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JANVIER
2005
- 14 Janvier 2005 :
- 21 Janvier 2005 :
- 30 janvier 2005 :
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14 janvier 2005 |
À
PROPOS DES GLADIATEURS D'HOWARD «SPARTACUS» FAST,
DE TROIE
ET DU ROI ARTHUR DU POINT DE VUE ARMEMENTS ET COMBATS... |
Eric
Teyssier nous écrit : |
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Eric Teyssier, président d'ACTA
Expérimentation (Université de Nîmes),
nous donne son avis à propos des armaturæ
gladiatoriennes dans le roman
d'Howard Fast et ses adaptations cinématographiques.
C'est peut-être l'occasion de rappeler à
nos visiteurs - en attendant la sortie d'un bouquin
à paraître chez Errance, Les gladiateurs
au combat, des sources à l'expérimentation
- son CD-ROM Le
médaillon de Cavillargues - L'archéologie
expérimentale et la gladiature. Ce CD-ROM
interactif contient un documentaire de 19' et, autour
de ce film, plusieurs rubriques qui permettent d'aborder
de façon simple et didactique le sujet de la
gladiature. Des photos, des petites vidéos, un
lexique ainsi que plusieurs textes nous aident à
découvrir ce vaste monde de la gladiature.
Brice Lopez et son complice Pierre Dufour, d'ACTA
Expérimentation retrouvent les gestes antiques..
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Etudiant les techniques de combat de l'Antiquité
tant à l'arme blanche qu'à mains nues,
ACTA Expérimentation est né de
la rencontre d'historiens et de spécialistes
des arts martiaux. Brice Lopez et Pierre Dufour ont
fait des démonstrations de pugilat et de pancrace
à l'occasion des Jeux Olympiques d'Athènes
(2004), et l'on peut retrouver leur exhibition dans
le DVD du documentaire de Pascal Cuissot, Quand les
Dieux couronnaient les hommes, programmé
sur Arte en août 2004 (le DVD en supplément
à l'Edition spéciale des Cahiers de
Science & Vie, juillet 2004).
ACTA Expérimentation
55, rue des Tilleuls
F 30.000 Nîmes
Tél. 04 66 20 27 76
Fax 04 66 20 27 78
Site : www.acta-archeo.com
Email : contact@acta-archeo.com
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Bonjour et bonne année pour
2005 qui semble déjà prometteuse en péplum
plus ou moins réussis. Je ne suis pas encore allé
voir Alexandre : qu'en pensez vous ? J'ai vu Troie
et Arthur qui sont à mon sens deux navets au
niveau du combat (surtout pour Troie) et des armements
(surtout pour Arthur).
Bravo pour votre très intéressant
dossier sur Spartacus, notamment pour votre très
utile mise au point sur la chronologie
comparée de Rome et des gladiateurs. D'où viennent
vos renseignements sur la fin de la gladiature à partir
de Constantin ? Je connais ces faits mais je n'ai pas encore
trouvé la ou les sources. Les connaissez vous ?
Pour la partie concernant les armements
je vais peut être vous étonner mais je suis globalement
d'accord avec Fast...
Il a surtout raison s'il présente l'opposition thrace-rétiaire
comme une nouveauté ou un essai injuste et presque
grotesque (mais possible car ils ont sûrement tout testé
dans les ludi). En effet, (et c'est le secutor
qui parle) sans mon grand bouclier face au trident du rétiaire
qui peut frapper très vite à la tête puis
passer en un éclair aux jambes ou aux pieds, je serais
très très vite hors de combat, même avec
de grandes ocreæ. Le thrace avec sa parma
(carrée et très cintrée, env. 50 x 50
cm) est incapable de se protéger d'une telle attaque.
Le rétiaire n'est donc pas l'adversaire du thrace et
aucune source iconographique ne les montre ensemble. Le
thrace est d'abord opposé au thrace ou à l'hoplomaque
(un autre parmulatus, mais armé du bouclier
rond) puis au mirmillon. Ce dernier contrairement à
ce qui est dit partout ne porte pas un poisson sur le casque.
Mis à part le célèbre tableau de Gérome
Pollice verso - qui semble malgré ses erreurs
être érigé au rang de source archéologique
par les auteurs - les nombreuses icono de mirmillon ne le
représentent jamais affublé de cet ornement.
De plus, aucun casque ou fragment de casque de gladiateur
ne représente de poisson, qui apparaît seulement
sur le décor d'un galerus (épaulière)
de rétiaire. Cette fable repose seulement sur les vers
de Festus que le rétiaire «chante» au mirmillon
pendant le combat... Bon, j'ai fait pas mal de combats contre
des rétiaires et ni lui ni moi n'avons le temps de
chanter. En plus, avec mon casque sur la tête, même
Pavarotti je ne l'entendrais pas... (même si Pavarotti
en rétiaire, j'aimerais bien le voir...).
