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Une superprode polonaise...

Quo Vadis ?,
de Jerzy Kawalerowicz (2001)

 

 

 Des films...
Des "Quatre Evangiles du Péplum" (Les Derniers Jours de Pompéi (E.G. Bulwer-Lytton, 1834), Fabiola, ou L'Eglise des Catacombes (N. Wiseman, 1854), Ben Hur, Un récit messianique (Lew Wallace, 1880) et Quo Vadis ? Roman des temps néroniens (1895)) le roman d'H. Sienkiewicz fut, assurément, celui qui connut le plus d'adaptations cinématographiques. De Ferdinand Zecca et Lucien Nonguet (FR, 1901) à Jerzy Kawalerowicz (Pologne, 2001), en passant par André Calmettes (Au temps des premiers chrétiens : Quo Vadis, FR, 1910), Enrico Guazzoni (IT, 1912) et Georg Jacoby & Gabriellino D'Annunzio (IT-AL, 1924), la plus connue reste sans doute celle signée par Mervyn Le Roy (EU, 1951). On n'oubliera pas la télésuite de Franco Rossi (IT, 1984 - six épisodes d'une heure et une version cinéma ramenée à 150'), ni les diverses adaptations de la pièce de théâtre tirée du roman par Wilson Barrett, Le Signe de la Croix (1914, 1932 [1]), dont une signée par le grand Cecil B. DeMille (1932) (cf. "Filmographie").

... au roman
La Pologne, donc, se devait de porter à l'écran le chef d'œuvre du plus illustre de ses fils. Avec Quo Vadis ? de Jerzy "Pharaon" Kawalerowicz, film de cinéma et télésuite en 6 épisodes, c'est maintenant chose faite. La "plus grande production polonaise de tous les temps" - budget : 12 millions de dollars - retrace le roman d'Henryk Sienkiewicz (1846-1916) qui, jamais ne terminait une journée sans lire quelques pages de Tacite, dans le texte.
En 1896, le romancier polonais stigmatisait à travers le César romain le Tsar de toutes des Russies, persécuteur des Catholiques uniates. L'interrogation "Où vas-tu, Pologne ?" renvoyait à celle que se posaient les nationalistes exilés qui de longue date (dès avant 1830 [2[3]) se réunissaient dans cette petite chapelle de Santa Maria delle Piante, près de la Porte Capène où, selon la légende, le Christ serait apparu à Pierre. Le 10 décembre 1905, l'Académie suédoise honora d'un Prix Nobel le roman au moment où, vaincu par le Japon et ébranlé par des troubles sociaux, vacillait d'Empire des Tsars (4).

Au long de son œuvre, Sienkiewicz avait exalté le sentiment patriotique des Polonais au travers de leurs luttes contre des oppresseurs : les Cosaques révoltés appuyés par les Tartares en 1648-1649 (Par le fer et par le feu, 1884 [5]), la guerre contre Charles X Gustave de Suède (Le Déluge, 1886-1887), la lutte contre les Turcs et l'héroïque défense de la forteresse Kamieniec (Messire Wolodyowski, 1888-1889) et, enfin, les Allemands, vaincus en 1410 à la bataille de Tannenberg par le grand-duc Jagello (plus tard roi, sous le nom de Wladislas II) (Les Chevaliers Teutoniques, 1901).
Le 10 décembre 1905, le Prix Nobel décerné à Quo Vadis ? vint donc couronner l'écrivain et son œuvre. Quo Vadis ? était surtout remarquable pour son idéalisme chrétien d'autant plus affirmé que son auteur - partisan de l'édification à tout prix - s'était fait connaître par ses prises de position littéraires "anti-Zola" (6). Opposé au réalisme social, Sienkiewicz s'insurgeait contre la bassesse de sentiments de ces Rougon et de ces Macquart, arrivistes et profiteurs : comment pouvait-on donner en lecture au bon peuple de tels romans éclaboussés par le vice et le pragmatisme ?

Néron, certes, se vautrait dans le stupre, mais non sans quelque grandeur (7) même si la description sienkiewicziennes de ses orgies anticipait la pudibonderie des péplums hollywoodiens des '50 (!).
Ce qui poussa quelques beaux esprits comme Montherlant (8) à reconnaître dans Quo Vadis ? deux niveaux de lecture possibles : l'orthodoxe et l'hérétique : "Qu'on songe au saisissement, à la stupéfaction d'un enfant de huit ans, entouré non de bigoterie, mais d'un catholicisme indiscuté, lorsqu'il tombe sur des phrases comme : "Laisse-moi donc la paix avec tes chrétiens [...]. Je te dis que ce sont des nigauds, que tu le sens toi-même, et que si ta nature répugne à suivre leur doctrine, c'est justement parce que tu vois leur imbécillité. Tu es un homme pétri d'une autre argile; n'y pense plus et ne m'en parle plus" (Pétrone à Vinicius, p. 283) (9).

Le chantre de la tauromachie glissait un brin d'autobiographie chez Alban de Bricoule, le héros des Bestiaires (1926) : "Une course de taureau était annoncée aux arènes de Bayonne. On décida d'y aller, simplement parce que le mot arène avait sur Alban un pouvoir électrique. En effet, alors qu'on le préparait à sa première communion, Mme de Coantré avait donné à son petit fils l'édition pour la jeunesse de Quo Vadis, et depuis ce temps Alban était Romain. Il avait sauté les pages consacrées à l'apôtre Pierre.
La course de taureaux fut pour l'enfant la seconde des trois grandes révélations... faut-il dire "de sa jeunesse", ou bien "de sa vie" ? La première avait été celle du paganisme par un livre à visées édifiantes"
et, quelques pages plus loin : "(leur) seule énumération (...) le plongeait dans une détresse, comme les passages concernant les chrétiens dans Quo Vadis" (10).

