|
|
|
JANVIER
- FEVRIER 2006
SUR
CETTE PAGE :
- 4 janvier 2006
- 4 janvier 2006
- 7 janvier 2006
- 23 janvier 2006
PAGE SUIVANTE :
- 30 janvier 2006
- 30 janvier 2006
- 2 février 2006
|
|
|
|
|
|
|
4 janvier 2006 |
LE
PATRIMOINE CINÉMATOGRAPHIQUE DES GOLDEN SIXTIES |
Hervé
Krese a écrit : |
|
Merci
à vous pour avoir mis en ligne tous les numéros
de cette superbe collection de DVD ainsi que pour ces
commentaires savoureux !!
Non, tous les péplums ne sont pas ultra-kitsch
et ringards, et je dirais simplement que des films comme
ça, on n'en fait plus de nos jours. Ils font partie
désormais du patrimoine cinématographique
d'un genre considéré comme mineur, que l'on
aime ou pas, mais qui a fait le bonheur de nombreuses
personnes. J'ai 33 ans et je les regarde toujours avec
plaisir comme un agréable divertissement, ce qui
après tout était bien le but de ces films
sans grande prétention, sauf peut-être les
grandes superproductions américaines tels Cléopâtre
ou encore Ben Hur. |
|
|
RÉPONSE
: |
|
Merci à vous aussi
pour vos encouragements. Ces péplums des années
'50-'60 étaient les films de mon enfance et de
mon adolescence. Les films de mes premiers étonnements.
Ils ont déterminé mon goût de l'Histoire,
celle de l'Antiquité gréco-romaine en
particulier. De nos jours on assiste à un retour
du genre, qui produit des uvres bien différentes
car les moyens techniques ont évolué,
et la cinématographie italienne n'est plus ce
qu'elle était. Le public non plus. La télévision
et le DVD ont changé bien des données
aussi.
Mais je m'émerveille toujours de certaines superprodes
comme Alexandre, ou de certaines télésuites
comme les productions Hallmark qui nous ont donné,
voici quelques années, un remake de Jason
et les Argonautes appréciable, dont le DVD
Hercule devrait tomber dans les box incessamment
(si ça pouvait aussi sortir en français,
ce serait merveilleux). Si la télésuite
Empire (ABC), qui vient de passer sur M6 a conservé
l'esprit gladiatorien - et naïf - des Sixties,
je suis très enthousiaste pour Rome (HBO)
qui nous donne une vision de la Rome du Ier s. av. n.E.
d'un réalisme saisissant... (bientôt sur
Canal+).
Oui, Fabbri
a eu une très bonne idée en rééditant
cette collection de 35 DVD, et aussi FIP
dont le rythme de parution est plus lent. Dommage que
Fabbri n'ait - semble-t-il - pas les droits pour diffuser
sa collection hors de la France métropolitaine.
Il y a aussi la très belle collection espagnole
d'Impulso
Record, qui annonce des titres très intéressants.
Grâce à elle j'ai enfin pu voir Goliath
contre les Géants, que je n'avais jamais
vu... Il serait intéressant de voir ce qui se
passe en Angleterre et en Allemagne, et bien sûr
en Italie... |
|
|
|
|
|
|
4 janvier 2006 |
A
PROPOS DE ROME (HBO) : QUID DE LUCIUS
VORENUS & TITUS PULLO ? |
Jérome
Calas a écrit : |
|
Je viens
de regarder la serie Rome et je voudrai savoir
si Lucius Vorenus et Titus Pullo ont reellement éxisté
? Ont ils recupérer l'aigle volé en gaule
à César ? Ont ils survécu à
la disparition de la 13e légion alors qu'elle se
rendai en Grèce ? Ont-ils combattu au coté
de César en égypte ? Vorenus est il vraiment
devenu un magistrat puis un sénateur ? et
Pullo as t il vraiment été un assassin ?
Merci de t'intéressé à mon cas quand
tu auras 5 min. |
|
|
RÉPONSE
: |
|
Oui, Titus Pullo et Lucius
Vorenus ont bien existé. Mais qu'ils aient appartenu
à la XIIIe légion (1)
n'est qu'une possibilité, non une certitude.
Etaient-ils aux côtés de César en
Egypte, c'est possible, plausible même, mais on
n'en sait rien. Pullo assassin, Vorenus sénateur...
? c'est du roman, plausible bien entendu, mais du roman
(encore que de l'extraction bassement prolétarienne
de Vorenus, fils d'un affranchi... à un siège
au sénat, il y a loin).
