nous le droit de cité et le rang de chevalier, trouva dans la faiblesse de notre général l'occasion de son crime. Il avait pensé, non sans raison, que personne n'est plus rapidement abattu que celui qui est sans inquiétude et que la confiance aveugle est la cause la plus ordinaire des désastres.

Il associe à ses projets, d'abord quelques amis puis un plus grand nombre. Il leur dit, il leur persuade qu'on peut écraser les Romains. Aux décisions il joint les actes et fixe la date de l'embuscade. L'affaire est dénoncée à Varus par un des hommes de cette nation qui nous resta fidèle, un noble, Ségeste. Il conseillait de faire arrêter les conjurés mais déjà les destins étaient plus forts que la volonté de Varus et avaient émoussé la pénétration de son esprit. Car il en est ainsi : souvent un dieu égare l'esprit de celui dont il veut changer la fortune et fait en sorte, par un effet déplorable, que le malheur qui survient paraît mérité et que la mauvaise chance devient un crime. Ainsi Varus répond à Ségeste qu'il ne croit pas à ce complot et déclare que les marques de bienveillance que les Germains lui témoignent s'expliquent par les services qu'il leur a rendus. Après cet avertissement, Varus n'eut pas le temps d'en recevoir un second.

CXIX. - Les circonstances de cet affreux désastre qui fut, après la défaite de Crassus chez les Parthes, le plus grave qu'un peuple étranger eût infligé aux Romains, nous essaierons nous aussi, après tant d'autres, de les exposer en détail dans un ouvrage plus étendu. Nous ne devons ici le déplorer qu'en peu de mots. Cette armée était de toutes la plus courageuse et parmi les troupes romaines elle se distinguait par sa discipline, sa vigueur et son expérience de la guerre. Mais l'apathie de son chef, la perfidie de l'ennemi, l'injustice du sort l'accablèrent à la fois. Les soldats ne furent pas même autorisés à profiter de l'occasion de combattre ou de tenter une sortie, sauf dans des conditions défavorables et moins qu'ils ne l'eussent voulu, puisque certains d'entre eux furent durement punis pour avoir fait usage de leurs armes et montré leur courage de Romains. Des forêts, des marécages, des embuscades les entouraient de tous côtés et ils furent tués jusqu'au dernier par ces mêmes ennemis qu'ils avaient toujours égorgés comme un bétail et dont la vie et la mort dépendaient de leur colère ou de leur pitié.

Varus montra plus de courage pour mourir que pour combattre : imitant son père et son aïeul, il se perça de son épée. L'exemple que donna le préfet du camp, Lucius Eggius, fut aussi noble que fut honteux celui que donna son collègue Ceionius. En effet, alors que la plus grande partie de l'armée avait succombé dans la lutte, Ceionius proposa de se rendre, préférant mourir dans les supplices que dans la bataille. De son côté le lieutenant de Varus, Vala Numonius, homme par ailleurs honnête et doux, donna l'exemple le plus funeste : il s'enfuit avec la cavalerie, laissant seule l'infanterie et essaya de gagner le Rhin avec ses escadrons; mais le destin vengea ce crime, car Numonius ne survécut pas à ceux qu'il avait trahis et fut victime de sa trahison. Les ennemis déchirèrent sauvagement le corps à demi-brûlé de Varus. Sa tête fut coupée et portée à Maroboduus qui l'envoya à Auguste. Elle reçut enfin la sépulture dans le tombeau de la famille Quintilia.

CXX. - A cette nouvelle, Tibère vole auprès de son père. Eternel protecteur de l'empire romain, encore une fois il prend en main sa défense. On l'envoie en Germanie. Il consolide notre pouvoir sur les Gaules, dispose les armées et met en état les positions fortifiées puis jugeant de ce qu'il pouvait faire d'après sa propre puissance et non d'après l'assurance des ennemis qui menaçaient l'Italie d'une nouvelle guerre des Cimbres et des Teutons, il prend les devants et franchit le Rhin avec son armée. Il porte la guerre chez un adversaire que son père et sa patrie auraient jugé suffisant de voir contenu. Il pénètre plus avant, ouvre des routes, ravage les champs, brûle les maisons, disperse ceux qui résistent et revient à ses quartiers d'hiver, chargé d'une gloire immense sans avoir perdu un seul de ceux qu'il avait conduits au delà du Rhin.