"A huit ans je baigne dans Quo Vadis comme la plaque photographique baigne dans le révélateur chimique : Quo Vadis fait apparaître la plus grande partie de ce qu'il y a en moi et qui y sera toujours. (...) II y a dans le paganisme une séduction, et dans cette époque une beauté d'horreur auxquelles le romancier était sensible, et Dieu merci. Pétrone, Vinicius, Néron même l'ont attiré : c'est pourquoi il a fait un roman humainement vrai, non une œuvre de propagande. Si des esprits chrétiens ont été touchés par le côté chrétien de son livre, et des esprits insensibles ou hostiles au christianisme touchés par ce côté païen, c'est parce qu'il a fait œuvre de bon romancier", se souviendra-t-il un demi-siècle plus tard, dans Le Treizième César (11).

En Pologne, chaque chrétien a "son" lion...
Voici trente-cinq ans que Kawalerowicz, qui venait alors de terminer Pharaon - autre roman d'un patriote polonais, Boleslaw Prus (12) (1898) -, rêvait de porter à l'écran Quo Vadis. Ce projet, il vient de le mener à bien en 2001. Entre-temps, la Pologne avait une fois de plus recouvré son identité et - signe des temps ! - c'était maintenant un pape polonais qui siège sur le trône de Pierre.

"Ainsi passa Néron, comme passent la rafale, la tempête, l'incendie, la guerre ou la peste; tandis que, des hauteurs du Vatican, règne désormais sur la ville et sur le monde la basilique de Pierre.
Non loin de l'antique Porte Capène
 (13), s'élève aujourd'hui une chapelle minuscule, avec cette inscription à demi-effacée : Quo Vadis, Domine ?" (14). En parfaite concordance avec les deux dernières phrases du roman, le dernier plan du film montre l'Apôtre, après sa rencontre avec le Christ, revenant à Rome... mais la Rome moderne, avec sa circulation automobile, et, au centre de l'écran, le dôme de Saint-Pierre construit, dit la tradition, sur son tombeau. La première mondiale de Quo Vadis, le 30 août 2001, eut du reste lieu au Vatican, dans le hall de Paul VI bâti à l'emplacement même de ces jardins où Néron transforma les martyrs en torches humaines pour illuminer ses nuits de débauche (15).

On signalera tout d'abord la fidélité de Kawalerowicz au texte de Sienkiewicz. Les précédentes versions avaient été plus réductrices, ou extrapolaient. Ainsi la version 1984 de Franco Rossi justifia les débordements de Néron par la perte de son enfant de quatre mois, Claudia Augusta, à peine évoquée dans le roman, mais le fait historique est patent. En outre, les décors sont superbes, même s'ils peuvent parfois sembler étriqués : primo, les péplums hollywoodiens nous ont habitués à montrer le Forum, le Colisée etc. plus grands qu'ils n'étaient en réalité; secundo, si l'on s'en réfère aux peintures de Jan Styka, toutes les proportions sont bien respectées - sauf un détail : Styka situait la crucifixion des chrétiens dans un cirque; le film de Kawalerowicz dans un amphithéâtre !

Ramener un bouquin de 800 p. (dixit) (16) à un script de cinéma de 120-140 p. implique des choix, rappelait de réalisateur lors de la présentation du film à Bruxelles, dans le cadre d'Europalia-Pologne. Pris au premier degré, c'est Marcus Vinicius et la belle Lygie qui sont les héros du roman. Toutefois, à y regarder de plus près, ils n'en sont pas les moteurs profonds. Kawalerowicz s'en explique : "L'adaptation régissant la dramaturgie de mon film consiste à déplacer le poids de la narration des héros du mélodrame (Vinicius et Lygie), vers les personnages principaux : Pétrone, Néron et Chilonidès. Une telle modification est fidèle à l'idée et à la philosophie de l'œuvre de Sienkiewicz qui, à mon avis, est un drame du pouvoir, de la foi et de l'amour menant à travers des situations extrêmes jusqu'à la tragédie.
Dans cette perspective, c'est
Pétrone qui passe au premier plan. Il est intelligent et noble, mais en même temps cynique et débauché. Il est un grand artiste, mais trop égoïste pour pouvoir se sacrifier pour le bien commun. Il ne croit ni en dieux ni en hommes. Il prévoit la ruine du grand empire mais il n'a pas la force de s'opposer à quoi que ce soit; ne voulant pas être un témoin passif des exploits d'un césar dément, il choisit une solution égoïste : le suicide. Il croit le faire pour humilier encore une fois le césar, et à l'occasion, il le ridiculise.
Le deuxième héros du drame, c'est
Néron bouffon et despote, non dépourvu d'une certaine dose de sagesse et de talent aux moments de lucidité. C'est un assassin rusé et égoïste, maladivement jaloux de sa grandeur et de son autorité d'artiste. Assumant le rôle de césar à ce grand tournant de l'histoire qu'était la naissance du christianisme, il n'est pas à même de faire face aux impératifs de cette époque tourmentée - ni en tant que souverain, ni en tant qu'artiste, ni en tant qu'homme. En revanche, il est un extraordinaire exemple de l'efflorescence d'un pouvoir despotique et d'une culture barbare. Il périt de la même façon qu'il tuait ses adversaires. Son histoire tragique est un avertissement et en même temps une amère réflexion sur l'autocratie, la dictature et le despotisme.
Le troisième héros du film,
Chilon Chilonidès, philosophe et escroc, est le personnage le plus immonde et le plus tragique. Chilonidès est issu du purin et de la boue de la pègre de Rome et de l'ambiance servile de cette ville. Vendant tout ce qui était honnête et noble, il arrive à se faire une place auprès du trône du césar. Il est le produit d'un monde régi par l'injustice et la violence. Néanmoins, ce personnage le plus immonde trouve la force et le courage d'accuser publiquement le césar des crimes que celui-ci a commis. Le moment où ce grand pécheur obtient la grâce de la conversion est un témoignage de la foi et du pardon.
L'accent optimiste de cette tragédie dantesque consiste donc en la victoire de la foi et de l'amour et le présage d'un monde plus humain.
Le grand drame de la lutte pour l'humanité décrit dans le roman de Sienkiewicz est aujourd'hui sans aucun doute d'actualité, tout comme il l'était à l'époque romaine.
Jean-Paul IIa maintes fois fait référence dans ses énoncés au roman de Sienkiewicz; il est grand admirateur de cette œuvre et conscient de son message universel."