Plus sérieusement : le mirmillon
descend du samnite, qui évolue vers le provocator d'une
part et le mirmillon d'autre part. A l'époque de Spartacus
le rétiaire est bien une invention récente et
constitue d'ailleurs un gladiateur rare dont la popularité
ne cessera de croître pour devenir l'idole (avec le
secutor...) des amphithéâtres à partir
du IIe ap. J.-C.
Voici la généalogie
que je présente dans notre ouvrage. (Il est entre les
mains de l'éditeur Errance; je vous tiendrai au courant
de la sortie).
Essai de généalogie
des gladiateurs
Sur lorigine et lévolution
des principaux gladiateurs, nous pouvons proposer le tableau
suivant.
Gaulois IIe-Ie
av |
Samnite IIe Ie-av |
Thrace fin IIe
av?- IVe ap. |
|
Disparaît totalement
sous Auguste |
Donne naissance à
deux armaturae au Ie av |
Rapports importants
avec lhoplomaque |
|
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Mirmillon
Ie av IVe ap |
Provocator
Ie-av-IIIe ap |
Se transforme
face au rétiaire |
|
Secutor
Ie ap IVe ap. |
|
Evolue dans
une variante rare |
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Scissor
Ie ap IVe ap |
|
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Hoplomaque
Ie-av IIIe ap |
Rétiaire
Ie av-IVe ap |
Les paires attestées et leur évolution :
IIe av.
J-C |
Ie av.
J-C |
Ie - III
e ap. J-C |
Gaulois-gaulois |
Gaulois-gaulois |
Disparition complète |
Samnite-samnite |
Samnite-samnite |
Disparaît au
profit du provocator |
Thrace-thrace |
Thrace-thrace |
Thrace-thrace |
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Thrace-hoplomaque |
Thrace-hoplomaque |
|
Eques-eques |
Eques-eques |
|
Provocator-provocator |
Provocator-provocator |
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Thrace-mirmillon |
Thrace-mirmillon |
|
Mirmillon-rétiaire
|
Secutor-rétiaire
Scissor rétiaire |
D'autre part, la sica est bien
l'arme particulière des thraces et je pense qu'elle
a pour origine la kopis ou la falcata ibérique
(même si Brice [Lopez] n'est pas tout à fait
d'accord avec moi, mais là, c'est un débat byzantin).
Enfin, mis à part le rétiaire qui est bel et
bien un gladiateur hors normes, tous les gladiateurs ont un
bouclier qui est comme nous le démontrons dans le livre
«au centre des débats» du combat gladiatorien.
Tous les péplums qui nous montrent des combattants
antiques (mis à part dans une certaine mesure les Celtes)
qui font «kling kling» avec leurs épées
se trompent et sont sous l'influence de «maîtres
d'armes» inspirés par le Moyen Age (comme celui
de Gladiator qui précédemment avait fait
Braveheart mais sans comprendre que ce n'était
pas la même époque...).
Voilà cher Michel, mes remarques,
comme à l'habitude très critiques, sur la façon
dont l'Antiquité et ses techniques de combat sont montrées
par le petit et le grand écran. De toute façon,
il faut beaucoup pardonner aux cinéastes car les documentaires
dit «sérieux» sur la question regorgent
des mêmes a priori répétés
depuis Tertullien et saint Augustin, qui sont - soit dit en
passant - deux faux témoins. En effet, quand ils évoquent
les gladiateurs, ils parlent de ce qu'ils ne connaîsssent
pas puisque leur religion leur interdit de se rendre au spectacle.
C'est un peu comme si on se référait à
des auteurs musulmans pour connaître le goût du
Bourgogne...
Bravo encore pour votre site, amitiés et à très
bientôt.
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RÉPONSE
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Qui aime bien, châtie
bien
Oui, vous êtes hypercritique, mais je ne m'en formalise
pas. J'ai longtemps été hypercritique moi aussi
[et je le suis toujours, du reste], car j'espérais
du cinéma plus qu'il n'en pouvait donner. Toutefois,
c'est le cinoche qui m'a inoculé la passion de l'Histoire,
et c'est déjà pas si mal.
Ma collaboration avec Jacques Martin (j'ai écrit et
documenté pour lui les deux volumes La marine antique,
chez Dargaud, «Les voyages d'Alix») et la composition
de deux romans «à quatre mains» (je documente,
critique et mon complice rédige) m'ont sensibilisé
aux affres de la «re-création historique»...