Lucius Vorenus a rempilé
pour la solde; Titus Pullo est devenu homme de
main et tueur à gages.
Dur dur d'être légionnaire sans emploi
(Rome, HBO) |
La XIIIe fut-elle engloutie en traversant la mer, entre
Brundisium (Italie) et Palæste (Grèce)
? Oubliez ça. Aucune des trois ou quatre bios
de César que j'ai consultées ne parle
de légion engloutie, pas même d'un seul
légo qui se serait noyé en vomissant par-dessus
la rambarde ! Il est, par contre, vrai que les effectifs
de César avaient... fondus. Des douze légions
césariennes convoquées à Brundisium
pour poursuivre Pompée, cinq seulement furent
au rendez-vous, et encore en sous-effectif (désertions,
maladies). Arrivé à Brundisium à
la mauvaise saison - le 22 décembre 49 selon
le calendrier préjulien (soit le 17 novembre
49 [Le Verrier] ou le 26 octobre 49 [Groebe] dans notre
calendrier julien - merci Jules !) -, César attendit
bien sagement que la tempête s'apaise. Voici ce
qu'écrit Eberhard Horst : «Le 4 janvier
48, la mer étant un peu plus calme, César
donna l'ordre d'appareiller. Seuls 21.000 hommes se
trouvaient péniblement entassés à
bord des rares transports disponibles. Ils débarquèrent
près de Palæste (Palasa) sur la côte
de l'Epire au sud de Valona, l'actuelle Vlorë en
Albanie. Cette traversée de l'Adriatique avec
des forces si réduites représentait un
risque énorme. Que César l'eût assumé
ne peut s'expliquer que par sa volonté de ne
jamais laisser à l'ennemi le temps de se ressaisir,
et de toujours garder l'initiative.
L'effet de surprise réussit, bien que 600 navires
pompéiens environ eussent surveillé la
mer. Personne ne s'attendait, en cette saison, à
un débarquement venant de l'[ou]est, ni Pompée
qui conduisait lentement son armée sur la côte,
ni le commandant de sa flotte, Bibulus, qui croisait
au large de Corcyre (Corfou) avec 110 bateaux. Ce dernier
manqua l'occasion de mettre fin rapidement à
l'entreprise de son ancien coconsul haï. Seuls
les transports qui repartaient à vide chercher
le reste des légions à Brundisium tombèrent
entre ses mains; il en coula trente avec leur équipage»
(Eberhard HORST, César. Une biographie,
Fayard, 1981, p. 284).
Pompée non plus n'essuya pas de pertes. Il
avait fait franchir le canal d'Otrante à ses
troupes en deux fois : le 4 mars 49, les deux consuls
et trente cohortes avaient embarqué pour Dyrrachium;
le 17 mars [26 janvier, calendrier julien], le proconsul
Pompée et la vingtaine de cohortes demeurées
en Italie traversèrent à leur tour (J.
VAN OOTEGHEM, Pompée le Grand, bâtisseur
d'Empire, Académie Royale de Belgique, 1954,
pp. 551-552).
Vous savez, il faut accepter que certains détails
soient montés en épingle, modifiés,
transposés ou exagérés pour rendre
l'histoire plus intéressante. Bref, transformer
en véritable intrigue une sèche énumération
de faits. Cette tempête, c'est César lui-même
qui l'a essuyée dans une barque de pêcheur,
quelques semaines plus tard lorsqu'encerclé par
les Pompéiens en Grèce, il tenta de rentrer
seul en Italie pour aller chercher des renforts («Que
crains-tu ? Tu portes César et la fortune de
César», aurait-il dit au pauvre nautonier
effrayé). En ces circonstances, son questeur
Marc Antoine, demeuré en Italie, après
avoir chassé des côtes de Brindisium les
navires pompéiens de Libon qui le surveillaient,
prit l'initiative de lui amener des renforts (quatre
légions et 800 cavaliers) et manuvra brillamment
pour duper la vigilance des Pompéiens en débarquant
à Lissos, faire ensuite sa jonction avec César
et leur infliger une cuisante défaite dans Dyrrachium
assiégée (avril-juillet 48) (2).
Je ne pense pas que ce détail ait été
mis en valeur dans Rome (que j'ai vu en VO, le
détail m'a peut-être échappé).