Ad bestiam
Couverture d'une édition populaire
de "Quo Vadis ?" par Jan Styka

Ad bestiam...
Dans sa volonté d'être respectueux du roman, le film ne saurait éluder les clichés sulpiciens : les Romains boivent goulûment leur vin rouge dans des calices de métal précieux qu'ils empoignent à deux mains; les chrétiens, eux, ne boivent jamais, mais passent leur temps à transvaser à la louche d'un modeste récipient de terre à un autre leur maigre bouillon... Quelle race étrange, finalement, ces chrétiens, uniquement composée de vieillards émaciés et de girondes jeunes vierges - surtout dans les scènes de crucifixion ou de crémation ! Pas étonnant qu'ils tiennent à embrigader Marcus Vinicius, plutôt beau gosse. Nous n'avons pas vu une seule matrone chrétienne ni (hors Ursus, bien entendu) un mâle dans la force de l'âge, à l'exception peut-être de ce père qui, dans l'arène, essaie de soustraire son bébé à la voracité des fauves... "Un autre [lion] s'approcha d'un chrétien qui tenait dans ses bras un enfant cousu dans une peau de daim. L'enfant, secoué de sanglots et de cris, se cramponnait convulsivement à son père qui, voulant au moins un instant lui conserver la vie, s'efforçait de l'arracher de son cou, afin de le passer à ceux qui se trouvaient derrière. Mais ces cris et ces gestes irritèrent le lion; il poussa un rugissement rauque et bref, écrasa l'enfant d'un coup de patte et broya dans sa gueule le crâne du père" (p. 421 [17]).
A la réflexion, le cascadeur qui joue cette scène dangereuse devait être un des dompteurs, ceci expliquant cela !

Pour les amateurs d'action, nous dirons seulement que les scènes d'amphithéâtre n'ont rien en commun avec celles de Gladiator - puisqu'il ne s'agit pas de combats, mais de chrétiens crucifiés ou livrés aux lions - et que celles-ci sont d'un réalisme qui rappelle L'Arène Sanglante, la toile fameuse de Jan Styka, l'illustrateur du roman de Sienkiewicz.

Reprenons le roman : les chiens féroces ont déjà taillé des coupes claires dans les rangs des chrétiens. Mais le peuple en veut davantage, il exige que soient envoyés les fauves réservés pour le spectacle du lendemain. Les voici qui pénètrent dans l'arène, ces tigres, panthères, ours, loups. D'abord prudemment, puis "peu à peu l'odeur du sang et la vue des corps éventrés et amoncelés sur l'arène agirent sur eux (...) ce que l'on vit était horrible : des têtes englouties dans des gueules béantes, des poitrines ouvertes en travers d'un seul coup de croc (...) des cris inhumains, des acclamations, des rugissements" (p. 421).
Le spectacle est indescriptible, et parfois les Romains eux-mêmes ferment les yeux pour les rouvrir aussitôt, leur malsaine curiosité étant plus forte. Tout ceci est parfaitement rendu par les caméras de Kawalerowicz, qui va plus loin que les cinéastes d'Hollywood et de Cinecittà - mais toujours en conformité avec le texte de Sienkiewicz. Le massacre terminé, "par les vomitoires ouverts pour aérer l'amphithéâtre, parvenait du dehors le grincement des tombereaux où l'on déposait les restes sanglants des chrétiens, des hommes, des femmes et des enfants, pour les transporter vers les horribles fosses communes" (p. 424).
Arrivent ensuite, "des centaines d'esclaves armés de bêches, de pelles, de balais, de brouettes, de paniers pour ramasser, et emporter les intestins, ainsi que des sacs remplis de sable. Bientôt toute la piste grouilla de leur activité fiévreuse. En un instant on eut enlevé les cadavres, nettoyé le sang et les excréments, hersé, ratissé, et couvert d'arène d'une épaisse couche de sable sec. Puis des amours vinrent y semer des pétales de roses et de lis. On ralluma les brûle-parfums et l'on retira le vélarium, car le soleil était déjà sensiblement descendu" (p. 423). Alors se lèva Néron, qui se mit à déclamer son poème sur l'incendie de Troie...
Comment ne pas songer aux horreurs du nazisme et du stalinisme lorsque l'on voit les cadavres déchiquetés empilés sur les chariots, reliefs du repas des fauves dans l'amphithéâtre ? Auschwitz... Katyn... La phrase fameuse du critique Nino Frank, à propos des péplums des années '10-'20, "En Italie, chaque lion a son chrétien", devient dérisoire.