Rendons le témoignage qu'il mérite à Lucius Asprénatus qui servait comme lieutenant sous les ordres de son oncle Varus. Grâce au courage et à l'énergie des deux légions qu'il commandait, il sauva son armée de cet affreux désastre, puis descendant en hâte vers les places du Bas-Rhin, il maintint fidèles les esprits déjà hésitants des peuples qui habitent de ce côté du fleuve. Certains prétendent toutefois que, s'il sauva la vie de ses soldats, il mit la main sur les biens de ceux qui périrent avec Varus, et s'assura à sa guise l'héritage de l'armée qui fut massacrée.

Il faut louer aussi le courage du préfet du camp, Lucius Cædicius et celui des soldats que d'immenses troupes de Germains cernèrent et assiégèrent avec lui à Alison. Ils surmontèrent toutes les difficultés que le manque de tout et la puissance des ennemis rendaient intolérables et insurmontables et, évitant à la fois toute résolution téméraire et toute lâche prévoyance, ils guettèrent l'occasion favorable et s'ouvrirent par le fer le chemin du retour. Comme on le voit par cet exemple, c'est bien parce qu'il n'avait pas l'esprit de décision d'un général et non parce que ses soldats manquaient de courage que Varus qui était par ailleurs un homme sérieux et plein d'excellentes intentions, se perdit lui-même avec la plus belle des armées.

Comme les Germains maltraitaient férocement les prisonniers, Caldus Cælius, jeune homme bien digne de l'antique noblesse de sa famille, accomplit une action héroïque : saisissant les anneaux de la chaîne qui le liait, il s'en frappa la tête avec tant de force qu'il fit jaillir à la fois le sang et la cervelle et expira sur-le-champ.

CXXI. - Entré en Germanie, Tibère notre général se fit remarquer dans les campagnes qui suivirent par le même courage et le même bonheur qu'auparavant. Lorsque sa flotte et ses fantassins eurent par leurs expéditions brisé les forces ennemies, lorsqu'il eut rétabli en Gaule une situation difficile et calmé par son énergie plutôt que par le châtiment les troubles que l'irritation du peuple avait fait éclater à Vienne, Auguste son père proposa de lui accorder sur toutes les provinces et sur toutes les armées un pouvoir égal au sien, et le sénat et le peuple romain en décidèrent ainsi. Il était absurde, en effet, qu'il n'eût pas sous son autorité les provinces qu'il protégeait et que celui qui était le premier à porter secours ne fût pas jugé digne d'obtenir les premiers honneurs. De retour à Rome, Tibère obtint ce qui lui était dû depuis longtemps, mais que les guerres ininterrompues avaient différé, le triomphe sur les Pannoniens et sur les Dalmates. Qui s'étonnerait de l'éclat de ce triomphe puisque c'était le triomphe de César ? Mais qui ne s'étonnerait de la faveur de la fortune ? Dans son triomphe, on put voir chargés de chaînes les chefs ennemis les plus illustres qui n'avaient pas péri, comme on l'avait dit. Nous eûmes le bonheur, mon frère et moi, d'accompagner César dans son triomphe, avec les citoyens les plus nobles chargés des plus nobles récompenses.

DION CASSIUS
Histoire romaine, LVI, 18-24

(Cassius Dio Cocceianus [ca 150-235])
De l'Histoire romaine de Dion Cassius,
écrivain romain de langue grecque, on ne trouve guère sur le Net qu'une traduction anglaise sur LacusCurtius, le site de Bill Thayer.

La traduction française ci-dessous est empruntée à la traduction de E. Gros. (DION CASSIUS, Histoire romaine [traduite avec des notes critiques, historiques, etc. et le texte grec en regard, collationné sur les meilleures éditions par E. GROS - Ouvrage continué par V. BOISSÉE], Paris, Firmin Didot, t. 8, 1866.)
(A noter que E. Gros, dans une note de bas de page, situe la forêt de Teutberg dans le voisinage de Horn, en Westphalie.)