Mais revenons à Pullo et Vorenus. Tout ce
que nous savons d'eux tient en une seule anecdote
de la Guerre des Gaules (V, 44) dont j'ai reproduit
le texte sur
mon site : ils étaient tous deux centurions
(dans le téléfilm, seul Vorenus est centurion,
Pullo est un simple légionnaire), mais César
ne nous précise pas à quelle légion
ils appartenaient. Les centurions Pullo et Vorenus se
trouvaient dans le camp de Q. Cicéron, quelque
part sur la Sambre, lorsque les Nerviens etc. vinrent
les y assiéger à l'automne 54, et qu'ils
se signalèrent par un acte de bravoure que rapporte
César, lequel aimait magnifier ses centurions,
soldats professionnels épine dorsale de son armée
(au contraire de ses légats, ses «généraux»).
A quelque distance de là, et au même moment,
les légats Sabinus et Cotta sont assiégés
dans l'Atuatuca par les Eburons. Ils ont sous leurs
ordres quinze cohortes, soit une légion et demie,
appartenant aux légions XIII et XIV. Nous ignorons
quelle proportion exacte de l'effectif respectif de
ces deux légions se trouvait dans l'Atuatuca...
ou ailleurs : ce qui veut dire que Vorenus et Pullo
- qui eux n'étaient pas dans l'Atuatuca - pouvaient
aussi bien appartenir à une vexillation de la
XIII, de la XIV ou d'une autre (sur les différentes
légions de César pendant la guerre des
Gaules, je vous renvoie à mon dossier VERCINGETORIX.
Les scénaristes, eux, ont choisi. Il le faut
bien. Donc Vorenus et Pullo appartiennent à la
XIIIe légion.
J'ai gardé l'aigle pour la fin. L'aigle perdue
est un vieux fantasme de la littérature romanesque
- les aigles perdues de Crassus, prises par les Parthes;
celle de la IX Hispana exterminée par
les Brigantes en Ecosse... -, j'en ai déjà
traité sur le site des EMPEREURS-ROMAINS.
Et je viens, du reste, de pondre un gros dossier pour
PEPLVM-IMAGES, consacré à Arminius
et au massacre des trois légions de Varus, où
il est entre autres question de deux aigles légionnaires
conquises par les Germains. A ma connaissance, César
n'a jamais perdu aucune aigle pendant la guerre des
Gaules. Il en a peut-être perdu une, mais alors
il ne s'en est jamais vanté. En effet, dans l'épisode
de l'Atuatuca sus-évoqué, César
raconte que l'aquilifer Lucius Petrosidius se
fit tuer sur place pour protéger l'aigle qu'il
avait jetée par-dessus les remparts du camp.
Quelques jours plus tard, les quinze cohortes de la
XIII et de la XIV qui se trouvaient dans ce camp sont
exterminées. Quid de leur aigle, chèrement
sauvegardée par l'héroïque Lucius
Petrosidius ? César n'en dit rien. Mais les scénaristes
de Rome s'en sont visiblement inspirés,
au gré de leurs paramètres de crédibilité...
J'aime vraiment beaucoup cette télésuite
Rome, car elle montre la précarité
du petit peuple, des esclaves, des anciens combattants
qui essaient de survivre à côté
de leurs nobles généraux lesquels tiennent
le haut du pavé. Devenir brigands ou chômeurs,
il n'y avait pas grand choix pour les démobilisés.
Tel fut le problème des grands condottieres de
la fin de la république : «caser»
leurs vétérans, des gens qui ne possédaient
rien, et à qui il fallait donner quelque chose
au terme de leur engagement, pour s'assurer leur clientèle.
Mais les grands propriétaires du sénat
étaient généralement hostiles à
ces distributions.
La personnalité de Vorenus désapprouvant
la politique de son patron César (pourtant toujours
enclin à pardonner à ses idiots de concitoyens
lorsque, ne partageant pas ses vues, ils avaient pris
les armes contre lui), me rappelle Titus Labienus. C'était,
en Gaule, le meilleur des généraux de
César. Mais, originaire du Picenium comme son
patron Pompée, il avait pris du service dans
l'armée de César lorsque les deux triumvirs
étaient amis. Un observateur superficiel
dira que Labienus trahit César. Je serais plus
nuancé : Labienus demeura fidèle à
son patron Pompée, et il faut louer sa loyauté.
L'attitude du pur républicain Vorenus est assurément
calquée sur ce personnage historique. Et Vorenus
ne fut certainement pas le seul Romain a avoir dû,
un jour, faire un choix de ce genre...