La peinture à fresque romaine
Nous ne pinaillerons pas pour le plaisir les détails archéologiques. Hors la lorica segmentata, la cuirasse de simple légionnaire (et quelques autres détails du même genre [18]) que porte un officier supérieur, Marcus Vinicius lorsqu'il débarque chez son oncle Pétrone, au début du film, tout sonne juste. Le film de Kawalerowicz dénote un souci historique certain. On relèvera notamment, dans le palais de Néron, outre la présence d'une réplique du célèbre groupe de "Laocoon et ses fils" (19) la reprise de certains panneaux de la Villa des Mystères à Pompéi avec ses personnages sur fond rouge cinabre, bel exemple du "deuxième style pompéien". Notre intérêt pour la nature des décors du palais de Néron n'est pas innocent, car il touche au scénario même du film, ou plutôt à la trame du roman de Sienkiewicz. Historiquement, c'est fort solliciter Tacite et la chronologie que de voir un lien de cause à effet entre l'incendie de Rome et la persécution des chrétiens (20) ! Mais dans une fiction édifiante soumise, sinon à la sacro-sainte règle théâtrale d'unité de temps et de lieu, tout au moins à celle du cause à effet, ce raccourci, d'abusif, devient légitime, et permet à Sienkiewicz d'enchaîner l'incendie de juillet 64 avec la chute de Néron (il se suicide le 11 juin 68) soit un hiatus de trois ans. Voyons pourquoi.

La Domus Transitoria. Le palais de Néron - la Domus Transitoria, ainsi nommée parce qu'elle reliait l'Esquilin au Palatin - ayant brûlé pendant l'incendie de Rome, l'empereur chargea les architectes Severus et Celer de lui construire un nouveau palais, la Domus Aurea (21), aux proportions d'une ville, pour la décoration de laquelle les œuvres d'art de la Grèce et de l'Orient furent mises au pillage. La "Maison Dorée" fut achevée en un temps record, tandis que l'Empereur voyageait en Grèce (de fin septembre 66 à décembre 67). Il y emménagea début 68 ("Je vais enfin être logé comme un homme !"), mais n'en profita pas beaucoup puisqu'il mourut en juin de la même année ! Le roman/le scénario (qui éludent sournoisement le fait que le palais de l'"infâme" Néron et ses précieuses collections brûlèrent avec le restant de ce qui n'était pas encore - et pour cause - la Ville Eternelle) pose ici un sérieux problème au décorateur-archéologue. Faut-il, dans la dernière partie du film, continuer à tourner dans les décors jusqu'alors censés figurer la Domus Transitoria (qui historiquement n'existe plus)... ou en créer de nouveaux, ceux de la Domus Aurea construite en trois ans, nous l'avons dit, et que le scénario a snobée (et il ne pouvait en être autrement puisque l'incendie, la répression puis la chute de Néron s'enchaînent précipitamment pour les besoins du scénario) ?
La question est d'importance, car si l'on n'a rien conservé de la première, la seconde existe encore et ses vestiges sont dignes de ceux de Pompéi.

La Domus Aurea. Véritable ville dans la ville, la Domus Aurea était assez impopulaire aux Romains que son érection avait délogés. Comparons la chose avec les travaux d'urbanisme de Mussolini anticomane lorsqu'il rasa les quartiers populaires issus du village qu'était devenu la Rome médiévale, pour bâtir la moderne capitale d'une l'Italie fasciste (22) : la Terza Roma, la "Troisième Rome"). Ou à ceux d'Haussmann, traçant les grands boulevards de Paris...
A l'entrée de la Maison Dorée le colosse de Néron-Soleil, œuvre de Zénodore, dominait de ses trente-cinq mètres la "mer néronienne" ou stagnum neronis qui clapotait à ses pieds. C'est à l'emplacement de cette "mer" que les Flaviens bâtiront leur amphithéâtre, douze ans après la mort de Néron. Mais l'amphitheatrum flavium restera redevable au "Colosse de Néron" de son surnom de Colisée (Colosseo) sous lequel il est mieux connu.

Quelques décennies plus tard encore, à la suite de l'incendie qui en 104 ravagea partiellement les étages supérieurs, Trajan rasa ceux-ci pour édifier ses fameux Thermes (achevés en 109), construits par Apollodore de Damas. Les étages inférieurs furent en partie remblayés, ou bouleversés par des travaux de maçonnerie effectués pour supporter les Thermes nouveaux.

Les quatre styles de la peinture romaine du Haut Empire. Redécouvertes vers 1480, certaines anciennes salles de la Maison Dorée restaient encore partiellement accessibles. On les appelait les "grottes de l'Esquilin", et les artistes de la Renaissance comme Raphaël et le Pinturrichio s'y faufilaient avec délices pour copier les fresques antiques - les grottesco, comme les appelait l'architecte Bramante.
En son temps, Vitruve avait sévèrement critiqué ces motifs fantastiques de créatures chimériques, hommes anguipèdes, crapauds etc. - d'où notre adjectif "grotesque" pour des choses aberrantes ou ridicules.
Depuis les travaux de la Surintendance Archéologique de Rome et de l'Institut Central de Restauration entrepris à partir de 1981, trente-deux des 150 salles de la Maison Dorée, restaurées, sont actuellement accessibles au public sous le parc de la Colle Oppio (la Colline Oppius, derrière le Colisée).

Tout ceci - fermons la parenthèse ci-dessus ouverte - pose au décorateur de Quo Vadis le problème suivant : doit-il s'inspirer de ces authentiques fresques du palais où Néron vécut seulement les derniers mois de sa vie, ou lui faut-il imaginer de toute pièce l'ancien palais d'avant 64 ? Car la Maison Dorée est surtout fameuse pour ses fresques du "IVe style pompéien" attribuées à Fabullus (ou Famulus), qui renoue avec les architectures en trompe l'œil enrichies par de multiples ornements empruntés au "IIIe style". C'est l'art type de l'Epoque "néronienne", visant au grandiose (23)... L'examen des nombreuses photos du film de Kawalerowicz, sur le site officiel - www.quo-vadis.pl - pourrait laisser croire que le décorateur s'est borné à une évocation "qui fait romain", plutôt qu'à une reconstitution scrupuleuse de ces vastes compositions, toujours hasardeuse. Retenons tout de même le péristyle de Pétrone avec ses rectangles de marbre jaune, noir et rouge qui sont du Ier style, imité des Grecs, quand le fresquiste essayait de donner l'illusion de la pierre et des matériaux bruts. Tandis que la grande salle rouge du palais - reconstituée en studio à Modlin - où Néron reçoit ses invités, avec l'impériale effigie couvrant un panneau, ses colonnes de marbre noir, et ses murs revêtus de panneaux noirs sur fond d'ensemble vermillon appartiennent bien au IIIe style (sans effet de trompe l'œil, avec ses candélabres caractéristiques).