Par ailleurs mon site étant dédié au
cinéma historico-mythologique ce n'est pas mon rôle
de descendre les films, même si je ne me gène
pas trop pour remettre les pendules à l'heure.
Croyez bien que je râle en lisant dans des romans
ou des BD certaines sottises sur les navires romains (les
pauvres esclaves enchaînés, les superpositions
excessives de rangs de rameurs, etc.) ou même tout simplement...
l'usage des tria nomina lorsqu'il s'agit de nommer
des personnages. Voire tel cavalier se dressant sur ses étriers
(!), comme dans le récent roman Pompéi
de Robert Harris... que sais-je encore ! Les Spartacus
de G. Pacaud et de Joël Schmidt contiennent chacun tout
un coffret à ras-bord rempli de «perles»
dont la moindre n'est pas d'allégrement confondre «cohorte»
et «centurie» ! (J'ai parfois du mal à
croire que l'un de ces romans soit de la plume de Schmidt,
lui qui est par ailleurs l'auteur d'excellents bouquins comme
La vie et la mort des esclaves à Rome.)
Arthur
Ce que je pense de Troie et du Roi Arthur ?
J'ai mis en ligne mon
analyse de Troie et je guette un temps mort pour
finaliser Arthur. Pour Arthur, je suis partagé
entre l'enthousiasme et le fou rire. Enthousiasme au niveau
des intentions (restituer Arthur au Bas-Empire), de la tentative
de reconstitution d'un fortin du Mur d'Hadrien, de la musique
d'Hans Zimmer..., fou rire pour un scénario qui ressemble
tellement à celui des Larmes du soleil (du même
réalisateur), pour les arbalétriers saxons (en
fait, ce sont plutôt des gastraphétès)
tellement ridicules que le traducteur de la novelisation a
rendu crossbowmen par arquebusiers (au point
où on en est !), et quelques autres joyeusetés
comme l'incohérente bataille finale (même celle
du DVD director's cut) avec ces Pictes primitifs qui manient
des trébuchets... sans contrepoids. Risquaient pas
de faire du mal aux Saxons ! Je déplore l'absence d'une
«séquence pédagogique» expliquant
la différence entre l'arc composite des Sarmates et
le longbow saxon, quoique cette nuance n'a pas échappé
aux concepteurs du film (voir la bataille sur la glace - les
Sarmates tirent plus loin que les Saxons). D'accord avec vous
: les panoplies sarmates ne sont pas très convaincantes
(cf. le bouquin de Iaroslav Lebedvynski, Les Sarmates,
Errance éd., 2002); mais celles des Romains le sont
moins encore : ils portent des armures du Ier s. où
le monogramme du Christ a simplement remplacé les emblèmes
légionnaires traditionnels. En fait, restituer Arthur
à son contexte historique romano-breton, c'est quasiment
mission impossible vu les incertitudes nimbant le personnage
«historique». Car Arthur n'est même pas
mentionné par son contemporain saint Gildas (qui passera
pour avoir été son cousin) ni par Bède
le Vénérable (qui chronologiquement vient juste
après, dans nos sources). Selon Nennius et les autres
il faudrait situer l'action de ce Dux bellorum aux
alentours de 500-537; or le film, qui annonce la date de 451
(celle où les Saxons mercenaires attirés en
Bretagne par le Breton Vortigern, se révoltent contre
ceux-ci), fait expressément référence
au retrait des légions romaines de l'île de Bretagne,
soit 415 !
Troie
En ce qui concerne Troie. Si l'on relit attentivement
Homère, on comprend que Grecs et Troyens ne se contentèrent
pas de combats singuliers dans la «venteuse plaine»
de Troie. Les Grecs attaquèrent aussi les murs, comme
le rappelle Andromaque à son époux, et j'inclinerais
assez à donner raison à ceux qui voient dans
le «Cheval» une machine de guerre primitive destinée
à abattre les murailles, analogue à celles des
Assyriens au VIIe s. de n.E. donc contemporaines d'Homère.
(Du coup, il me faut bien ravaler les objections - un peu
condescendantes, je l'avoue - que j'ai longtemps opposées
aux engins de siège [tour roulante] que met en scène
le film de Robert Wise (Hélène de Troie,
1955), et dont le seul tort était de ne pas avoir figuré
dans les poèmes d'Homère. Les textes, ce n'est
pas tout. Ainsi la chanson de Festus à propos de «la
pêche au poisson [du mirmillon]» !...)
L'archéologie nous apprend que les murs et portes
de Troie étaient disposés pour contenir les
assauts de fantassins ennemis. Mais la véritable Troie
faisait 200 m de diamètre, et n'avait aucun rapport
avec la splendide cité reconstituée dans le
film. Magnifiée par le mythe, elle est devenue colossale
!