LIENS
Notre dossier Rome (HBO) : PEPLVM-IMAGES
Une présentation : Krinein.com
NOTES :
(1) Nous savons
que la treizième légion (G.G.,
V, 24, 53) était commandée par Lucius
Roscius; elle semble avoir pris part à la seconde
expédition de Grande-Bretagne, avant d'être
envoyée en quar tiers d'hiver chez les Éburons,
qui l'anéantirent complètement ou partiellement
à l'Atuatuca. L. Roscius fut préteur
en 49 et député auprès de César
à Ariminium par Pompée avec des propositions
de paix; il fut tué à Modène
en 43. - Retour texte
(2) F. CHAMOUX,
Marc Antoine, dernier prince de l'Orient grec,
Arthaud, 1986, pp. 65-70. - Retour
texte
|
|
|
|
|
|
|
7 janvier 2006 |
CAMANE
LA VESTALE ET LE FEUILLETON EMPIRE (ABC) |
Stéphanie
a écrit : |
|
J'ai
vu récemment à la télévision
les épisodes de la série Empire.
J'aimerai savoir s'il y a eu, en vrai, de quelconques
sentiments entre la vestale Camane et l'empereur Auguste
ou s'il s'agit d'un amour fictionnel pour donner plus
de charme à la série. |
|
|
RÉPONSE
: |
|
Dans les romans mélos
de la fin du XIXe s., quant une femme de la bonne société
essuyait une déception amoureuse, elle finissait
par prendre le voile et entrer au couvent. Les scénaristes
de cinéma - qui se foutent bien de ce que pensaient
les Romains, de leur mentalité - s'en sont souvenus
comme d'un ressort pour leurs intrigues. Mutatis
mutandis, dans la Rome antique, le couvent c'est
le collège des Vestales. Ben voyons !
Donc Sophia Loren dans La Chute de l'Empire romain
(1964) et Rita Gam dans Hannibal (1960) envisagent
de solutionner une passion déçue en entrant
dans le collège des Vestales... Il suffisait
d'y penser. Dans la version 1937 (inachevée)
de I Claudius, Jozef von Sternberg qui avait
le sens du show bizz, voulait filmer des dizaines de
vestales nues, au grand désespoir de son costumier
John Armstrong qui - lui - avait des références.
Enfin, dans le Forum en folie (1965), Richard
Lester montrait des vestales romaines s'apprêtant
à procéder à un sacrifice humain.
N'importe quoi. Mais c'est si bon !
Il me souvient d'une table ronde dans le sud de la
France, consacrée au péplum, où
se sont empoignés deux universitaires. La laïque
protestant contre la désinvolture avec laquelle
l'ecclésiastique décrivait Lygie, l'héroïne
de Quo Vadis, livrée à la fureur
de l'aurochs habillée d'une blanche robe «de
vestale». A juste titre, elle fit remarquer qu'il
ne serait jamais venu à l'idée des Romains
de revêtir des attributs sacrés des vestales
une criminelle chrétienne condamnée ad
bestias. La comparaison était saugrenue,
mais elle traduit bien le mépris et l'ignorance
des chrétiens pour les réalités
du paganisme (c'est la pruderie des cinéastes
américains qui avait revêtu Deborah Kerr
d'une robe blanche : dans le roman de Sienkiewicz comme
dans les représentations académiques,
et aussi dans le récent film de Kawalerowicz,
elle était nue, seulement parée de quelques
guirlandes de fleurs).
Lorsqu'un condamné à mort, conduit au
supplice, croisait une vestale dans la rue, il était
gracié. A la différence des religieuses
chrétiennes (en fait, les moralistes chrétiens
interdisaient à l'ensemble de leurs coreligionnaires
d'assister aux spectacles de cirque ou de théâtre,
jugés en blocs comme corrupteurs), les Vestales
assistaient aux jeux de l'amphithéâtre
- c'est du moins ce qu'a affirmé un polémiste
chrétien nommé Prudence. C'est précisément
ce fameux passage du Contre Symmaque où
Prudence met en doute la pureté des murs
des Vestales qui est le point de départ de la
célèbre toile de Gérôme Pollice
verso et de la fameuse controverse du «pouce
baissé». Le peintre a représenté
lesdites vestales aux premières loges, baissant
le pouce pour réclamer la mise à mort
du gladiateur vaincu.
La réalité était toute autre et
l'intervention des Vestales toujours miséricordieuse.
Mais là encore et une fois de plus, le goût
du sensationalisme et l'enseignement du mépris
ont prévalu.
Les Vestales étaient les servantes de la déesse
du foyer, Vesta, dont la flamme brûlait perpétuellement.