18. On venait de rendre ces sénatus-consultes, lorsqu'une nouvelle terrible, venue de la Germanie, empêcha la célébration des fêtes. Voici, en effet, ce qui s'était passé pendant ce temps-là dans la Celtique. Les Romains y possédaient quelques régions, non pas réunies, mais éparses selon le hasard de la conquête (c'est pour cette raison qu'il n'en est pas parlé dans l'histoire); des soldats y avaient leurs quartiers d'hiver, et y formaient des colonies; les barbares avaient pris leurs usages, ils avaient des marchés réguliers et se mêlaient à eux dans des assemblées pacifiques. Ils n'avaient néanmoins perdu ni les habitudes de leur patrie, ni les mœurs qu'ils tenaient de la nature, ni le régime de la liberté, ni la puissance que donnent les armes. Aussi, tant qu'ils désapprirent tout cela petit à petit et, pour ainsi dire, en suivant la route avec précaution, ce changement de vie ne leur était pas pénible et ils ne s'apercevaient pas de cette transformation; mais, lorsque Quintilius Varus, venant avec l'imperium prendre le gouvernement de la Germanie et administrer le pays, se hâta de faire des réformes trop nombreuses à la fois, qu'il leur commanda comme à des esclaves, et qu'il leva des contributions comme chez un peuple soumis, les Germains ne le supportèrent pas. Cependant, bien que les principaux chefs regrettassent leur puissance d'auparavant et que le peuple préférât son état habituel à la domination étrangère, ils ne se révoltèrent pas ouvertement, parce qu'ils voyaient les Romains en grand nombre, tant sur les bords du Rhin que dans leur propre pays : accueillant Varus, comme s'ils étaient décidés à exécuter tous ses ordres, ils l'attirèrent, loin du Rhin, dans le pays des Chérusques, près du Veser; là, par des manières toutes pacifiques et par les procédés d'une amitié fidèle, ils lui inspirèrent la confiance qu'il pouvait les tenir en esclavage, même sans le secours de ses soldats.

19. Varus donc, au lieu d'avoir ses légions réunies, comme cela se doit faire en pays ennemi, les dispersa en nombreux détachements, sur la demande des habitants les plus faibles, sous prétexte de garder certaines places, de s'emparer de brigands ou de veiller à l'arrivée des convois de vivres. Les principaux conjurés, les chefs du complot et de la guerre, furent, entre autres, Arminius et Sigimère, qui avaient avec Varus des rapports continuels et souvent partageaient sa table. Cependant, tandis que Varus est plein de confiance, et que, loin de s'attendre à aucun malheur, il refuse d'ajouter foi à aucun de ceux qui soupçonnent ce qui se passe et l'avertissent de se tenir sur ses gardes, que même il les repousse comme des gens qui s'alarment sans sujet et calomnient les Germains, quelques-unes des peuplades lointaines se soulèvent à dessein les premières, afin qu'en se dirigeant contre elles, il soit plus aisé à surprendre dans sa marche à travers un pays qu'il croit ami, et que, la guerre n'éclatant pas sur tous les points à la fois, il ne se tienne pas sur ses gardes. C'est ce qui arriva. Ils l'accompagnèrent à son départ et ne le suivirent pas dans sa marche, sous prétexte de lui procurer des auxiliaires et d'aller promptement à son secours. Ils se réunirent aux troupes qu'ils avaient disposées dans un lieu favorable, et, massacrant chacun les soldats qu'ils avaient eux-mêmes auparavant appelés chez eux, ils rejoignirent Varus déjà engagé dans des forêts inextricables. Là, ils se déclarèrent tout à coup ennemis au lieu de sujets, et se livrèrent à un grand nombre d'actes affreux.

20. Les montagnes étaient coupées de vallées nombreuses et inégales, les arbres étaient tellement serrés et d'une hauteur tellement prodigieuse, que les Romains, même avant l'attaque des ennemis, étaient fatigués de les couper, d'y ouvrir des routes et de les employer à construire des ponts partout où il en était besoin.

Ils menaient avec eux un grand nombre de chariots et de bêtes de somme, comme en pleine paix; ils étaient suivis d'une foule d'enfants et de femmes, ainsi que de toute la multitude ordinaire des valets d'armée : aussi marchaient-ils sans ordre. Une pluie et un grand vent, qui survinrent dans ce même temps, les dispersèrent davantage encore; le sol, devenu glissant auprès des racines et auprès des troncs, rendait les pas mal assurés; la cime des arbres, se brisant et se renversant, jeta la confusion parmi eux. Ce fut au milieu d'un tel embarras que les barbares, grâce à leur connaissance des sentiers, fondant subitement de toute part sur les Romains à travers les fourrés, les enveloppèrent : ils les attaquèrent d'abord de loin à coup de traits, puis, comme personne ne se défendait et qu'il y en avait un grand nombre de blessés, ils avancèrent plus près; les Romains, en effet, marchant sans aucun ordre, pêle-mêle avec les chariots et les hommes sans armes et ne pouvant se rallier aisément, étant d'ailleurs moins nombreux que les ennemis qui les attaquaient, éprouvaient des maux innombrables sans en rendre.