J'ai aussi ri de voir la hauteur sur l'eau des pentécontères
grecques : de toutes façons - au cinéma, en
BD ou ailleurs - la représentation de navires antiques
sera toujours, pour l'auteur de ce site, l'assurance d'une
franche rigolade. Un peu comme, pour vous, les gladiateurs.
Mais, à ce sujet, je me suis suffisamment empoigné
avec Martin et Henniquiau, son dessinateur. Ils étaient
imperméables aux travaux de Tim Severin que je leur
mettais sous le nez. Un navire «de l'âge du bronze»
(mais peu importe) dont les rames s'articulaient à
40 cm au dessus de la ligne de flottaison, partit de Volos
en Thessalie, navigua jusqu'à l'extrémité
de la mer Noire et en revint.
A propos de Troie, j'ai noté les boucliers
d'acier (de plastique imitant le métal, bien sûr)
des Myrmidons; les douteux cavaliers troyens que certes Homère
gratifiait de l'épithète de «dompteurs
de cavales», mais c'était pour les atteler à
leurs chars; l'absurde manie de tirer des flèches incendiaires
sans autre raison que de faire joli, d'imiter les balles traçantes
des jeux vidéos, etc. Pour le restant, les panoplies
grecques et troyennes sont une synthèse cinématographiquement
honorable de ce que nous savons de l'âge du bronze et
par quelques vases ou fresques mycéniennes ou minoennes
(je reviens aux navires : pourquoi ne pas s'être inspiré
plutôt de ceux des fresques de Théra ?).
La cuirasse d'Achille-Brad Pitt est, par contre, assez croquignole.
Où l'ont-ils trouvée ? Le «Vase des Guerriers»
? Bof.
Tout de même, on aurait apprécié de voir
Agamemnon revêtant une copie de la cuirasse de Dendera
! Evidemment, elle était moins seyante que celle qu'on
lui voit porter dans le film... Seul un Cacoyannis aurait
osé !
Les duels, la manière de combattre a été
savamment chorégraphiée par des «spécialistes».
Des spécialistes du spectacle, bien entendu. C'est
assez impressionnant, surtout la manière dont Achille
se trucide le géant Boagrios, au début du film.
Simple et efficace, ça ne vous a pas plus ? J'en reviens
toujours au chapitre que consacre aux duels de cinéma
Noël Howard dans Hollywood sur Nil. Cet escrimeur
fit ses début à l'écran dans cette spécialité,
après la Seconde guerre mondiale, avant de devenir
documentaliste puis réalisateur de seconde équipe.
Il devait s'affronter et se laisser battre par des acteurs
certes pleins de bonne volonté, mais qui tenaient leur
rapière comme une pince. Aussi au cinéma - disait-il
en substance - il n'est pas question pour les émules
de d'Artagnan de se battre selon les techniques de l'escrime,
mais de donner du spectacle, s'accrocher aux lustres, enlacer
une fille tout en coupant les bretelles du «méchant»,
etc.
Puis dans les années '70, nous avons connu la vogue
des films d'arts martiaux de Hong Kong. Depuis lors, nos bretteurs
occidentaux se battent en faisant des grimaces, en prenant
des poses de samouraï... ainsi Conan le Barbare
(1981), qui bénéficia des conseils d'un maître
d'arme japonais, Kiyoshi Yamasaki.
Mais tout ça, cher Eric, vous devez le savoir mieux
que moi.
Alexandre
Deux mots encore sur Alexandre.
Je réserve au site mes réflexions sur la valeur
historico-hagiographiques de ce film, qui sort en même
temps que Die Untergang (La Chute) d'Oliver Hirschbiegel
- un Oliver peut en cacher un autre, Hu ! Hu ! (Exprès
pour faire contraste, sans doute : voici deux adeptes du «Un
Maître, Un Monde» / «Ein Führer, ein
Volk».) Mais les batailles d'Alexandre sont époustouflantes,
en particulier la charge de la charrerie perse contre les
lances de la phalange macédonienne. Le spectateur attentif
aura noté la stratégie d'Alexandre d'enveloppement
par la cavalerie, par la droite à Gaugamèle;
l'inattentif n'aura rien noté du tout, sauf qu'il ne
lui restait plus de pop-corn. La magie de l'infographie et
les plans serrés permet de suggérer au spectateur
l'extrême violence de ces antiques mêlées.
Du coup le frileux affrontement cavalerie-phalange dans La
bataille de Marathon (1959) paraît bien terne !