Elles habitaient une maison, l'Atrium Vestæ
à côté du temple rond (tholos)
de la déesse, sur le Forum, juste derrière
la Regia - la demeure du Pontifex Maximus,
qui les choisissait et exerçait sur elles une
autorité paternelle - et y conservaient les Pénates
de Rome et divers objets sacrés sur lesquels
nul homme n'avait droit de poser ses regards. Les hommes
n'avaient pas le droit d'y pénétrer, mais
les femmes étaient admises à l'occasion
des Vestalia, qui avaient lieu en juin.
A l'origine, la fonction était exercée
par les filles de rois, plus tard par des jeunes filles
issues de l'aristocratie. Au nombre de quatre
à l'origine, puis six, enfin sept.
Elles obéissaient à la Grande Vestale
(Virgo Vestalis Maxima), et se reconnaissaient
en rue à leur voile blanc entouré de bandelettes,
et aux licteurs qui les précédaient. Elles
jouissaient d'un très grand prestige car elles
étaient émancipées, ce qui les
plaçait juridiquement sur le même plan
que le sexe masculin. Toutefois, une Vestale qui aurait
manqué à son vu de virginité
était condamnée à une mort atroce
: enterrée vive dans un caveau muré. C'est
ce qu'il advint à la vestale Minucia (T. LIV.,
Hist., VIII, 15. 7-8), et sous Domitien - moins
indulgent que son père Vespasien et son frère
Titus -, à la Grande Vestale Cornélia
récidiviste (PLINE LE JEUNE, Ep., IV,
11. 5-9 et SUÉTONE, Dom., VIII, 4). Aulu
Gelle (Nuits attiques, I, 12) nous a conservé
les strictes règles régissant la «prise
(1)»
(capere) des Vestales : être d'une lignée
irréprochable, n'avoir aucune tare physique et,
bien sûr, être vierge. Deux jeunes romaines
étant en compétition pour remplacer la
Vestale Occia, celle qui ne fut pas retenue reçut
de l'empereur Tibère, en dédommagement
moral une dot d'un million de sesterce. Celle choisie
l'avait été parce que sa mère vivait
encore auprès de son époux; l'autre était
divorcée (TAC., An., II, 86. 1-3). On
devenait vestale à l'âge de sept ou huit
ans. Les jeunes filles prononçaient un vu
de chasteté et demeuraient en fonction pendant
trente ans (au début, cinq ans) : dix ans de
formation, dix ans d'exercice et dix ans d'enseignement.
A l'issue de leur service, elles retournaient à
la vie civile. Elles étaient alors libres de
se marier, mais cela demeurait rare une telle union
étant considérée comme de mauvais
augure.
Si Empire avait été un thriller
contemporain, Camane aurait été la gentille
«clerc de notaire» déjouant la magouille
destinée à spolier le gentil héritier
d'un empire milliardaire. Puis elle l'aurait épousé,
ensuite elle aurait bien sûr divorcé, puis
exigé une pension alimentaire exorbitante, que
sais-je encore... Drôle de pays l'Amérique.
Je préfère les Romains, plus rassurants.
Octave et la
Vestale Camane : savoir rester chacun à
sa place, dans la société romaine
comme ailleurs. Tant pis pour les midinettes
rêvant d'une belle romance... (Empire,
ABC)
|
Non, désolé, Camane est un personnage
imaginaire. Du reste, les vestales étant recrutées
parmi les grandes familles, il aurait fallu imaginer
l'existence d'un - ou plusieurs - Camanius (les filles
recevant comme prénom le patronyme paternel mis
au féminin, en l'occurrence Camana) lequel brille
par son absence dans mes dictionnaires, toutes époques
de l'histoire romaine confondues. Camane a été
créée par les scénaristes parce
que c'était généralement chez les
Vestales, sur le Forum, que les nobles citoyens romains
déposaient leur testament. Or ce testament de
César est bien au centre du débat, dans
Empire. Voici le passage de Suétone qui
traite du testament de Jules César : «A
la requête de Lucius Pison, son beau-père,
on ouvrit et on lut dans la maison d'Antoine le testament
que César avait écrit aux dernières
ides de septembre (45 av. n.E.), dans sa propriété
de Lavicum, et qu'il avait confié à
la Grande Vestale. Quintus Tubéron rapporte
qu'il n'avait pas cessé, depuis son premier consulat
jusqu'au début de la guerre civile, de désigner
pour héritier Cn. Pompée et qu'il avait
lu devant l'assemblée des soldats un testament
rédigé dans ce sens. Mais dans son dernier
testament, il institua trois héritiers, les petits-fils
de ses surs, Gaius Octavius, pour les trois quarts,
Lucius Pinarius et Quintus Pédius, pour l'autre
quart; à la fin il déclarait même
adopter Gaius Octavius, en lui léguant son nom;
il désignait plusieurs de ses assassins parmi
les tuteurs du fils qui pourrait lui naître, et
même Decimus Brutus parmi ses héritiers
de seconde ligne. Il léguait au peuple, collectivement,
ses jardins voisins du Tibre, et trois cents sesterces
par tête» (SUÉT., Cés.,
LXXXIII).