21. Là, ayant rencontré un endroit favorable, autant du moins que le permettait une montagne couverte de forêts, ils y posèrent leur camp; puis, après avoir, partie brûlé, partie abandonné la plupart de leurs chariots et ceux de leurs bagages qui ne leur étaient pas absolument indispensables, ils se mirent en route, le lendemain, dans un meilleur ordre, afin d'atteindre un lieu découvert; cependant ils ne partirent pas sans avoir versé bien du sang.
En effet, après avoir quitté ce campement, ils tombèrent de nouveau dans des forêts et eurent à repousser des attaques, ce qui ne fut pas la moindre cause de leurs malheurs. Réunis dans un lieu étroit, afin que cavaliers et fantassins à la fois pussent charger l'ennemi en colonnes serrées, ils eurent beaucoup à se heurter entre eux et contre les arbres.

Le troisième jour après leur départ, une pluie torrentielle, mêlée à un grand vent, étant de nouveau survenue, ne leur permit ni d'avancer, ni de s'arrêter avec sûreté, et même leur enleva l'usage de leurs armes; ils ne pouvaient, en effet, se servir ni de leurs arcs, ni de leurs javelots, ni de leurs boucliers à cause de l'humidité. Ces accidents étaient moins sensibles pour les ennemis, la plupart légèrement armés et libres d'avancer ou de reculer. En outre, les barbares, dont le nombre s'était considérablement accru (beaucoup de ceux qui auparavant se contentaient de regarder s'étaient joints à eux, en vue surtout du butin), entouraient aisément et massacraient les Romains dont le nombre, au contraire (ils avaient perdu beaucoup des leurs dans les précédents combats), était déjà bien diminué; en sorte que Varus et les principaux chefs (ils étaient blessés), craignent d'être pris vifs ou mis à mort par des ennemis implacables, osèrent une action, affreuse il est vrai, mais nécessaire : ils se donnèrent eux-mêmes la mort.

22. A cette nouvelle, personne, même celui qui en avait la force, ne se défendit plus; les uns imitèrent leur chef, les autres, jetant leurs armes, se laissèrent tuer par qui le voulut; car la fuite, quelque désir qu'on eût de s'échapper, était impossible. Hommes et chevaux, tout était impunément taillé en pièces ...

Il y a ici une lacune dans le manuscrit de Dion Cassius, que Gros recoupe avec Zonaras, et complète :
Ils furent donc impunément taillés en pièces, et les barbares se rendirent maîtres de toutes les places fortes, à l'exception d'une, toutefois, qui les arrêta de façon qu'ils ne passèrent pas le Rhin et ne firent pas d'incursions dans la Gaule. Ils ne parvinrent pas, non plus, à réduire la place, attendu qu'ils ne connaissaient pas l'art des sièges, et que les Romains avaient un grand nombre d'archers dont les coups portaient le ravage et la mort dans leurs rangs. Ensuite, instruits que les Romains avaient des garnisons sur le Rhin, et que Tibère marchait contre eux à la tête d'un détachement formidable, la plupart abandonnèrent l'attaque de la place, tandis que ceux qui restèrent s'éloignèrent pour ne pas être incommodés par les sorties subites des assiégés, se saisirent des routes, dans l'espoir de prendre l'ennemi par le manque de vivres. Quant aux Romains qui étaient dans l'intérieur de la place, tant qu'ils eurent des provisions, ils tinrent bon, s'attendant à être secourus; mais, comme ils ne recevaient d'aide de personne et qu'ils étaient pressés par la famine, ils sortirent à la faveur d'une nuit d'orage (ils étaient peu de soldats, beaucoup même n'avaient pas d'armes), traversèrent les premières et les secondes gardes des barbares, et ne furent découverts qu'arrivés aux troisièmes. Tous...

... ils franchirent les premières et les secondes gardes des ennemis; mais, arrivés aux troisièmes, les femmes et les enfants, à cause de la fatigue, de la peur, des ténèbres et du froid, appelant sans cesse ceux qui étaient dans la force de l'âge, les firent découvrir. Ils auraient tous péri ou ils eussent été faits prisonniers, si les barbares ne s'étaient arrêtés à piller. Grâce à cette circonstance, les plus robustes s'échappèrent bien loin, et les trompettes qui étaient avec eux s'étant mis à sonner la charge (la nuit était survenue et on ne les voyait pas) firent croire aux ennemis que c'était Asprénas qui avait envoyé des renforts.