Les quatre styles

Ier style pompéien (remonte au style grec du Ve s. av. n.E.)
imite avec des stucs en relief colorés des éléments architecturaux

IIe style pompéien
ces éléments architecturaux du Ier style sont traduits en "trompe l'œil"

IIIe style pompéien
prenant le contre-pied de cette architecture illusionniste, le IIIe style s'impose par une décoration sans profondeur, un espace imaginaire dans lequel sont disposés des candélabres, de petits édicules et une végétation exubérante.
Triomphe du mur plat et refus de l'architecture illusionniste.
Les candélabres prennent la place des colonnes pour partager les parois

IVe style pompéien (époque "néronienne", vise au grandiose...)
avec le IVe style renaissent les architectures en trompe l'œil enrichies par de multiples ornements empruntés au IIIe style.
Couleurs de prédilection : rouge, noir, or. Les scènes mythologiques sont moins austères, plus libertines. Le style est rétro

Le péristyle de la maison de Pétrone
appartient au 1er style pompéien


Pétrone, l'Arbitre des Elégances
Kawalerowicz a su s'entourer de comédiens excellents comme Pawel Delag dans le rôle de Marcus Vinicius et Magdalena Mielcarz dans celui de Lygie. L'ancien champion du monde de judo Rafal Kubacki est magnifique dans le personnage d'Ursus, d'une stature impressionnante (pauvre Buddy Baer de la version 1951 !).
Roux comme les Ahenobarbi, le visage tavelé de taches de rousseur, Michal Bajor est un Néron shakespearien tandis que Boguslaw Linda incarne un Pétrone athlétique et viril, plus proche du soldat Petronius Niger Titus dont nous parle Pline (Plin., Hist. Nat., XXXVII, 20), qui fut consul suffect en 62 (?) et saura être en Bithynie un proconsul énergique et capable, autant qu'à la cour de Néron il sut se comporter en épicurien consommé. Autrement plus convaincant que le gentil Leo Genn de 1951.

On ne sait que peu de choses, en fait, de ce fameux Pétrone. Le courtisan de Néron - l'ancien proconsul - fut-il le même personnage que ce Petronius Arbiter auteur du Satiricon ? On ne sait, mais Sienkiewicz pour les besoins de son roman fondit les deux personnages en un seul, auteur de cette fameuse lettre à Néron : "Porte-toi bien, mais laisse là le chant; tue, mais ne fais plus de vers; empoisonne, mais cesse de danser; incendie des villes, mais abandonne la cithare. Tel est le dernier souhait et le très amical conseil que t'envoie l'Arbitre des élégances."

C'est chez Tacite (Tac., An., XVI, 19) que Sienkiewicz trouva la description de la mort de C. Petronius se faisant ouvrir puis refermer les veines, s'entretenant avec ses amis, et rédigeant un codicille où il dénonçait "sous des noms d'emprunts" les débauches de Néron. On a supposé qu'il s'agissait du Satiricon, mais on ne voit pas où Pétrone - s'il s'agit bien du même que Petronius Arbiter - aurait trouvé le temps de rédiger un ouvrage aussi considérable pendant que sa vie s'écoulait goutte à goutte. Tacite ne parle nullement d'une autre personne qui se serait faite ouvrir les veines pour accompagner Pétrone dans la mort : le suicide d'Eunice serait donc inspiré de celui de l'épouse de Sénèque qui se fit saigner en même temps que son mari. Lequel, lui aussi, meubla ses derniers moments de vie par la composition d'un long discours (Tac., An., XV, 63). La destruction par Pétrone d'un précieux vase myrrhin que convoitait Néron est dans l'Histoire Naturelle de Pline, précité.


Fiche technique et résumé

Quo Vadis ? [tv & cin.]
Pologne, 2001
Quo Vadis ?
Prod. : Kredyt Bank (Stanislaw Pacuk) - Telewizja Polska S.A. (Pawel Rzepka) - HBO Polska - Documentary & Feature Film Production Agency - Kadr Film Studio (Jerzy Kawalerowicz) - Syrena Entertainment Group / Distr. : Chronos Film / Coul. / Dolby Stereo / Film et Mini-série TV, 6 épisodes (24) / Film : 4.917 m / 165'

Fiche technique
Réal. : Jerzy Kawalerowicz; Scén. : Jerzy Kawalerowicz (d'après le roman d'H. Sienkiewicz, Quo Vadis ?, Prix Nobel de littérature, 1905); Images : Andrzej J. Jaroszewicz; Prod. : Miroslaw Slowinski; Prod. exéc. : Jerzy K. Frykowski; Dir. prod. : Józef Jarosz; Décors : Janusz Sosnowski; Montage : Cezary Grzesiuk; Cost. : Magda Teslawska & Pawel Grabarczyk; Conseiller religieux : Père prof. Waldemar Chrostowski; Musique : Jan A.P. Kaczmarek.