Les choses ne furent pas faciles entre Octave et Antoine,
et avant de finir par se réconcilier contre Cassius
et Brutus, les deux rivaux eurent même à
s'affronter sur un champ de bataille, à Mutina
(Modène). C'est d'ailleurs cette bataille qui
clôture la télésuite Empire,
mais son déroulement fut bien différent
de ce que raconte le film - pas de «légion
perdue» retrouvée; et Octave y participa
en temps que préteur, sous l'autorité
des consuls Pansa et Hirtius qui commandaient les forces
légales de la république.
D'une manière générale, le scénario
d'Empire est très fantaisiste, Octave
était suffisamment entouré pour n'avoir
jamais eu à se cacher de ses ennemis, et moins
encore à se retrouver esclave dans une école
de gladiateurs lovecraftiennement nommée Arkham.
Pure fantaisie aussi que ce général nègre
nommé Magonius, fidèle à César
: s'il y eut probablement quelques hommes de couleur
parmi les mercenaires numides de César, aucun
de ces auxiliaires ne risquait d'un jour devenir un
«général romain». Si la chose
vous tente, vous pouvez retrouver la relation exacte
de ces treize mois qui séparent l'assassinat
de César (15 mars 44) et la bataille de Modène
(14 avril 43), qui font l'objet d'Empire, dans
n'importe quelle bonne bio d'Auguste, par exemple celle
de Pierre Cosme (Auguste, Perrin, 2005), ou le
roman d'Allan Massie (Auguste. Mémoires d'un
Empereur, Flammarion, 1986).
Notez que la télésuite nous présente
Octave comme un dragueur impénitent (la fille
du sénateur Cimber, puis Camane). La sexualité
d'Octave a toujours été assez trouble,
à la fois débauché et puritain
en tant qu'Auguste. Il faut savoir que, devenu maître
de Rome (j'hésite à écrire «empereur»)
il encouragea le mariage et la natalité, la guerre
civile ayant décimé les grandes familles
romaines. Pour cela, il eut à sévir parmi
ses courtisans portés aux frivolités;
ainsi il condamna à l'exil le poète des
amours, Ovide. C'était néanmoins un sacré
petit «drôle», notre Gus ! Un sacré
coureur de jupons. N'oublions pas qu'avec son assentiment,
il... «confisqua» pour en faire son épouse
l'ambitieuse Livia, mariée à un Tiberius
Claudius Nero plus tout jeune (et à cette occasion,
écrit Suétone, il aima à se comparer
au fondateur de Rome, Romulus, enlevant une Sabine à
son mari).
Il faut toujours prendre avec beaucoup de prudence
les affirmations concernant la sexualité de ces
personnages historiques : les accusations de débauche
ou d'inversion faisaient partie de la rhétorique
politique, armes ordinaires dans l'univers machiste
romain pour dénigrer un adversaire. Que n'a-t-on
glosé sur Jules César «mari de toutes
les femmes, femme de tous les maris», ainsi que
chantaient ses légionnaires pour conjurer le
mauvais sort. Or si l'on examinait son «tableau
de chasse», on n'y trouverait que des succès
féminins !
Ainsi, selon Allan Massie (Auguste. Mémoires
d'un Empereur), Octave aurait été
adolescent l'amant de Mécène (personnage
oublié de la télésuite Empire).
Pure conjecture, basée sur les murs générales
du temps (mais voyez néanmoins SUÉT.,
Aug., LXVIII).