Dès lors les barbares renoncèrent à poursuivre les Romains au secours desquels, quand il fut instruit de ce qui se passait, Asprénas vint effectivement. Dans la suite, quelques-uns des captifs rentrèrent dans leurs foyers, moyennant une rançon payée par leurs parents, à qui cette permission fut accordée à la condition que les captifs resteraient en dehors de l'Italie (1). Mais cela n'eut lieu que plus tard.

23. Auguste, en apprenant la défaite de Varus, déchira ses vêtements, au rapport de plusieurs historiens, et conçut une grande douleur de la perte de son armée (2), et aussi parce qu'il craignait pour les Germanies et pour les Gaules, et, ce qui était le plus grave, parce qu'il se figurait voir ces nations prêtes à fondre sur l'Italie et sur Rome elle-même (3), et qu'il ne restait plus de citoyens en âge (4) de porter les armes ayant quelque valeur, et que ceux des alliés dont le secours eut été de quelque utilité avaient souffert. Néanmoins il prit toutes les mesures qu'exigeait la circonstance; et comme aucun de ceux qui avaient l'âge de porter les armes ne voulait s'enrôler, il les fit tirer au sort, et le cinquième parmi ceux qui n'avaient pas encore trente-cinq ans, le dixième parmi ceux qui étaient plus âgés, était, par suite de ce tirage, dépouillé de ses biens et noté d'infamie. Enfin, comme, malgré cela, beaucoup refusaient encore de lui obéir, il en punit plusieurs de mort. Il enrôla ainsi par la voie du sort le plus qu'il put de vétérans et d'affranchis, et se hâta de les envoyer immédiatement en Germanie rejoindre Tibère. Comme il y avait à Rome un grand nombre de Gaulois et de Germains, les uns voyageant sans songer à rien, les autres servant dans les gardes prétoriennes (5), il craignit qu'ils ne formassent quelque complot, et il envoya les derniers dans des îles, tandis qu'à ceux qui n'avaient pas d'armes, il enjoignait de sortir de la ville.

24. Telles furent les dispositions alors adoptées par Auguste; de plus aucune des fêtes instituées par les lois n'eut lieu, et les jeux ne furent pas célébrés; ensuite, à la nouvelle que quelques soldats avaient survécu à la défaite, que les Germanies étaient contenues par des garnisons et que l'ennemi n'avait même pas osé venir sur les bords du Rhin, il se remit de son trouble et provoqua une délibération sur les événements. Un désastre si grand et frappant tant de monde à la fois semblait n'être arrivé que par un effet de la colère divine,et les prodiges survenus avant et après la défaite lui faisaient craindre quelque vengeance des dieux. Le temple de Mars, dans le champ qui porte son nom, avait été frappé de la foudre; et de nombreux escarbots, qui avaient poussé leur vol jusque dans Rome, avaient été dévorés par des hirondelles, les sommets des Alpes avaient paru s'entrechoquer et faire jaillir trois colonnes de feu; le ciel, plusieurs fois, avait semblé s'embraser; de nombreuses comètes s'étaient montrées ensemble; on crut voir des lances venir du Nord tomber sur le camp des Romains; des abeilles construisirent leurs rayons auprès des autels; en Germanie, une Victoire qui regardait le territoire ennemi se retourna du côté de l'Italie; enfin, autour des aigles, dans le camp, les soldats, comme si les barbares eussent fondu sur eux, se livrèrent un combat sans résultat. Voila comment se passèrent alors les choses.

TACITE
Annales, I, 61-62

Publius Cornelius Tacitus (54-117), historien romain né à Interamna en Ombrie (ou à Rome ?). Au Livre I des Annales (An., I, 61-62), Tacite raconte la découverte par Germanicus et ses troupes du charnier constitué par les corps des soldats de Varus abandonnés sur le champ de bataille. Son récit est basé sur L'Histoire des guerres de Germanie, un ouvrage perdu de Pline l'Ancien (23-79 de n.E.) qui avait servi comme officier de cavalerie en Gaule et en Germanie. Au cours de ce séjour, Pline avait rencontré et discuté avec des survivants du désastre de Varus.