Fiche artistique
Pawel Delag (Marek Winicjusz [Marcus Vinicius]) - Magdalena Mielcarz (Lygia) - Boguslaw Linda (Petroniusz [Pétrone]) - Jerzy Trela (Chilon Chilonidès) - Michal Bajor (Néron) - Agnieszka Wagner (Poppée) - Franciszek Pieczka (Pierre) - Danuta Stenka (Pomponia Græcina) - Krzysztof Majchrzak (Tigellin) - Rafal Kubacki (25) (Ursus) - Malgorzata Foremniak (Chrysothémis) - Dariusz Juzyszyn (Croton).

Distribution

IT/

Première mondiale de Quo Vadis : le 30 août 2001 dans le hall de Paul VI au Vatican

PL/

Première polonaise : le 9 septembre 2001 à Varsovie

FR/

A Cannes : 12 mai 2001

BE/

Europalia-Pologne : 4 décembre 2001

Notes
Tournage (127 jours) : 8 mai-3 novembre 2000 en Tunisie, France, Rome et Pologne (78 décors différents). Budget : 18 millions de dollars. En vue sortie : juin 2001.
Le Transtevere (partiellement ?) et Antium furent reconstitués à Monastir et l'Ostrianum dans les grottes de El Haquaria (Tunisie). La révolte du peuple a été filmée devant le Pont du Gard (France) et d'autres scènes à Val Joannis, en France également.
En Pologne : l'amphithéâtre à Varsovie; le Transtevere (principalement ?) et le Forum romain à Piaseczno; les jardins de Néron à Wilanów; le palais de Néron à Modlin.

11 décors ont été construits au prix de 16 millions de zlotys (soit 3,8 millions de dollars). Entre autres : un amphithéâtre romain où l'on a tourné les scènes avec les lions, le combat entre Ursus et le taureau, les scènes du martyre et de la crucifixion des chrétiens; le Transtevère, quartier des pauvres, avec 6 ruelles, un temple, la maison de Cryspus, l'appartement de Chilon Chilonides, une huilerie et un débit de vin; la maquette d'un pont sur le Tibre; un forum impérial; les intérieurs du palais de Néron, richement décorés, où l'on a tourné la célèbre orgie chez Néron; les intérieurs des maisons de Pétrone et de Marcus Vinicius; et la chambre de Chrysothémis.

Soixante-dix rôles, 1.700 figurants et 50 animaux ont joué dans le film, dont 15 lions venus de la République tchèque, 30 chevaux et 3 taureaux.
Cent trente-deux scènes et 470 plans ont été tournés; 95 kilomètres de pellicule ont été impressionnés; le montage du film s'est effectué à partir de 55 heures de rushes et a duré 1.200 heures. Pour réaliser les costumes, 17.622 m de tissus ont été utilisés; 1.200 costumes ont été cousus et 150 ont été loués; 10 costumes différents ont été préparés pour Néron, 7 pour Lygie et Marcus Vinicius, 5 pour Poppée; 400 perruques, 100 demi-perruques, 150 tresses et nattes, 60 toupets de cheveux; 5.000 accessoires ont été utilisés, au prix de 1 million de zlotys (soit 240.000 dollars); environ 2,7 millions de zlotys (plus de 650.000 dollars) ont été payés en cachets des comédiens; 10 kg de poudre cosmétique, 40 boîtes d'ombre à paupières, 1.000 bombes de laque pour les cheveux, 1.000 bâtons de rouge à lèvres, 500 boîtes de crême protectrice.
Tandis que démarrait le tournage en Tunisie, un monument dédié à H. Sienkiewicz était inauguré dans le parc de Lazienki par l'arrière-petite-fille de l'écrivain (5 mai 2000).

Scénario
Sous le règne de l'empereur Néron, Vinicius, un jeune patricien, tombe amoureux de la belle Lygia, fille d'un chef barbare mort au combat. Il veut qu'elle lui appartienne. Pour Lygia, élevée dans une famille chrétienne, devenir concubine serait à la fois un péché et une honte. Pétrone, l'oncle de Vinicius, épicurien et amateur des arts, à qui même Néron prête une oreille attentive, essaie d'aider son neveu à enlever la jeune fille.
Mais Ursus, serviteur fidèle de Lygia, colosse à la force surhumaine, intervient pour libérer la jeune femme. Vinicius, fait appel aux services d'un voyou, Chilon Chilonidès, afin de retrouver la demoiselle. Lors d'une tentative d'enlèvement dans une maison chrétienne, Vinicius est blessé. Il est secouru par Lygia qui prend soin de lui et ne reste pas indifférente à ses faveurs. Vinicius est impressionné par le christianisme; il demande à l'Apôtre Pierre de le préparer au baptême. Pierre bénit également leur amour.

Poète médiocre mais ambitieux, Néron se rend avec sa cour à Antium pour s'adonner à la création artistique. Vinicius et Pétrone l'accompagnent.
Soudain, on l'informe d'un grand incendie à Rome. On peut deviner qu'il a été provoqué sur ordre de l'empereur. Vinicius revient à Rome pour retrouver Lygia. Quand il la retrouve, il reçoit le baptême des mains de l'Apôtre Pierre. Néron aussi revient à Rome, et à la lueur des flammes il chante des hymnes inspirés par la catastrophe qui a embrasé la ville. Dans les rues éclatent des émeutes. Pour calmer les foules, Néron accuse les chrétiens d'être à l'origine de l'incendie. Pétrone s'oppose et tombe en disgrâce. Les Chrétiens sont massacrés ou jetés en prison. Ils périssent ensuite, brûlés vifs, crucifiés ou dévorés par des bêtes sauvages.
Parmi les prisonniers se trouve aussi Lygia. Vinicius cherche en vain un moyen de secourir sa bien-aimée. Lors des jeux suivants apparaît un taureau portant Lygia nue, attaché sur son dos. Ursus, condamné également, réussit à rompre le cou de la bête. Les Romains réclament la grâce pour Ursus et Lygia. Néron l'accorde bien qu'il le fasse contre son gré.
Vinicius et Lygia quittent Rome. Chilon Chilonidès qui dénonçait les Chrétiens, à la vue de leur châtiment se convertit et meurt sur la croix. L'Apôtre Pierre tente de quitter la ville, mais il revient sur ses pas après avoir rencontré le Christ en chemin. Pétrone dont l'empereur réclame la tête, se suicide. Néron se déchaîne dans ses atrocités. Ses soldats et quelques notables se révoltent. Trop lâche pour se suicider, il périt de la main d'un de ses affranchis.