Faut-il prendre au sérieux l'allégation
de cette vieille concierge de Suétone lorsqu'il
évoque ces rumeurs de sodomie qu'Auguste - précise-t-il
- nia toujours avec la plus grande énergie (SUÉT.,
Aug., XCVIII) ? Pierre Kast (Les mémoires
du tyran [il s'agit de Tibère]), a pour sa
part fait ses délices d'un autre passage du même
paragraphe, selon lequel Auguste n'aimait rien tant
que de déflorer des vierges, que des rabatteurs
lui amenaient. Pourtant, sa première épouse
Clodia (belle-fille d'Antoine, née d'un premier
lit de Fulvia avec le trublion P. Clodius Pulcher),
qu'il avait épousée à peine nubile
pour sceller son alliance avec Antoine, fut répudiée
après quelques jours sans que leur union ait
été consommée. C'est peut-être
cette Clodia renvoyée chez elle encore vierge
qui a suggéré aux scénaristes d'Empire
l'histoire de la Vestale Camane, à laquelle sagement
Octave renonça.
LIENS
A propos d'Empire (ABC) :
- Les vestales romaines : site de l'Université
de Caen (choix des textes latins, avec leur traduction
française)
NOTES :
(1) Les fillettes
étaient choisies par les prêtres, sans
le consentement de leurs parents. En revanche, il
était possible, pour le père, de proposer
son enfant. - Retour texte
|
|
|
|
|
|
|
23 jannvier 2006 |
LE
RETOUR DES POISONS... |
Simaitha
a écrit : |
|
Je prépare
cette année un mémoire de lettres modernes
dont le sujet est : l'usage du poison dans la littérature,
à partir d'exemples tirés des poèmes
homériques a nos jours.
Je viens de découvrir votre site (en cherchant
toute autre chose, à vrai dire), et je me demandais
si vous pouviez m'aider, m'orienter, si bien sur vous
en avez et le temps, et l'envie. J'ai déjà
une bibliographie sommaire, et je commence à peine
à établir un plan d'étude. |
|
|
RÉPONSE
: |
|
Ce que j'ai mis sur mon
site dans le courrier
du 20 octobre 2004 puis dans le dossier Les
Travaux d'Hercule était la reprise
partielle, revue et améliorée sans doute,
d'un article que j'avais publié ailleurs, où
il était également question du poison
à Rome (Néron, Locuste, Canidie...). Je
vous envoie le fichier original en pièce jointe.
C'est un texte volontiers léger, où je
n'ai pas cru devoir m'appesantir en détails :
la plante dont use Médée pour rendre invulnérable
le corps de Jason est un crocus nommé prométhéion,
car il poussa là où coula le sang du Titan
Prométhée, crucifié sur le mont
Caucase. Ce prométhéion ne serait
rien d'autre que notre colchique (l'épisode se
passe en Colchide), qui est en effet un poison.
Dans l'Odyssée, une drogue utilisée
par la magicienne Circé transforme en toutes
sortes d'animaux les compagnons d'Ulysse; celui-ci y
résiste grâce au molù, une
plante que lui a remis Hermès, et qui serait
paraît-il une sorte d'ail sauvage. Rappelons que
c'est justement l'ail qui écarte les vampires
dans le folklore roumain.
Pour le reste, j'ai
bien peur que vous ne surestimiez mon érudition
en la matière. Il y a le bouquin de Roland
Villeneuve, bien sûr, sur les poisons et
empoisonneurs célèbres; le roman
de Ian Fleming, On ne vit que deux fois
(James Bond), qui énumère sur quatre
pages les plantations du Dr Shatterhand, classées
en hallucinatoires, enivrantes, convulsivantes,
dépressives, asthéniques et irritantes
- tous poisons végétaux mortels;
le livre de Georges-Roux sur Néron, où
l'auteur détaille la pharmacopée
romaine; les ouvrages du marquis de Wavrin, ethnologue,
publiés chez Payot, dont l'un consacré
aux Jivaros décrit la préparation
du curare et qui a beaucoup servi à Henri
Vernes pour écrire ses «Bob Morane»;
les poisons florentins de la Renaissance dont
il est question dans un roman d'Anne et Serge
GOLON, Angélique (Angélique
et le Roy, sauf erreur), dont s'inspire un
des films, mais sans donner beaucoup de détails...
Voilà quelques idées qui spontanément
me viennent à l'esprit quant on me parle
des poisons en littérature... Le Editions
Atlas, numéro 12 de leur collection «Les
plus grands films de Cape et d'Epée»,
viennent de rééditer en DVD L'affaire
des poisons (Henri Decoin, 1955, avec Danielle
Darrieux et Viviane Romance), qui retrace les
méfaits de Madame de Montespan et de la
Voisin, et le fameux procès qui de 1676
à 1682 défraya la chronique. Apparemment,
les scénaristes se sont davantage attachés
aux minutes du procès qu'au drame qu'en
tira Victorien Sardou en 1907.