Au Livre II des Annales, Tacite narre les événements de 16 à 19, c'est-à-dire la guerre de représailles menée par Germanicus contre Arminius et ses alliés (TAC., An., II, 5-26, 41, 44-46, 88). Nous n'avons pas jugé utile de les reprendre ici. Enfin, Tacite dans sa Germanie propose une incroyable mine de renseignements sur les Germains, à manier avec précaution cependant car il a tendance à les idéaliser, leur trouvant les mêmes vertus que celles pratiquées par les anciens Romains d'autrefois !

On trouvera sur le site de Philippe Remacle les Tables,
les Annales I et les Annales II, ainsi que la Germanie.

60. (...) afin de diviser les forces de l'ennemi, il (6) envoie Cæcina vers l'Ems, par le pays des Bructères, avec quarante cohortes romaines (7). Le préfet Pédo conduit la cavalerie par les confins de la Frise : Germanicus lui-même s'embarqua sur les lacs avec quatre légions; et bientôt l'infanterie, la cavalerie et la flotte se trouvèrent réunies sur le fleuve marqué pour le rendez-vous. Les Chauques offrirent des secours et furent admis sous nos drapeaux. Les Bructères mettaient en cendres leur propre pays. L. Stertinius, envoyé par César [Germanicus] avec une troupe légèrement équipée, les battit; et, en continuant de tuer et de piller, il retrouva l'aigle de la dix-neuvième légion, perdue avec Varus. Ensuite l'armée s'avança jusqu'aux dernières limites des Bructères, et tout fut ravagé entre l'Ems et la Lippe, non loin de la forêt de Teutoburg, où, disait-on, gisaient sans sépulture les restes de Varus et de ses légions.

61. César [Germanicus] éprouva donc le désir de rendre les derniers honneurs aux soldats et aux chefs; et toute l'armée présente fut saisie d'une émotion douloureuse en songeant à leurs proches, à leurs amis, enfin aux chances de la guerre et à la destinée des humains. Cæcina est envoyé en avant pour sonder les profondeurs de la forêt, et construire des ponts ou des chaussées sur les marécages du sol et les terrains d'une solidité trompeuse; puis l'on pénètre dans ces lieux pleins d'images sinistres et de lugubres souvenirs. Le premier camp de Varus, à sa vaste enceinte, aux dimensions de sa place d'armes, annonçait l'ouvrage de trois légions. Plus loin un retranchement à demi ruiné, un fossé peu profond indiquaient l'endroit où s'étaient arrêtés leurs débris, déjà faibles. Au milieu de la plaine, des ossements blanchissants, épars ou amoncelés, suivant qu'on avait fui ou combattu. A côté, par terre, des morceaux d'armes et des membres de chevaux. Des têtes humaines pendaient au tronc des arbres. Dans les bois voisins, les autels barbares où furent immolés les tribuns et les centurions primipiles. Et les soldats qui survivaient à ce désastre, ayant échappé à la mort où s'étant échappés de leur prison, montraient la place où périrent les légats, où les aigles furent enlevées. «Ici Varus reçut une première blessure; là son bras malheureux, tourné contre lui-même, le délivra de la vie.» Ils disaient «sur quel tribunal Arminius harangua son armée, combien il dressa de gibets, fit creuser de fosses pour les prisonniers; par quelles insultes son orgueil outragea les enseignes et les aigles».

62. Ainsi une armée romaine présente sur le théâtre du désastre recueillait, après six ans, les ossements de trois légions; et, sans savoir s'ils couvraient de terre la dépouille d'un proche ou d'un étranger, animés contre l'ennemi d'une colère nouvelle, et la tristesse dans le cœur aussi bien que la vengeance, ils ensevelissaient tous ces restes comme ceux d'un parent ou d'un frère. On éleva un tombeau, dont César posa le premier gazon; pieux devoir, particulièrement agréable aux morts et par lequel il s'associait à la douleur des vivants. Cet acte ne fut point approuvé de Tibère : soit que Germanicus ne pût rien faire qu'il n'y trouvât du crime, soit que l'image des guerriers massacrés et privés de sépulture lui parût capable de refroidir l'armée pour les combats et de lui inspirer la crainte de l'ennemi; soit, enfin, qu'il pensât qu'un général, revêtu de l'augurat et des fonctions religieuses les plus antiques, ne devait approcher ses mains d'aucun objet funèbre (8).