Critiques
"Du jamais vu. Les films polonais Par le feu et par le fer de Jerzy Hoffman et Pan Tadeusz de Andrzej Wajda occupent les deux premières places au box office en Pologne. Ils ont attiré l'année dernière 12,6 millions de spectateurs. Tous les films polonais ont été vus par 15 millions de personnes. En chiffres cela représente 206 millions de zlotys, autrement dit 60 % des recettes. Plus précisement en 1999 le film Par le feu et par le fer a été vu par 7,135 millions de personnes, et Pan Tadeusz, au 31 décembre 1999 : 5,5 millions. Aujourd'hui le film de Wajda comptabilise 6 millions de spectateurs et les séances continuent.
(...)
Hollywood polonais. En projet : le film Quo Vadis ? de Jerzy Kawalerowicz dont le budget s'élève à 12 millions de dollars - 2 fois plus que pour le film Par le feu et par le fer et 4 fois plus que Pan Tadeusz. Maciej Dutkiewicz va réaliser le film W pustyni i w puszczy - le coût : 3.85 millions de dollars. Les grands succès des films Pan Tadeusz et Par le feu et par le fer ont aiguisé l'appétit des réalisateurs polonais et les investisseurs n'ont plus peur des grands budgets. Ensuite, en projet, il y a la réalisation du film Przedwiosnie réalisé par Filip Bajon d'après le roman de Zeromski. Et encore Chopin film de Jerzy Antczak - le film sera en version anglaise."
Gazeta Beskid,
février 2000 - beskid.com


 

 

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NOTES :

(1) Sous le signe de la Croix/Les esclaves de Carthage (Guido Brignone, IT-SP - 1956) n'a par contre aucun rapport avec Quo Vadis ? - Retour texte

(2) 1830 fut, on le sait, une année de révolutions un peu partout en Europe : la Belgique y gagna son indépendance et la Pologne fut une fois de plus écrasée. Le Tsar avait offert au Roi des Pays-Bas l'aide de ses troupes pour mettre au pas les Belges révoltés, mais fut détourné dans son dessein par les troubles en Pologne.
Les chevaux des cosaques ne burent donc pas l'eau de la Senne, mais il s'en fallut de peu que l'auteur de ces lignes ne les rédige en néerlandais. Comme quoi, le malheur des uns... - Retour texte

(3)  Et, à partir de 1842, les "Résurrectionnistes" polonais. - Retour texte

(4) Guerre russo-japonaise, 1904-1905; "Dimanche Rouge" de Saint-Petersbourg, 22 janvier 1905; mutinerie du Potemkine, juin-juillet 1905. - Retour texte

(5) Par le feu et par le fer vient d'être porté à l'écran par le Polonais Jerzy Hoffman. - Retour texte

(6) Cf. D. Beauvois, Quo Vadis ?, Garnier-Flammarion, n°  362, 1983, pp. 5-6. - Retour texte

(7) Pour Sienkiewicz, les vices de Néron sont - bien entendu - le repoussoir obligé des vertus de son héros Marcus Vinicius et des chrétiens. Ce qu'il reproche à Zola, c'est de ne pas avoir de héros exemplaires à opposer aux humaines turpitudes. - Retour texte

(8) Dans sa préface au Satiricon de Pétrone, Jean Dutourd s'étonne, lui aussi, que le catholique Sienkiewicz ait pris pour héros "un luron de cet acabit, cynique, joyeux, complètement immoral et aussi leste dans ses écrits..." - Retour texte

(9) Henri de Montherlant, Le Treizième César, op. cit., p. 153. L'auteur fait référence "à une édition courante Lethielleux, datant sans doute de 1903 ou 1904". - Retour texte

(10) H. de Montherlant, Les Bestiaires, Plon, 1926, pp. 12 et 25. - Retour texte

(11) H. de Montherlant, Le Treizième César, Gallimard, 1970, pp. 150-152. - Retour texte

(12) Boleslaw Prus, pseudonyme d'Alexander Glowacki (1847-1912), avait pris part à l'insurrection de 1863. - Retour texte

(13) "Non loin de la Porte Capène..." écrit Sienkiewicz. En réalité, il y a près de 2 km entre les deux. - Retour texte