Il m'a néanmoins semblé que les rangs des phalangites
n'étaient pas aussi denses que j'étais en droit
de l'espérer. En fait, ils combattent en rangs, au
lieu de combattre en files... Qu'en pensez-vous ? Un mauvais
point aussi pour ce tambour macédonien qui rythme la
charge. Il n'y en avait pas (plutôt des flûtistes).
Je cueille dans le press-book cette phrase qui va susciter
votre indignation. Richard Hooper, l'armurier du film, y déclare
avoir fait quelques compromis dans la conception des armes,
pour faciliter le tournage. «On a un peu triché
sur la longueur de la sarisse, on a également dû
allonger les glaives et rétrécir les boucliers
pour les rendre plus maniables.» Il me semble bien,
en effet, que les sarisses du film font moins que les 6,30
m réglementaires.
Encore un mot sur les phalangites. Dans l'ensemble, rien
à critiquer hors la longueur des lances, néanmoins
impressionnantes : le casque thraco-phrygien, la linothorax
avec une double ceinture de ptéryges, l'étroit
bouclier pendu au cou pour laisser les deux mains libres...
J'ai néanmoins aperçu quelques larges boucliers
ronds, avec en ronde-bosse l'étoile macédonienne.
Elle aurait normalement dû être peinte. En fait,
si j'en crois les publications Osprey, la mode militaire à
l'époque aurait plutôt été d'orner
l'épisème des boucliers d'un portrait réaliste
plutôt que d'un emblème stylisé, mais
je n'ai rien vu de tel dans le film.
Quant à la bataille contre les éléphants
(j'y reviendrai), elle ne se déroula point dans la
jungle au contraire du film, mais sur un terrain dégagé
et sablonneux, ainsi que l'indique Arrien. Depuis Gladiator,
la charge de cavalerie en forêt est devenue une tarte
à la crème du cinéma épique. Pauvres
cavaliers, pauvres cornacs... gare aux branches basses...
Aïe...
***
Chronologie post-constantinienne des gladiateurs
J'en viens à vos questions sur la partie post-constantinienne
de ma chronologie des gladiateurs. Le temps me manquait pour
développer les dates saillantes postérieures
au premier siècle de notre ère. J'ai puisé
l'essentiel à l'article «Gladiator» du
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines
de Daremberg et Saglio.
H. Fast, les rétiaires et les thraces
Il me reste à vous remercier pour vos précisions
apportées à mon
commentaire du roman d'Howard Fast et de ses adaptations
cinématographiques.
J'en retiens donc que le rétiaire était bien,
à l'époque de Spartacus, une armaturæ
récente, et que son opposition au thrace n'était
pas «normale». En revanche vous me concéderez
que des thraces combattant «nus» (c'est-à-dire
sans casque, ni jambières, et encore moins de bouclier)
est une hérésie, car, comme vous le dites toujours,
«le bouclier est au centre du débat».
Je prends bonne note aussi que, selon vous, le mirmillon
vient du samnite et non du gaulois. Voilà qui va bouleverser
bien des idées reçues. J'attends avec intérêt
l'argumentaire qui figurera dans votre livre à paraître
chez Errance.

Des quadriges disputent la victoire sur la piste d'Olympie
1.611 ans après que Théodose eût
interdit les jeux
(Quand les Dieux couronnaient les hommes, Pascal
Cuissot, 2004) |
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ERIC
TEYSSIER RÉÉCRIT |
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Merci pour
votre réponse. Elle m'a donné envie de voir
Alexandre : j'en reviens. Je suis tout à fait
d'accord avec vos analyses.
Chapeau pour les équipements je n'ai rien trouvé
à redire (comme quoi malgré mon penchant hypercritique...)
mais je ne suis pas spécialiste du monde grec. Il faudra
que je le repasse et je trouverai bien un truc, non mais !
Superbes casques, superbes cuirasses (nous sommes en train
de fabriquer les mêmes à ACTA pour notre travail
sur ce que nous appelons les «proto gladiateurs»
- ce sera la nouveauté de 2005 : «800 ans
de gladiature»).
Alexandre montre peut être
le début d'une évolution du péplum avec
un souci des équipements très nouveau. Peut-être
Oliver Stone a-t-il compris que c'est pas plus cher de faire
juste. Ou alors son conseiller a lu le bouquin-référence
de Peter Connoly, dont je crois reconnaître quelques
planches dans certains plans (notamment Alexandre coiffé
d'un casque en forme de tête de lion et les extrémité
des sarisses).
Un regret pour la phalange : pas assez
mise en valeur, pas assez dense ni en cohésion, même
si c'est le premier film sur l'Antiquité où
la ligne tient plus de dix secondes, un exploit. Après
il faut absolument passer à la traditionnelle cohue
où tous le monde frappe son voisin. Là c'est
plus attendu et du coup on perd de vue la phalange qui est
bien l'essentiel de la puissance d'Alexandre.