En parlant de minutes, il me souvient que celles
du Procès de Gilles de Rais ont été
publiées par Georges Bataille, chez Pauvert,
1965, rééd. 1979. Il y a la question
de la sorcellerie, et surtout de la pédophilie
(dont Jacques Martin fera ses délices dans
les premiers albums sa série BD «Jhen»),
mais aussi sans doute des poisons. A vérifier.
Rayon romanesque, je vous recommande de Robert
GRAVES, Moi Claude, empereur, entièrement
construit sur l'idée que Livia, l'épouse
d'Auguste, empoisonne systématiquement
tous les candidats à la succession de l'empereur
possibles, afin de favoriser son fils Tibère,
né d'un premier lit. Le chapitre consacré
à la mort de Germanicus est spécialement
gratiné. Ce personnage de l'empoisonneuse
Locuste est spécialement mis en valeur
dans la série BD de Dufaux et Delaby, Murena.
Pas mal question de poisons aussi dans Les
Rois Maudits de Maurice DRUON, où c'est
Mahaut d'Artois qui porte le chapeau. |
|
A votre place et faute de mieux, je commencerais mes
recherches par l'examen d'ouvrages comme :
- Armand DELATTE, Herbarius. Recherches sur le
cérémonial usité chez les Anciens
pour la cueillette des simples et des plantes magiques,
Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1961;
- Hellmut BAUMANN, Le bouquet d'Athéna.
Les plantes dans la mythologie et l'art grecs,
Flammarion, 1984;
- Paul FAURE, Parfums et aromates de l'Antiquité,
Fayard, coll. Pluriel, n° 8799, 1987;
- Pierre FERRAN, Le livre des herbes étrangleuses,
vénéneuses, hallucinogènes, carnivores
et maléfique, Marabout, coll. Univers Secrets,
n° 423, 1973 (précédente édition
: Le livre des mauvaises herbes, Robert Morel,
1969).
Peut-être hors propos... mais j'aimerais faire
ici une mention particulière pour le bouquin
du Dr John Allegro au moyen duquel cet éminent
spécialiste des Manuscrits de la Mer Morte réussit
son suicide scientifique : John M. ALLEGRO, Le Champignon
sacré et la Croix (Etude de la nature et des
origines de christianisme dans les cultes de la fécondité
du Proche-Orient ancien), Albin Michel, 1971. Le
livre fit scandale à sa sortie. L'auteur propose
une explication de la Bible par des racines sumériennes,
et un culte de la fécondité centré
sur un champignon hallucinogène, l'Amanita
muscaria. Là aussi vous pourriez - peut-être
- glaner des infos sur certaines plantes «magiques»...
Voilà quelques axes de recherche qui pourraient
compléter votre plan de travail. Les poisons
et les passages secrets sont la tarte à la crème
des romans historiques ! Surtout que leur limite me
paraît assez indécise. Les empoisonneur(euses)
confectionnent également, souvent, des philtres
d'amours (Hercule et la Reine de Lydie, Les Amours
d'Hercule) ou qui annihilent la volonté du
héros (Le Triomphe de Maciste, Maciste dans
les Mines du Roi Salomon, Maciste et les Filles de la
Vallée) : dans l'Ancienne Edda, une
drogue administrée à Sigurd [Siegfried]
par Griemhild (1)
mère de Gutrune, lui fait oublier son amour pour
la Walkyrie Brynhild (Edda, VII [«Le poème
de Sigurd, le vainqueur de Fafner»], 33 [2]).
Je suis justement en train de plancher sur les Nibelungen,
où il est question de cette drogue qui fait oublier
à Siegfried ses engagements vis-à-vis
de la Walkyrie Brunhilde, qu'il a tirée du sommeil
en franchissant le mur de feu dressé par Wotan.
Est-ce que cela fait partie des poisons qui intéressent
votre travail ? (Dans la même légende,
le sang du dragon Fafner rend invulnérable le
corps de Siegfried, qui s'y est plongé; et pour
en avoir consommé, il comprend le chant des oiseaux.)
NOTES :
(1) Griemhild,
mère de Gutrune ou Gudrun, est la reine des
Burgondes Uote (ou Ute) de la version allemande, mère
de Kriemhilde. - Retour texte
(2) Les
Eddas, Paris, Garnier, coll. Bibliothèque
du Puget, s.d., p. 330. - Retour
texte
|
|
|
|
|
|
|