(14) Trad. Ely Halpérine-Kaminski. - Retour texte

(15) Paroles du Saint Père à l'issue de la projection en avant-première du film Quo Vadis - Jeudi 30 août 2001 :
1. "Je désire exprimer ma plus vive reconnaissance à ceux qui ont rendu possible ce soir la vision en avant-première d'une œuvre qui, sous de nombreux aspects, est véritablement significative. Je félicite tout d'abord le metteur en scène, M. Jerzy Kawalerowicz, et le producteur, M. Miroslaw Slowinski, d'avoir réalisé un travail d'une aussi grande envergure, qui révèle l'actualité du roman de Henryk Sienkiewicz, écrit il y a plus d'un siècle et qui lui valut le Prix Nobel en 1905.
Cette nouvelle adaptation cinématographique a été préparée à l'occasion de l'An 2000. Au cours du grand Jubilé, le Christ a dans un certain sens à nouveau traversé les routes de Rome et du monde entier. Et nous Lui avons répété les paroles de l'Apôtre Pierre, rapportées par saint Ambroise (Serm. c. Auxentium, 13) : "Domine quo vadis ?" - "Seigneur, où vas-tu ?" Jésus, comme à l'époque, nous a répondu : "Venio iterum crucifigi" - "Je viens pour être à nouveau crucifié." C'est-à-dire, je viens renouveler mon don de salut à tous les hommes, à l'aube du troisième millénaire. Dans cette perspective, l'intention du metteur en scène de reproposer la question de Pierre comme étant adressée à l'homme contemporain prend une profonde signification : "Quo vadis, homo ?" - "Où vas-tu, homme ?" Vas-tu vers le Christ, ou suis-tu d'autres voies, qui te mènent loin de Lui et de toi-même ?
Cette interrogation nous touche encore davantage, si l'on considère que le lieu dans lequel nous nous trouvons en ce moment est précisément celui où, il y a deux mille ans, eurent lieu certains faits racontés par le roman et le film Quo vadis ? Nous nous trouvons, en effet, dans la zone du cirque de Néron, où de nombreux chrétiens subirent le martyre, y compris saint Pierre. Un témoin muet de ces événements tragiques et glorieux est l'obélisque, ce même obélisque qui se trouvait alors au milieu du cirque et qui depuis le XVIe s. se dresse au centre de la Place Saint-Pierre, cœur du monde catholique. Sur cet obélisque trône la Croix, comme pour rappeler que la terre et le ciel passeront, ainsi que les empires et les royaumes humains, mais que le Christ demeure. Il est le même : hier, aujourd'hui et à jamais.
Le Saint-Père poursuit en polonais :
2. Je remercie profondément de cette soirée particulière toutes les personnes ici présentes, en particulier les producteurs du film : le metteur en scène Jerzy Kawalerowicz, les très bons acteurs et ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la réalisation de cette œuvre.
Une évaluation artistique du film sera effectuée d'ici peu par la critique. Je désire seulement remercier pour le respect avec lequel le film a été réalisé - du respect non seulement pour le chef-d'œuvre de Sienkiewicz, mais surtout pour la tradition chrétienne, dont il est issu. On ne peut pas comprendre la situation actuelle de l'Eglise et de la spiritualité chrétienne si l'on ne revient pas aux événements religieux concernant les hommes qui, enthousiasmés par la "bonne nouvelle" sur Jésus-Christ, devinrent ses témoins. Il faut revenir à ce drame qui eut lieu dans leurs âmes, dans lesquelles s'affrontèrent la crainte humaine et le courage surhumain, le désir de vivre et la volonté d'être fidèle jusqu'à la mort, le sentiment de la solitude face à la haine impassible et, dans le même temps, l'expérience de la puissance qui naît de la présence proche et invisible de Dieu et de la foi commune de l'Eglise naissante. Il faut revenir à ce drame pour que la question suivante soit posée : Quelque chose de ce drame a-t-il lieu en moi ? Le film Quo vadis ? offre la possibilité de revenir à cette tradition d'épreuves émouvantes et il aide à se retrouver en elles.
Encore une fois, je vous remercie tous.
Le Saint-Père poursuit en italien :
3. Je remercie à nouveau ceux qui ont offert et organisé l'avant-première de cette soirée, et je donne de tout cœur à vous tous et à vos proches une Bénédiction apostolique spéciale."
(www.giubileo.va). - Retour texte

(16)  La très complète édition Garnier-Flammarion n'en compte que 500. - Retour texte

(17) Toutes nos citations de Quo Vadis ? sont empruntées à la traduction d'Ely Halpérine-Kaminski, dans l'édition Garnier-Flammarion. - Retour texte

(18) Par exemple la pompa, la parade dans l'amphithéâtre qui précède les combats de gladiateurs : on voit à l'écran un défilé militaire, des porteurs d'enseignes précédés d'un officier en char (un tribun ou, plus probablement, un centurion) qui n'avaient vraiment rien à faire en pareil lieu. - Retour texte

(19) Découvert à proximité du palais en 1506 : on suppose qu'il faisait partie de ces statues razziées en Grèce pour décorer la Maison Dorée (actuellement au Vatican). - Retour texte

(20) Cizek, Néron, op. cit., pp. 317 n. 35, 358 et 375-376 n. 9; p. 434 il donne la bibliographie de cette question controversée. - Retour texte

(21) Description dans Suét., Nér., 31. On trouvera une reconstitution en 3D de la Domus Aurea sur www.acsys.it (Société Advanced Computer Managing). - Retour texte

(22) Cf. Françoise Liffran (sous la dir.), Rome 1920-1945 (Le modèle fasciste, son Duce, sa mythologie),Autrement, Série Mémoires, n°  7, 1991; Philippe Foro, "Archéologie et romanité fasciste. De la Rome des Césars à la Rome de Mussolini", in Retrouver, imaginer, utiliser l'Antiquité (Colloque de Carcassonne, mai 2000), Privat, 2001. - Retour texte

(23) A propos du palais de Néron, cf. Eva Bensard, "Un Versailles antique au cœur de Rome : La Maison Dorée de Néron", in Archeologia, n°  362, décembre 1999, pp. 30-35. Pour la peinture romaine, on se reportera à Alix Barbet, "La peinture romaine. Le Centre d'étude des peintures murales romaines à Soissons", in Archeologia, n°  71, juin 1974; "La peinture romaine. Le métier du peintre. Evolution des styles", Histoire et Archéologie, n°  89, décembre 1984; "Le décor romain. Les méthodes de relevé et de restitution", Dossiers Histoire et Archéologie, n°  119, septembre 1987. - Retour texte

(24)  Au départ, 4 épisodes seulement étaient prévus. - Retour texte

(25) Champion du monde de judo. - Retour texte