Dommage aussi que cette charge et
cette bataille dans la forêt (pas plus logique que celle
de Gladiator). Bref, Alexandre est crédible,
et c'est pas un rôle facile, tout comme son père
et sa mère.
Pour vos analyses d'Arthur
et de Troie je suis parfaitement d'accord avec vous.
Quel dommage de gâcher un Arthur historique de la fin
de l'Antiquité. Quelle farce que ces légionnaires
du Ier siècle et ce sénateur (à la toge
ornée d'une bande bleue (?)) qui vit au nord du mur
en 451 dans une villa campanienne, tyrannisant de pauvres
Scots (que font leurs frères ?) avec seulemnt quatre
gardes ! qui d'ailleurs ont, eux, des casques à peu
près convenables pour l'époque. Dommage...
En ce qui concerne Troie, c'est
la première fois que je vois un guerrier combattre
avec son bouclier accroché dans le dos... Il faudra
vraiment qu'ACTA leur explique à quoi sert cet ustensile...
Quant à la passe d'Achille bondissant pour planter
son glaive dans la gorge de son adversaire c'est effectivement
très photogénique... mais assez ridicule. Ce
type d'attaque ne peut pas se faire sans élan donc
- à moins de dépasser le mur du son - sans que
l'adversaire ne la voie venir et lève instinctivement
son bouclier dans ce que nous appelons une «hyper élévation».
Du coup, il faudrait que ce cher Brad monte à près
de trois mètres de haut et qu'il ait des bras d'un
mètre vingt pour pouvoir réussir son coup. Si
malgré tout il tente sa chance et que son adversaire
soit un peu aguerri, ce dernier va pousser son bouclier en
avant lorsque l'acrobate sera envolé... Il se retrouvera
ainsi satellisé et les quatre fers en l'air à
quelques mètres de là. Succès assuré.
Un de nos thraces en a fait l'amère expérience
dans l'amphithéâtre de Toulouse avec un de nos
mirmillons de 1,90 m répondant au doux nom d'«Ursus».
Je vous passerai le film que nous avons fait ce jour là.
Vous verrez c'est très drôle, et cela montre
qu'il ne faut pas trop regarder les films américains
quand on est gladiateur.

ACTA Expérimentation en ses uvres : thrace
et mirmillon s'affrontent dans l'amphithéâtre
de Tarragone |
Je suis content de votre intérêt
pour mes petits commentaires gladiatoriens de Spartacus
(que j'ai hâte de voir [DVD chez Universal, depuis
octobre 2004 - N.d.M.E.]); je suis un
incorrigible bavard sur la question. Oui, en effet, un thrace
sans casque, sans jambières et sans bouclier c'est
non seulement une hérésie mais ce n'est plus
rien du tout, peut être un Apache façon voyou
1900 à condition qu'il ait une casquette.
Vivement que le livre sorte, peut
être fera-t-il un peu évoluer les choses sur
la vision des gladiateurs.
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RÉPONSE
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Si j'en crois le magazine Champs
de Bataille, le fameux casque «connollyen»
- de type attique, en forme de tête de lion - aurait
été porté par Alexandre à la bataille
du Granique (je ne sais trop sur quoi ils se basent pour faire
une telle assertion, mais ils produisent à ce sujet
une monnaie d'Alexandre coiffé du casque en question,
casque qu'il le porte aussi sur le bas relief décorant
le sarcophage dit «d'Alexandre», trouvé
à Sidon). Quant à la linothorax du film, elle
est conforme en tout point à celle qu'il portait à
la bataille de Gaugamèle d'après la fameuse
mosaïque de Pompéi, qui serait une copie d'une
peinture d'Apelle (un familier d'Alexandre). Certes, ces belles
pièces focalisent l'attention, mais ne doivent pas
nous détourner du reste. Au cinéma - comme ailleurs
-, il faut «remplir». C'est cela les affres de
la re-création dont je parlais. Quand on a un schéma
des cales sèches du Pirée, le dessinateur doit
imaginer des détails qui aient l'air vraisemblables
pour y faire vivre ses personnages. Il doit faire des choix.
Voilà ce que j'ai appris avec J. Martin.
J'ai quand même vu un superbe anachronisme dans le
boudoir d'Olympias : un bouc d'or et lapis-lazuli arc-bouté
aux branches d'un arbre d'or, un chef d'uvre de l'orfévrerie
sumérienne... que faisait-il à Pella alors qu'Alexandre
était encore enfant ? Mais qu'importe...