En guise d'épitaphe...

Il nous plaît de rapprocher du texte de Tacite, ces quelques lignes de Pierre Schoendoerffer, préparant son film Dien Bien Phu, et revenant sur le site de la bataille à laquelle il avait participé comme «cinéaste aux armées».

«J'y suis retourné avec ma famille. Il pleuvait. Il y avait des zones sur les collines où l'herbe n'avait pas repoussé depuis trente-sept ans. On voyait, au milieu des grenades rouillées et des obus non éclaté, une multitude de choses noires à fleur de terre. C'étaient les semelles de caoutchouc des soldats qui avaient été là, qui étaient morts là. En fonction de la semelle, on pouvait reconnaître si c'était un Viêt-minh, un tirailleur, un parachutiste, un légionnaire... Vous ramassiez une poignée de terre et vous aviez de la ferraille dans les mains, parfois des débris humains, que le soldat vietnamien qui nous accompagnait emportait pour mettre dans un ossuaire.. Et il y avait ces bouquets de bambous flamboyants, de quarante mètres de hauteur, qui avaient poussé entre les collines, sur les restes de tous ces soldats morts, ces feuilles qui frémissaient au vent. Je n'avais aucun souvenir de ces bambous - et là il y en avait partout où nous nous étions battus. C'était magnifique. (...) Je suis monté sur Dominique 2, je suis redescendu, puis je suis allé vers Eliane 1, qui pour moi reste un des endroits les plus épouvantables de Diên Biên Phu. Eliane 1, c'était le charnier, l'horreur, parce qu'il y avait deux faces où ni les Français ni les Vietnamiens ne pouvaient aller et où les corps ont donc pourri pendant cinquante-sept jours et cinquante-sept nuits... J'avais le sentiment de cette armée morte, proche à me toucher la peau. Et là, dans la nuit étoilée, je leur ai dit que c'était pour eux que je faisais ce que je faisais et qu'il fallait qu'ils m'aident. J'ai parlé à haute voix et j'étais tout seul.
Pierre SCHOENDOERFFER (9)


NOTES :

(1) «Cette circonstance du rachat des captifs n'est pas indifférente ici. On connaît assez les principes des Romains à l'égard des captifs, principe dont le sénat à donné un exemple remarquable surtout dans la seconde guerre Punique, ou il préféra affranchir et armer des esclaves, bien qu'il put racheter à moins de frais les soldats captifs d'Hannibal» (note de E. Gros). - Retour texte

(2) «La douleur et la crainte qu'inspira ce désastre à Auguste sont assez connues; il suffira de renvoyer à SUÉTONE, 22» (note de E. Gros). - Retour texte

(3) «Si Tibère (SUÉTONE, 17) n'eut pas, avant la catastrophe de Varus, soumis l'Illyrie, il est hors de doute que les Germains victorieux se seraient joints aux Pannoniens» (note de E. Gros). - Retour texte

(4) «L'âge, chez les Romains, était de dix-sept à quarante ans; le citoyen qui avait servi dix ans dans la cavalerie, ou vingt dans l'infanterie, pouvait honorablement demander une exemption» (note de E. Gros). - Retour texte

(5) «Il faut rapprocher de ce passage celui de SUÉTONE (49), où il est dit qu'Auguste, après la défaite de Varus, licencia la compagnie de Germains qui lui avait jusqu'alors servi de garde» (note de E. Gros).
Faisons tout de même remarquer que, troupe privée recrutée parmi les Bataves, les gardes du corps germaniques ne faisaient pas partie des prétoriens, lesquels étaient recrutés dans la petite noblesse italienne. Au nombre de 100 ou 500, ces corporis custodes dissous en 9 furent rapidement reconstitués avant 14. C'est Caligula qui les militarisera en les faisant passer sous le contrôle du préfet du prétoire (cf. Y. LE BOHEC, L'Armée romaine, Picard, 2e éd., 1998, p. 23). - Retour texte

(6) Julius Cæsar Germanicus. - Retour texte

(7) Les quatre légions du Rhin inférieur (N.d. Henri BORNECQUE). - Retour texte

(8) Il s'exposait par là à une souillure (N.d. Henri BORNECQUE). - Retour texte

(9) P. SCHOENDOERFFER, Diên Biên Phu. 1954/1992. De la bataille au film, Editions Lincoln - Fixot, 1992, pp. 125-126. - Retour texte