Ferez-vous avec Brice Lopez et l'équipe une prestation
à Malagne
(Rochefort, Belgique), cette année ? Ou à l'Archéosite
d'Aubechies (près de Ath, Belgique) ? (ACTA Expérimentation
sera, fin juin 2005 à Bleesbruck, un parc archéologique
à la frontière franco-allemande.)
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21 Janvier 2005 |
QUID
DE L'HOPLOMAQUE ET DU SECUTOR ? |
Jean-Philippe
Wauthier nous écrit : |
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Je viens de
découvrir votre site et j'en suis enchanté. Une
question : quelle est la différence (s'il y en a une)
entre l'hoplomaque et le secutor ? Comment voir cette ou ces
différences sur des représentations ? Si la question
a déjà une réponse, renvoyez-moi la référence.
Merci d'avance et encore bravo ! |
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RÉPONSE
D'ÉRIC TEYSSIER : |
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L'hoplomaque
est un parmulatus apparenté au thrace avec lequel
il partage une origine hellénistique. Comme lui, il
porte deux grandes ocreæ qui montent jusqu'aux
cuisses ce qui les distingue de tous les autres gladiateurs.
Par contre l'hoplomaque n'est pas armé de la sica
du thrace mais d'une dague droite et surtout de la lance,
(environ 2,50 m) qu'il est le seul gladiateur à utiliser.
Son bouclier est rond et très bombé jusqu'à
constituer une demi-sphère. Sa taille, proche de la
parma du thrace est réduite (environ 50 cm).
Il combat soit contre le thrace soit contre un mirmillon.
Le secutor est un perfectionnement du mirmillon (qui lui même
est une évolution du samnite) afin de l'adapter au
combat très particulier contre le rétiaire (qui
est son seul adversaire). Son armement se distingue surtout
par la crête arrondie et effilée de son casque
adapté au filet. Surtout sa technique de combat est
très différente de celle du mirmillon et lui
vaut d'ailleurs son nom secutor : «celui qui
poursuit».
Ces deux gladiateurs sont donc très différents
par leur armement, leurs origines, leurs adversaires et leurs
techniques de combat
Voilà cher Jean-Philippe des
affirmations qui, certes, contredisent parfois celles de mes
éminents confrères mais, comme vous le savez,
cette nouvelle approche des armaturæ ne repose
pas seulement sur des spéculations intellectuelles
mais provient essentiellement des résultats de notre
travail d'expérimentation. Vous aurez bientôt
toutes les justifications et démonstrations de ces
dires dans notre ouvrage qui devrait être publié
bientôt aux éditions Errance.

Hoplomaque (à gauche) contre
mirmillon (à droite).
Notez les hautes ocreæ identiques
à celles du thrace, le petit bouclier
rond, la lance et le poignard qui équipent
l'hoplomaque. Peinture murale, IIe s. de n.E.
Villa de Mechern bei Merzig (Sarre, Allemagne).
Musée de Lyon.
(Source : Eric TEYSSIER & Brice LOPEZ, Les
gladiateurs au combat, des sources à
l'expérimentation, Errance éd.
[à paraître].)
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Hoplomaque, mirmillon et arbitres. Médaillon
d'applique. Musée de Lyon. |
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Combat sur un pont : rétiaire
contre secutor, avec son casque au cimier profilé
pour ne pas offrir de prise au filet. Notez
la présence de deux arbitres. Médaillon
d'applique trouvé à Cavaillargues
(Gard, France). W-A 34, Musée de Nîmes.
(Source : CD-ROM ACTA Expérimentation,
Le médaillon de Cavillargues.)
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30 janvier 2005 |
GRAMMATICUS
ROMAIN ET AUTRES FEMMES SAVANTES... |
Angelina
nous écrit
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J'étudie
le latin depuis le début de l'année et notre professeur
nous a demandé de choisir un sujet d'exposé. J'ai
eu l'idée de traiter de l'éducation dans la Rome
Antique, mais je me suis rendu compte qu'il y avait peu de choses
sur ce sujet, j'ai alors pensé que pour agrémenter
mon exposé, je pourrais y ajouter un film (un extrait);
mon père étant cinéaste m'a vivement conseillé
de chercher PEPLUM sur le moteur de recherche. Je viens donc
vous demander s'il y a un péplum sur l'éducation
dans la Rome Antique ? |
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RÉPONSE
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La pédagogie romaine n'est
certes pas au centre des préoccupations des cinéastes.
Par ailleurs, il vous faut également pouvoir disposer
du film pour le montrer. Soyons donc pragmatique. A vue de
nez, il n'y aurait guère de disponible, à ce
sujet, qu'un DVD récent auquel j'ai du reste consacré
un petit dossier sur mon site : le Jules
César d'Uli Edel. On y voit César préoccupé
par l'éducation de sa fille Julia, lui donner un précepteur
nommé Apollonios (en réalité cet Apollonios
Molon n'était pas esclave, mais tenait école
à Rhodes où César vint écouter
ses leçons... dans ce téléfilm, c'est
un peu différent). Vous y trouverez peut-être
ce que vous cherchez.
Autrement il y a Aristote entouré de ses élèves,
discourant sur la philosophie appliquée à la
politque. La version de Robert Rossen, avec Richard Burton
existe en DVD MGM (et réédition
chez Fabbri; le DVD de la version
Oliver Stone n'est en principe pas sur le marché
(mais vous pouvez peut-être le télécharger
- ne n'y connais rien à ces manip's) présente
une scène identique, avec en plus une coloration pédérastique
(éloge de la bonne homosexualité). Elle
a l'avantage d'être plus resserrée, donc plus
facile à l'emploi, que la version 1956. Mais nous sommes
ici dans le domaine grec... quoique l'enseignement aristotélicien
ait une valeur universelle.
Mais je me demandais s'il ne devait pas y avoir aussi quelque
chose dans le feuilleton TV de 1976 Moi Claude, Empereur
(les premiers épisodes traitent de l'enfance des jeunes
julio-claudiens, dont «cet imbécile de clo-clo-clo-claude»).
Je ne garantis pas l'info à 100 %... et puis ce ne
sera pas facile d'en obtenir une copie. A ma connaissance,
la seule édition DVD de la série est chez DFW
(télévision néerlandaise), c'est-à-dire
en VO anglaise, sous-titrée néerlandais.
Pour l'anecdote je vous rappelle que le Fellini-Satyricon
raconte la vie de deux étudiants débauchés,
Ascyltus et Encolpius (et de Giton). Mais la seule scène
vaguement «pédagogique» est celle où
le philosophe Eumolpus disserte à la pinacothèque
(avant le festin de Trimalchion). Existe en DVD.

Kerwin Mathews et Tina Louise dans Saffo,
Venere di Lesbo (1959).
Tout le charme kitsch des lobby cards
américains des années '60,
aux titres non moins bizarres... (The Warrior Empress)
À l'école où
nous avons appris l'A B C
La maîtresse avait des méthodes avancées.
Comme il fut doux le temps, bien éphémère,
hélas !
Où cette bonne fée régna
sur notre classe,
(...)
La maîtresse avait des méthodes avancées
:
Au premier de la class' ell' promit un baiser,
Un baiser pour de bon, un baiser libertin,
Un baiser sur la bouche, enfin bref, un patin.
Georges Brassens (La maîtresse
d'école) |
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Enfin, introuvable en vidéo
et en DVD (moi-même je le recherche), il y a le
merveilleux et kitchissime Sapho Vénus de Lesbos
(1959). Ca se passe dans un thiase, c'est-à-dire
une sorte de collège pour jeunes filles de bonne
famille, qui reçoivent une double éducation
sportive et poétique. On les voit jouer de la harpe,
chanter, danser, lancer le javelot, conduire des chars,
et même disputer des régates. La séquence
n'est pas très longue... Un de mes péplums
préférés, dont nous sommes redevables
au grand Pietro Francisci (Les Travaux d'Hercule).
Les plus douées sont appelées à devenir
les prêtresses de la déesse Aphrodite, la
divinité protectrice de l'île de Lesbos.
En pays éolien, en effet, les jeunes filles avaient
accès à une certaine éducation, notamment
littéraire (en pays dorien, à Sparte, c'était
plutôt sportif, afin que des jeunes femmes robustes
donnent le jour à des garçons solides) et
le film essayait d'imaginer la vie et les amours de la
poétesse Sapho (Tina Louise) et de son amant, le
beau Phaon (Kerwin Mathews) ! |

A l'école des femmes de Mitylène,
dans l'île de Lesbos, Sapho et ses amies
émancipées s'initient - pourquoi
non ? - à la conduite de la 4 cv qui faisait
fureur en 593 av. n.E. |
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Le collège s'amuse ! Le beau Phaon
a la détestable habitude d'y pénétrer
la nuit, pour visiter la belle Sapho pas gouine
pour une obole ! Cet élève
indiscipliné, et même carrément
rebelle, est traîné par les pions
chez le préfet des études, un abominable
tyran comme il se doit ! Ca va chier pour toi,
mec… |
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Mais tout ça nous éloigne
du pauvre grammaticus romain. Vous devriez trouver
des anecdotes croustillantes du côté des
poètes comiques, en particulier Plaute. En principe,
vous trouverez les références aux textes
dans n'importe quelle bonne Vie Quotidienne à
Rome, par exemple celle de Jérôme Carcopino. |
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